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samedi, 20 février 2016

“comme l'intérieur d'un insecte”

 « Je dois dire aussi : l'écriture est l'offrande d'un balbutiement. »

(Marina Tsvetaïeva, d'après C. Garcin, p. 74)

 

La vingtième des 24 Vidas de Christian Garcin, un de ses premiers livres (1993), s'achève sur l'exécution d'Étienne Dolet, poète et imprimeur — j'avoue n'avoir connu, jusqu'alors, que l'imprimeur. Dans la description du geôlier qui vient chercher Dolet pour le mener à l'échafaud resurgit l'attention particulière de Garcin aux odeurs (comme dans les premières pages de Du bruit dans les arbres, 2002).

L'homme qui vint le chercher était jaunâtre et puant comme l'intérieur d'un insecte. Il ouvrit la porte du cachot, grogna quelques mots, baissa les yeux devant ce regard noir, scrutateur, cette absence de terreur. (p. 127)

 

Je ne suis “entré” pleinement dans le livre que tard. Ce sont les quatre portraits rassemblés dans la cinquième partie, “Oublis”, qui m'ont vraiment convaincu du projet; jusque là, j'étais réservé, trouvant ces vies brèves trop sommaires, justement, ou alors parfois trop évidemment inventées, comme manquant de variation stylistique, phrases faites au moule. C'est très méchant, et très faux, ce que j'écris, mais je le note quoique j'aie changé d'avis. Ayant commencé en léger décalé la lecture de L'Encre et la couleur (1997), il me semble que la recherche de phrases plus variées, moins rivées au rythme ternaire, risquant l'allongement, est devenue plus centrale au projet de Garcin. (Pour se faire une idée du premier style, abrupt et chantant, de Garcin, cf par exemple la vie brève de Peire Vidal, Vidas 63-67).

Vidas s'achève sur un portrait de Donatello ; le livre de 1997 s'ouvre sur Masaccio. Pour ce qui est de l'allongement, il concerne les chapitres, les “vies” elles-mêmes : alors que les deux livres sont de presque égale longueur, L'Encre et la couleur est constitué de sept chapitres, contre 24 dans Vidas.

 

Ce que l'on trouve déjà dans Vidas, c'est – outre l'odorat qui s'ouvre un chemin dans l'écriture – la façon qu'a Garcin de développer une phrase à partir des sonorités du mot – ou de l'expression – qui figure à son début, comme, ci-dessous, dans un extrait de la “vie” de Diogène :

Lors des joutes oratoires qu'il aimait provoquer, il avait toujours le dernier mot – soit que ses arguments déroutassent ses adversaires, soit que son outrance les déconcertât. (p. 142)

 

Parfois, ce travail part d'une anagramme partielle, comme dans la série soir → rosi (où l'on retrouve aussi la réminiscence du “beau ciel d'automne calme et rose” de Baudelaire) :

Contemporains, comme les parfums qu'apportait le vent du soir, et que Salluste, Cicéron ou Martial avaient sentis avant lui, près des mêmes colonnes, des mêmes architraves, sous le même ciel rosissant. (p. 146)

 

10:09 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)

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