mercredi, 10 février 2016
Glasfuß u. Gestrüpp
En lisant le dernier livre traduit de Herta Müller (Dépressions. Gallimard, 2015), je me fais honte de ne jamais avoir essayé de lire ses œuvres en allemand. Et surtout, plus que la honte, ce sont les questions qui ne manquent pas de fourmiller.
Ainsi, quand, dans le passage ci-après, le travail sur les sons vocaliques, le rythme, les rimes à l'intérieur des phrases de prose, est aussi colossal, je ne peux m'empêcher de me demander à quoi ça ressemble en allemand, si toutes ces concordances ont été reprises par la traductrice, Nicole Bary*, ou si certaines font l'objet, de sa part, d'une compensation... bref, comme il est idiot de ne pas avoir des semaines de 373 heures et de ne pas lire Herta Müller dans l'original.
Les yeux profonds du père regardent le pied de verre noir de la mère avec la déchirure blanche. Les souliers noirs de la mère enjambent les taupinières entre des tombes étrangères.
Nous passons sous le porche du cimetière. Le village s'enfonce en lui-même et sent le sapin et la fougère, les chrysanthèmes et les coulures de cire. **
(“Tango appuyé”, in Dépressions, p. 121)
* Quoi qu'il en soit, le livre est si beau, si singulier, la langue si lancinante et belle, que c'est forcément une bonne traduction.
** Finalement, grâce à une édition pirate en ligne de Drückender Tango, j'ai pu accéder à l'original. Je laisse chacun juge :
Vaters tiefe Augen schaun auf Mutters schwarzen Glasfuß mit dem weißen Riß. Mutters schwarze Schuhe gehen über Maulwurfshügel zwischen fremden Gräbern.
Wir gehen durch das Friedhofstor. Das Dorf sinkt in sich ein und riecht nach Tannengrün und Farn, nach Chrysanthemen und nach wächsernem Gestrüpp.
10:10 Publié dans Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 09 février 2016
Quatrains bifides (Gorongoza)
23 janvier 2016.
Qui vivra lira
Son avenir dans le marc.
Carlos Lopes Pereira
Veut redonner vie au parc.
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Un plat cuit au curcuma
Ne plaît pas aux enfants.
La guerre civile a trauma-
Tisé les éléphants.
********
Si je souffle du mufle
Très franchement ça coince.
Sur 14.000 buffles
Il n'en restait que quinze.
********
Le lyrisme et tout le tintouin,
C'est pour les poètes — les vieux !
Phacochères et babouins
Ont repris possession des lieux.
********
À peine a-t-il dit bonjour
Qu'il fume une clope.
C'est la saison des amours
Chez les antilopes.
********
Il aimait faire des dames
De beaux portraits au Kodak.
L'excrément des hippopotames
Apporte des nutriments au lac.
********
Jamais je n'irais chercher
De prétexte à être malade.
Le crocodile asséché
A une perruque en salade.
********
Quoi, après notre idylle,
Tu me cherches querelle ?
Le bébé crocodile
Becte une sauterelle.
********
En mangeant de la mort-aux-rats
On risque une grosse gastro.
Carlos Lopes Pereira
A pour sosie Fidel Castro.
.
14:41 Publié dans Quatrains conversationnels | Lien permanent | Commentaires (0)
Ruptures
Comme hier, à Paris, un vent à décorner les markhors m'a tiré du lit, à Tours, vent plus fort encore à 7 h 20 qu'il y a deux heures.
L'avantage des fins de nuit un peu précoces, c'est de pouvoir régler, par mail, des questions importantes avec les partenaires australiens, malais et coréens — et japonais — alors que, pour eux, c'est l'après-midi.
1 h 20, donc, à traiter les mails professionnels... Dire que je me levais en pensant avancer dans les textes personnels pour le blog anthracite...
07:23 Publié dans Chèvre, aucun risque, Moments de Tours, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 08 février 2016
... du grain à mudre
passez par la calamistoufle
ô hérauts du matin de brou
on vous réchauffe peu ou prou
qui du bonnet qui de la moufle
à retomber dans votre trou
reprenez doucement le souffle
& engoncés dans votre doufle
passez par le chavirécrou
vous abhorrez la frangisudre
& le si élégant tonkin
à vous plumer le maroquin
ça va donner du grain à mudre
aux fanas d'homéotéleutes
& aux salopiots herméneutes
15:36 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 07 février 2016
Loris grêles
2 janvier
Sous l'averse et la grêle,
Je connus des revers.
Des jumeaux loris grêles
Naquirent à Anvers.
20:30 Publié dans Quatrains conversationnels | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 05 février 2016
Fin de stage
18:26 Publié dans WAW, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 04 février 2016
Dissidence dans le classement
Quel plaisir de perdre cinq minutes, parfois plus, à chercher un livre sur mes étagères “africaines”, parce que le classement est totalement anarchique, ni alphabétique ni par pays ni même par auteur, pas vraiment par format... Je m'y retrouve à peu près, et quand je ne m'y retrouve pas, c'est l'occasion de s'arrêter sur un titre, d'ouvrir un ouvrage qui avait été un peu délaissé...
mercredi, 03 février 2016
Versura
Au bout du sillon, la charrue fait demi-tour. Le mot latin qui désigne l’endroit et le moment où la charrue fait demi-tour est versura, qui a donné vers en français. Le vers du beau langage est lié au monde de la parcelle utilitaire, du champ cultivé, de la raison humaine qui soumet la nature à ses besoins et ses codes. Le monde de la forêt est celui du langage superfétatoire, absent.
(C. Garcin. L’autre monde, p. 12)
La schize charrue / forêt, plus que le souvenir du titre d’un des carnets de Pinget (la métaphore du harnais restera toujours, pour moi, plus sourdement et lourdement opérante), me suggère des pistes du côté de Tutuola (quand la langue cesse d’épouser la norme régulière, là est la rencontre avec la forêt déréglante) ou de Nii Ayikwei Parkes (l’inassignable notre quelque part, entre le monde des codes mis en parcelles et le monde par nous).
09:56 Publié dans Affres extatiques, Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 02 février 2016
2013-2016
2 février 2013.
Je vais mettre un crêpe noir pour relire Raymond Chandeleur.
2 février, jour du calembour pourri.
Aujourd'hui (même jour, en 2016)
En mangeant une crêpe accompagnée d'un gobelet de thé aromatisé à je ne sais déjà plus quoi au stand de l'association des étudiants anglicistes, j'ai eu une discussion tout à fait passionnante avec deux anciens étudiants, actuellement en M2, et avec une étudiante de L1 que je n'ai pas dans mes cours, notamment sur l'évaluation des enseignements.
(Moins pourri.)
(Lointain écho d'“Exister est un plagiat”, sous une autre forme, et du Temps immobile.)
22:06 Publié dans Célébrations improbables, Exister est un plagiat, La Marquise marquée | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 01 février 2016
Traîne-buisson
Le Lexique n’est pas mon livre préféré de Christian Garcin. De manière générale, je comprends que les écrivains s’adonnent à l’exercice de l’abécédaire, du répertoire, mais même ceux qui y excellent produisent, au moins selon moi, des ouvrages mineurs. (Pourquoi pas, hein. On ne peut ni ne doit toujours viser ou lire que l’opus magnum).
Je ne compte pas généraliser, de toute façon.
L’objet de cette notule est de signaler une erreur, à l’article traîne-buissons. En effet, Garcin écrit qu’il s’agit de « l’autre nom d’un oiseau extrêmement discret, l’accenteur moucheté » (L’Escampette, 2002, p. 84). Coquille, sans doute : le nom de l’oiseau est bien l’accenteur mouchet. D’autre part, c’est à Buffon que l’on doit le nom plus imagé de traîne-buisson, mais au singulier.
Ça tombe bien – pour lancer enfin peut-être l’Atlas – pour signaler surtout un attachement ancien à ce joli passereau souvent confondu avec la femelle du moineau domestique, quoiqu’il soit plus replet, nerveux – et solitaire.
10:19 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)