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jeudi, 29 septembre 2005

Corne de taureau, suite (enfin!)

J’ai oublié de reparler de L’Âge d’homme, de Michel Leiris, que, intrigué par une remarque de Simon, j’ai emprunté il y a deux semaines à la médiathèque de La Riche. J’ai manqué de temps pour relire ce remarquable texte. En revanche, j’ai pu vérifier que la phrase citée est en partie inexacte, peut-être à cause de la présentation de l’extrait proposé à la sagacité des charmants lycéens de Sainte Ursule. La phrase exacte est « Donc, je rêvais corne de taureau. » et se trouve au tout début de la troisième section de l’avant-propos écrit par Leiris en 1946, soit sept ans après la parution de L’Âge d’homme properly speaking, avant-propos archi-célèbre en effet, connu sous son titre « De la littérature considérée comme une tauromachie », et dans lequel Leiris revient sur certaines circonstances de l’écriture et précise certaines des références à l’art du matador qui émaillent le texte de son autobiographie.

 

Présenter ce texte, qui aborde certains points essentiels de l’écriture autobiographique (et qui a certainement pu taper dans l’œil (in familiar parlance) d’un collègue affairé à renouveler ou composer sa “séquence” sur le biographique, en première), présenter ce texte sans les deux pages qui précèdent revient à lui enlever presque tout son sens, ce que le Donc d’amorce signale assez, d’ailleurs. Toutefois, si cet incipit est suffisamment contextualisé, la suite du passage, qui illustre la volonté de Leiris d’être, comme « le matador qui tire du danger couru occasion d’être plus brillant que jamais » (Folio, p. 12), est très riche, passionnante, l’un des textes les moins complaisants qui soient sur l’acte d’écriture, la confession, l’introspection (à la base de laquelle toujours « il y a goût de se contempler », p. 13).

 

Quand Leiris écrit « Donc, je rêvais corne de taureau. », ce qu’il dit, d’un certain point de vue, c’est que son idéal d’écriture, étroitement lié à l’expérience onirique (rêver n’est pas nécessairement une métaphore), consistait, à ce moment d’imparfait, à vouloir affronter sa propre confession, sa propre vie, se coltiner cet autre en lui, comme le matador affronte le taureau.

 

Il a été beaucoup question, récemment, de la littérature qui serait question de vie ou de mort. Je ne saurais mieux souscrire à cette affirmation. Ainsi, se contenter de lire quelques phraseurs à la mode (le superficiel Houellebecq par exemple), sans jamais plonger au cœur de ce qu’a été l’écriture pour des maîtres anciens, c’est se satisfaire d’un rapport strictement ludique ou soi-mêmiste (comme dirait l’autre) à la littérature. Non étudier pour décortiquer, comme les mauvais professeurs, ni pour expliquer, ni seulement pour se divertir. Seul l’excellent, seul l’éternel. Cela, c’est la littérature goûtée à la profondeur des papilles, estomaquée, déroutante, qui fait perdre le sommeil.

 

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En écoute : Costanza tu m’insegni, e vuoi ch’io speri (air d’Astolfo dans l’Acte I de l’Orlando furioso de Vivaldi). Lorenzo Regazzo, Chœur ‘Les Eléments’ & Ensemble Matheus, Naïve 2004.

 

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