vendredi, 20 avril 2007
Points virgules, élections, traductions estudiantines
Parcourant, pour la première fois depuis 2005, les quelques pages de journal écrites en juin 2002, je tombe sur ces trois entrées, toutes d'actualité :
18 juin, 16 heures.
Sinon, passé une partie de la journée à corriger des versions insensées (adjectif employé littéralement). Texte difficile, certes, d’E. M. Forster, d’autant que s’adressant à des non spécialistes de deuxième année (notamment des lettres modernes), mais je sais, par expérience, que, même avec le texte le plus expurgé, le plus évident, le plus facile, on trouve des pépites sans nombre, des phrases entières dénuées de sens.
L’expression woolly rhinoceros (rhinocéros laineux (ils ont, pour l’examen, un dictionnaire unilingue) a donné lieu aux fictions les plus réjouissantes : ‘les indescriptibles rhinocéros’, ‘les rhinocéros blancs’, ‘les rhinocéros à poil’, ‘les rhinocéros à poils longs’, ‘les rhinocéros des bois’, ‘les rhinocéros poilus’, ‘les rhinocéros velus’, ‘les rhinocéros à laine’, et surtout (la palme !) ‘les rhinocéros angora’… ! La phrase elle-même a donné lieu à deux perles : « les luttes contre les mammouths ou ce qui nous semble être des rhinocéros » ; « fatigués des luttes contre le mammouth et contre la peau de rhinocéros ». Ce doit être fatigant, en effet, et même pour un homme de Néanderthal (dont il est question dans le texte), de se battre contre une peau de rhinocéros !
Mais ce n’est qu’un exemple parmi d’autres, plutôt amusant en l’occurrence. Le plus déprimant, ce sont ces monceaux, ces tombereaux de phrases alignées comme à la parade, où des mots vagues ou approximatifs sont juxtaposés et liés par une syntaxe incohérente, le tout ne signifiant, en fin de compte, absolument rien ! Il n’y a pas si longtemps, je pense, ce supplice était réservé aux professeurs de lettres classiques.
18 juin, 21 heures.
Hier, à la mosquée, avec Frédéric : il m’annonce qu’il a décidé de ne plus parler de politique, que cela n’a occupé que trop de ses conversations depuis son retour des Etats-Unis (il y avait passé une quinzaine fin avril, pour le travail, à Providence) et ce fameux second tour, que cela n’avance à rien, ne fait rien avancer, est épuisant finalement et contre-productif. Il n’a pas dit ça comme ça, je remets ça à ma sauce. Mais j’ai trouvé ça assez fort, et un peu agaçant aussi, qui sait…
20 juin, 8 h 45.
Je remarque que j’utilise beaucoup le point-virgule, dont Renaud Camus signale qu’il n’est pas apprécié des journalistes et des simplificateurs en tout genre ; le point-virgule joue un rôle très particulier aussi dans Le Génie du lieu ; cela mériterait une analyse.
« Puisque vous écrivez de courts paragraphes, à quoi vous sert le point-virgule ? »
Je ne sais.
00:45 Publié dans Ecrits intimes anciens | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Ligérienne, Littérature, Traduction
Commentaires
Ça, je dois avouer que mes traductions de latin tenaient de la fiction oulipienne : voyons, que puis-je raconter avec tous ces mots?
Écrit par : VS | vendredi, 20 avril 2007
Vous utilisez beaucoup le point-virgule.
Vous écrivez de courts paragraphes, donc le point-virgule vous sert pour lier d'une certaine façon les deux paragraphes.
Le point-virgule joue un rôle très particulier aussi comme "clin d'oeil "; cela mériterait une analyse.
;
Écrit par : buba | vendredi, 20 avril 2007
Pas de mots à propos de ... élections ...
Pas encore.
Écrit par : pat | vendredi, 20 avril 2007
M'sieur, je plaide coupable, car, même en m'appliquant, j'avoue, moi aussi, faire partie de ces "pépites sans nombre, des phrases entières dénuées de sens". Je suis un peu moins (et encore) candidate au "supplice" infligé à ces pauvres professeurs, mais en deuxième année, non seulement étais-je une abonnée, que dis-je, récidiviste à ces "monceaux, ces tombereaux de phrases alignées comme à la parade", mais, sans honte, j'avoue aujourd'hui que je ne m'en rendais pas compte. Déprimant effectivement......quoique le plus déprimant serait de ne jamais s'en rendre compte. Au moins, je ne me cache pas, j'suis nulle en trad.
Cela fait sourire, souvent rire les professeurs, donne lieu à des bêtisiers en tout genre, mais s'il vous plaît, pensez à ceux/celles qui s'accrochent, vous êtes peut-être passés par là...
Écrit par : Aurélie | vendredi, 20 avril 2007
Bonjour,
J'espère Guillaume que tu as reçu ma réponse.
N'ayant plus ni téléphone ni connexion internet pour le moment je ne peux en dire plus.
Avec mes meilleures salutations
Pierre Driout
Écrit par : Pierre Driout | vendredi, 20 avril 2007
Tu as déjà lu le livre que Lynne Truss a écrit en 2004: "Eats, Shoots and Leaves: The Zero Tolerance Approach to Punctuation" ?
Parmi les commentaires des lecteurs sur Amazon: "Making grammar fun"; ta note d'aujourd'hui me l'a rappelé; je suis en train de terminer ses pages sur le point-virgule.
Guillaume dirait: "Pas inintéressant".
Écrit par : patricia | vendredi, 20 avril 2007
Petite devinette. De qui est l'affirmation suivante :
« Qui a inventé le point-virgule ? Je ne sais pas. À quoi sert-il ? À rien. À embêter le monde. À rassurer les écrivains timides. À masquer le flou de la pensée derrière le flou de la syntaxe... Bref, à rien de bon. (...) Guerre au point-virgule, ce parasite, ce timoré, cet affadisseur, qui ne marque que l'incertitude, le manque d'audace, le flou de la pensée, et colle aux dents du lecteur comme un caramel trop mou ! » ?
Vous séchez ? De François Cavanna, naturellement, grand pourfendeur de points-virgules devant l'éternel, dont un dessin de Cabu, il y a vingt-cinq ans dans Télérama, le montrait capable de piquer une colère lors du bouclage de Charlie Hebdo en découvrant, dissimulé dans un article ou dans une légende, « ce triste bâtard ni chèvre-ni choux » qu'est donc, selon lui, le signe en question.
Écrit par : Chieuvrou | samedi, 21 avril 2007
" Traité de la ponctuation française ", Jacques Drillon, éditions Gallimard - Tel.
(Et Cavanna est un con.)
Écrit par : Didier Goux | samedi, 21 avril 2007
Remords : Cavanna est un vieux con.
Écrit par : Didier Goux | samedi, 21 avril 2007
C'est ç'ui qui l'dit qui y'est.
Écrit par : Chieuvrou | samedi, 21 avril 2007
Bah, Gertrude Stein trouvait bien les virgules "totalitaires", et c'était quand même (ou aussi pour cela ?) un immense écrivain.
Écrit par : Guillaume Cingal | samedi, 21 avril 2007
" C'est ç'ui qui l'dit qui y'est. "
Aussi, oui.
Écrit par : Didier Goux | samedi, 21 avril 2007
Je ne peut pas croire que le "point-virgule" est le "point d'interrogation" pour les auteurs de littérature grecque moderne.
Une interrogation pour les élections?
Écrit par : pat | dimanche, 22 avril 2007
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