dimanche, 04 décembre 2011
3411 / Un surnom infini
Le bassiste était surnommé Chichon. De cela, je m’en souviens parfaitement. Mes correspondants peuvent m’étourdir de leurs demandes savantes, je n’oublierai jamais que le bassiste avait un surnom, et que ce surnom était Chichon.
Un beau jour, j’en aurai assez qu’on m’écrive sans arrêt pour me demander des détails sur Chizuko Mifune ou sur Ōtori Keisuke, et je n’accepterai, comme projet de travail en collaboration, que de réécouter les symphonies de Mahler, peut-être dans toutes les versions possibles ou archivées. Mais Mahler, ça, tout de même, oui, non ?
Bien entendu, Chichon n’a jamais joué les symphonies de Mahler à la guitare basse, même pas pour rigoler, même pas en se prenant pour Uri Caine. No pararon los irritados combatientes hasta que D. Marcos no derramó sangre á raudales, rasguñado por la poetisa. Mais tout de même, voilà un surnom auquel se raccrocher : Chichon. Un sacré surnom, non ?
Dans le même temps (et déjà la ligne de démarcation dénote une distance de plus en plus grande entre les différents protagonistes de cette sombre affaire, de cette « année bizarre » si vous voulez), l’Autre avait commencé, achevée sa relecture de Wittgenstein’s Mistress, à lire Reader’s Block, qui l’avait happé, tout autant. Il devint alors évident que, si le texte qu’ils écrivaient ensemble n’avançait pas, c’est que certains (lui, l’Autre, en premier lieu) se laissaient happer par des lectures qui les empêchaient d’écrire, ou plutôt, les empêchaient de trouver assez de temps pour écrire. Etait-ce cela, le fin mot ? être trop lecteur empêche d’être protagoniste… ?
L’Autre, surtout, écrivit à Numance et à Manuel pour leur proposer un travail différent des précédents : écrire une glose de chacun des paragraphes du livre de David Markson. Manuel refusa par retour de courrier. Scipio, cum aversum suum videret exercitum, pronuntiavit pro hoste sibi futurum, quisquis in castra redisset. Numance ne répondit jamais.
L’Autre, comme toujours velléitaire, s’ouvrit un petit bocal de graisserons, se fit quelques tartines de pain grillé, fuma à sa fenêtre, reprit le livre, passa à autre chose. On n’entendit plus jamais parler de son projet.
On dit que Numance n’a pas répondu car il était déjà mort, à ce moment-là.
11:05 Publié dans Une année de 398 jours | Lien permanent | Commentaires (1)
Commentaires
Le héros dans L'or, c'est autre chose.
Écrit par : MuMM | dimanche, 04 décembre 2011
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