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mardi, 20 mars 2012

Entrée du damier

"Avant le concert", iv Mardi 20 mars 2012 ╚→ Avoir le bourdon n’est pas donné à tout le monde, surtout au premier jour du printemps. Lorsque trois ans seront passés. Lorsque trois ans furent passés. Après trois ans, j’ai poussé le grillage et découvert, délavées par les intempéries, pas moins de vingt-quatre photographies – là, dans le jardin. Curieuse exposition, entre les murets affaissés, le portique rouillé, les ronciers brûlés par l’hiver. Même au premier jour du printemps, je voyais tout – une pause dans le périple : des escarpins dont le motif était un damier rouge et noir, de larges flaques de sang, les chevrons du réfectoire, un geste sirupeux du vieux violoniste, une belle phrase au feutre fin dans un livre d’or, les trois jeunes virtuoses debout pour le salut (et un peu compassés, mal à l’aise), un feu rouge flou en gros plan, diverses vues de l’église à moitié ruinée saisies au clair de lune, le piano sans pianiste. Etc. Ils se poursuivent en albums de ténèbres. C’est surtout le damier rouge et noir dont le souvenir me revient, après trois ans, et malgré le délavé de ce début de printemps. Au terme du périple, on ne balancera pas, on poursuivra le périple. Causa ruboris eram. On lancera des piques sans fard, on ne se permettra pas d’avoir le bourdon – même au premier jour du printemps – et on s’interrogera sur la disparition des grandes affiches métalliques du cirque Zavatta qui bordaient l’avenue Maginot. Il sera temps de porter, pour la première fois, ces élégantes chaussures marron à bout pointu, tout en songeant toujours au meilleur moyen de saisir, sans passer par le truchement (la tricherie) de la photographie, le damier rouge et noir des fugaces escarpins. Nouvelles godasses, premier jour du printemps. Causa ruboris eram.

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