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mardi, 12 avril 2016

Je n'ai pas de “sa-langue”

Après huit jours d'interruption pour cause de séjour parisien — et pourtant, comme je l'ai brièvement évoqué au début de la vidéo publiée avant-hier, j'avais envisagé divers tournages possibles dans la capitale (il n'en a rien été) —, j'ai repris le rythme quotidien d'enregistrement et de publication de traductions filmées improvisées.

Après deux poèmes de Ted Joans, ce qui m'a fait penser que lui, comme Red Shuttleworth et Tatamkhulu Afrika, mériterait sa pierre en France, je viens de traduire en anglais un poème très simple du poète belge Jean-Luc Wauthier. Comme l'objectif était que cette vidéo fût la plus brève possible, je ne suis pas entré dans les détails, mais :

* suite à une discussion avec François Bon, qui m'a dit il y a une dizaine de jours que mes vidéos français → anglais étaient moins intéressantes, j'ai beaucoup réfléchi, et maintiens qu'il ne s'agit pas seulement (et, en l'espèce, pas du tout (je montre plutôt mes failles)) de montrer que je suis fort en thème, mais de montrer une autre facette de l'exercice, de proposer une réflexion la plus complète possible, à ma modeste échelle, de ce que peut être une telle pratique quotidienne de la traduction littéraire improvisée

* pour cette raison, j'ai déjà fait une incursion dans le territoire allemand, et essaierai peut-être prochainement d'autres territoires (latin, italien, espagnol, portugais — soyons fous)

* dans la brève vidéo consacrée au poème de Wauthier, je parle de gymnastique, et c'est de cela qu'il s'agit : filmer le mécanisme, le fonctionnement d'un atelier parmi tant d'autres... et donc, cet atelier n'est pas uniquement, comme l'institution (universitaire autant qu'éditoriale) voudrait nous y réduire, celui d'un quidam qui traduit dans sa langue.

Pas du tout...

“Sa langue”... Quel non-sens...

Les éditeurs du monde entier n'admettent généralement de travailler avec un traducteur qu'à condition qu'il traduise dans sa langue maternelle. Je mets de côté le cas des personnes qui ont plusieurs langues maternelles, des vrais bilingues ou trilingues ; ce n'est pas mon cas, et je l'assume ; l'anglais ne sera jamais une langue que je maîtrise aussi exhaustivement que le français, et pourtant, si je lis un poème en français et si se met en branle, en moi, le passage dans cette autre langue qu'est l'anglais, je suis certain que ma langue, à ce moment-là, est l'anglais. Je peux penser et écrire en plusieurs langues, et je sais pouvoir passer de plusieurs manières d'une langue à une autre.  

Pour le dire autrement, et même si ça va sembler arrogant (or, ça ne l'est pas : je postule que cela est vrai de centaines de millions de personnes qui en font l'expérience quotidiennement ou presque) : quand je lis un texte, quel qu'il soit, et quand me vient progressivement ou par bribes la traduction de ce texte en anglais, la langue anglaise m'appartient plus qu'à bien de ceux dont elle est la langue, ou dont on voudrait fixer immuablement le fait qu'elle est “leur langue”, leur sa-langue.

Commentaires

Pour entendre des étrangers parler un Français parfait, bien plus parfait que n'importe quel Français le parlerait (des Hollandais et des Italiens, ma doué, mais je n'en reviens pas de leur français exquis), j'en viens à penser que ce sont eux les gardiens de "ma langue".

Mais je sais aussi qu'il leur faudrait une vie pour maîtriser ce que je maîtrise sans y penser, une référence à Popeck ou Casimir, un jeu de mot, un hit populaire un été (quand Matoo écrit dans un tweet: "Résiiiiisssttteee!" ou "Léon reviens, on a les mêmes à la maison") : paradoxalement, c'est ce que méprisent les puristes de la langue française qui est le plus rebelle à l'assimiliation par un étranger, qui est ce qui nous est le plus propre (et quand je lis Red Shuttelworth, c'est ce qui m'arrête à chaque vers: ce mot, est-ce une référence américaine, ou une invention redshuttleworthienne?)

Écrit par : VS | mercredi, 13 avril 2016

La langue d'un Red Shuttleworth est nécessairement un combinat (un agrégat ?) d'éléments culturels externes et de créations personnelles, de sorte qu'un Américain de même culture que lui (ce qui représente une minorité d'américains, je gage) distinguera aisément les idiosyncrasies des éléments communs à une certaine culture "de l'Ouest", par exemple et pour faire vite. En revanche, le creuset que représente “sa langue” (son idiolecte) n'est pas plus facile à saisir pour un locuteur anglophone (quelqu'un censé parler "sa-langue") que pour un lecteur attentif dont l'anglais n'est pas la langue maternelle.

Par ailleurs, la vraie question que je posais dans ce billet (mais je l'ai fait trop implicitement, il faudra que je lance un sondage au début d'une vidéo), c'est : est-ce que tout le monde est d'accord (avec F.B.) pour que je fasse surtout des traductions improvisées anglais → français ?

Écrit par : GC | jeudi, 14 avril 2016

Je suis rarement d'accord avec F.B. que je trouve un peu prétentieux (mais je ne devrais peut-être pas l'écrire, ce n'est pas "sympa").
Perso, tout m'intéresse, je ne sais jamais ce qui va m'arrêter, un détail renvoie à un autre détail, éclaire un souvenir incompris, etc. Et le thème, c'est quand même le nerf de la guerre.
Une amie allemande, prof de français, s'étonnait que nous fassions en France si peu de thèmes: après tout, c'était cela qui permettait de s'exprimer à l'étranger… Elle n'avait pas tort.

Par ailleurs, je n'ai pas encore regardé toutes tes vidéos, j'ai commencé tard, trente c'est trente jours…

Écrit par : VS | dimanche, 17 avril 2016

Chacun a le droit d'exprimer ses opinions ici, tu le sais.

Ton amie a raison : seul le thème permet de savoir qui maîtrise à peu près les codes d'une langue étrangère. En l'occurrence, mes vidéos n'ont pas ce but là, mais de montrer que la traduction d'une langue dans une autre, c'est avant tout la traduction de la langue individuelle d'un écrivain dans une autre langue.

Pour l'instant, je pense ne pas continuer, car les statistiques me montrent que les vidéos sont regardées en moyenne 3 minutes (sur des vidéos qui font le plus souvent 12-20 minutes), et que la plupart ont 10-15 vues... aucun intérêt, donc...

Écrit par : GC | dimanche, 17 avril 2016

Ce qui me surprend, c'est que tu fasses tout cela pour l'audience (ou le lectorat). Perdu d'avance, je l'ai appris avec la SLRC, silence, vide.
Mais ce qui était si insupportable sur un forum (pourquoi ce silence, est-ce que j'encombre, est-ce de ma faute) me tranquillise sur les blogs (YouTube je n'essaierai pas).

J'y pense: c'est peut-être ton goût du théâtre qui remonte. Corinne devrait te présenter à Benoît, te refaire monter sur les planches.

Écrit par : VS | mercredi, 20 avril 2016

Pas le succès, mais au moins un semblant de dialogue (pour les vidéos — pour les blogs, peu importe (et puis je t'ai, toi ;) )).

Écrit par : GC | jeudi, 21 avril 2016

Les commentaires sont fermés.