lundi, 08 juin 2020
Mother
Une de mes seules satisfactions de ces dernières semaines, c'est d'avoir tenu un journal assez exhaustif des films que nous avons regardés, et justement ces derniers temps je me suis un peu laissé aller. Je note donc qu'hier soir nous avons regardé Mother de Bong Joon-ho, plus connu récemment pour Parasite.
Parasite, nous l'avions regardé fin mars, et je n'avais alors pas noté le nom du réalisateur : c'est un travers fréquent, y compris des cinéphiles — ne pas citer le nom des réalisateurs étrangers quand ils ne sont pas américains ou ultra-connus. Je me rappelle que cela avait été dûment souligné lorsque Apichatpong Weerasethakul avait eu la Palme d'Or.
Mother m'a davantage plu que Parasite. Moins verbeux, moins hystérique, il s'agit d'un film mieux construit, mieux tenu en quelque sorte, et pourtant fort loin d'être minimaliste. Dès la scène initiale, de l'actrice interprétant la mère dansant au milieu d'un champ de blés, on comprend qu'il s'agit de représenter par cette danse les états contrastés du personnage au fil du film — un peu comme un prologue théâtral qui suggère et révèle. Le dosage entre drame et humour noir est subtil ; le scénario parvient à se structurer autour d'un personnage en situation de handicap sans sombrer dans le pathos ni dans la moquerie (encore que, si je cherchais, je trouverais sans doute des billets fustigeant le validisme du film) ; la satire sociale est efficace même quand on ne connaît à peu près rien à la culture coréenne ; enfin, la façon dont l'intrigue tourne autour du meurtre de la jeune prostituée est habile, un peu dans la lignée de Tarantino ou de Kitano. De nombreux plans sont sidérants de beauté et surtout d'efficacité narrative : ici, comme toujours dans les films que j'aime vraiment (et c'est un point d'achoppement, ou d'incompréhension, entre A* et moi), le formalisme n'est jamais gratuit.
On peut retenir, comme allégorie inversée — et quelque peu surnaturelle — du cinéma, le point d'acupuncture que la mère est seule à connaître et qu'elle s'applique dans la scène finale du voyage en car : cinq pouces au-dessus du genou, la piqûre efface les mauvais souvenirs.
* * * * * *
Ironie, nous avons vu ce film le jour de la fête des mères, fête dont tout a été dit et dont tout est dit chaque année : pétainiste, commerciale etc. Et pourtant rares celles et ceux qui n'en profitent pas pour faire un salut appuyé à leur mère, ou pour se la remémorer.
J'ai appelé la mienne, et nous avons parlé de ma grand-mère.
17:21 Publié dans *2020*, Tographe | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Tu admettras j'espère que Apichatpong Weerasethakul c'est quand même moins facile à retenir et prononcer (ou vice versa) que ... Alain Resnais par exemple!
Quant au film Mother que j'ai vu au cinéma à sa sortie je confirme ce que tu en dis et il faudrait bien que je le revoie d'ailleurs.
La fête des mères ... j'aime beaucoup mon cadeau, alors .... :-)) et j'avais aimé aussi, il y a quelques années, l'un des livres par toi offerts et, ce, malgré son titre: Médée de Christa Wolf.
Écrit par : Mylène | jeudi, 11 juin 2020
Ah, Médée pour un cadeau à sa mère, ça t'a traumatisée... mais ce qui compte c'est Christa Wolf, voyons !
Écrit par : Guillaume | vendredi, 12 juin 2020
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