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mardi, 19 juillet 2005

Le Gerris

Lu, ce matin, un article ancien de Libération intitulé "Le secret de l'araignée". Mon père m'en avait gardé l'original, et une photocopie. Il n'est malheureusement plus disponible gratuitement, mais il en existe une version équivalente quoique réduite, en anglais, sur le site du National Geographic.

Outre son caractère très intéressant, d'un point de vue tant scientifique que géostratégique, il m'a rappelé que j'avais créé, avec deux camarades, vers 1987, un club CPN (Connaître et Protéger la Nature) que nous avions baptisé "Le Gerris", en hommage à ces merveilleux funambules méconnus des mares.

Je vous sens passionnés par cet insecte et d'autres du même genre.

Par ailleurs, l'article date du 19 novembre 2004, date à laquelle je co-organisais le colloque Fantasizing Africa et à laquelle Jamal Mahjoub donnait sa lumineuse conférence sur l'avenir du roman africain.

18:00 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (9)

Torture et satanisme au Louroux

Je profite des moments passés chez mes parents pour lire de nombreuses revues, et notamment (parmi d’autres, d’art, de sciences, d’histoire), L’Oiseau Magazine , le trimestriel de la L.P.O.. Je viens de lire, dans le N° 78 (janvier-février-mars 2005), à la page 34, que des adhérents de la section Touraine avaient retrouvé trois effraies crucifiées sur une clôture au Louroux.

Je ne suis passé qu’une fois au Louroux, très jolie commune où je m’étais promis de revenir pour une visite plus approfondie. On voit que la Touraine, pour être au centre de la France, et prétendre en être le modèle (si tant est que cela veut dire quelque chose), n’en recèle pas moins ses imbéciles et ses barbares.

A ce stade, il me faut citer l’article :

« Fin janvier, deux adhérents de la LPO Touraine ont fait la triste découverte de trois effraies crucifiées sur une clôture d’un terrain en vente ! La petite commune du Louroux, où ce fait a été observé, serait-elle toujours habitée par des croyances arriérées ? Toujours est-il que ce sont trois chouettes qui ont fait les frais de ce geste odieux. Est-il utile de rappeler que ces espèces sont intégralement protégées et leur destruction est passible de sanctions pénales (9000 euros d’amende et 6 mois d’emprisonnement) ? Cette espèce paie déjà un lourd tribut aux collisions et du fait de la raréfaction des sites de reproduction (obturation des volets des clochers d’église, son habitat de prédilection). »

J’ajouterai aussi, sur cette question de l’habitat naturel des espèces, que, si vous avez la possibilité, à la campagne mais aussi dans tel verger de proche ville, d’empêcher un propriétaire d’abattre tel ou tel de ses arbres fruitiers morts, vous ferez grand plaisir aux chouettes chevêches, qui n’aiment rien tant que les cavités de pommiers morts pour y faire leur nid. Ce que l’article ne précise pas, tant c’est, pour les lecteurs ornithologues ou ornithophiles, évident, c’est que toutes les chouettes se nourrissent de petits rongeurs et sont, à ce titre, fort utiles aux cultures et aux cultivateurs.

Les rapaces ont été, dans leur ensemble, longtemps détestés (et continuent de l’être par les plus ineptes de nos concitoyens, semble-t-il), car on les croyait nuisibles. On sait maintenant que la notion même de biodiversité ne s’accommode pas, de toute manière, de cette dyade nuisible/utile, qui ne prend, comme point de vue, que celui de l’espèce dominante (l’homme). Mais tout de même, si vous devez convaincre quelqu’un qui a peur des chouettes (!) ou des chauve-souris (la famille de mammifères qui est la plus dévoreuse de moustiques et de moucherons, sans qu’il y ait besoin d’asperger les rideaux de produits insecticides cancérigènes), qu’il ne faut pas souhaiter leur extermination, l’argument de l’utilité reste imparable.

Multijournal, 14 et 20 décembre 2004

20 décembre 2004
J'ai entamé la lecture de L'Arbre anthropophage de Raharimanana, texte assez surprenant, décousu, nullement dans la veine poétique et éclatée que j'aimais tant chez lui et qui avait commencé, dans Nour, 1947, son roman publié en 2001, à avoir du plomb dans l'aile. Il cherche à faire un travail de redécouverte historique, de mémoire, ou d'archivage, de mise au jour de sources méconnues, tout cela relativement à Madagascar, et je ne suis pas réellement convaincu.

C. a interrompu son Vila-Matas pour Rabaté.

Ma mère fait le tri dans les photographies de son appareil numérique.

Comme A. a passé une bonne partie de la matinée dehors, avec une promenade jusqu'aux chevaux, chèvres et vaches de chez Daillat, il semblait très fatigué ce midi.

Il règne un soleil radieux, après les pluies diluviennes d'hier ("deux centimètres depuis midi" a annoncé ce matin, triomphant, mon père venu relever son pluviomètre), et la douceur de l'air donne à cette journée l'aspect paisible et immémoriel des Noëls landais de l'enfance.

Je m'interroge sur la complexité ternaire de ce journal, en espérant que je saurai maintenir le cap. Il faut surtout que, pour le site NEMO-OMEN, je retrouve de nombreux fichiers sur d'anciennes disquettes ou le vieil ordinateur de bureau. Le soleil radieux donne sur les porte-fenêtres, et j'ai pris, à la faveur d'un ciel clément, plusieurs photos dont quelques autoportraits dans le jardin, qui vont heureusement compléter ma collection.

……………………

14.12.04.
Ma soeur, D., a donc eu trente-quatre ans il y a six jours. Pour ses trente ans, ou plutôt, cinq jours avant son trentième anniversaire, le soir de sa soutenance de thèse, elle n'avait pas voulu venir fêter cela avec nous***. Will the circle be unbroken...

Déjeuné avec C. chez Zafferano, rue de la Grosse Tour. Vu plusieurs étudiants et étudiantes le matin, afin d'élaborer les programmes d'études provisoires.

Simultanément, dans la cuisine de Cagnotte, où j'écris ces lignes, "les effets carminatifs du skaï" (scripsit Eric Laurrent).

……………………

*** 9 décembre 2000 ***
C., alors enceinte de deux mois, et moi avions fait le voyage de Beauvais pour assister à cette soutenance. Mes parents étaient venus, en train je pense, et avaient amené, pour le pot de thèse, des cakes au jambon, des pains à la citrouille et aux dattes, que sais-je encore... tout cela pour avoir D. en larmes avant la soutenance, puis en déliquescence absolue après la fin du pot de thèse. Nous l'avions tous raccompagnée à son studio de Bourg-la-Reine où elle s'était effondrée en disant qu'elle n'avait pas la force de sortir avec nous. Nous nous étions retrouvés, tous les quatre, lamentablement, à la pizzeria située en face de chez elle.

(Sans avoir lu) Yann Kerninon

Je copie-colle ci-dessous la très brève recension de l’ouvrage de Yann Kerninon, Moyens d’accès au monde. Six tableaux pour trouer le désert, dans le dernier numéro du trimestriel Lettres d’Aquitaine :

« Ce livre est conçu comme un “manuel de survie en milieu désertique”, c’est-à-dire, aujourd’hui. Le ton est celui d’un essai philosophique, mais il flirte souvent avec la poésie, l’autobiographie, la fiction, le pamphlet, le manifeste. L’auteur côtoie Heidegger, Nietzsche, Deleuze, Héraclite, Stirner ou Fourier mais aussi Gilles Châtelet ou Cornélius Castoriadis sans pour autant les nommer. Il fricote avec le Dadaïsme, le Punk, la musique expérimentale ou les Monty Python. »

Plusieurs formules sont à vomir dans cette présentation, qui me donne tout sauf l’envie de lire ce livre : l’emploi des verbes flirter (familier, journalistique, inepte), côtoyer (dénué de sens ici, ou prétentieux (comment prétendre «côtoyer» Héraclite ?)) et fricoter, qui serait acceptable, dans sa familiarité même, s’il faisait l’objet d’une quelconque conceptualisation (le fricotage comme relation affective, sexualisée ou esthétique à un mode culturel ?).

Quoiqu’il soit ici dit de la multiplicité des genres, les huit auteurs cités comme les modèles ou les compagnons de route de Kerninon en disent long sur son prétendu éclectisme : il s’agit, à l’exception de Héraclite peut-être, du panthéon de la bien-pensance gauchiste européenne. Aucune originalité en cela. Ou plutôt : rien de neuf, du ressassé, de l’éternellement remâché.

La seule (maigre) interrogation qui subsiste, et qui pourrait donner au moins la curiosité de vérifier ce qu’il en est, c’est le sens que Kerninon donne à l’expression milieu désertique ; je vois vaguement ce dont il pourrait être question, mais je crains que quelqu’un qui prend la musique punk pour modèle, et qui n’a, pour seules lectures, que les lieux communs les plus rabâchés de la gauche dite alternative, ne soit lui-même un digne représentant de ce que j’appellerais, pour ma part, le dessèchement culturel.

L’ouvrage est publié aux éditions Le Bord de l’eau, sises à Bordeaux.

Alain Lestié : Séquence en noirs

Je n’ai pas vu l’exposition d’Alain Lestié, Séquence en noirs, mais je feuillette ce matin le catalogue (Mollat, 2005), qui ne permet guère de s’en donner une idée précise. Ce sont tous des dessins crayonnés sur papier.

Beaucoup de motifs sont empruntés à Magritte (la porte en bois, la fenêtre avec personnage de dos), mais dans une série entièrement en noirs et gris, avec des allusions aux portulans, une passion pour les spirales. «Hiver», avec son panneau central représentant une sombre forêt d’arbres dépenaillés et majestueux, doit faire un très bel effet. «Alphabet» semble jouer sur une logique de la décomposition assez conventionnelle. «Lever du jour dernier…» est, comme bien d’autres dessins, un triptyque, dont le très large panneau central représente une route en ligne droite, avec des bas-côtés réduits à la plus simple expression ; le panneau gauche représente une montre (une boussole ?), tout en bas, sur un fond noir percé d’un halo gris clair ; sur le panneau droit, de même fond, figure une feuille où est crayonné un portrait en fils.

Le rôle des inscriptions ne saute pas aux yeux, ni à l’intellect : formules savantes pour inviter le spectateur à marquer son adhésion à un projet conceptuel ? dépassement de ce rôle de pure référence pour s’échapper vers la pure jouissance du signe ? autre chose encore ? Difficile de trancher.

Ce qui est tout à fait consternant, comme souvent dans un catalogue d’art contemporain et plus encore quand l’on n’a pas vu, au moins, les œuvres exposées, ce sont les textes. La préface, signée d’une certaine Françoise Garcia, affiche une belle cuistrerie en citant Mallarmé de manière à transformer un alexandrin en vers de treize syllabes, supprimant la rime into the bargain. Aussi, rappelons-le, le distique qui ouvre le premier tercet du sonnet «Mes bouquins refermés sur le nom de Paphos» est comme suit :

Ma faim qui d’aucuns fruits ici ne se régale
Trouve en leur docte manque une saveur égale.


Il y a deux autres articles, l’un de Jean-Didier Vincent, qui n’a pas l’air inintéressant, et l’autre d’un certain Patrick Lacoste, qui semble se gargariser de Lacan, et se repaître d’un certain nombre de poncifs sémiotiques (l’indice) ou cognitifs (la translation) pour “happy few” du milieu artistico-philosophique.

On préfère vitement en revenir aux reproductions des dessins, de belle qualité, et où il y a, à tout le moins, matière à mirer, et à s’interroger, à réfléchir, par-delà les écueils de la doxa lacostienne.

13:05 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)

En aveugle, Montréal Diary

18 juillet, 19 heures.

Comme des artistes divers se succèdent sur le lecteur multi-disques, je me demandais depuis quelques minutes qui était ce trompettiste dont je n’aimais guère le jeu, puis j’essayais de deviner ce qui, dans ces fioritures un brin je-m’en-foutistes, m’agaçait vraiment, et naturellement je m’exerçais en vain à l’exercice du “blindfold test”, me raccrochant alors de plus en plus au jeu du pianiste qui accompagne le trompettiste, et cela merveilleusement, avec un doigté, un sens aérien de la féerie pianistique, et me prenant à déplacer ce test en aveugle sur le jeu du pianiste, certain d’avoir un disque d’icelui.

Finalement, n’y tenant plus, au cinquième morceau, grandement admiratif du pianiste, ayant pris mon parti de ce duo (à mes oreilles) dissonant ou duplice, je me lève, je saisis le boîtier du disque placé en treizième position du lecteur, et découvre qu’il s’agit d’un duo Enrico Rava – Stefano Bollani. J’ai bel et bien un disque en leader du second, que j’adore, et déjà éprouvé de fortes réticences sur d’autres opus du premier, qui, décidément, me semble poseur, faussement nostalgique, toujours un peu à côté.

En écoute : « Le solite cose » (Rava/Bollani. Montréal Diary/B, Label bleu LBLC 6645, 2001).

……………

19 juillet, 9 heures

Deuxième écoute de Montréal Diary/B, plus convaincante. Les compositions, toutes de Rava, sont très convenables ; la première même, “Theme for Jessica”, est très émouvante, et d’une complexité chaloupée.

Je n’aime guère “Amore baciami” : faut-il y voir un lien avec l’omniprésence du trompettiste, dès lors que le pianiste est relégué à l’arrière-plan sonore ?

Sur “Bandoleros”, le dialogue fonctionne à merveille. Exacerbation des aigus du piano, faux enjouement de la trompette par menues syncopes, flourishfinal comme un chant de folie à la lune. Nul meilleur moyen de clore un disque, une écoute, aveugle ou non.