lundi, 25 juillet 2005
Toits ardoisés
C’est fou, ce qu’on peut trouver, de bien et de moins bien, sur la Toile. Ainsi, en un rien de temps, une recherche autour de l’expression toits ardoisés produit les résultats les plus diversement étranges.
« Nous sommes en ces journées où le monde se vêt de gris, ses journées bourbeuses qui avancent si lentement. Le ciel se zingue, les toits ardoisés s’alignent un peu plus sur les nuages lourds, les arbres effeuillés prennent leurs silhouettes maigres crayonnées au fusain. Le gris s’impose. Il faudra passer l’hiver.» (Journal intime en ligne de Pascal Gonthier, 16 octobre 2004)
« La voiture roulait toujours, et l'on voyait déjà poindre derrière les arbres les grands toits ardoisés du château.» (Le Capitaine Fracasse, chapitre XX)
« J'étais en Bretagne, tiens. Ce n'est pas trop dépaysant en soi, le Festival Interceltique de Lorient, la mer à 22°C, l'herbe jaunie, la lande et ses Blockhaus, mon fidèle vélo rouge (Eclair Fulgurant), la Laïta et son anse, les plages de sable ôcre qui dévoilent leurs rochers à marée basse, le blanc des maisons aux toits ardoisés et le bleu-gris envoûtant de l'océan, mâtiné de turquoise au gré des fonds... La canicule, paraît-il. » (Les archives de Sylph. 23 août 2003)
« Sous les toits ardoisés
D’un atelier vitré,
Des grands immeubles parisiens
Ton souvenir me soutient. »
(1er quatrain de “La danseuse”, poème d’une dénommée Morine, et apparemment inspiré d’un tableau de Degas)
« Au sommet, la vue est immense... Loudun se dévoile comme par enchantement. L'enchevêtrement de ses ruelles historiques, le ballet des toits ardoisés et tuilés, les monuments religieux constituent un spectacle d'une grande beauté.» (site de l’Office de Tourisme de Loudun)
« Il regarde par la fenêtre, aperçoit la lune, ses reflets sur toits ardoises, une jeune femme qui passe en Kangoo et ça y est: une aura lumineuse le nimbe!» (Manöx. Stéphane Lu sur Lunatique Moon.)
« A nos pieds la vallée et le village de Cauterets avec les maisons blanches et les toits ardoises étaient cachés par cette mer de brouillard que nous venions de traverser, tandis que le pic Sombre, le pic de Viscoz, le Mouné, se coloraient rapidement des premiers feux du matin.» (Duchesse d'Abrantes. Voyage au Vignemale (Pyrénées), 1ère partie. In Journal des jeunes personnes, 1833)
16:46 Publié dans Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (2)
Tanneurs (déjà une note ainsi se nomme, non?)
« C’était bien la peine de construire tous ces lycées et toutes ces affreuses facultés, qui semblent être nées déglinguées tant elles ont été pauvrement construites et tant leurs usagers les traitent mal, et qui sont perdues dans des banlieues sinistres, ou bien au milieu de nulle part, de nulle part en tous cas où la culture, l’art, l’histoire, l’histoire de l’art dans notre pays aient jamais mis les pieds, où ils aient la moindre chance de se reconnaître, d’établir un courant de sympathie avec les aîtres et les êtres.» (Renaud Camus. La Dictature de la petite bourgeoisie, Privat, 2005, pp.102-3)
Il y aurait beaucoup à dire sur l’architecture de la rue des Tanneurs, ou sur l’Université François-Rabelais elle-même, son affreuse passerelle, sa grisaille, mais au moins, elle s’intègre assez convenablement à son environnement, qui, lui, n’est pas celui de n’importe quel campus français : entre le vieux Tours et la Loire, près du pont Wilson, «mon» université donne le sentiment d’être au monde, de ne pas être à l’écart de la culture. Je ne saurais assez conseiller aux jeunes Tourangeaux de venir suivre leurs études supérieures ici, sur le site Tanneurs, en lettres ou en sciences humaines, au lieu de choisir, comme la prétendue élite des juristes ou des scientifiques, ces campus perdus, éloignés, hideux, ou de partir pour Paris.
12:00 Publié dans Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (1)
Sites touristiques défigurés
« Même la campagne, la montagne, les forêts, les landes, les dernière solitudes, sont balisées d’affreux panneaux, de parcours fléchés et de réclames dans le style des bandes dessinées, afin d’y attirer ceux qui n’auraient jamais songé à s’y rendre, quitte à ce que soient perdues les vertus de ces lieux pour ceux qui les aimaient sans avoir besoin d’y être amenés de force, ni par la persuasion publicitaire.» (Renaud Camus. La Dictature de la petite bourgeoisie, Privat, 2005, p.88)
Sur ce point, un petit village comme Bugnien, dans le Béarn, ou Bueil-en-Touraine, dont je parlais il y a peu, valent mille fois mieux, pour l’œil, que d’autres, mieux connus, mieux fléchés, et pourtant objectivement incomparable.
09:00 Publié dans Sites et lieux d'Indre-et-Loire | Lien permanent | Commentaires (0)
« Rencontre » (Jeanneau/Celea/Renaudin)
Dans ce très bel album, je ne m’attarderai que sur la troisième composition, “Souhait” de Bertrand Renaudin, car j’ai le sentiment de la connaître déjà depuis longtemps, de l’avoir entendue… mais où ? sur un autre album de Renaudin, peut-être? J’aurais écrit aussi : reprise par le trio de Christophe Marguet; mais c’est une folle supputation. Je n’ai pas, ici, les sources et disques pour dûment vérifier.
Après une introduction très lancinante, au saxophone, rythmée d’un dialogue durable entre le contrebassiste et le batteur, suit un solo de Jeanneau, très enlevé, méditatif. Jeanneau est bientôt rejoint par Renaudin, qui lui donne la réplique, mais Jeanneau s’envole toujours plus haut, et c’est comme si le batteur insistait à donner une note plus chtonienne à cet échange inégal, brillant de ses roulements tandis que le saxophoniste, entre le vol ascendant de l’alouette et les voltes sprintées de l’autour, se gorge de sa propre puissance.
On sent ce souffleur pris de folie. Cymbales, toms l’encouragent. Le désespèrent, le poussent dans ses retranchements, lui mettent la voix à vif. Il vole, il s’envole… souffre-t-il ?
Il se tait. La contrebasse est là, qui mélodieusement, détachée, détachant quelques fleurons boisés sur le fond du silence criant de ses deux compagnons, encourage le saxophone à reprendre ses esprits; le souffle revient, les coups maraudeurs du batteur aussi, et l’alouette reste suspendue en l’air, tendue à quatre cordes, réconciliée avec l’autour, dansant avec lui.
06:00 Publié dans Jazeur méridional | Lien permanent | Commentaires (1)