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mardi, 13 septembre 2005

Homage to a Firing Squad

Il y a déjà longtemps que je veux écrire une note au sujet de ce roman de Tariq Goddard, que j'ai lu à la fin juillet et qui m'avait été offert. C'est un roman qui doit beaucoup à la structure des récits de Faulkner et à d'autres innovations surtout expérimentées dans les années 1950-60 en France, sans compter l'influence évidente du cinéma indépendant américain dans ce type de narration. Pas d'immense surprise donc du point de vue de la structure ou des différentes révélations de l'intrigue, mais de vrais bonheurs d'écriture, avec aussi, ce qu'il faut noter, ce qui est tout à fait remarquable, le choix d’un sujet historique très risqué et traité d'une manière extrêmement singulière.

 

L'intrigue n'est pas simple. L'histoire se passe pendant la guerre d'Espagne, ou pour être plus précis, pendant la guerre civile opposant les républicains ou aux franquistes. Quatre jeunes soldats plus ou moins professionnels font un trajet en voiture, avec pour mission d'assassiner un homme politique célèbre et controversé, Don Rojo ; toutefois, comme aucun d'entre eux n'a jamais assassiné personne, et comme trois d'entre eux connaissent bien l'homme politique, et surtout sa très admirable fille, dont ils sont épris, la mission est compliquée - d'autant plus que Don Rojo lui-même qui attend dans sa demeure, tenté par le suicide.

 

Comme l'intrigue n'est pas simple, elle n'est pas aisée à résumer non plus, et le paragraphe qui précède ne rend pas totalement justice aux différents épisodes de cette nuit de narration brusque et ambiguë. Les différents chapitres ou sections du récit s'ouvrent sur des notations de lieu et d'heures extrêmement précises, à la manière d'un script. Tout le dénouement, dont le moins que l'on puisse dire est qu'il ne se résume pas à quelques pages vite bâclées, est passablement sanguinolent, mais sans que l'hémoglobine soit l'essentiel du propos.

 

Je ne pense pas que ce roman ait été traduit - ou, plus exactement, je n'ai pas retrouvé, sur le Web, de référence à une quelconque traduction, quoi que ce texte paru en 2002 ait été l'objet de nombreux éloges outre-Manche. Le mieux serait sans doute de donner quelques extraits de la prose dense de Tariq Goddard, mais je dois toutefois signaler ma seule réelle réserve à l'égard de l'écriture, dont plusieurs critiques semblent dire qu'elle repose sur une évidente économie de moyens, alors que, de mon point de vue, le romancier hésite constamment, de manière pas toujours satisfaisante, entre un style abrupt ou sec à la Hemingway et un style plus ample, à la Faulkner.

 

Il y a de véritables réussites dans le recours au monologue intérieur, comme dans ce passage du chapitre 11 :

“Unlike Ali, the captain was very much awake.  His blood was up and his heart felt like it was falling down a spiral staircase.  What was he doing here? The question was as belated as it was foolish.  This was what came of answering questions before they had even been posed properly; of thinking things would be easier to do when put on the spot.  Volunteering to kill the Don had been the most important thing he had ever agreed to do in his life, but, unfortunately to him, the moment of the impulse had already passed.  The captain glanced over at Ali, who seemed to be drifting between a coma and a trance.  The situation was becoming unnerving; what if the same thing was going through his friend's mind? But so what if it was? It was not the situation itself that was working away at them like a wound; it was what had brought them here."  (Tariq Goddard Homage to a Firing Squad.  London: Sceptre, 2002, page 198)

 

D'autres éléments du roman m'ont intéressé, à titre personnel, comme l'analyse extrêmement subtile du personnage de l'homme politique, qui n'est jamais véritablement au centre du récit mais qui est très chatoyant et, à certains égards, attachant. Le deuxième extrait que je cite ci-dessous a trait à l'obsession onirique de Don Rojo, qui me rappelle un certain nombre de pages très belles de Nuruddin Farah :

“For example, only a month earlier the Don had complained about the dreams he was experiencing.  He was, he claimed, suffering from a barren patch, with those dreams he could remember not being worth the effort of being dreamed of in the first place.  Salazar had had trouble concealing his delight.  Not only did he find the Don's habit of pontificating about his dreams at length unbearably pompous and dull, but the exercise drummed home the point that Salazar, if he had dreams (which he didn't), would have been able to make a much better job of holding forth on them than the Don did. More irritatingly, but still wholly true to form, the Don had rung Salazar a week later telling him that the situation was saved." (page 107)

Commentaires

Quel analyse... Tu l'as lu à haute voix?!

Écrit par : Livy | mardi, 13 septembre 2005

Mieux: j'ai dicté la note. Il m'est arrivé de lire certains passages à haute voix.

Je suis en train de lire THE WILD PALMS de mon bien-aimé Faulkner, d'où l'influence rétrospective sur ma lecture du texte de Goddard. Faulkner, magistral en lecture à voix haute, mais ne supporte pas la médiocrité...

Écrit par : Guillaume | mardi, 13 septembre 2005

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