jeudi, 19 janvier 2006
Révoquer un proviseur... pourquoi pas l'édit de Nantes, tant qu'on y est...?
Hormis le tutoiement, que je désavoue, j'ai lu et approuvé pleinement la lettre ouverte de Maître Eolas à Gilles de Robien. Il faut lire ce texte, et aussi s'informer par soi-même, ce qui ne peut pas faire de mal. J'ai brièvement exprimé mon opinion sur cette affaire scandaleuse ici.
14:00 Publié dans Indignations | Lien permanent | Commentaires (24)
Commentaires
Gageons que si ce haut-fonctionnaire avait fait état, au lieu de son homosexualité, de son appartenance au Front National, par exemple, l'on n'aurait pas trouvé autant de bonnes âmes pour pleurnicher sur son sort. Mais voilà, il est homosexuel : une victime en puissance donc ; à l'Education nationale de surcroît : un intouchable en conséquence. Cette affaire est un raccourci saisissant des tares françaises.
Écrit par : Ovide | jeudi, 19 janvier 2006
N'y vois aucune critique, juste une question sincère : quelles seraient les limites de la liberté d'expression dans un blog ? Y en a-t-il ? Par exemple, j'étais surprise de voir récemment une petite notice sur un fournisseur français qui invite aux participants de signaler le contenu douteux (j'oublie l'expression exacte) qu'ils voient dans des blogs. Est-ce qu'un contenu inadmissible, pour quelle raison qu'il soit, est comme l'obscénité comme définie par le Supreme Court aux États-Unis : Je-sais-ce-que-c'est-quand-je-la-vois ? Qu'est-ce que tu en penses ? (Et si ce n'est pas le lieu d'en discuter, j'irai où c'est plus convenable...)
Écrit par : joye | jeudi, 19 janvier 2006
Le cas de G. ne relève pas de la justice ordinaire et des cours ordinaires, mais de la justice administrative qui suit un cours très particulier et qui a des décisions fondées souvent sur l'interprétation de réglements plus que de l'application des lois. Il a comparu devant une commission paritaire (donc un de ses pairs l'a reconnu comme coupable), il a fait un recours gracieux au ministre. On est dans le cas d'un employé licencié par son employeur, mais avec une démarche différente de celle des employés du secteur privé. Il lui reste ensuite le recours contentieux devant une commission particulière, puis le tribunal administratif, et après le recours en conseil d'État, la cour européenne (ce qui met la décision à dans dix ans). Les motivations de la décision avancées par le directeur de l'encadrement et par le recteur sont purement et simplement grotesques. Pour avoir lu le blogue en question à l'époque, la pornographie et l'obscénité prétendues me font rire jaune. Cela relève de la pure farce et d'un apprentissage par des méthodes de lecture syllabique ! En revanche, il y avait des choses que n'aurait pas dû mettre en ligne un agent des services publics comme les aventures de son intendant.
Écrit par : Dominique | jeudi, 19 janvier 2006
Ovide > dans votre jugement à l'emporte-pièce, vous vous trompez au moins sur mon cas. Il se trouve qu'il y a nombre de fonctionnaires qui militent au FN, voire sont élus FN, et cela est jugé parfaitement compatible avec leur métier, comme le militantisme dans tout autre parti d'ailleurs. Votre exemple du militant FN est complètement grotesque, donc : il y a des enseignants encartés, militants et élus, sans que cela ne soit en rien illégal. Donc, personne ne sera jamais révoqué pour son militantisme associatif, religieux ou politique, du moment qu'il n'y a pas de prosélytisme.
Comme il me semble avoir compris que le proviseur en question n'est pas accusé d'avoir fait du prosélytisme homosexuel, j'en conclus, à raison, que le motif de sa révocation est une sanction de sa vie privée. La seule interférence entre son blog et ses fonctions, ce sont les ragots sur le gestionnaire que mentionne Dominique. Hormis ce franchissement de ligne jaune, il tenait un blog dans l'espace public qu'est la blogosphère, au nom de son droit à une expression démocratique dans le cadre de sa vie privée, et c'est en ce sens que cette décision est gravissime.
Souvenons-nous de Sarkozy, au printemps dernier, répondant en substance aux journalistes, lors d'une conférence de presse et à propos de ses déboires conjugaux (montés de toute pièce, d'ailleurs, mais c'est une autre affaire) : "Pour moi, il n'y a pas de frontière entre vie privée et vie publique." Je vois un lien entre les deux : voici un gouvernement qui est progressivement tenté d'empiéter sur ce qui caractérise toute démocratie : la vie privée. La libre expression d'opinions personnelles en dehors de ses engagements professionnels dans la fonction publique, voilà ce à quoi tout fonctionnaire a droit.
Écrit par : Guillaume | jeudi, 19 janvier 2006
En notre qualité de blogueur, je pense qu'on ne peut qu'être scandalisé par un telle sanction.
Il s'agit d'un espace de la vie privé même si tout le monde peut venir lire nos pages.
Je suppose que cet homme n'a commis aucune faute dans son métier.
Maintenant, du jour au landemain, on peut se faire virer parce qu'on ne respecte pas une certaine norme ou une ligne de conduite bien particulière.
On nous parle régulièrement d'intégration, de respect de la différence, et d'égalité des chances, comment croire à la sincérité de nos dirigeants à ce sujet aprés un tel comportement.
On nous berce de belles paroles et c'est tout.
Comme tu dis Guillaume, notre démocratie est bien malade....
Écrit par : steph | jeudi, 19 janvier 2006
Justement, je me demandais pour les limites -- un blog, est-ce vraiment un endroit privé ? À mon avis, non, dès qu'on permet l'accès à tout le monde et dès qu'il est hébergé par quelqu'un d'autre. C'est plus comme une chambre d'hôtel où le gérant a le droit de nous demander de partir si notre conduite n'est pas convenable. Comprenez-moi bien, je ne dis pas du tout que ce monsieur n'avait pas le droit de s'exprimer comme il voulait, ni qu'il avait dit quoi que ce soit d'inacceptable. Par contre, je trouve bizarre qu'il ait trouvé bon de publier ainsi certains détails de sa vie intime. Je suis prof aux USA, et j'ai appris il y a bien longtemps que c'est un métier où l'on est toujours dans l'œil public, qu'on le veuille ou non. Oui, on est libre de dire ce qu'on veut mais il faut aussi qu'on doive assumer ses dires. À son honneur, c'est exactement ce que le monsieur en question semble avoir fait, d'après l'entretien sur pointblog.
Écrit par : joye | jeudi, 19 janvier 2006
Joye : Par contre, je trouve bizarre qu'il ait trouvé bon de publier ainsi certains détails de sa vie intime.
Je compte parmi ses erreurs et maladresses les photos qui le représentaient, d'abord dans l'ombre d'un bureau et sans contour précis, puis de manière plus explicite, en plein jour et en pied (et je ne parle pas de la photo naturiste dans les calanques qui était somme toute assez gentille et pudique). Il n'aurait pas dû laisser de traces permettant de le retrouver et de l'identifier aussi facilement dans une préfecture de 12 000 habitants du département le moins peuplé de France ! Cela dit, la chose est compliquée : son blogue était aussi un instrument de séduction pour se trouver un compagnon car il se sentait seul et cela devenait de plus en plus explicite.
Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006
Euh, Ovide, allez donc voir le blog de Garfieldd, avant d'écrire n'importe quoi: ici, par exemple http://www.u-blog.net/BlogAPart/ ou là http://kozlika.org/kozeries/?PHPSESSID=fec5b644a3a0f5a993b7909c3891338d ou via archive.org
Maintenant, expliquez-moi l'indulgence dont on a fait preuve vis-à-vis de ce professeur dans cette affaire-là :
http://www.denistouret.net/textes/Kristof.html
(lire toute la page, extraits compris)
Ce n'est pas du corporatisme, non, bien sûr. Gageons que si Garfieldd avait été professeur au lieu d'être proviseur, rien ne ce serait passé.
Dans un cas, un proviseur raconte sa vie, ses désirs, sa solitude: il n'aurait sans doute pas dû, il l'a reconnu. Il n'oblige personne à aller le lire, on ne se retrouve pas sur le blog de Garfieldd par hasard. Personne ne porte plainte. Le proviseur est révoqué.
Dans l'autre cas, un professeur donne un texte zoophile à lire à des enfants de 13 ans. Des parents portent plainte. On absout le professeur.
Mais Ovide nous dira que c'est tout à fait normal.
Écrit par : VS | vendredi, 20 janvier 2006
Il y a des enseignants renvoyés, sans même une révocation :
http://www.humanite.presse.fr/journal/1994-03-07/1994-03-07-695894
(Je ne partage pas l'avis du rédacteur.)
Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006
Et puis le gentil intendant Marcel, c'était très drôle. Ce n'était pas des "ragots", cela ressemblait trop à des comportements rencontrés par nous tous. C'était plutôt une synthèse, une illustration, un peu comme certains comportements de Françoise dans La Recherche.
En fait, les aventures de Marcel le gentil intendant démontraient plutôt à quel point Garfieldd prenait son travail à coeur. Je me souviens avoir admiré qu'il prenne la peine de faire des démarches administratives pour signaler l'incompétence dangereuse de son intendant (avec des répercussions sur la cantine et donc les enfants, par exemple) plutôt qu'avoir fait le dos rond en attendant sa mutation (autre comportement connu).
Si au lieu d'un blog, Garfieldd avait publié un livre: "Vie et rêves d'un proviseur", pensez-vous qu'il aurait été révoqué? (question sincère, je me demande quelle est la différence entre un livre et un blog: un niveau différent d'accessibilité, de visibilité? Une différence de nature?)
Écrit par : VS | vendredi, 20 janvier 2006
Si un chef de section racontait sa vie sur un blog, en parlant de ses turpitudes et de la vie de ses subordonnés, blog entraînant sa révocation par le ministère de la Défense, personne n'y aurait trouvé à redire. Mais voilà, il s'agit etc... Je maintiens mes conclusions : nous n'avons affaire là qu'à un misérable corporatisme.
Écrit par : Ovide | vendredi, 20 janvier 2006
Si le blog de votre "chef de section" était intéressant, personnel, émouvant, droit, ses lecteurs protesteraient de la même façon. On ne lisait pas Garfieldd parce qu'il était proviseur ou homo, on le lisait parce qu'on aimait le lire.
Je ne sais si vous lisez beaucoup de blogs, j'en lis peu, mais assidûment, il se développe un véritable "attachement" (pas sentimental, je ne sais quel serait le mot, peut-être "existentiel") entre un lecteur et les blog(ueur)s qu'il aime. Il se développe une amitié qui n'a rien de personnel, entièrement attachées aux lettres, à une façon de raconter le monde. Ce n'est pas si facile de trouver un blog qu'on ait plaisir à retrouver jour après jour. Beaucoup de blogs disparaissent de ma liste de favoris après 15 jours.
S'il y a corporatisme, c'est celui des blogueurs et de leurs lecteurs, pour ma part j'appelerais cela solidarité, mais aussi égoïsme: rendez-nous Garfieldd! ( J'espère qu'il recommencera à écrire, je redoute qu'il ne soit trop "cassé" pour cela.)
Écrit par : VS | vendredi, 20 janvier 2006
> Dominique : concernant ce professeur, je pense qu'il y a eu de sa part erreur d'appréciation sur l'âge de ses élèves. Je ne suis pas choquée que des enfants lisent tel ou tel texte (même celui d'Agota Krystof), ce qui me choque, c'est que ce soient des textes imposés par des adultes en position de pouvoir. On a tous (du moins je suppose) lu de la littérature interdite à des âges inavouables... Mais justement on ne nous la faisait pas lire, on la lisait de nous-mêmes, ce qui implique plus ou moins que nous étions prêts à la lire, à découvrir ce que nous allions lire.
Ce qui ne me semble pas clair dans l'"histoire Agota Krystof", c'est que je crois comprendre que le professeur avait choisi ses textes parmi une liste proposée par un conseil pédagogique (ou équivalent): est-ce que cette instance savait ce qu'elle faisait, ou n'a-t-elle choisi les titres recommandés que sur leur assonnance ou la notoriété de leur auteur ("Oh, un écrivain de l'Est, oui, très bien, très chic!") ?
Écrit par : VS | vendredi, 20 janvier 2006
Dans l'affaire Krystof, le titre du livre figure parmi les lectures possibles qui sont inscrites dans les compléments aux programmes officiels du lycée, mais pas du tout au niveau collège (l'enseignant a fait une confusion à ce niveau). Cela veut dire qu'on peut donner le livre à lire en lecture cursive à la maison à des élèves de la seconde à la terminale, mais il faut voir ensuite quel public peut le recevoir (moi, je ne l'ai jamais recommandé). Le second point, c'est le choix d'un extrait particulier. Même si le livre est au programme, je ne sais pas si tel extrait est plus pertinent pour une lecture analytique. Il faut faire un tri et puis connaître aussi son auditoire ou son environnement. Il y a des choses obscènes dans un très grand nombre de livres classiques, par exemple il peut être difficile de faire étudier une lettre de Laclos ou même un passage du Roman de Renart (j'ai escamoté la sodomie de la louve par exemple en classe de cinquième alors que l'édition était au CDI).
Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006
La touraine est sereine, mais la blogosphère est en rage
Oh proviseur My proviseur
La blogosphère se soulève contre la révoquation d’un proviseur, blogueur, homosexuel.
Pour avoir lu de larges extraits de ses textes, il ne me semble pas qu’il s’agisse d’une sanction anti-homosexuelle. Peut être qu’il y avait des photos, ou des mots très crus, mais il me semble que les erreurs de « garfield » se trouvent ailleurs.
Se raconter sur internet pose problème quand on est en position de commandement et que son anonymat n’est pas préservé. Les réflexions générales d’un proviseur ou d’un enseignant peuvent être passionnantes tant qu’elles ne mettent pas en cause directement des personnes qui ne peuvent répondre ( l’intendant dans le blog de Garfield ).
Une autre frontière invisble, bien plus grave, me semble avoir été franchie. Le simple fait de parler de sa sexualité et de son goût effectif pour des personnes plus jeunes, quel que soit leur sexe, rend envisageable une transgression majeure pour un enseignant. Le maintien d’une séparation absolue entre sa vie amoureuse personnelle et privée et une fonction d’autorité sur des jeunes me semble essentiel. L’anonymat mal protégé de « Garfield » rendait cette frontière plus floue.
Écrit par : l'homme dans la lune | vendredi, 20 janvier 2006
Cher lunatique, vous m'inquiétez : ainsi donc, le "simple fait" de parler de sexualité est prohibitif pour un enseignant ? Un goût "affiché" ( le terme aurait mérité un éclaircissement ) pour des personnes plus jeunes ( par exemple, pour un enseignant de quarante cinq ans, de préférer les trentenaires? ) rendrait ipso facto envisageable "une transgression majeure pour un enseignant" ? Nous voici donc dans l'ère du soupçon généralisé... Restez dans la lune, cher Monsieur, à l'idée de vous compter parmi les parents de mes élèves, il me vient des sueurs froides...
Écrit par : etienne | vendredi, 20 janvier 2006
Ne boudons pas notre plaisir dans cette affaire : pour une fois que l'esprit de sacrifice l'a emporté sur l'esprit de jouissance !
Écrit par : Ovide | vendredi, 20 janvier 2006
Je pense qu'Ovide, en parlant de la différence entre un blog et un livre, met son doigt sur la difficulté (ce n'est pas le bon mot mais je ne le trouve pas) : un blog est interactif. Cela "invite" la participation. C'est peut-être cela qui jouait dans la décision de révoquer le proviseur. Alors, oui, c'est absurde, et aussi assez surprenant de voir cela dans le pays qui publiait dans le temps des oeuvres scandaleuses (comme "Lady Chatterley's Lover", "L'Histoire d'O") qui étaient bannies ailleurs. Qui plus est, cette décision semble violer les concepts de « Liberté, Fraternité, Égalité » tous trois en même temps.
Écrit par : joye | vendredi, 20 janvier 2006
I y a du nouveau, chers amis, si vous ne le savez déjà. Fais circuler, Guillaume.
http://www.education.gouv.fr/actu/element.php?itemID=2006120175
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 20 janvier 2006
Poudre aux yeux et compagnie.
Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006
Certes. C'est un communiqué ministériel, en somme. Nous verrons ce qui va suivre.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 20 janvier 2006
Ah. Comme quoi, il s'agit d'une violation d'un "morals clause" dans un contrat (sa "déontologique") ?
Écrit par : joye | vendredi, 20 janvier 2006
Pire... Joye. Il y a à la base des fautes de droit absolument grossières et j'en ai déjà indiqué un bon paquet dans le blog de JL ; en fait, la décision n'est même pas fondée puisqu'elle s'écarte de tout ce que connaît la jurisprudence administrive et qu'elle repose sur une interprétation très très particulière de documents cités de manière abusivs semble-t-il et sans lien avec un avis d'une autorité vraiment judiciaire. On est dans le cas de l'abus de droit. La commission administrative n'était pas du tout compétente pour juger de textes ou de photographies ou de liens ou de réponses (donnant lieu à des liens) considérés comme pornographiques, le tout dans un cadre privé. Elle a outrepassé ses droits et elle aurait dû se déjuger au préalable afin de refiler l'affaire au judiciaire, le seul vraiment compétent.
Écrit par : Dominique | vendredi, 20 janvier 2006
Chers amis et lecteurs,
je découvre avec intérêt et plaisir vos (d)ébats (!), et, quoique regrettant d'arriver après la bataille, je suis heureux de voir que mon minuscule message donne lieu à un vrai forum.
La blogosphère dans son entier doit veiller à ce genre d'atteintes aux libertés individuelles.
Bien à vous,
Écrit par : Guillaume | samedi, 21 janvier 2006
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