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dimanche, 07 avril 2019

Riposte à la tribune de "Vigilance Universités"

Un collectif d'universitaires nommé "Vigilance Universités" (selon une terminologie reprenant les codes de la droite identitaire) a fait paraître le 3 avril dans Libération une tribune intitulée "Pièce d'Eschyle : le contresens d'un antiracisme dévoyé".

Ce texte confus et plombé de nombreuses erreurs factuelles, dont il est difficilement imaginable que les signataires l'aient lu voire qu'ils aient suivi ce qui s'est passé depuis une dizaine de jours et surtout avant, confond beaucoup de choses différentes, notamment boycott et blocage, qui n'ont rien à voir.

Il n'interroge jamais la réalité des pratiques et omet soigneusement d'évoquer le fait que les militant.es essayaient depuis plusieurs mois de discuter avec le metteur en scène en l'informant du contexte historique très complexe. Mais le metteur en scène est du côté des "sachants" : un étudiant, racisé de surcroît, est quelqu'un qui ne peut rien lui apprendre. Pourtant, la connaissance du théâtre antique n'est pas incompatible avec celle de l'histoire coloniale française.

Enfin cet article omet de s'interroger sur le fait que la culture présentée comme universelle est celle de la classe dominante, largement encore influencée par un colonialisme impensé. Et que dire de l'intellectualisme de pacotille : il y aurait donc le racisme à pourfendre, celui du bas peuple, et le bon racisme, celui des intellectuels ? Un universitaire de gauche qui a travaillé en Afrique ne pourrait donc pas présenter un travail dont un des choix de mise en scène est racialiste ? Curieuse manière de mettre en action ses facultés d'analyse du monde et des œuvres...

Puisque cette liste de diffusion est celle d'un centre de recherches, est-il possible de conseiller, à celles et ceux qui sombrent dans les slogans faciles de la liberté d'expression et du "communautarisme", de (re?)lire Fanon, Ngūgī wa Thiong'o ou Ama Ata Aidoo ?

Décoloniser les esprits consiste aussi à déconstruire les fausses évidences de l'institution universitaire afin qu'elle ne participe pas, comme trop souvent, du racisme institutionnel.

 

[Nota : ce texte a été envoyé à la liste de diffusion de l'Association Pour l'Etude des Littératures Africaines, dont le webmestre a ensuite requis la cessation des messages au sujet des Suppliantes et du blackface, puis à la liste de diffusion de mon laboratoire, Interactions Culturelles et Discursives, dont le webmestre a refusé de le diffuser.]

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