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dimanche, 10 septembre 2023

10092023 - Whomp That Sucker

On appelait cet appareil « tourne-disques ».

Ça fait terriblement boomer de commencer ainsi ce billet, et pourtant c’est la vérité : quand j’étais enfant, il y avait dans ma chambre une chaîne stéréo, composée d’un ampli, d’une radio, d’un lecteur de cassettes… et d’un tourne-disques. Certaines personnes disaient encore électrophone. Mais personne ne parlait de « platine vinyle », et d’ailleurs les disques n’étaient jamais nommés vinyles, étant donné qu’il n’y avait pas encore de CD (ou disques laser comme on les nomma d’abord), et donc pas de nécessité de les distinguer. La seule distinction, c’était les 45-tours et les 33-tours.

 

Then I smell vinyl…

 

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Ce détour en guise de préambule pour évoquer le seul disque de Sparks que j’aie connu/possédé pendant très longtemps : Whomp That Sucker (1981). Nous l’avons rapporté d’Angleterre, où nous avions passé l’été, à faire, en caravane, le tour d’un certain nombre de sites touristiques et à aller rendre visite à pas mal d’amis de mes parents. L’une de ces amies, qui tenait un magasin de disques, avait donné à mes parents le 33-tours Whomp That Sucker en leur disant que c’était un groupe assez novateur. J’ai tout de suite fait le lien avec la seule chanson que je connaissais de Sparks, When I’M With You, et peut-être est-ce pour cela que c’est moi qui ai hérité du 33-tours. (Sans vouloir entrer dans le détail, la façon dont ma sœur et moi récupérions, chacun de notre côté, les « vieux 45-tours de quand Papa et Maman étaient jeunes », voire certains 33-tours, était erratique.)

J’avais, à cette époque, une poignée de disques préférés : le premier album des Talking Heads (en cassette), une cassette des Manhattan Transfer, la B.O. de Grease, Matinée et soirée de Gérard Blanchard, un disque de Charlélie Couture, deux disques de Cabrel, la cassette de l’album bleu de Brel, quelques albums qui appartenaient à mes parents (Mama Béa, Capdevielle)… et donc, après l’été 1982, cet album de Sparks. Je n’arrive d’ailleurs pas à m’expliquer pourquoi, plus tard, jeune adulte claquant pas mal de pognon dans les CD d’occasion chez Gibert (et ailleurs), on parle là du milieu et de la fin des années 90, je n’ai pas eu l’idée de chercher d’autres disques de Sparks, car cet album de Sparks, je l’adorais.

 

Je me rappelle très précisément que, dérouté par l’étiquette centrale sur laquelle il n’y avait, d’un côté, absolument rien d’inscrit – car, de l’autre côté, se trouvaient les titres et minutages de toutes les chansons, seulement précédées des mentions THIS SIDE et THAT SIDE (n’ayant encore aucune notion d’anglais, je ne pouvais savoir que that side désignait la face opposée) – je plaçai une face au hasard et entendis – le hasard m’ayant fait choisir la face B – les premières notes de The Willys. Puis tout l’album. Mes souvenirs ne sont pas assez précis pour que je puisse dire quelles chansons j’ai aimées tout de suite, ni lesquelles ont requis davantage de temps, des écoutes plus nombreuses, mais aussi que je grandisse (je n’avais que huit ans), mais pour Upstairs et That’s not Nastassia, je suis certain du coup de foudre. C’est assez amusant, d’ailleurs, car je pense aujourd’hui qu’Upstairs est une des chansons les plus plates de cet album.

Pour être très franc, je pense que j’ai assez peu écouté cet album entre 1982 et 1986. En effet, j’ai toujours adoré la chanson pour les textes ; la musique et les orchestrations sont primordiales afin d’être ému ou excité, ou retenu par une chanson, mais sans les mots, les vers, le sens ou les sens que l’on peut associer aux sonorités, une chanson ne peut pas me plaire durablement. Ce que j’écris ici est effroyablement banal, mais c’est pour expliquer que même les chansons en anglais que j’aimais beaucoup, je les écoutais souvent, avant d’apprendre l’anglais – donc avant 1986 – tout en m’accrochant à des mots ou des bouts de phrases que je comprenais. Il n’est pas étonnant que le premier album des Talking Heads, ou le tube d’Ian Dury Hit Me With Your Rhythm Stick, ou Smalltown boy de Bronski Beat (que j’avais en 45-tours) m’aient autant frappé, car il y avait quelques vers usant de mots très simples, associés à des voix très singulières. L’entourage familial (sœur aînée ayant commencé l’anglais trois ans avant moi, parents profs d’anglais qui ne nous ont pas appris l’anglais mais nous faisaient baigner, par les films mais aussi leurs discussions professionnelles, dans des bribes d’anglais) m’aidait évidemment à capter quelques bribes de ci de là. Toutefois, cela va sans dire, et qui connaît les textes de Ron Mael l’a déjà deviné : pour que l’album Whomp That Sucker devienne vraiment une fixette, il fallait que je commence à avoir des rudiments d’anglais. Si on s'en tient au titre de l'album (un peu éclairé par les photos de pochette, heureusement), déjà...

Je me souviens donc très nettement d’avoir beaucoup écouté l’album pendant mon année de troisième (j’apprenais l’anglais en LV2, donc j’avais commencé l’année d’avant), et même d’avoir proposé à mon professeur, qui était excellent et qui nous avait fait travailler sur Russians de Sting et sur Third World Child de Johnny Clegg & Savuka, Don’t Shoot Me. J’étais pas mal naïf de ne pas avoir anticipé sa réponse, à savoir qu’il me rendrait ma cassette la semaine suivante en me disant que c’était bien, mais peut-être un peu difficile : l’histoire d’un chasseur de fauves qui rentre chez lui à l’improviste et tue l’amant de sa femme était sans doute un peu off limits pour la classe de troisième !

 

Aujourd’hui encore, alors que je connais très bien une douzaine d’albums de Sparks et que je connais le reste de leur discographie avec quelques pointillés qui me permettent d’avoir encore quelques émerveillements en perspective, Whomp That Sucker est un de mes albums préférés. Il m’arrive régulièrement, et en ce moment en raison du challenge #Sparkstember, de me demander si cette prédilection est surtout liée à cette fixette de jeune adolescent, mais, franchement, il s’agit d’un album très varié, avec plusieurs textes très forts, un mélange explosif d’ironie, de satire sociale et de nonsense ; musicalement, l’équilibre entre les synthés, les guitares rock et les envolées lyriques de Russell est largement supérieur aux autres albums du groupe pour cette décennie. Il n’y a aucune chanson dispensable, et je pourrais consacrer un billet à chacune d’entre elles, voire à tel ou tel vers. Le mieux est que vous preniez quarante minutes pour écouter l’album.

 

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