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dimanche, 14 janvier 2024

Clèves

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Clèves de M.D. : fini hier soir. Vite lu ; c’est l’avantage de M.D., même si on se dit qu’on manque des choses, qu’il faudrait lire M.D. plus lentement, en approfondissant.

 

Pas le temps ? tant pis. Mieux lu vite que pas lu.

M.D. n’est pas Duras ; je fais exprès.

 

 

Quand Clèves est paru en 2011, j’ai bien sûr pensé à une réécriture de Mme de Lafayette. Comme je ne suis pas un lecteur très assidu/convaincu de M.D., je ne l’ai pas lu. Et puis voyez comme on s’amuse : en lisant Fabriquer une femme la semaine dernière, j’ai compris que Clèves était une commune imaginaire du Pays basque – loin de la côte – dans laquelle M.D. a situé son dernier roman, et donc, au cours de la dernière décennie, trois autres.

Me voici donc à être assez curieux pour ajouter les précédents – lus déjà par C* - sur ma pile à livres.

 

Sacré roman tout de même sur l’adolescence, et surtout sur la manière dont une adolescente travaillée par la puberté – les règles, les seins, l’envie de baiser, la masturbation, l’envie de vivre des baises – voit le monde, aimerait comprendre (génial passage sur la célèbre photo de Yalta, pp. 258-9) « l’Histoire de la bite, c’est comment on fait et comment on vit quand on a ça au lieu de ça ». le roman tourne exclusivement autour du point de vue de Solange, 12 ans dans le premier chapitre et plutôt 14-15 dans les suivants. Avoir lu d’abord Fabriquer une femme construit différemment le regard : je m’imagine (ou tente de le faire) comment j’aurais lu ce livre en 2011, sans savoir la suite, et je le lis en sachant ce qui s’est passé. (Jusqu’à la dernière page j’ai pensé qu’on saurait que Solange finit enceinte. Bah non : la fin, ce sera pour un autre volet du cycle. (Et ce n'est pas la fin.)

Y a-t-il des livres sur la façon dont un adolescent se fixe sur ce que ça peut signifier d’avoir une chatte (je prends délibérément le contrepoint de « l’Histoire de la bite ») ? ça ne me dit rien. Pourtant garçon on y pense souvent, à cette uchronie : et si j’étais une fille ? et ça fait quoi, les règles ? Donc : comment on vit quand on a ça au lieu de ça. En ça le roman est vraiment très puissant.

 

Ça se passe nettement à l’intérieur de son corps (la sensation se confirme), ça doit monter environ sous le nombril, il faudrait mesurer, ce n’est pas sensible sur tout le trajet mais plus ou moins à différents points. Elle se débrouille pour qu’il insiste où elle veut (« dis-moi ce que tu veux » – qu’il se taise), ce n’est pas toujours évident de se faire comprendre alors elle s’assoit sur lui, c’est terriblement pratique, elle va au rythme qu’elle veut, elle se tend peu à peu comme un arc (ou comme ce réveil qu’elle remontait jusqu’à ce qu’il se mette à tourner sur lui-même dans un grand barouf de clochettes excitées). Toutes les parties de son sexe tubulaire, feuilleté, rond, creux et protubérant (une maison de Barbapapa) sont touchées, frottées, pleines et vidées, pressantes et pressées – alors c’est vraiment bon, mieux même que quand elle se masturbe, c’est vraiment super. (p. 295)

 

Le roman est en trois parties : les avoir (les règles) ; le faire (elle suce Arnaud lors d’une soirée au château puis lors du date suivant elle « se fait enculer » par lui) le refaire (elle ne cesse de se bagarrer – euphémisme pour baiser – avec « Monsieur Bihotz », son voisin de 27-28 ans qui s’occupe souvent d’elle depuis qu’elle est enfant. Ce qui se passe dans la 3e partie, c’est qu’un homme de presque 30 ans couche régulièrement avec une adolescente de 14-15 ans ; c’est vu par la jeune fille, et on dirait que c’est presque elle qui le force ; quand elle le quitte, c’est lui tente de se suicider en avalant du désherbant. Pour abuser d’une formule que je n’aime pas, je ne sais pas si M.D. écrirait ce roman de la même façon en 2024. Et d’ailleurs elle l’a écrit en 2024, très différemment : Fabriquer une femme.

 

Est-ce que ce cycle de Clèves (quatre romans à ce jour) ne permet pas, au fond, à M.D. d’écrire plusieurs fois la même histoire, en adoptant plusieurs points de vue narratifs certes, mais – de façon plus intéressante – en adoptant différents points de vue d’époque : les années SIDA, la puberté, le consentement etc. vus en 2011, en 2013, 2017, 2024 ?

 

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