jeudi, 27 octobre 2005
Treacherous teachers ?
Jeudi, dix heures vingt.
Je viens d’écrire une nouvelle note pour mon carnet de toile consacré au roman de Ford Madox Ford, The Good Soldier. J’essaie de le tenir, autant que faire se peut, à jour, me contraignant à faire, chaque semaine, une synthèse en français des points abordés dans le cours anglais, voire à prolonger telle ou telle question, comme, actuellement, le cas de la fiabilité du narrateur, grand sujet de débat s’il en est. Or, je me désole quelque peu de savoir, d’une part, que la plupart de mes étudiants lisent ce blog, et de voir, d’autre part, que (pour de très louables raisons : ils ont d’autres chats à fouetter (other fish to fry…)) ce site est perçu par tous, non comme un espace de débat entre eux, mais comme une source d’informations supplémentaires.
Evidemment, je n’ai, pour l’instant, dispensé que des cours magistraux. Mardi, j’avais affreusement mal à la gorge, 38°5 de fièvre et étais presque aphone. (Ce n’est guère mieux aujourd’hui, d’ailleurs, alors que mon fils, lui, commence à aller mieux.) Cela pour dire que mon enseignement lui-même n’appelle peut-être pas le débat. Mais enfin, c’est, depuis longtemps, la principale réserve que j’émets au sujet de la grande majorité des étudiants : ils n’interviennent pas, ou très peu, ou seulement s’ils y sont obligés, et prennent véritablement (à l’exception de ceux d’entre eux, minoritaires, qui ne participent pas parce que cela les ennuie ou les dépasse) le professeur pour une forme de dispensateur absolu d’un savoir gravé dans le marbre. Je ne suis, pour ma part, jamais si content que lorsque un étudiant ou une étudiante me contredit, me demande de retrouver un mot qui m’échappe, etc. J’ai toujours envie de paraphraser la maxime (ironique, certes) de Lautréamont à propos de la poésie : Le cours doit être fait par tous, non par un.
Dans le cas du cours de CAPES-agrégation dont je parlais au début de cette note, ce qui m’étonne le plus, outre (me semble-t-il) une baisse des effectifs (que l’on pourra, selon le bilan des semaines suivantes, imputer à mon peu de succès pédagogique, ou à la même première épidémie d’angines et laryngites qui me cloue moi-même au lit (mais pas tout à fait le bec)), c’est que, pour les quatre explications de texte en classe qui auront lieu les 29 novembre, 6 et 13 décembre, 3 janvier, et qui sont l’occasion rêvée de s’entraîner tant au commentaire écrit qu’aux épreuves orales, je n’ai à ce jour, pour les deux groupes (soit huit créneaux possibles) que quatre volontaires ! Ce n’est pas moi qui passe le concours !
Enfin, la solution est simple, sans doute, et ce sont le livre, le cours ou le professeur qui leur déplaisent ou les désorientent.
11:20 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
Depuis quelques vingt ans maintenant, les élèves (pas tous, évidemment) lisent utile : pour l'examen, pour un devoir, pour un exposé. Tout ce qu'ils font, d'ailleurs, est à visée utilitaire uniquement. Rien n'est gratuit. On peut d'ailleurs les comprendre un peu, vu le monde dans lequel ils vivent, le peu de perspectives réjouissantes et la culture (religion) de l'efficacité et de la réussite matérielle dans laquelle on baigne à présent.
Autrement dit, s'ils n'ont pas vu une utilité immédiate (comprendre : dans les huit jours) à tes quatre explications de texte en classe, ils ne se dérangeront pas ou viendront en traînant les pieds, au dernier moment. Culture, étude, recherche leur sont en grande partie étrangers (pas à tous, bien sûr), ainsi qu'effort et don de soi. Plaisir non plus n'a pas le même sens pour eux et pour nous.
Mais je m'avise, écrivant ces mots, que : 1) je suis devenu un vieux crétin ; 2) vu ton très jeune âge, Guillaume, tu fais justement partie de ceux-là qui ont commencé à lire utile et à vivre utile. Finalement, tu dois faire partie de ceux dont je dis : "Pas tous, bien sûr".
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 27 octobre 2005
Oui, he bien moi, je trouve que ces eleves ne se rendent pas compte de la chance qu'ils ont d'avoir un prof en chair et en os avec qui ils peuvent echanger leurs idees... Qui leur donne la chance de se planter pour pouvoir s'ameliorer...
Ah lala, generation d'enfants gates !
Écrit par : Sophie | jeudi, 27 octobre 2005
Lorsque j'ai préparé les concours, j'ai préféré fuir au bout d'un trimestre les cours : les autres candidats me regardaient de manière courroucée si j'osais poser une question après un exposé ou bien ramener un peu ma science. Chaque commentaire de texte était suivi d'un silence terrifiant et souvent réprobateur (enfin, je suppose). Autant je me suis amusé pour les diplômes et ai aidé des camarades alors, autant j'ai senti lors de cette préparation que la règle du jeu était de tout faire pour décourager les autres.
Écrit par : Dominique | jeudi, 27 octobre 2005
Euh... Dominique, êtes-vous tout à fait sûr de ne pas avoir totalement découragé les autres de par votre érudition à proprement parler ahurissante ?
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 27 octobre 2005
J'arrivais dans ce cours tout frais, plein d'enthousiasme et fort de mes succès. Pour la plupart, les autres personnes avaient déjà échoué deux ou trois fois : cela crée aussi un sentiment d'amertume ou une idée d'aquoibonisme. En outre, si le même groupe existe depuis un certain temps, on se demande ce que vient faire le nouveau trublion. Dans l'année précédente, celui qui tenait le même rôle que moi n'avait pas non plus tenu fort longtemps et il avait décidé lui aussi de se préparer tout seul, avec succès.
Écrit par : Dominique | jeudi, 27 octobre 2005
C'est vrai, les groupes ont un réflexe de défense, surtout s'ils sont soudés par l'échec. N'est-ce pas alors qu'il faut déclencher l'opération Charme ?
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 27 octobre 2005
Et bien me revoilà qui m'immisce dans un débat qu'on préfèrerait universitaire. Je ne parlerai pas au nom de tous les étudiants, mais pour le moment il est difficile pour moi de faire une critique des ouvrages au programme.
J'essaye de récolter le plus d'informations possibles, à travers mes recherches et les cours, pour relire les oeuvres avec un point de vue critique que je n'estime pas assez pointu pour l'instant.
Je dois avouer que je prépare les commentaires proposés par les différents professeurs, mais je ne les rédige pas. Je réfléchis et construis un plan détaillé, mais le poids de la préparation est tel que je ne prends pas le temps de le mettre au propre pour le rendre.
Mais je suis sûre que je vais réussir à trouver le temps nécessaire pour un de vos commentaires. Promis, mardi prochain, vous aurez une volontaire de plus.
Écrit par : Nyoku | jeudi, 27 octobre 2005
Mais, ma très chère N., c'est là où vous vous trompez grandement: pour passer à l'oral, il vous suffit d'avoir des notes abrégées et de savoir parler anglais. A ce que vous me dites, je crois comprendre que vous pourriez présenter les textes l'oral à chaque fois... C'est en ce sens qu'un oral est une chance inouïe: il demande moins de préparation qu'un travail écrit, teste votre méthode et votre anglais, teste vos capacités à l'oral, etc.
Allez, jetez-vous à l'eau!
Écrit par : Guillaume | jeudi, 27 octobre 2005
Et même à l'eau-râle.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 27 octobre 2005
Je garde un très mauvais souvenir de la préparation au concours. Comme m'avait expliqué une jeune femme qui le passait pour la 2e fois je crois, c'est une compétition donc moins il y a de monde mieux c'est. Les livres que l'on ne trouvait pas à l'endroit où ils devaient être à la bibliothèque de la fac car certains les cachaient, les cours dans lesquels il était difficile surtout si on est timide, d'en placer une et quand c'était possible, les commentaires du style: "si c'est pour dire ça"...Juste pour saper le moral etc. Les profs débordés ou toujours cernés par les étudiants bref pas de bons souvenirs.
C'est une chance d'avoir un prof disponible et ouvert aux échanges.
Écrit par : Livy | vendredi, 28 octobre 2005
Pour ça, les facs parisiennes sont, et de loin, les pires, tant pour la prétendue compétition entre étudiants que pour l'encadrement des étudiants par les professeurs. A Tours, il n'y a pas le même mauvais esprit, pas de féroce ruée sur les ouvrages au détriment des autres (ou, à tout le moins, je ne pense pas), et surtout pas cet esprit typiquement parisien de se penser en concurrence avec les autres.
Écrit par : Guillaume | vendredi, 28 octobre 2005
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