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mercredi, 25 octobre 2006

Du gnac !

Petit moment d'insurrection méridionale :

 

On entend de plus en plus fréquemment, ces temps-ci, journalistes et journaleux, mais aussi gens ordinaires, dire "avoir la gnac", ce qui s'écrit parfois (suprême idiotie) "la gniake". J'aimerais rappeler ici à ces incultes mais surtout aux habitants des régions où l'oïl a, depuis le Moyen-Âge, régné en maître*, que ce terme de gnac (ou, en occitan, nhac), provient de la langue d'oc, plus précisément du gascon, et qu'il est masculin. Par ailleurs, il s'emploie toujours précédé de du : du gnac, comme du nerf.

La plupart des occurrences, sur la Toile, sont dues à des journalistes sportifs, ou à des sportifs (qui en font d'autres, cela est bien connu). Mais M. André Santini, dignitaire de l'UDF, a également commis cette boulette dans un discours de 2002.

 

Que l'occitan ait été colonisé par la langue d'oïl (au point que nombreux sont ceux qui oublient que, si l'histoire avait connu un tour différent, le français que nous parlons aujourd'hui serait dérivé de l'oc et des troubadours, et nullement des dialectes d'oïl...) est une chose ; emprunter un terme occitan en le vidant de sa forme (et donc de son sens) en est une autre... 

 

* C'est, bien entendu, le cas de la Touraine, dont les natifs sont persuadés parler le français "le plus pur", alors qu'on y entend, en aussi grand nombre qu'ailleurs, des variantes régionales tout à fait fautives.

Commentaires

évidemment, on peut toujours reprocher aux autres leur "suprème idiotie" sous prétexte qu'ils ignorent un point de culture que vous ma^trisez sur le bout de doigts.
C'est une manière peu couteuse de se sentir supérieur

pourtant, si l'on tient à donner des leçons de langage, ne faudrait-il pas évoquer que l'histoire des mots est fait d'évolution. Evolutions d'orthographe (au point d'avoir parfois 2 orthographes coexistantes, comme clé et clef), évolution également du genre. Cela reste vrai pour des mots récents, ayant changé de genre en l'espace de quelques années seulement, comme autoroute, d'abord créé au masculin et devenu aujourd'hui unanimement féminin.
Faire de la philologie invite à user avec circonspection du dénigrement envers ceux qui utilsent "stupidement" les mots ;-)

avant de se caresser les bretelles en postillant sur l'inculture d'autrui, ne pas oublier de se remémorer un certain passage qui aprle d'une paille et d'une poutre...

j'aurais été ravi de cette leçon d'histoire sur "le gnac", si elle n'était assénée par un cuistre moins cultivé ni philologue qu'il ne le croit.

Écrit par : arbobo | mercredi, 25 octobre 2006

L'évolution des mots, de leur nature et de leur sens, mais aussi de leur genre ou de leur orthographe, est un phénomène que je crois connaître un tout petit peu, même si je ne m'en bombarde pas "spécialiste". Il me semble que, dans le cas du mésusage "avoir la gnac", il entre surtout une forme d'inculture, principalement d'origine sportive, et nullement une quelconque créativité. Certes, la langue n'est créative et vivante qu'en se muant, se transformant, en se dynamitant incessamment elle-même. Encore faut-il que ces transformations ne procèdent pas d'une simplification à outrance, ni d'une réduction à la langue standardisée d'une majorité (les locuteurs non gascons, en l'occurrence).

Puisque vous aimez procéder par proverbes (la paille, la poutre, tout ça), méditez donc sur celui-ci, qui explique, je pense, votre diatribe au demeurant très informée et intéressante : "Qui se sent morveux se mouche."

(NB : j'ai eu la grande bonté de ne pas détailler les dix fautes que vous fîtes, qu'elles fussent d'orthographe, de syntaxe ou de frappe.)

Écrit par : Guillaume | mercredi, 25 octobre 2006

à vrai dire les fautes, j'assume puisque je ne me relis pas. je me passe volontiers de la bonté de l'hypercorrection. J'écris comme un porc, c'est un fait, et je n'en tire aucune satisfaction (dire qu'à une époque j'étais une bête de dictée...).

pour le reste, quand on se lance dans la polémique, on attire des commentaires... polémiques ;-)
je suis d'accord avec le rôle des commentaires sportifs qui ont imposé le féminin (et toutes sortes d'orthographes) pour "gnac", je suppose que c'est là que j'ai découvert le mot (le journalisme sportif est souvent un nid de barbarismes et impropriétés en tous genres). Je ne m'en sens pas morveux pour autant, j'aime bien qu'on m'apprenne des mots. On est toujours l'inculte de quelqu'un (autre pensée proverbiale qui ne coûte pas cher ;-p
D'ailleurs je suis preneur d'une indication sur l'origine du mot (étymologie, apparition).

Ps : sympa d'avoir fait le déplacement en sens inverse (sans esprit de vengeance en plus, chapeau)

Écrit par : arbobo | mercredi, 25 octobre 2006

Salut Arbobo, toi aussi tu as suivi le lien sur le blog télé ? Je vous y donne un bon conseil, Guillaume.
Pour en revenir au sujet initial, je pense qu'on a tous une ou deux fautes (de sens, de grammaire, d'orthographe) qui nous irritent profondément. Par exemple, je ne supporte pas qu'on dise "tirer les conséquences". On ne tire pas une conséquence, une conséquence arrive et c'est tout, ce qu'on peut tirer c'est intellectuel et c'est donc une conclusion ou une leçon. L'emploi du verbe "réaliser" au lieu de "se rendre compte" m'horripile à peine moins. Pourtant je suis certaine d'avoir fait autant et sans doute plus de fautes qu'Arbobo dans ce petit commentaire. :-)

Écrit par : Anna | mercredi, 25 octobre 2006

Arbobo > La rancune ne m'intéresse pas, et l'irénisme encore moins. Le débat oui.

Anna > Non, pas l'ombre d'une. Quant à "réaliser" c'est, en ce sens, un anglicisme tout à fait horripilant, je vous l'accorde.

Écrit par : Guillaume | mercredi, 25 octobre 2006

Je ne suis pas un spécialiste ou un philologue, je fais plein de fautes (beaucoup d'oubli mais aussi beaucoup d'inculture), je ne maîtrise pas la concordance des temps (à mon grand désespoir) et j'utilise beaucoup de barbarismes et/ou d'anglicismes.

Ceci dit, puisque je suis un vulgaire qui aime tenter de s'améliorer un brin, je me pose parfois une question sur un point de grammaire / d'orthographe / de vocabulaire / d'étymologie, et après une longue recherche googlienne, j'en fais le compte-rendu sur mon blog (parce que je trouve ça rigolo et instructif - le lien vers cette catégorie est caché sous mon pseudo).

Reste que je me pose une question fondamentale, qui - je le rappelle - est une question de profane.

A partir de quel moment - ou pour être exact : dans quelle mesure - le respect plein de dévotion à une règle (d'orthographe, d'usage, de grammaire, etc.) est de l'ordre de la réaction comme dans "réactionnaire" ?

Ce que je veux dire est qu'il me semble y avoir plusieurs forces se faisant concurrence :
- l'usage de la majorité, oserais-je dire populaire ;
- le bon usage "institutionnalisé" (merci Grévisse et autre Académie) ;
- le débordement de l'oral sur l'écrit (surtout sur le net où l'accessibilité rend la parole volubile et tend à lui donner une sonorité orale alors qu'elle est techniquement écrite) ;
- l'emprunt d'autres langues dans des domaines techniques où certaines innovations sont étrangères (en marketting, en économie, en électronique, en informatique) ;
- l'influence "sms-isante" des téléphones portables chez les plus jeunes, etc.

Bref, le langage tel qu'il est fixé semble sans cesse maltraité et/ou mis à jour.

Donc, la question est : à partir de quel moment la protection et conservation bien légitime de la langue devient une réaction épidermique qui semble toucher à la crispation un brin intégriste ?

Merci de votre / vos réponse(s) ! :-)

Écrit par : Urobore | jeudi, 26 octobre 2006

Moi j'aime "réaliser", Baudelaire oblige.
(Ben dis donc, déclencher les passions avec un sujet pareil! (du ketchup ou de la ketchup?) )

Écrit par : VS | jeudi, 26 octobre 2006

VS > "réaliser", ce n'est pas la même chose sous la plume de Baudelaire et dans la bouche de Pierre Sled (s'il existe encore).

Urobore > ma réponse à votre question risque de reprendre ce que je viens d'écrire à l'intention de VS : tout dépend du degré PERCEPTIBLE d'inventivité. Tout manquement à la syntaxe ou à l'orthographe me paraît digne d'intérêt s'il témoigne d'une quelconque créativité. Or, dans 99% des cas, c'est simplement une ignorance moutonnière qui s'exprime.

Un exemple de sabir tourangeau typique : "ça me soucie". TOUS les locuteurs que j'ai entendu faire cette faute la faisaient inconsciemment, par simple répétition d'une tournure familiale/familière.
Cette tournure n'apporte rien, puisque ce qu'elle montre, avant tout, c'est que la personne qui l'emploie
1) ne connaît pas vraiment le sens des mots "souci" et "soucier"
2) ne maîtrise pas une tournure comme "ça me préoccupe" ou "ça me taraude" (d'autres verbes sont envisageables)
Autant dire que "ça me soucie" est la marque d'une langue et d'une réflexion appauvries, puisque la faute provient, sans nul doute, d'une méconnaissance de la langue et de ses richesses. La mauvaise monnaie chasse la bonne, le plus souvent.

De nos jours, "c'est énorme" et "c'est clair" ont remplacé une centaine de phrases différentes qui marqueraient mieux les nuances dans l'intention du locuteur. C'est pour cela que "c'est énorme" m'énerve et que je ne l'emploie que par parodie, voire par moquerie. Ainsi, si un jeune homme franchement obèse m'assène dix fois de suite, au cours d'une discussion, "c'est énorme", je vais me faire un malin plaisir à lui répondre, le plus pince-sans-rirement du monde, "ah oui, c'est vraiment énorme". Cela s'appelle la resémantisation, et c'est mesquin, je le sais... mais, quand on court le 100 mètres en 18 secondes et qu'on n'attrape jamais le panneau de basket (sans même avoir l'excuse d'être obèse), il faut au moins se conserver, dans notre société, le luxe d'être pédant...

Écrit par : Guillaume | jeudi, 26 octobre 2006

Hum, pour le gamin obèse, c'est surtout méchant (voir blessant, si le gamin saisit au vol la resémantisation). Et finalement bien gratuit pour un gamin qui n'a aucune idée de ce genre de considérations orthographiantes. Bref, c'est une réaction peut-être pédante mais très certainement bête, tout simplement. :-)

Pour le reste : sur le papier, ce que tu expliques, cela me semble logique et séduisant. Néanmoins, quand on regarde des subtilités comme le mot "tête", par exemple, qui vient de "testa" (je crois ?), du latin vulgaire parlé par le soldat occupant la Gaulle "à l'époque", désignant non pas la "tête sur les épaules" mais la "tête de la bouteille" - le goulot, quoi - parce que les romains présents parlaient un latin vulgaire loin du latin classique où la "tête sur les épaules" se disait par un mot que je ne connais pas mais qui se situe entre la "cabeza" espagnole et la "caboche" argotico-patoienne - on peut se demander finalement si toute cette histoire de conservation de la langue pour son esthétique étymologico-origiennelle n'aurait pas un arrière-goût de foutage de gueule. C'est énorme, quand même, non ? ;-)

Franchement, fonder sur un baragouinage incertain, tout un codex de règles comme des hypostases intouchables, se disant soudainement "allez, hop !, je m'en tiens là", n'est-ce pas finalement le délire de quelques aristos d'hier et de bobos d'aujourd'hui qui se complaisent dans une esthétique qui a été créée de toute pièce à un instant "t" donné ? Une esthétique à l'origine fantasmée puisque seuls ceux qui ont plus tard joué avec le langage fixé lui en ont donné une. Une esthétique que n'ont donc pas les règles en elles-mêmes et ce qu'elles sont supposées conserver.

Alors quid ? Est-ce que la crispation linguistique relève de la pathologie ? :-p

Ne serait-il pas finalement plus simple de dire simplement : "Les règles existent pour qu'ensemble on puisse se comprendre, car tel est fondamentalement le but du langage" ? On éviterait au moins l'écueil de la pédanterie, non ? ;-)

Écrit par : Urobore | jeudi, 26 octobre 2006

Il ne s'agit pas de "crispation linguistique"... En tout cas, tu es très sûr de détenir la vérité, tant mieux pour toi je suppose.

Une langue n'est belle, à mon sens, que dans son épaisseur historique, et penser qu'on peut la réinventer complètement tous les dix ans est un fantasme complet. Tenir compte de l'importance des acquis historiques d'une langue n'a rien à voir avec une "esthétique" "réactionnaire". Même à admettre ta définition de la langue comme outil de communication (ce qui me paraît bien triste, mais admettons...), on ne communique pas mieux en appauvrissant le vocabulaire et la syntaxe. Entre un individu A qui ne pourra pas faire d'autre phrase en "c'est + adjectif" que "c'est énorme" et "c'est clair" et un individu B qui disposerait d'une bonne vingtaine d'adjectifs pour exprimer les nuances de son jugement, il y aura toujours une différence d'essence , en ce sens que B pourra éviter les malentendus et enrichir constamment sa vision du monde, tandis que A restera enfermé dans un monde étriqué, sans espoir de nouveauté ni d'aspiration à l'autre. De même, entre C (qui dit "il m'a parlé qu't'étais pas d'accord que moi") et D (qui est susceptible de dire, entre autres, "il m'a informé d'un petit problème entre nous" ou encore "il m'a dit que tu n'étais pas d'accord avec mes idées"), la différence fondamentale (et je parle d'expérience), c'est que le premier comprend vingt fois moins de choses que le second. Quand on parle mal, c'est qu'on réfléchit peu ou pauvrement.

Enfin, sur la vanne relative au gamin obèse, il s'agissait d'un exemple théorique, et je ne suis pas du tout du genre à faire cela. Si je le faisais, je m'assurerais que mon interlocuteur est si bête qu'il ne comprendra pas l'ironie. Entendons-nous bien : si quelqu'un d'obèse peut dire "c'est énorme" tout le temps, c'est qu'il ne saisit même plus les différents sens de l'adjectif. Mais, une fois encore, je n'ai encore jamais rencontré d'obèse (de quelque sexe que ce soit) qui répétât ce leit-motif.

"Je ne suis pas du genre à faire cela". Toutefois, il y a quelques années, quand les vendeuses invariablement accueillaient les clients en disant "bonjour-euh", j'avoue avoir plusieurs fois répondu "bonjour-euh" en insistant bien sur le "euh". Mais mon beau-père, qui a été électricien et chauffeur de taxi et qu'on ne peut pas taxer de supériorité sociolinguistique (qu'elle soit aristo ou "bobo"), en faisait tout autant.

Écrit par : Guillaume | jeudi, 26 octobre 2006

pour les "soucis" il y a des variantes, j'ai souvent entendu "ça me fait souci".
j'ai tendance à prendre ça opur des expressions locales, comme les "ça fait peine" ou "ça me fait deuil" du sud.

Écrit par : arbobo | jeudi, 26 octobre 2006

Bonjour ! J'ai vu que vous avez fait une note en ping-pong à mon commentaire. Comprenons-nous bien : je ne vous qualifiais en aucune façon de réactionnaire, ouh la la ! Et c'était surtout un commentaire à vocation sarcastique que j'essayais d'écrire, volontairement provocateur, dans l'espoir de susciter ne serait-ce qu'un sourire. C'est donc tombé complètement à côté, à ce que je vois. Je dois sans nul doute, pour ma part, par exemple, être un de ces bobos que je critiquais sévèrement.

Bref, seul le fond importait dans mon commentaire et ce n'est en aucune façon une attaque à votre encontre : dans quelle mesure la défense de la langue et de ses règles est-elle une protection ou une "réaction" ? C'est une question que je me suis plusieurs fois posée en tant que profane et rien de plus. Je vous l'assure.

Amicalement,

PS : Vos commentaires sur mon blog ont étrangement été censurés par le filtre antispam que j'ai installés sur mon blog et je ne parviens pas à comprendre pour quelle raison. Je les ai validés à l'instant (ce qui m'a, du coup, invité à revenir sur votre blog et à constater votre réaction - pas au sens de "réactionnaire", cette fois ;-) - et qui m'avait échappée. Sans rancune, j'espère ?

Écrit par : Urobore | lundi, 30 octobre 2006

> Guillaume

Je ne connais l'existence de « gnac » que depuis très peu de temps (peut-être même moins d'un an mais il est vrai que je ne lis jamais la presse sportive et baisse machinalement le son de ma radio dès que j'entends parler de « notre » équipe de mollets ou de tout autre de « nos » héros à crampons, cuissarde ou bandana). Et encore, jusqu'à vous lire, mercredi dernier, j'ignorais totalement l'origine de ce terme, croyais moi aussi qu'il était du genre féminin et, à force de l'entendre de plus en plus fréquemment, pensais que ce n'était rien d'autre qu'un mot à la mode, délicieusement « racaille » sur les bords (au sens ante-sarkozien qu'avait ce dernier terme lorsque, n'étant pas encore devenu la pire insulte qui soit, il avait tendance à être revendiqué par beaucoup de ceux qui s'indignent aujourd'hui de son emploi), comme, en leur temps, les « tchatche », « baston », voire « meuf » dont, serais-je tenté d'écrire si je ne craignais de verser un peu dans le cliché, se repaissaient les journalistes de « Libération » dans les années quatre-vingts (et peut-être même encore aujourd'hui, d'ailleurs, mais je n'ai plus guère lu « Libé » depuis cette désormais lointaine époque). Autant dire que je n'ai jamais employé ce « gnac » (pas plus, de ce fait, « du gnac » que « de la gnac ») sur lequel vous attirez à juste titre notre attention. Je me serais, du reste, immanquablement reporté à mon dictionnaire s'il m'avait fallu l'écrire car j'avoue à ma grande honte que, moi aussi, je lui aurais bien mis un I entre son N et son A, et même, horresco referens (merci les pages roses), un K final...

À part ça, puisque vous n'avez pas attendu 2007 pour célébrer le centenaire de la dernière insurrection du Midi en date, je profite de votre note irritée de la semaine dernière pour agiter à mon tour la muleta devant vous et vous faire voir rouge en vous rappelant – car vous ne sauriez l'ignorer – le triste sort réservé au tout aussi occitan (sinon plus, si je puis dire) « qu'es aquó ? » (autrement dit, pour les non-Occitans comme moi : « qu'est-ce que c'est ? »), qu'il est de plus en plus fréquent, me semble-t-il, de voir ridiculement orthographié « kézako »... par des quasi-analphabètes, ajouterais-je si cela ne me faisait à mon tour encourir le risque de passer pour un pédant fier de sa supériorité supposée (encore que j'ai quant à moi un alibi en béton devant pareille accusation : je n'ai d'autre compétence que celle de simple locuteur du français, ayant pour ma part décroché autrefois mes maigres diplômes – à coup de Que sais-je ?, ajouté-je d'ordinaire – dans des disciplines n'ayant malheureusement rien, ou si peu, de littéraire).

Une dernière chose sur laquelle j'aimerais réagir : votre affirmation selon laquelle « les natifs de Touraine sont persuadés de parler le français le plus pur ». À mon avis, il vaut mieux parler de Tourangeaux au sens restreint du terme, c'est-à-dire habitant Tours, qu'au sens, comme vous le faites, des natifs de Touraine. Car, pour peu qu'on s'éloigne un peu de Tours, la plupart des gens dans les campagnes tourangelles n'ignorent quand même pas que leurs parents, grands-parents ou arrière-grands-parents parlaient un français largement dialectal, ce que, faute d'oser l'appeler le tourangeau, l'on nomme ici le « vieux parler tourangeau » et que, comme partout ailleurs en France, nos bons jacobins – et avant eux, n'en déplaise à Maurras, nos emperruqués à fleur de lys – ont toujours stigmatisé comme patois (à tel point que les locuteurs des différentes langues ou dialectes de France ont le plus souvent intériorisé ce terme largement péjoratif pour en qualifier leur idiome, fût-il, comme vous le rappelez, le prestigieux occitan des troubadours).

Je vous renvoie aux travaux de Maurice Davau pour ce qui est des formes dialectales dans la Champeigne tourangelle, ce même Maurice Davau dont j'ai été autrefois surpris d'apprendre, dans article qui lui était consacré, qu'il avait lui aussi connu, en Touraine, le temps des petites brimades (le « symbole » et autres coups de règle sur les doigts) dans le cadre de la lutte de ses instituteurs contre le patois, même si cette dernière était bien entendu menée avec moins d'acuité que dans le Midi ou, plus encore, en Bretagne bretonnante, où le mal à extirper (le plus souvent, contrairement à une idée reçue, par des instituteurs du cru, très souvent eux-mêmes « patoisants ») n'avait il est vrai rien de comparable. Cela dit, il faudrait quand même être sacrément réactionnaire, pour le coup, pour ne pas voir dans l'homogénéisation du français dans les pays de langue d'oïl une avancée indéniable. Pour en revenir à votre affirmation sur les natifs de Touraine, il m'a suffi quant à moi d'entendre depuis ma plus tendre enfance parler ma grand'mée de Bléré pour savoir que cette histoire de la pureté du français de Touraine n'était qu'une aimable fable, entretenue jusqu'à aujourd'hui, mais qui lui en voudrait ?, par l'Institut de Touraine pour s'attirer des étudiants étrangers. Cela dit, pour ce qui est de la bonne ville de Tours, je ne sais si l'installation des rois de France dans le Val de Loire à la fin du Moyen Âge et sous la Renaissance a réellement fait d'elle un précurseur dans l'adoption du français d'Île de France ou si le français de Touraine a eu une influence sur le parler de la Cour (en tout cas, je ne connais guère, comme mots du français officiel ayant une origine tourangelle, que « mégot », « rillette » et « trognon », ce qui fait quand même peu) mais j'aurais quand même tendance à croire ce qu'on lit habituellement, à savoir que cette présence a été marquante sur le plan linguistique.

Quant à votre remarque sur ce que vous qualifiez de « sabir tourangeau » à propos de l'usage du verbe soucier dans l'expression « ça me soucie », en faites-vous pour autant une locution propre aux Tourangeaux ? Ce serait, je pense, assez exagéré. Je lis en effet dans le dictionnaire des difficultés de la langue française, aux éditions Larousse, que « soucier s'emploie le plus souvent à la forme pronominale (se soucier de) mais il se rencontre encore au sens transitif de "causer de l'inquiétude" : "Hé! Je crois que cela faiblement vous soucie" (Molière, "le Dépit amoureux", IV, III) ». J'avoue, au risque de passer pour l'ignare de service, que j'ignorais totalement que cette tournure était jugée fautive et devais moi-même l'employer plus souvent qu'à mon tour (car, mon brave monsieur, j'en ai bien, des soucis).

Bon, je suis trop vanné ce soir pour répondre dans la foulée à votre note du 26 octobre. J'arrive un peu après la bataille avec mon petit baratin mais je me permets quand même d'apporter ci-dessous mon grain de sel pour commenter les interventions auxquelles la présente discussion a donné lieu.

> Arbobo

Plutôt maladroite, cette façon de se dévaloriser (« j'écris comme un porc ») pour aussitôt après y aller de sa petite vantardise (« dire qu'à une époque j'étais une bête de dictée », autre façon de dire : « Ah, si je voulais, je vous en remontrerais mais, tel Rimbaud avec la littérature, j'ai jeté l'orthographe bourgeoise aux orties car je suis moi aussi une sorte de poète maudit »). Ne voyez là aucune agressivité de ma part, il se trouve simplement que j'encaisse de plus en plus mal, de façon générale, que des gens qui souvent seraient prêts à en venir aux mains pour ou contre le maintien du rugby à XIII, la fusion des titres de Miss Touraine et Miss Berry ou le remplacement de la purée par des frites à la cantine le vendredi, agissent avec une telle désinvolture dans leur usage de ce bien commun qu'est la langue, sans le moindre respect autrement dit pour leurs interlocuteurs ou, pis encore, pour leurs lecteurs, alors même qu'ils ont manifestement la chance de ne pas être des illettrés (eh oui, pas très élégante, je le reconnais, cette dernière petite tentative de ma part de culpabiliser en faisant référence à ceux qui ne peuvent suivre des études mais, que voulez-vous, ça marche toujours, alors pourquoi s'en priver ?).

> Anna

Pardonnez ma question de néophyte (autant dire que je vais une nouvelle fois passer pour le neu-neu de service) mais qu'est-ce que c'est que cette histoire de blog télé ? Peut-on y accéder, nous autres, ou bien est-ce une affaire privée entre Guillaume Cingal et vous ?

Sinon, pour ce qui est de votre texte, laissez-moi vous dire qu'on ne fait guère mieux, comme démonstration de coquetterie, que votre phrase finale (« je suis certaine d'avoir fait autant et sans doute plus de fautes qu'Arbobo dans ce petit commentaire »). À qui en effet pensez-vous raisonnablement faire croire que vous avez un seul instant imaginé faire pire que la petite dizaine de fautes du texte, au style certes de bonne facture mais à l'écriture étonnamment relâchée, de notre ami Arbobo ? Surtout quand vos lignes, elles aussi de bonne tenue (eh merde, voilà que je me mets à jouer les instits refoulés...) n'ont pas de mot plus compliqué quant à son orthographe que le verbe « horripiler », ce qui limitait quand même vos chances de vous planter en beauté, comme il arrive à tout un chacun, moi le premier, au détour d'une phrase.

Ou alors cette modestie un peu trop affichée (car il suffit de faire un tour sur votre blog pour voir que votre affirmation relevait bel et bien de la boutade) ne serait-elle pas une tentative chevaleresque de venir en aide à votre camarade mis en fâcheuse posture par la remarque cingalienne sur ses fautes de syntaxe, d'orthographe et de frappe ?

> Urobore

Si j'ai bien saisi votre propos (car, piètre penseur, je ne suis pas très doué pour raisonner dans l'abstraction), vous justifiez vous-même la nécessité de règles pour que la compréhension soit optimale mais vous offusquez dans le même temps de la quasi-sacralisation de ces règles, au motif qu'elles reposent sur pas mal d'arbitraire. Que faut-il faire alors ? Simplifier les règles ?

Ah, évidemment, si c'est pour corriger le fait que « charrette » et « charrue » s'écrivent avec deux R quand « chariot » n'en prend qu'un (exemple souvent mis en avant lors de la réforme de l'orthographe), je peux sans difficulté vous rejoindre pour trouver un peu ridicule de rester bloqué sur cette orthographe, et ne serais de ce fait pas forcément opposé à un toilettage en la circonstance. Pour le reste, je ne peux que maladroitement tenter de faire miens les arguments du sieur Guillaume sur l'intérêt qu'il y a à conserver son épaisseur historique à la langue.

Quant aux bobos, il faudrait peut-être un peu arrêter de tout leur mettre sur le dos. Ils sont un peu ridicules, c'est entendu, notamment par leur conformisme dans l'anticonformisme, mais je ne vois pas trop ce qu'ils viennent faire dans cette histoire. De même qu'il est abusif d'en faire les conducteurs habituels, comme je le lisais dernièrement sur un blog, des sinistres quat'-quat' (vous me pardonnerez cette orthographe toute personnelle qui, en plus de souligner par son côté puéril le profond ridicule de ces monstrueux engins, présente cet autre avantage à mes yeux d'être plus conforme que l'horrible « 4´4 » à la prononciation sous laquelle on les désigne usuellement, mais bon, je m'égare), de même, disais-je avant cette digression lexicale, qu'il est abusif de faire des bobos les conducteurs habituels de ces sinistres quat'-quat', très nettement connotés en fait « véhicule du gros beauf qui s'ignore, qui est bourré de fric et qui vote à droite », ce qui n'est pas à proprement parler la définition du bobo, de même, il ne me paraît guère plus conforme à la réalité de faire desdits bobos les pourfendeurs indignés des moindres écarts aux règles de la grammaire ou de l'orthographe. Ce rôle me paraît en effet plutôt devoir être tenu le plus souvent, exception faite, sans doute, d'intellectuels comme l'auteur du présent blog (est-il pour autant bobo, du reste ? je n'en sais fichtre rien), par des conservateurs patentés du style de ceux des vieux lecteurs de la chronique de Maurice Druon dans « le Figaro » qui n'ont, par exemple, toujours pas digéré la féminisation des noms de métiers.

Écrit par : Chieuvrou | mardi, 31 octobre 2006

L'horrible graphie usuelle du quat'-quat' que j'évoquais à l'instant s'écrit naturellement avec le signe de la multiplication, lequel a malheureusement sauté dans mon copié-collé. Je le remplace donc par le X majuscule : « 4X4 ».

Écrit par : Chieuvrou | mardi, 31 octobre 2006

Il me semble que vous avez raison, Chieuvrou. Très certainement, parler des bobos comme je l'ai fait est stupide puisque ce n'est pas les bobos qui sont les conservateurs de la langue (existe-il des bobos à l'Académie Française, d'ailleurs ?). En filant la plaisanterie, j'aurais plutôt dû dire quelque chose comme "les aristos d'hier et les bourgeois d'aujourd'hui", plutôt que les "bobos", qui sont une catégorie bien particulière.

D'ailleurs, et cela montre combien je suis dans le faux, un personnage comme Lacan, par exemple, et tous les adeptes de la déconstruction du langage par ailleurs (Barthes, peut-être ?) sont plutôt des "bobos" défenseurs de l'attaque des racines du langage (Barthes ne disait-il pas quelque chose comme "le langage est un fascisme" ou un "truc" du genre ?).

En tout cas, au-delà de mes sarcasmes que Guillaume a sans doute pris personnellement (je vous jure que ce n'était pas l'intention - son silence pour l'heure me ferait dire qu'il m'en veut, j'espère que ce n'est pas le cas) - des sarcasmes qui étaient plus présents pour enrober une vraie interrogation que pour autre chose - vous m'avez tous deux (Guillaume et Chieuvrou) convaincu, pour le peu de conviction que je pouvais avoir précédemment (encore une fois, je suis un profane qui fait plein de fautes et qui aimerais maîtriser la concordance des temps avec brio). Convaincu parce que donné des éléments de réponses.

Merci pour cela.

Écrit par : Urobore | mercredi, 01 novembre 2006

Chieuvrou : le blog télé est celui de Télérama, c'est par ici :
http://blogtv.telerama.fr
Guillaume avait laissé un commentaire sur une vieille note au sujet de ce famaux distingo entre du gnac et de la gnac, les petits curieux que nous sommes ont suivi le lien jusqu'ici, fort intéressant ma foi !
Je pratique assez peu la modestie, vraie ou fausse... Je sais seulement par expérience que pratiquer trop peu le français écrit comme je le fais (je passe trop de temps à écrire en anglais) vous bousille une orthographe et une syntaxe très facilement. D'autre part je lis encore beaucoup de livres imprimés (heureusement) mais ils sont parfois truffés de fautes, sans parler de ce qu'on lit sur Internet. Ma mémoire étant tristement influencée par ce que je vois (pour touver l'orthographe d'un mot je l'écris de plusieurs façons jusqu'à ce qu'il ait l'air "correct") je suis sûre d'avoir emmagasiné des orthographes incorrectes mais couramment employées.

Écrit par : Anna | jeudi, 02 novembre 2006

Guillaume dit : "les dix fautes que vous fîtes".

Doux Jésus...

Écrit par : Delphine | mardi, 13 février 2007

...et si on est plusieurs à avoir du gnac en même temps, ça devient du co-gnac...

Écrit par : fuligineuse | mercredi, 14 février 2007

Basque d'origine je pense avoir "du gnac" depuis un peu plus de soixante ans, c'était même une expression utilisée au masculin par les "bons pères jésuites" qui m'ont enseigné le français, et je suis un peu désolé d'une féminisation, abusive de l'expression par la presse sportive.
Mais que dire de "la niaque" utilisée de plus en plus par les journalistes de tout poil et même les hommes politiques, ce n'est plus une évolution naturelle de l'orthographe mais une dénaturation ( je ne sais pas si ce mot existe !) profonde des mots d'origine du terroir et du terreau du français.
De grâce attendons l'officialisation et lma généralisation du langage texto pour massacrer les expressions régionales qui apportent tant de saveur à notre belle langue.

Écrit par : b. agoutborde | lundi, 07 mars 2011

Vous avez tout à fait raison... Hélas, le mal est fait, je crois.

Écrit par : G. Cingal | lundi, 07 mars 2011

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