dimanche, 24 décembre 2006
Pynchattemites
Lectures au fauteuil... Je ne connaissais pas le substantif catamite.
Honte à moi, peut-être. Page 154 d'Against the Day, l'énorme roman récemment paru de Thomas Pynchon : "But inwardly, deep inside, "he remained the catamite of Hell, the punk at the disposal of all the denizens thereof, the bitch in men's clothing."
Après une rapide recherche, je découvre que ce terme se traduirait assez bien par giton. Je pense toutefois ne l'avoir jamais rencontré auparavant. D'après la WP anglophone, il viendrait de l'étrusque catmite, qui serait lui-même une déformation du nom grec Ganymède. (Ah, il serait tentant, tout de même, de traduire par "le ganymède des Enfers", avec un g minuscule.)
Les chercheurs spécialisés dans l'histoire de l'homosexualité et de ses perceptions pourront s'informer aussi auprès de Rictor Norton, qui cite un bref article publié dans le Post-Angel (!) en 1701. Pour ma part, je m'interroge sur l'éventuelle parenté entre le latin catamitus et le français chattemite. Pure coïncidence, à en croire le Robert culturel, qui réduit ce substantif (également adjectif ("des manières chattemites")) à la composition par juxtaposition de chatte et de mite, nom ancien du chat.
(Aussi... c'est le terme qu'emploie Brendan Rau, dans sa traduction récente de la 61ème Elégie de Catulle, comme équivalent de concubinus. (L'immarcescible (quoiqu'il doive être mort depuis lurette) Maurice Rat choisit "favori", qui me paraît faible. Non, vraiment, il faut préférer giton.) D'après l'irréprochable Concordance des Oeuvres de Shakespeare, ce mot n'apparaît jamais dans les pièces ni les poèmes du Barde. En revanche, on trouve, à l'acte IV du Sejanus de Ben Jonson, un très beau distique qui se clôt par catamite :
He is, with all his craft, become the ward
To his own vassal, a stale catamite
Un giton rassis ? Je vous en donnerai, du quignon, de la flûte...
Dans un ordre d'idées légèrement différent, ce terme se retrouve, assez logiquement, dans maintes traductions de textes fondateurs des Pères de l'Eglise (ouh la, triple génitif, faudrait éviter ça...), comme dans la version que donne C.L. Cornish du De Utilitate Credendi de Saint Augustin. Aussi faudrait-il préciser que Saint Augustin employait lui-même catamitus : "Nonne cernis, ut Catamitum Bucolicorum, cui pastor durus effluxit, conentur homines interpretari, et Alexim puerum, in quem Plato etiam carmen amatorium fecisse dicitur, nescio quid magnum significare, sed imperitorum iudicium fugere affirment; cum sine ullo sacrilegio poeta uberrimus videri possit libidinosas cantiunculas edidisse?".
Bien. Assez de vaine érudition.)
Dans tout cela, je me suis éloigné de Thomas Pynchon, dont le volumineux roman toujours m'attend, sur le fauteuil.
18:10 Publié dans Moments de Tours, Mots sans lacune, Pynchoniana, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : Littérature
Commentaires
Ce que TU en saiS, des choses ... allez, juste pour aider les autres lecteurs incultes et monolingues, je partage le fruit de mes recherches de trois-heures-moins-dix-AM) :
Inwardly : intérieurement
Denizen : habitant • étranger (dans un pays hôte) • animal acclimaté.
Thereof : de cela
La phrase est beaucoup plus claire, désormais, innit ?!
Écrit par : Simon | lundi, 25 décembre 2006
"Il restait le giton des Enfers, le mignon soumis aux citoyens de ce lieu, la catin en habits d'homme."
Sources consultées, pour confirmation :
http://www.yourdictionary.com/ahd/p/p0662500.html
http://elsap1.unicaen.fr/cgi-bin/trouvebis2?requete=asservi&refer=%23
Écrit par : G. Cingal, toujours | lundi, 25 décembre 2006
J'avais écrit un bref commentaire en réponse, avec traduction de la phrase dans son entier, mais, après m'avoir demandé de recopier un code (pour éviter le spam robotique), le serveur m'a signalé que le message était accepté, puis... ne l'a pas affiché. J'ai remarqué que ces contrôles se produisaient, sur Haut&Fort, dès qu l'on insérait un lien hypertextuel dans le corps d'un commentaire. De toute façon, Simon est barré en Slavonie, à cette heure. (Son ordinateur, quand même, va lui manquer, à trois heures et demie du matin.)
Écrit par : G. Cingal, again and again (againest?) | lundi, 25 décembre 2006
Euh, ouais, ce ne sont plus des robots, mais des poltergeist farceurs... Le premier commentaire est apparu en même temps que le second !
Cf [ http://folk.uio.no/alied/TMoL.html ] & définition de WORGRET.
Écrit par : G. Cingal, eventually | lundi, 25 décembre 2006
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