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jeudi, 20 octobre 2011

Exister est un plagiat : 14 et 59

14

 

La seule fois de ma vie où j’ai fait du canoë, c’était avec mon père, à Escource, lors d’une réunion estivale des Verts. Etait-ce vraiment en juin 1988 ? je crois que oui, car, si j’ai souvent confondu ces deux événements, c’est bien en juillet 1989, après mon année de seconde, que mon père et moi avons passé un week-end dans les Pyrénées, sous la tente, après avoir gravi le chemin de la Mâture, pour une réunion de la SEPANSO.

En juin 1988, j’ai sauvé un petit merle tombé du nid, que j’ai nourri avec de la pâtée pour chat et des lombrics que j’allais chercher à la pelle dans le tas de fumier. Je l’ai surnommé Grandgousier, et, un matin, après deux semaines, peut-être, de ce régime fortifiant, il a quitté sa cage à tire d’ailes, profitant du moment où j’ouvrais la porte.

C’est juste avant, ou juste après, qu’il y avait eu cette journée à Escource.

 

Je pense que c’est à treize ans, aussi, que j’ai écrit, sur des feuilles à carreaux de petit format, une sorte de roman d’anticipation inspiré autant par Giono que par Robert Merle, et que j’avais intitulé Une rose au jardin de la mort. Même à l’époque, je trouvais ce titre très cucul-la-praline, mais il me semblait ne pas pouvoir en choisir un autre. C’est dans ce texte-là, je crois (mais ne peux vérifier – le manuscrit a dû en être perdu), que j’ai changé le nom de l’héroïne pour la rebaptiser Lirena. Je me revois en train d’écrire les divers chapitres de ce roman inachevé, à mon bureau. Je revois très bien aussi les blocs de papier brouillon que mon père avait ramenés de je ne sais où et sur lesquels j’avais commencé à écrire une autre œuvre, assez utopique également, vaguement robinsonienne, et tout autant passée depuis longtemps à la trappe, Voyage en Cétonie.

 (L’été suivant, à presque quinze ans donc, juste après le fameux week-end en vallée d’Aspe, j’avais entrepris un autre roman, très vite avorté celui-là : Les Lagopèdes. Pour le coup, j’en suis certain, il y avait un personnage féminin qui se prénommait Lirena. --- Je m'en avise à présent, c'est lors du week-end en vallée d'Aspe que j'ai entendu pour la première fois la plaisanterie sur le fromage de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. Pagaie.)

Pour en revenir à l’autre roman, Une rose au jardin de la mort, je sais qu’il m’est arrivé, pour l'écrire, de m’isoler même le dimanche, quand mes grands-parents maternels nous rendaient visite avec mon arrière-grand-mère. C’est cette année-là, aussi, je pense, que j’ai enregistré, à son insu, une conversation avec mon arrière-grand-mère, qui était une extraordinaire raconteuse. Elle tricotait, assise dans un fauteuil, sur la terrasse, une belle après-midi ensoleillée d’automne, et je l’écoutais, lui posais des questions.

 

 

 

59

Aujourd’hui, 20 octobre 2011, Frédéric a trente-cinq ans.

Même les jeunes vieillissent. Nous nous perdons de vue. C’est triste.

 

En 1997, j’ai joué le rôle du jeune homme dans Lorsque cinq ans seront passés de Lorca, mis en scène par mon autre ami Frédéric (que je perds un peu moins de vue).

J’ai préparé le concours de l’agrégation, ai été reçu deuxième (et mon beau-père de m'appeler Poulidor pendant des mois après ça).

Le 26 juin, C*** et moi étions à Beauvais, pour chercher un appartement – nous avons emménagé, aidés par mes beaux-parents, aux alentours du 15 août.

Les deux Frédéric ont été les premiers hôtes, l’un après l’autre, puis très régulièrement, dans notre F4 de la rue du 51ème Régiment d’Infanterie. Ce nom de rue claquait assez bien, au vu de la situation, car je n’ai dû mon passage du statut d’élève de l’Ecole Normale Supérieure à celui de doctorant et d’allocataire moniteur (et donc la possibilité de vivre avec C*** à Beauvais, où elle avait été nommée titulaire dans un collège pourri) qu’à des prorogations incessantes de mon service militaire, tandis que le plus âgé des deux Frédéric (le metteur en scène de Lorca, pas celui du 20 octobre) venait souvent nous voir car il était, à cette époque-là, objecteur de conscience au Mans, et, pour le dire sans ambages, sans un rond.

Je pense que je pourrais raconter avec une infinité de détails nos premiers mois à Beauvais, septembre par exemple : nos visites dans la région le week-end, les premières semaines de cours de C*** avec les banlieusards déchaînés, les promenades, l’achat de la Fiat Punto, mes voyages hebdomadaires à Paris (le mardi ou le jeudi, je crois) par la ligne ultra-lente qui permettait, au départ de Beauvais, de rallier la gare du Nord en  1 h 15 en moyenne, le séjour du Frédéric manceau au moment du Festival des Cathédrales, etc. Il y aurait là tout un livre. La fixation photographique ferait un chapitre à elle seule, la vie dans l’appartement un autre, et les textes que j’écrivais sur le Macintosh Performa 475 (la suite de Féerie, la traduction de Spicer, les premières recherches pour mon DEA) encore un autre chapitre.