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lundi, 23 janvier 2006

Vendredi 13, laisse en pas

 

Le chien traîne avec lui sa laisse, mais il a dû remiser son maître quelque part dans les recoins sombres du parc du Musée des Beaux-Arts. Un homme d’une quarantaine d’années le regarde passer, d’un air amusé. Cet homme, que je guette depuis une heure et demie, et que j’ai filé jusqu’à ce point de rencontre habituel, semble épier, de son côté, une jeune femme, peut-être une étudiante déjà bardée de diplômes. Le quadragénaire allume une cigarette en observant le chien d’un air maintenant goguenard. Puis il prend quelques notes dans un carnet tout en scrutant les moindres détails du visage et de l’accoutrement de la jeune femme. Je la regarde à mon tour.

 

Deux policiers à cheval, un homme et une femme, passent, demandent à un vieux de déplacer son véhicule, qui mord largement sur une place réservée aux invalides. L’un des chevaux, beau et bai, esquisse un hennissement que la cavalière a tôt fait d’adoucir, d’une tape douce mais stricte. Le vieux dégage. Les flics se taillent. Ma proie, la jeune femme et moi poursuivons notre manège. L’absent tarde à venir, pour forclore le quadrille.

 

Le chien délaissé frôle la pierre de la cathédrale avant de filer vers la rue Colbert.

 

Dans une semaine, au Salon d’Information des Lycéens, tu verras Jean Germain, l’actuel maire de Tours, se retourner au moment de frôler le stand que tu occupes, et lancer, goguenard, à un homme qu’il vient de saluer : « C’est sûr, on ne sait plus quoi faire à l’UDF, maintenant… ».

 

 

 

) Droits réservés texte et photographie.
Image prise le 1er octobre 2005, place de Châteauneuf. (

Les Trois Glorieuses

« Nos trois jours, c’est une horreur… »

 

En 1830, Pierre-François Lacenaire tournait, en sa tête, sa conversion ironique.

Je crois aux dieux du Nil et de l’Euphrate,
Ciboule, oignon, dieux qu’on mangeait tout crus ;
Je crois aux Dieux de Platon, de Socrate ;
Je crois encore aux dieux de Mélitus ;
Je crois aux Dieux du bonhomme Tibère,
A tous les Dieux du vieux pays latin,
A tous les Dieux qui ravagent la tere,
Je crois au Dieu de Constantin.

 

.

 

Je me nourrissais, pour ma part, d’abats jetés aux chiens, emplissant mes bajoues à la manière de la grenouille du fabuliste.

 

 

Comme un mauvais moine, en 1830, je dépérissais. Mais le glas, au clocher de la collégiale, me retrouva, vagabond, nu comme un ver.

Le démon de l’association

De la table du déjeuner, une longue giclée d’orange sanguine atteignit le plancher, en parquet flottant. Peu s’en fallut que les grosses gouttes rosées ne tâchassent mon chandail (qui s’en serait remis) ou l’une des innombrables copies d’examen qui jonchaient la table, hâtivement repoussées pour permettre au tâcheron de se sustenter. L’image de ces gouttes vastes et violentes, que j’essuyai d’un coup de chiffon vigoureux, fit naître devant mes yeux quelques réminiscences de Kill Bill, vu tout récemment. En dépit de l’inévitable distanciation que provoque le mélange grossier d’humour décalé et de parodie propre à Tarantino, la violence de ce film demeure, et m’a choqué, sans doute comme pour C., qui avait pris à cœur certaines scènes de Casino : dans ce cas précis, le génie de Scorcese avait fait, de mon côté, passer la pilule.

 

Ces quatre ou cinq gouttes d’orange sanguine venaient clore, en point d’orgue, un repas fruste mais délicieux qui avait pour charnière trois œufs sur le plat ; il se trouve, pensais-je en faisant la vaisselle et en regardant, pour une énième fois, la reproduction de l’une des versions de la Vierge de Munch qui est collée à l’un des carreaux au-dessus de l’évier, que j’avais écrit, adolescent, un mauvais poème dont l’image principale était l’analogie, pour un prisonnier devenu anorexique et anémique, entre le jaune d’œuf servi à la cantine et le sang de son crime.

 

La carte postale qui représente cette Vierge peinte en 1895, achetée en 1998 à Paris lors de la grande exposition consacrée au Fauvisme en Europe, a longtemps orné l’un des côtés de l’étagère de bois blanc fabriquée par mon grand-père maternel, et qui servit, dans notre appartement puis notre maison de Beauvais, de séparation entre salon et salle à manger.

 

La vaisselle faite, j’écrivis les quelques bribes de phrase qui devaient me rappeler l’essentiel de ce billet à l’encre rouge (celle dont j’usais pour corriger les copies d’examen que n’avaient pas effleuré les gouttes de jus sanguin), puis, la cartouche faisant flic, à l’encre verte.

 

 

………

En écoute (en boucle) : « Rag » de Julien Jacob (album Cotonou. Wrasse Records, 2005. WRASS 138)

… vissée …

 

« Comment pardonner à Dieu que celui qui fut si vif et si gai ne soit plus ? Plus jamais les sourires de Marcel Pagnol, plus jamais ses rires, plus jamais ses joyeuses histoires. On me l’a enfermé dans une boîte, une affreuse boîte que des vivants indifférents ont vissée, une terrible boîte, et mon innocent dedans, une longue boîte, et des poignées de terre sur la boîte, et on a descendu la boîte avec des cordes, sans trop de ménagements descendue et déposée au fond d’un trou d’argile, sa dernière humble demeure. » (Albert Cohen. Carnets 1978. “Folio”, pp. 49-50)

 

 

Une autre Ermengarde

Fille de Robert Ier d'Auvergne, épouse de Eudes II le Champenois, Ermengarde d'Auvergne mourut en 1042.

Littéral

22 janvier.

À l’aube.



Terni par les pensées,
Vaincu par l’amertume,
Vertèbres bleues coincées
Contre un infect bitume,

Le mot mort déshabille
Un instant son carnage,
Et tel Rouletabille
Sur les flots d’os surnage.

Elle a pourri, la fleur ;
Ses pétales sont gris.
Délacée la couleur,
Les miroirs sont aigris.

Contemple sans remords
Les lettres du mot mort.

 


 

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Un jeune homme fringant d'Assay

De ce blog avait plus qu'assay :

" S'il rouvre ses derricks

À mauvais limericks,

La gueule je vais lui cassay."

 

Anything goes (Cole, Caratini, Lazarus…)

Je crois que je n’aime guère la voix, ou le chant de Sara Lazarus.

Quel nom, pourtant !

Ce n’est pas tout ; l’habit ne fait pas le moine, ni la mine et la silhouette la grande chanteuse.

 

Le disque de standards de Cole Porter qu’elle a enregistré avec le Patrice Caratini Jazz Ensemble est un peu décevant. Qu’est-ce à dire ?

Ce sont souvent des airs que j’aime ; les orchestrations sont remarquables, de talent et d’originalité. Il me faut conclure que c’est la chanteuse qui gâche un peu le tout ; elle ne chante pas mal, mais d’une façon qui ne me plaît pas trop.

 

Les moments de splendeur sont assez nombreux pour faire de ce disque un opus au-dessus du commun. Pour n’en citer que quelques-uns : le final d’Anything goes ; la version dédoublée de Get out of town, avec une intro composée par Caratini, Quitte la ville ; les voltes survoltées qui parcourent la ligne mélodique de What is this thing called love ; enfin, le plus mémorable, peut-être, est cette version longue, langoureuse, ralentie, désarticulée, de My heart belongs to Daddy, à mille lieues des pépiements de midinette auxquels les interprètes réduisent généralement cette partition.

 

À coup sûr, Caratini connaît la musique, et ses solistes sont des musiciens dignes d’éloge et d’intérêt : le saxophoniste ténor Stéphane Guillaume (impressionnant sur Just one of those things), le pianiste (Alain Jean-Marie), le cor (François Bonhomme), le tromboniste (Denis Leloup), j’en passe… À signaler la présence discrète mais efficace de mon histrion préféré, le génial guitariste Marc Ducret.

 

…………………………

 

En écoute : « Miss Otis regrets » (Patrice Caratini Jazz Ensemble with Sara Lazarus. Anything goes. Le Chant du monde, 2002. 274 1142)

Vendredi 13, morsure de l’aube

 

Distillant quelques attentats sonores, au moyen d’une corne de morse… Connaissez-vous la corne de morse, cet instrument lapon taillé et façonné dans une défense de morse, qui produit un son suraigu et porte (erronément) le nom de corne (morse-horn en anglais) ?

Devant la cathédrale, avec Attila, le glabre de mes joues à tout jamais dévasté, j’essayai quelques notes maladroites sur cet instrument curieux, maintenant fabriqué en bois, mais de manière à imiter le son originel de la défense. J’attaque les premières mesures de Round ‘Bout Midnight, mais je m’attire les foudres de la police montée.

J’attends en vain Abbey Lincoln, qui m’a posé un lapin.

 

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Jeux de garçonnet, 4 : réminiscences de Beckett ?

[jouant avec des coquillages]

Ce volcan, il s’appelle Patag ; et celui-là, Godo.