mardi, 13 mars 2007
La littérature est-elle dangereuse ? [5] : Juliet/Beckett & lambeaux de discours direct
******************** Tout va par deux
Voici ce que j’ai noté, en totale anarchie, au cours de la séance, et avant de partir écrire Onze ans après. Ce que j’écris est en Times 10. Ce que j’ai noté de l’intervention de François Bon (que j’ai préféré écouter sans être rivé au clavier cette fois (…)) est en Times12.
Il y a très peu de monde : jour de rentrée ? atelier déplacé du jeudi au lundi ? Moi, j’étais absent aux séances 3 et 4, dont François Bon redit le plus grand bien. (Il nous en a envoyé, dans la nuit, des morceaux choisis.) La salle 80 est hérissée de pieds de chaises, car elles sont toutes renversées, par paquets de deux, sur les tables. On a dû chasser deux pauvres étudiants qui finissaient un devoir (concours blanc ?)
******************** Par maints et par vaux
Oralité, ce qui remonte, ce qui traverse le texte et n’est pas narratif.
J’ai amené Charles Juliet. Montre Rencontres avec Samuel Beckett. Parle de Lambeaux. Dans ce texte restreint sur Beckett…
Le mot du jour est restreint. Est-ce sur, l’écrivain, l’influence du train ? L’entrée dans la langue française se fait, pour Beckett, avec ce vocabulaire restreint. Juliet, passage du silence contraint à l’écriture du silence.
Quatre rencontres. Neuf ans s’écoulent entre la première et la quatrième.
Juliet publie déjà son journal, mais s’interdit de parler de sa rencontre avec Beckett tant que l’écrivain est vivant.
Deux mecs qui ne parlent pas : le dispositif d’écriture de Juliet est intéressant (notation précise des propos de Beckett).
François Bon raconte son dernier voyage en train à Lille, face à un type qui trimbalait des rats dans une cage verte et orange fluo. Il parle aussi d’un vieux cousin mort depuis longtemps, coupures de journaux, notices de médicaments, etc. Dans quel livre a-t-il parlé de ce parent ? Je n’ose demander.
Le rapport du dialogique au narratif est inversé par rapport à la logique ordinaire. Les rencontres sont brèves et la parole rare : c’est cela qui fait exister l’écriture.
Il faut donc raconter une ou plusieurs rencontres importantes avec quelqu’un de marquant (et pas forcément célèbre).
Technique, forme du texte : cf la manière abrupte dont le narrateur de la Recherche entre en rapport dialogique avec une multitude d’interlocuteurs.
Nombreux extraits des Rencontres avec Samuel Beckett.
Poème de Morand sur Proust, ‘Ode à Marcel Proust’, 1915.
******************** La main du diable (Un échec)
Après la présentation de la séance par François Bon, je suis allé dans mon bureau, dont les volets roulants, par un miracle étonnant, étaient restés ouverts, ce qui fait que j’ai écrit le texte Onze ans après, au crépuscule puis dans la suie, face à la passerelle faiblement éclairée. De ce texte, Onze ans après, j’ai livré, illico, à huit heures du soir, la première mouture, puis je suis retourné en salle 80 où ça grattait sec, et me suis remis au texte. Disons-le tout net : la consigne de ce jour m’a profondément embarrassé, car, contrairement à la plupart des fois où je me suis trouvé en situation de contrainte, j’ai mis beaucoup de temps à trouver un sujet. Ensuite, une fois le sujet trouvé, je me suis embarqué dans l’écriture en ne parvenant aucunement à restituer la voix du portraituré rencontré, Hugo A. J’ai raturé, repris, modifié, même écrit un paragraphe encore plus mauvais dont je me suis rendu compte, juste avant la lecture à haute voix, qu’il n’était « insérable » nulle part dans mon texte. J’avais déjà modifié pas mal de choses au texte publié à huit heures du soir, mais pas comme il faudrait : dans le détail et non dans la trame. Alors, pas du tout convaincu, j’ai lu mon texte qui, ça tombe bien, n’a pas convaincu François Bon – même s’il a pris de fort élégantes pincettes pour me le dire. Pour ma part, ce n’est pas tant le côté suranné (« plus France que Proust », a dit F.B.*) qui me gêne que le côté mou de ce texte ; je n’ai pas su trancher, et c’est un texte au mitan, oui, grassouillet. Du coup, ce mardi matin, je prends le parti, après un nouveau toilettage, d’instiller polyphonie pour de bon, avec insertion / injection de phrases hugoliennes.
*Ah oui : François Bon a aussi parlé d'une traduction de Henry James qui aplatirait ou raterait (je ne sais plus) ce qui fait le génie de James. Cela dit, même en mauvaise traduction, je prends la référence à James comme un compliment, vu ma grande frustration face à ce texte dont je ne sais que faire. Dans la discussion qu'il a eue avec une étudiante qui prépare un travail de master 1 sur Danielle Collobert, F.B. a raconté que Jérôme Lindon avait, à l'époque, refusé de publier Meurtres, qui lui paraissait trop directement inspiré de / calqué sur l'écriture de Beckett. Pour ma part, même si le texte de R., une autre étudiante, était très réussi, j'ai trouvé qu'il était trop directement inspiré de / calqué sur l'écriture de Duras. (Ou de François Bon, peut-être ?)
10:20 Publié dans Résidence avec Laloux | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : Ligérienne, Littérature, écriture
Commentaires
Ah merde. Je ne sais même pas si j'ai mal compris, oublié, ou pensé que Bon enverrait un imel (il en a envoyé ?)...
Écrit par : Simon | mardi, 13 mars 2007
Oui, un courriel fut envoyé, sinon je n'en aurais rien su ;-)))
Écrit par : Guillaume | mardi, 13 mars 2007
Ah, d'ou l'énigmatique "à ce soir" ...
Écrit par : Simon | mardi, 13 mars 2007
J'ai reçu la réponse étonnée trop tard pour que ça vaille la peine de rattraper le coup...
Écrit par : Guillaume | mardi, 13 mars 2007
Charles Juliet... On en parle bien peu... J'ai bien aimé l'un des tomes de son journal, je ne sait plus lequel...
Écrit par : stael | mardi, 13 mars 2007
Le seul que j'aie lu, c'est le deuxième, un peu trop dépressif à mon goût quand même. "Lambeaux" fut un succès de librairie (largement enseigné dans les classes de 1ère (mais plus dans le public, je pense ;:))
Bon, je propose que, côté enseignement, on enterre la hache de guerre, d'accord ?
Écrit par : Guillaume | mercredi, 14 mars 2007
"Bon, je propose que, côté enseignement, on enterre la hache de guerre, d'accord ?" Oui bien sûr ! Dans ce domaine mes excès sont provoqués par les excès de certains enseignants syndicalistes qui à mon goût en font beaucoup trop, je n'aime guère les Zola en chemise de soie... Travailler dans l'administration(oui la poste aussi mdr !), c'est pas Germinal non plus... Ils devraient sortir de temps en temps, c'est pas mal aussi dans les entreprises... Mais je ne généralise pas ! Il m'arrive d'être raisonnable !/// Juliet, c'est Accueils, journal IV, 1982-1988 et Fouilles des "poésies"... Très... P.O.L. comme littérature... Bon en même temps je n'ai pas insisté, pas trop de temps... Quand j'aime je tâche de tout lire... Je préfère Proust ou Saint-Simon (le duc)... Avec plus de 3000 parutions par an en deux "rentrés", j'ai décidé, de laisser les vivants enterrer les vivants... (Oui j'en ai aussi pour "les écrivains !)
Écrit par : stael | mercredi, 14 mars 2007
Je ne sais pas si, comme le demande F. Bon dans le titre de l'atelier qui donne son titre à ce billet (ouf), la littérature est dangereuse, mais, en tout cas, elle fait travailler les méninges. Ainsi, dans ma précédente réponse, j'avais failli écrire que le tome de journal de Juliet que j'avais lu (il y a fort longtemps, exemplaire de bibliothèque) s'appelait "Terreur en terre tiers", puis je me suis ravisé, m'apercevant qu'il s'agissait du titre de la première section d'un très beau livre de Raharimanana (zut ! est-ce "Lucarne" ou "Rêves sous le linceul" ? il faudra vérifier), et pas du tout d'un texte de Juliet.
Ma mémoire persistant à me jouer des tours, je suis allé faire un tour du côté de la fière Amazone, qui m'apprend que le volume de journal de Juliet que je lus, il y a quelque trois ans, n'était autre que le premier tome, et s'appelle "Ténèbres en terre froide". De ce journal, je ne me rappelle pas grand chose, si ce n'est l'immense souffrance du jeune écrivain, dépression qui n'était pas sans son côté poseur : "avili, aveuli par la douleur". (Cela, j'en suis certain, c'est une citation exacte.)
Tout ça pour dire que j'ai confondu, passagèrement & passablement (a wink at Simon here), deux titres qui se ressemblent par 1) le rythme ternaire 2) l'allitération en "t" 3) le substantif "terre" en leur milieu. Tout lapsus a ses raisons, n'est-ce pas ?
Écrit par : Guillaume | mercredi, 14 mars 2007
D'ailleurs je suis entrain de me demander si Juliet n'est pas mort... Je vais vérifier ça...
Écrit par : stael | mercredi, 14 mars 2007
Juliet n'est pas mort, je confonds... /// Compagnon parle de cette préface que Proust croit avoir lu, de Balzac, préface à la chartreuse... Et qui n'existe pas... Peut-être avez vous lu un livre que Juliet n'a jamais écrit...
Écrit par : stael | mercredi, 14 mars 2007
Drôle de boussole que la littérature...
Écrit par : stael | mercredi, 14 mars 2007
Sextant qui désoriente...
Écrit par : Guillaume | mercredi, 14 mars 2007
The wink was to teach me about the word "wink" !
Écrit par : Simon | mercredi, 14 mars 2007
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