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jeudi, 03 mars 2016

Par les lettres, 6 : autour de R

Comme il m’est impossible de ne pas toujours tout compliquer – sauf quand je fais cours, où il m’arrive souvent, et fort heureusement, de simplifier à l’extrême – voici un nouveau bouquet, un qui n’est pas composé d’albums, mais de poètes.

J’ai choisi, sur cinq des six étagères du rayon poésie de la bibliothèque, cinq recueils dont l’auteur a le R pour initiale et me suis mis à écrire ce billet en lançant le disque de Joseph Racaille, paru en 1997 sans titre. [Première composition, sans paroles : “Cléo mambo”.]

 

Quelques animaux de transport & de compagnie est une mince plaquette de Jacques Rebotier publiée par Harpo& avec des bidulogravures de Virginie Rochetti (double R, donc (pas fait exprès)). Il s’agit d’un recueil de brefs poèmes en prose qui hésitent entre la notation facétieuse ou absurde et l’exploration du réel par le langage (à la Ponge). Prenant pour indice le travail de lundi dernier autour de la traduction de “et ça c’est du nougat ?”, je citerai

L E   N O U G A T

Un tiers, un tiers, un tiers… Le nougat se démange d’être compté à la juste. L’espoir lui manque. A commencer par celui de ne pas être mangé.

D’abord le nougat n’a pas le temps ; et puis après, ça s’arrange.

[Lecture qui va à merveille avec “Le squelette humain”, deuxième chanson de l’album de Joseph Racaille — mandoline, violon & clarinette & nonsense.]

 

Instants de plus est un recueil de Joseph Rouffanche, publié aux éditions Rougerie en 2004. Il s’agit de haïkaï irréguliers, dont voici un que je trouve assez réussi et énigmatique :

Mâchure du cerveau pourtant,

tombes,

souches du cœur

(p. 32)

 

Régis Roux est un poète dont je ne sais à peu près rien. J’avais acheté Questions posées au paysage, son livre de poèmes en vers libres en 1999, par correspondance, directement auprès du Dé bleu, son éditeur, avec cinq autres. [Je m’interromps. “Maud l’esquimaude” est la seule chanson de l’album de Racaille dont je pourrais au moins chanter le refrain. Autant dire que je n’écoute quasiment jamais ce disque.] Pour en revenir au livre de Régis Roux, j’en reparcours une des sections, “Forge en ruine”, qui rappelle — pour l’attention à un lieu précis, le rythme et la manière dont les poèmes s’enchaînent en creusant le motif — à Guillevic, mais s’en distingue sur un point primordial : l’emploi de métaphores et d’images complexes. J’en extrais l’avant-dernier poème, très réussi pour la construction d’un univers visuel et sonore :

Dans le hangar désaffecté

Quelques pneus

Quelques plots

Et le tour d’une épave

 

Le capot

Se rabat dans un gong

(p. 43)

 

[Tiens, il faudra que je fasse écouter “L’Été” à Oméga : très beau solo de hautbois en introduction. (Le reste de la chanson est casse-pieds. Ce qui me frappe, c’est que Racaille chante quasiment faux, ainsi que dans “Jouets du destin” ou “Duel singulier”...) “Au fil de l’eau” est très fersenien. Rien d’étonnant : Racaille a signé les arrangements de plusieurs disques de Fersen, pile à la même époque.]

 

En remontant d’étagère en étagère, on s’approche de poètes plus connus. Notre quatrième larron, toujours français, est Pierre Reverdy, dont je n’ai qu’un seul volume, Sources du vent, en Poésie/Gallimard. Ce fut un de mes premiers cadeaux à C***, en 1992. Par paresse, j’en donne un beau poème (“Un cri dans la nuit”) en lien, qui pis est vers Google Books.

 

Dernière étagère, les Lettres à un jeune poète, dans l’édition bilingue de Poésie/Gallimard, dans la traduction de Marc B. de Launay. J’aurais pu hésiter entre ce recueil et celui des Élégies de Duino, ou les six tomes des Sämtliche Werke, mais mon choix se porte sur le célèbre recueil épistolaire, car, si ma mémoire ne me fait pas défaut (l’intéressée corrigera, si elle lit ce paragraphe, elle qui attend par ailleurs depuis des journées un travail que je lui ai promis), une amie m’a dit que c’était un des seuls livres qu’elle avait gardés quand elle était partie à l’aventure et à la découverte des danses et des cultures de plusieurs pays.

[Dans “Blues impérial”, romance sans paroles → → → dialogue entre hautbois et saxophone alto. Faire écouter ça aux garçons, décidément.]

N’ayant ni le temps, ni les compétences, ni la prétention de parler ici de Rilke, je citerai une phrase qui me semble particulièrement importante :

Die körperliche Wollust ist ein sinnliches Erlebnis, nicht anders als das reine Schauen oder das reine Gefühl, mit dem eine schöne Frucht die Zunge füllt; sie ist eine große, unendliche Erfahrung, die uns gegeben wird, ein Wissen von der Welt, die Fülle und der Glanz alles Wissens.

(Texte complet de la lettre ici, et traduction de la phrase .)

 

Pour clore ce billet, en illustrant une part de l'univers loufoque de Rebotier avec une brève chanson de Racaille interprétée par Pascale Jaupart :



 

[Je publie ce billet à 9 h 18, sur les dernières notes de la dernière chanson, “Ne me parle pas”.]

Commentaires

Elle l'a lu :)

Écrit par : Marie-Aude | jeudi, 03 mars 2016

Et alors, je me suis gouré ?

Écrit par : Guillaume | jeudi, 03 mars 2016

Pas du tout. Je te montrerai mon exemplaire, tout surligné, dont la couverture s'est arrachée je ne sais plus où dans le monde.

Écrit par : Marie-Aude | jeudi, 03 mars 2016

Tu as pas mal baroudé :)

Écrit par : Guillaume | jeudi, 03 mars 2016

Les commentaires sont fermés.