Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 25 février 2023

Safi Faye (1943-2023)

Avant-hier, Mame-Fatou Niang annonçait la mort de la grande cinéaste sénégalaise Safi Faye. Grande, même si j’admets que je n’avais regardé, il y a quelques années, qu’un seul de ses films, un des premiers, Kaddu Beykat (1975).

 

 

Hier, j’ai évoqué cette figure majeure en commentant brièvement sur Twitter deux scènes du film.

Voici ce que j'écrivais :

Avant de crier à l'exotisation ou que sais-je, regardez ce film en entier, et notamment la scène dans laquelle les paysans décrivent parfaitement (et dénoncent) le système néo-colonial persistant des cash crops et la paupérisation des villages.

 

arachide.jpg

 

 

 

 

J'aurais pu ajouter, à partir de la capture d'écran ci-contre, qu'il s'agissait d'un résumé sublime (aussi à cause de l'alexandrin français pour la traduction de la phrase en wolof ?) de ce système de domination par le double processus de confiscation des produits de la terre et de spécialisation dans la monoculture.

 

Je poste ci-dessous également, en incrustation, la version en 480 de son film le plus connu, Mossane (1996), dont je n’ai regardé que le début. Comme j’aimerais voir ces films avec un certain confort et une certaine qualité, je crains que le transfert de mp4 en 480 sur le téléviseur ne soit franchement mauvais. J’ai vérifié dans le catalogue de la B.U. ; rien en DVD.

Un bel (et énième) exemple d’invisibilisation colonialiste (et patriarcale). Entre autres, ne pas oublier que son premier film fut censuré par le président Senghor (qui aimait bien célébrer la femme noire du moment qu'elle était nue et passive) et que Faye dut se battre pour conserver les droits de Mossane.

 

Aujourd’hui

Le service automatique de rappel de la Bibliothèque Universitaire m’écrit aujourd’hui pour me signaler que je dois rendre ce lundi les 5 livres de Dominique Meens empruntés en décembre, et prolongés déjà une fois. Il s’agit des 5 tomes de la pentalogie des Aujourd’hui, seul pan de l’œuvre de D.M. que je n’avais pas du tout lu, tout en ayant tourné autour déjà par le passé. J’ai lu les 2 premiers tomes, le second avec quelques sauts, et j’ai feuilleté plus que je n’ai lu les trois suivants. Cela me gêne car je vais peut-être rencontrer D.M. un de ces jours, et alors que j’aime énormément l’Ornithologie du promeneur (évoquée plusieurs fois dans mon vlog - ici dans la maison de Hagetmau à l'occasion d'une traduction sans filet) et les textes plus récents (Dorman, Mes langues ocelles, L’Île lisible, Ni [je n'ai pas d'index des livres dont je parle dans mes vidéos donc je renonce à tout traquer]), le projet général de cette pentalogie m’échappe complètement, et je lis ces volumes un peu comme des essais disparates, comme des poèmes sans lien entre eux, et ça m’ennuie. Certes, D.M. cherche à désarçonner toute velléité homogénéisante, mais ça ne suffit pas à rendre l’ensemble lisible – ou plutôt : suivable – pour moi. Est-ce que j’avais trop de fers au feu par ailleurs, l’esprit trop occupé pour avoir le temps de me dérouter ou d’être dérouté ? En attendant, je ne sais que faire : est-ce que je prolonge, dans l’illusion que j’aurai le temps de reprendre des notes à partir de ce que j’ai lu (mars va être colossal, j’en doute déjà), ou est-ce que je les rends en différant un nouvel emprunt futur ?

 

Palilalie (encore...)

Dans le roman de Will Self, Phone, dont je parlais ce matin lors de mon billet inaugural de ce samedi foisonnant, revient à plusieurs reprises le concept de palilalie, car Ben, le jeune homme autiste, petit-fils du docteur Busner, répète souvent les derniers mots de la phrase qu’il vient de dire, voire une proposition entière, ce qui est généralement signalé dans le texte par le recours à l’italique.

Il me semblait n’avoir jamais rencontré ce concept, ou cette figure de style, mais heureusement que la machine a plus de mémoire que moi : je l’avais évoqué après lecture d’une page de – et au sujet même de – Renaud C*mus. Que C*mus soit devenu, contre trente années d’écriture au bas mot, une espèce de fou furieux raciste et paranoïaque qui se contente de vomir des tweets avant de les publier à compte d’auteur tout en ne remettant jamais en cause sa responsabilité indirecte dans l’attentat de Christchurch notamment, ne signifie pas que je vais balancer mon étagère du bonhomme à la baille, ni censurer ou caviarder rétrospectivement ce que j’ai écrit à son sujet. J’assume, car c’est C*mus (je tronque son nom afin de dérouter les algorithmes (à chacun sa paranoïa)) qui a totalement tort, politiquement, depuis la fondation du Parti de l’In-nocence en 2002, et plus généralement depuis onze ou douze ans.

Comme l’écrivait très justement Valérie Sċıgala en 2012 : « pourquoi s'intéresser au Renaud C*mus littéraire quand Renaud C*mus lui-même l'a condamné ? »

 

Tout ceci m’éloigne de la palilalie.

 

Or, la palilalie n’est-elle pas aussi une figure de la mémoire ? En effet, je rencontre – une première fois, peut-on supposer (mais comment en être sûr ?) – ce mot en 2007. Le (re)trouvant dans une lecture de février 2023, je pense le découvrir. Sans la recherche par mot-clé dans mon blog, comment me serais-je avisé de la répétition de la découverte ? Autrement dit : mon second apprentissage du mot revient à une palilalie de sa découverte première. Autrement dit, encore : peut-on dire qu’on apprend quelque chose qu’on a oublié quand on n’a aucun souvenir de l’avoir su ? [Ouvrir sur la mêmoire.]

 

Palilalia.JPGDans le roman de Will Self, la palilalie sert d’effet-miroir aux 20-30 premières pages, très fragmentées, qui suivent le cheminement des pensées de Busner, dont la mémoire est en train de se fracturer ou de se creuser sous l'effet d’un Alzheimer galopant. De fait, la plupart des sites que j’ai consultés ne retiennent de la palilalie que son caractère pathologique : il s’agit d’un tic consistant à répéter ses propres mots, souvent de façon involontaire (mais Ben en est conscient, dans Phone), parfois à voix basse, et d’un symptôme du spectre autistique. Il n’y a, dans Wikisource, aucune occurrence du terme en français, et une seule en anglais, mais sans rapport : il s’agirait d’un toponyme du continent subasiatique, ce que n’a toutefois pas confirmé Google Maps (ni d’autre ressource). D’après le Robert culturel, que je citais en 2007, le mot a été inventé par un clinicien, A. Soques, en 1908, ce qui explique l’absence d’occurrences dans Wikisource (site où ne sont publiés que des textes du domaine public).

Apparemment, le mot revêt une réelle importance dans L’Etat honteux, un des livres de Sony Labou Tansi que je ne possède pas. Encore une bricole à vérifier, un jour (...), via un emprunt à la B.U.

 

Splendor

Hier, O* et moi avons joué à Splendor, pour la première fois depuis les vacances de Noël, il me semble.

Les deux premières parties ont été disputées avec l’extension Cités, et la dernière en combinant l’extension Cités et l’extension Pavillons. O* a gagné les trois parties. Les deux premières, c’était sur le fil du rasoir : il m’a manqué à chaque fois une seule carte pour pouvoir acheter la cité à 14 ou 16 points et donc contrer son achat de la cité à 13 points (dans les deux cas, je crois). Lors de la troisième partie, j’ai perdu 13 à 9, je crois, et les deux cités restantes étaient à 16 et 17 ; autant dire que j’étais loin du compte. Je crois que, comme on ne joue pas souvent avec les pavillons, j’ai très mal géré cet aspect-là, en réservant surtout des cartes à forte valeur (des rangs 2 et 3) au lieu de bloquer – comme O* l’a fait, fort intelligemment – les cartes dont aurait besoin de l’adversaire au vu de la stratégie qu’il commence à développer.

Depuis longtemps – sous l’influence du grand recueil de Roubaud, – j’ai dans l’idée d’écrire des textes, voire un livre, à partir de tel ou tel jeu, en prenant appui sur des parties réellement disputées. Toutefois, outre ma flemme, je n’ai jamais donné suite, car il faudrait noter de nombreux éléments pendant le jeu (et, vu les jeux auxquels nous jouons depuis quelques années, j’ai bien assez de mal à me concentrer sur les tenants et les aboutissants de ma partie) ou filmer intégralement les parties.

 

Entre 1788 et 1792

 

Twitter followers.JPG

 

Depuis quelques jours, voire une semaine ou deux, je guette le moment où le compteur de mes « followers » sur Twitter franchira la barre des 1.800. Or, comme cela arrive parfois, les abonnements alternent avec les désabonnements, au point que je passe des prémices de la Révolution à l’an I, back and forth, sans jamais atteindre, pour l’instant, l’exécution de Louis XVI ou la Terreur.

Le présenter ainsi n’est pas un effet de manches : à chaque fois que je vois ces nombres, ce sont des dates. On sait que j’ai un rapport assez particulier aux nombres et que beaucoup de mes expérimentations textuelles, notamment sur l’autre blog, relèvent de ce rapport (textes en 1295 signes, en inversion entre sans espaces et avec espaces, textes podométriques, formes poétiques…), de même que la série des Hystéries historiées consistait, si mes souvenirs sont bons (j’écris ceci sans vérifier – les liens seront ajoutés après, au moment de la publication), à associer un fait historique à partir de l’heure de publication* (25 février à 8 h 32 => j’essayais de trouver ce qui s’était passé le 25 février 832 quelque part, et dont on eût conservé l’archive).

Pour beaucoup de ces rubriques, inventées à l’apogée de ma frénésie d’écriture, entre 2006 et 2008, puis autour de 2012 peut-être, je ne sais plus moi-même quel était le critère.

 

* Apparemment, ce serait plutôt l'heure de publication du billet précédent (sans rapport avec la rubrique). Je me fatigue moi-même.

 

Pineapple

pineapple.JPG

 

Peut-être avais-je déjà « vu passer » ce tableau, ou plutôt une reproduction de ce tableau*. Je parle de reproduction, car outre la blagounette sur Twitter (cf ci-contre), je ne peux m’empêcher de trouver ce tableau réussi à tous égards sauf pour la représentation de l’ananas, justement. Or, le sujet est bien cet ananas : même si le roi en majesté ne doit pas se voir voler la vedette par un fruit, si exceptionnel soit-il sous les climats anglais, et encore moins par l’homme agenouillé qui le lui présente (et qui lui vole si peu la vedette que son identité est demeurée hypothétique), l’ananas est au centre du tableau.

Ce qui ne va pas, c’est qu’on ne le voit pas, cet ananas. Et peut-être est-ce justement dû à la qualité des reproductions sur le Web. J’en ai consulté une dizaine, et franchement sur toutes on devine l’ananas plus qu'on ne le voit. Il faudrait donc voir la toile « en vrai », pouvoir s’approcher, et, même sans s’approcher particulièrement, juger de cet ananas dans le contraste des couleurs. Il n’en demeure pas moins que le choix de placer l’offrande d’un fruit brunâtre devant la balustrade d’un gris ocreux n’était sans doute pas très judicieux. Imaginons que, même en trichant par rapport à la pose des sujets, le peintre ait choisi de placer le roi en haut des marches, et le jardinier deux ou trois marches plus bas, l’ananas se trouverait (à condition ne pas représenter le jet d’eau ?) devant l’allée blanchâtre, et ne pourrait que ressortir : n’est-ce pas ce qu’on demande à l’objet central d’une toile ?

Ou alors, le peintre aurait pu tricher et choisir des tons beaucoup plus clairs pour les deux balustrades et les deux statues. L’ironie est que la plante en pot située quelques centimètres plus bas sur le tableau, de forme ananasoïde, si j’ose le néologisme, est beaucoup plus visible que l’ananas, et que plus que je regarde ces reproductions, plus je me dis que, si le peintre était vraiment habile, il s’agit peut-être de la représentation d’une supercherie, avec ces huit jarres ananasoïdes entourant le jet d’eau, avec cette demeure difficile à identifier, avec ce petit chien dont la pose semble mimer celle du jardinier mais qui pourrait tout aussi bien pousser des jappements à l’encontre du monarque.

 

Il est impossible pour moi de finir ce billet sans donner en lien la chanson de mon (peut-être) groupe préféré, Sparks. À en croire les images choisies par l’auteur de la vidéo, il y aurait un Pineapple Rag de Scott Joplin, mais j’en ai assez vu et entendu pour aujourd’hui : trêve d’ananas.

 

 

 

* Ce billet n’existerait pas sans le visionnage, hier soir, d’un épisode de la 12e et dernière saison de The Big Bang Theory, dans lequel Sheldon Cooper est tout content de pouvoir placer l’anecdote sur le portrait de Charles II avec un ananas. La citation exacte (retrouvée sur le site officiel de la série) est : « Now, I'm not sure if this helps, but did you know that pineapples were once so rare that King Charles posed for a portrait with one? » Je n’ai pas le courage de retrouver le passage précis, mais il me semble que dans les sous-titres King Charles a été traduit par Charles Ier.

 

25022023

Levé à 7 h, réveillé peu avant. Je n’aurai pas réussi à recaler un rythme de sommeil différent de celui des semaines de cours, mais après tout, j’y arrive rarement, et cela remonte même à l’enfance et à l’adolescence : tout l’été je me réveillais vers 7 h, parfois 7 h 30 peut-être – tout au plus. – Le chauffage, bruyant dans cette maison (et on n’a rien pu y faire, en quatorze années), se relance à 7 h, donc ce n’est même pas ça.

Je me suis levé avec plusieurs idées de billets pour ce blog, et après avoir envisagé d’écrire un billet en plusieurs parties, je me suis rappelé qu’à l’époque où j’écrivais beaucoup dans ces carnets, au tout début notamment, il n’était pas rare que je publie 4 ou 5 billets par jour, parfois davantage.

On va donc faire comme ça, avec de vrais titres.

 *             *

*

 

Phone 589.jpg

 

Je note quand même ici qu’il a pas mal plu hier après-midi (pourvu que ça dure), et que j’ai enfin achevé Phone de Will Self, commencé il y a 3 semaines ½, interrompu par moments, et surtout que je ne lisais que par 5-10 pages pendant toute la semaine du 6 ; or, le bouquin en compte 617, en un seul paragraphe. C’est un roman très complexe, magistralement écrit, d’une ironie mordante, et qui alterne le point de vue (mais pas vraiment le monologue intérieur) de cinq protagonistes, Zack Busner, son petit-fils Ben, l’espion Jonathan De’Ath, le lieutenant Gawain Thomas, mais aussi, plus ponctuellement, la mère de Ben, Camilla/Milla. On sent que Will Self, lassé de voir pléthore de romans polyphoniques dont le narrateur ou la narratrice est explicitement indiqué-e en tête de chapitre, a voulu montrer qu’il saurait écrire un texte polyphonique sans chapitrage ni même retour à la ligne, dans un flux parfois imperceptible : il m’est arrivé de remarquer au bout de deux ou trois pages que le récit avait changé de focalisateur…

Même si le « grand sujet » du roman est la transition technologique des moyens analogiques au tout-numérique (pas seulement pour la téléphonie), le roman problématise et narre, dans sa dernière partie, un épisode de la guerre en Irak, ainsi que le scandale des crimes de guerre de l’armée britannique. Le décalage de départ entre la figure du psychiatre spécialiste des paranoïas mais désormais atteint d’Alzheimer et son petit-fils autiste n’est donc pas le sujet du livre, même si la rupture du soi (de soi ?) est son mode d’expression. Le personnage de Ben reste en grande partie insaisissable, et sert à boucler la boucle, en quelque sorte, entre les 5 personnages, car c’est lui qui s’avère être le dépositaire de la grande valise perdue par De’Ath dit « le Boucher ».

Entre autres raisons de se perdre dans le livre, la langue : mélange des registres, références à des chansons populaires, vocabulaire technique ou rare, argot, néologismes, allitérations, rimes internes – le nombre de fois où je me suis demandé comment traduire ceci ou cela (et où j’ai évité de me mettre à la place du traducteur…)… Je vérifie au moment d’écrire ces lignes, et apparemment les deux premiers volumes de la trilogie (Umbrella et Shark) ont bien été traduits en français, mais pas Phone. Je n’ai lu que ce troisième tome – hasard des bouquinistes de Galway en février dernier (et ça ne pose aucun problème car il ne s’agit pas de récits suivis) – mais ayant lu d’autres livres de Self j’imagine mal que les autres aient été plus faciles. L’explication est peut-être que Parapluie et Requin ont été traduits par Bernard Hœpffner et que personne n’arrive à prendre sa suite. [Il a été question de Hœpffner jeudi dernier lors du séminaire avec Marguerite Capelle et Laurent Vannini. Je me demande si j’ai déjà écrit à son sujet dans ce blog. Par contre j’avais déjà commencé la série de vidéos je range mon bureau quand j’ai lu son livre paru à titre posthume Portrait du traducteur en escroc.]