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vendredi, 06 juin 2014

Gnop-gnip

Il y a neuf ans, donc, je débarquai dans la blogosphère (comme on disait). Ce genre d’anniversaire est l’occasion d’un bilan.

 

Pendant quelques années, avec des hauts et des bas, mes deux blogs (Touraine sereine, fondé le 6 juin 2005, et MuMM, fondé le 8 février 2006 après un incident de type trollesque assez flippant survenu sur l’autre) m’ont permis d’échanger avec un certain nombre d’autres blogueurs, ou avec de “simples lecteurs”, on va dire.

 

 

 

Ce temps est, depuis belle lurette, révolu. D’une part, beaucoup de blogs ont cessé d’exister – je ne vais même pas en donner la liste, on n’est pas dans un cimetière. D’autre part, avec l’exceptionnelle vitalité qu’ils permettent, les réseaux sociaux semblent avoir éliminé, peu ou prou, les échanges par le biais des commentaires ou des rétroliens ; ainsi, les billets de blogs continuent de trouver des lecteurs, mais de manière plus discontinue, en dents de scie, et surtout, les rares réactions qui surviennent ne figurent jamais en-dessous des billets mais en accompagnement des statuts Facebook ou Twitter qui ont permis le “partage” du dit billet.

 

Rien à déplorer → au contraire, il est plutôt amusant de voir que ce qui semblait être le summum de l’excitation électronique créative en direct il y a moins de dix ans a désormais rejoint l’ère des brontosaures : les blogs (ou, en tout cas : les miens) sont devenus un espace de lenteur, de retenue, un lieu en marge, absolument. En fin de compte, neuf ans après la première pierre, le débarquement, le bilan est presque parfait, puisque l’objectif premier était de me forcer à écrire régulièrement, beaucoup, etc., à combattre – d’un bloc et par la publication – la page vierge et les penchants velléitaires.

Bilan chiffré : 3327 billets ici, 2159 là, soit 5486 en tout, sans compter les publications éparses, ailleurs, comme le recueil Prime Time of Poesy, dont je suis très fier. (C’est « mon » anniversaire, j’ai le droit d’être arrogant, what a pompous ass.) — Donc, même si je suis resté très feignant pour tout ce qui est sérieux (notes de lecture, comptes rendus de concerts etc.), je me suis attablé, il en reste des traces, voilà, contrat rempli, au moins vis-à-vis de moi-même.

 

║ Vous avez le droit de ne pas être d’accord, et de l’écrire ici, en commentaires, à l’ancienne, cf supra ↑ Vive le débat. ║

 

 

 

Comment célébrer alors (dignement) ce neuvième anniversaire ?

 

J’ai pensé à un petit exercice d’écriture croisée, un jeu de ping-pong entre les deux carnétoiles, justement. 248 jours séparent le 9ème anniversaire de l’un du 9ème anniversaire de l’autre.

Pendant ces 248 [un nombre qui n’est pas multiple de 9] jours, je me propose donc d’écrire, au sein de rubriques respectivement intitulées Ping-pong et Pong-ping, des textes qui se répondront. Le genre de ces textes reste à définir, et le rythme de publication n’est pas déterminé à l’avance (en effet, je me connais, sur une période aussi longue, si je fixe des publications quotidiennes, ça va tomber à l’eau).

 

▄–▄–▄–▄–▄–▄ De surcroît, je suspens, pour une seule journée, et afin de marquer le coup, la publication des limericks casse-couilles meurthois▄–▄–▄–▄–▄–

lundi, 15 juillet 2013

40

 

Il paraît qu’Ossages, perché entre ses quelques vieilles demeures, avec son cimetière plus peuplé que le village, je n’y étais jamais allé avant, ou, du moins, c’est ce que me dit vivement mon double, qui n’a cessé de demeurer (et d’écrire) dans les Landes natales.

 

dimanche, 14 juillet 2013

39

 

Le jour du 14 juillet, je reste dans mon lit douillet, appris-je à huit ans, peut-être, ou à treize, et sur bandes magnétiques anciennes, s’il vous plaît.

 

samedi, 13 juillet 2013

38

 

On parlait l’autre jour des étés d’autrefois, des juillets, et même des printemps, chauds, secs, qui duraient. Tennis. Depuis mardi, nous avons retrouvé (l’espace d’un court instant, peut-être) nos juillets de naguère, si ça se trouve : de jadis. Il y avait eu les classiques étés 96 ou 2005, la canicule de 2003, mais sinon, pour les plus jeunes, l’été gascon, ça n’avait plus la moindre signification. Il faisait beau sur le papier. Je me rappelle un été – on devait déjà être installés à Beauvais depuis un ou deux ans – où, à Cagnotte, nous parlions, avec mes parents, jusque tard dans la soirée, sur la terrasse côté Campot, avec, pour seul éclairage, une grosse bougie parfumée à la citronnelle. Nous, on, ça bricole dans le vague. Avant l’arrivée du Tour, j’ai lu le chapitre VII de Ducdame dans le fauteuil en rotin, sous le lagerstroemia, puis, après la séance de piscine, le chapitre VIII sous l’albizia, toujours dans le fauteuil en rotin. L’été 92 a été très chaud, je prenais des leçons de code à Dax, j’écrivais de longues lettres chaque jour, parfois plusieurs fois par jour, je recopiais avec un vieux mastodonte de machine à écrire les cours de Figeac sur les colonies, je ne sais plus quoi encore, enfin si, je sais, mais si je commençais à ouvrir la boîte de l’époque des timbres à 2,30 F, on n’en finirait pas. Je lis aussi l’année 1994, dans le journal de Bergounioux. Le nouveau billet de cinq euros ne vaut pas tripette.

 

vendredi, 12 juillet 2013

37

 

Vos danses macabres, en avez-vous soupé.

En avons-nous dansé, de vos marches funèbres.

Avez-vous dégelé les gavottes.

Vous étiez sous le tuf épais de la Touraine, on acheminait quelques gravats par la poste, le cœur au frais, le monde à nos genoux, et devant vous l’âme de la danse aussi chaude qu’un œuf.

En avons-nous pétri, des idoles de marbre.

Pour rien.

Dégelé.

jeudi, 11 juillet 2013

Ï

36

 

Déjà, essayer de se rappeler les gazinières. Toutes les gazinières dont il avait pu se servir, y compris une seule fois, quelque part, ailleurs que chez lui. Mission impossible. Par exemple, à Dungeness : n’était-ce pas plutôt une cuisinière électrique ? Même un monde n’y suffit pas.


[une vie]

mercredi, 10 juillet 2013

Î

35

 

Il écrivait tout ce qui lui passait par la tête. Après, pas moyen de se corriger, de reprendre, chasse au snark sans adversaire. Un monde, de même.

mardi, 09 juillet 2013

Í

34

Il voyage dans les nuages.

Il plonge surtout, maladroitement, dans l’eau bleutée de la piscine, à minuit, tout nu, avant d’en ressortir pour aller lire et annoter un livre d’entretiens d’Emmanuel Levinas.

 

Voici de la sauge.

lundi, 08 juillet 2013

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33

Comme il était question de terres inondées, et comme la collusion avec les flots noyant Lourdes était tout à fait involontaire – sans quoi il faudrait songer que j’ai des dons de divination –,  je songeai soudain à la joie, à l’extase qui était la mienne, enfant puis adolescent, de remonter le cours du petit ruisseau bordant le bois, chez mes parents, après de fortes pluies. Ce ruisseau, sans nom sur les cartes I.G.N., n’y figure qu’en pointillés, ce que confirment mes souvenirs : l’été, son lit était de boue craquelée, sans même une flaque, près de la clôture faite de pieux de robinier et de fil de fer où je m’imaginais que je trouverais un jour des insectes piqués, le lardoir d’une pie-grièche. Mais jamais vu de pie-grièche près de la maison d’enfance. L’hiver, donc, et déjà l’automne, je remontais, en bottes, le cours dru d’onde pure, l’eau s’étant pourtant brunie sous l’effet des pluies et de l’argile que remuaient tant le passage de l’eau que mes enjambées à contre-courant. Souvent, le bois se trouvait en partie inondé, et je pouvais comparer, par l’engloutissement de tel ou tel boqueteau, de tel ou tel lit de fougères, le millésime d’alors à d’autres plus anciens.

 

L’écriture, elle, n’a pas encore trouvé son lardoir, ni observé d’étangs au-dessus des racines.

dimanche, 07 juillet 2013

È

32

 

Toutefois, le very bad trip “chansons d’enfance” avait été tenté, déjà, et avec l’insuccès retentissant que l’on sait.

samedi, 06 juillet 2013

Ë

31

 

Un homme étrange. Chant dans les bois. Passent tant d’heures dans la chambre, et le papier peint lui-même me répond. Je tape frénétiquement à la machine, sur du papier pelure, compose de curieux petits opuscules. C’est ce matin même, je n’ai pas vieilli d’un pouce.

 

Mon corps mort continue de lancer ses ongles et ses poils à la face du monde. Il ronge.

vendredi, 05 juillet 2013

Ê

30


S’estimant heureux de ne pas trop poireauter, il défit les boutons de sa chemise, se débraguetta, mais la consultation devait durer des heures.

– Vous êtes sûre que je suis dans un roman ?

– Rien n’est moins sûr. Et le pire est toujours à craindre.

 

À force de proverbes, elle m’avait vaincu. Je me laissai aller.

jeudi, 04 juillet 2013

Ð

29


De ce va-et-vient étrange entre le je et le il naît un certain frottement, et stupeur hagarde dans les yeux du lecteur.

Qui décroche son téléphone, appelle le commissariat. Le poète traînait avec les gitans de la ferraillerie, son compte est bon. Humanité dans le regard. Ai-je le droit de me rappeler aussi l’œillade du très beau garçon qui me dragua place Gambetta un soir de novembre 1991 ?

(Ta lance est rude. Change d’estocade.)

 

Peu importe après tout, embrassades sous l’abribus.

mercredi, 03 juillet 2013

ð

28

 

(Déborde)

pas l’ombre d’un regret de quelque jour quelque semaine

pourquoi rassembler sinon

pourquoi remettre reprendre

à quoi chercher à ressembler

C’est une rivière qui coule, boue sur ses bords

Boue de partout sur ses berges

mardi, 02 juillet 2013

¤

 27


Ce n’était pas une question de patience ou d’effort – il était, tout simplement, bonnement, incapable d’écrire un roman.

lundi, 01 juillet 2013

26

 

Désormais, on ne met pas les œufs dans le même panier, dans le même tramway, on prend le bus à seule fin de pianoter sur un smartphone – en 1993, le comble de la modernité, c’était le lancement d’Info Matin, vous n’avez qu’à voir. Ce que l’on échafaude, on ne doit plus le prouver, à quoi bon. Quelques prises de bec remplacent avantageusement la nicotine des notions. Ainsi, et désormais (derechef), une amande grise nage à la surface du verre, gage de l’absolue saleté du café où l’on a ses habitudes.

dimanche, 30 juin 2013

25

 

« De tout temps, l’homme s’est penché sur la femme. »

 

Ainsi ironisait le professeur de philosophie de C***, pour se moquer de certains débuts de dissertation  à proscrire.

samedi, 29 juin 2013

24

 

Au moment où, les soucis ayant cerné de toutes parts cet homme velléitaire, s’enfoncer dans la tourmente lui parut le geste le plus noble, il se souvint qu’on ne retient jamais, des naufragés, que leur visage bleu aux rides hideuses, leur face de schtroumpf malveillant.

vendredi, 28 juin 2013

23

 

Jeunesse enfuie. Cut dans les bus. Cut de cinéma, cut de folie. Moments bondés. Presse étrange des citrons humains. Foire d’empoigne. Moignons aux centaines de peaux, lourdes, épaisses, un hiver de saignements. Foire encore. Une terrible nuit s’abat sur le monde, mais ça ne dure que quelques secondes. Le reste du temps, l’allégresse, la joie, la liesse. On cuit les concepts au bain-marie. Cut de cinéma dans les bus bondés. Cut de cinéma dans le bus désert. Couinements du sac jaune. Un cut. Une averse. Des rafales de passants fades. Enseignes des coiffeurs sur le cours de la Somme.

jeudi, 27 juin 2013

22

 

Les fâcheux prirent la tangente, mais pour monter sur le trône. Lente procession filmée. Ne resta qu'un amas calciné de cendres, mon corps et mon esprit anéantis.

mercredi, 26 juin 2013

21

 

Dans son Journal, aux années d'homme jeune, Pierre Bergounioux raconte les maux de l'enfance, les maladies des enfants, garçons tout le temps malades, temps et énergie perdus à cela, va-et-vient incessants chez le médecin, le pharmacien, l'inquiétude, souffrance et souffretosités — pages du volume jaune dans lesquelles, faut-il dire, je me reconnais le plus.

mardi, 25 juin 2013

20

 

Les mots se sont échappés. Comme souvent. Le temps de quelques gestes intermédiaires, sans importance, habituels, la formule s'est évanouie. Il se retrouve face à l'absence d'aphorisme.

lundi, 24 juin 2013

19

 

Relisant depuis quelques jours (en vrai garde-malade d’un début d’été totalement hivernal — entre les fioles, les nausées de l’un, les vomissements de l’autre) Ponge, Gracq et Michaux, dont certains textes que je n’avais en fait jamais lus (L’Ecrit Beaubourg de Ponge, par exemple, ou Emergences-Résurgences de Michaux), je m’avise d’une véritable parenté — par-delà les différences de façade et de phrasé — entre leurs démarches respectives, ce que l’on pourrait nommer, au tréfonds, leur style. Et je m’avise de ce qu’une telle parenté a de fâcheux, dans mon domaine. La messe dite.

dimanche, 23 juin 2013

18


Le Minotaure entre toujours, tôt ou tard, dans l’arène, et, foulant le sable du labyrinthe de buis, détruit tout, déchire les topiaires, se fraye un chemin, a toujours partie gagnée d’avance, de sorte que le mythe n’a plus rien à envier aux pires calamités de bastringue, aux opéras gavottes dénués de toute signification que jouent, dans la rue, les mendiants aveugles sur leur orgue de Barbarie, ni à ces devantures éclatées, vitres désespérément sales, où l’on vend, pour de faméliques quidams confits dans leur anonymat, de sales vestes rapiécées en reps et des habits en serge brune de Dorchester.

samedi, 22 juin 2013

17

 

Pour qui l’on se trouve à jouer le rôle du fâcheux, il y a des dégâts à redouter, en contexte anecdotique comme dans les relations de travail.

vendredi, 21 juin 2013

16

 

Pour qui on se trouve en situation de fâcheux…

jeudi, 20 juin 2013

15

 

Peut-être que je confonds tout, mais, si j’ai bien lu cette pièce à l’âge de huit ou neuf ans, c’est dans la foulée que j’ai joué moi-même des pièces inventées on the spot, toujours improvisées en alexandrins. (Très impressionné, au sens photographique du terme, par les films que l’on regardait en famille par la grâce du magnétoscope Betamax, je découpais aussi les journées les plus banals, dimanches dehors ou mercredis pluvieux, en séquences cinématographiques.) — J’ai le souvenir très précis d’avoir, là encore vers huit ou neuf, ans, tapé à la machine à écrire (la petite Lettera 32 que mon père nous avait prêtés, ne se servant plus que d’un plus colossal appareil) quelques scènes en alexandrins d’une sorte de comédie sans queue ni tête. Seule véritable réminiscence, un des quatre cinq personnages se nommait Deffailles.

mercredi, 19 juin 2013

14

 

Les Fâcheux se trouve être, je pense, avec Dom Garcie (j’espère ne pas estropier le titre – la tragi-comédie en question n’était jamais mentionnée que pour en souligner l’échec cuisant), la pièce de Molière la plus inexistante : jamais jouée, jamais étudiée, jamais commentée, jamais même évoquée au passage. Or, dans les années quatre-vingts, on pouvait trouver, dans une maison d’instituteurs, un exemplaire bon marché, scolaire, de cette pièce… et un gamin n’y comprenant goutte, lire ces alexandrins. Ce fut pourtant déterminant.

mardi, 18 juin 2013

13


Il m’est difficile de le dire – car, vers huit ans, je fus embringué par ma sœur dans une réécriture très brève et futile de L’Avare (que nous avions vu en film, dans la version avec Louis de Funès) – mais je crois que le premier Molière que j’ai lu n’est autre que Les Fâcheux. Je revois fort nettement le petit livre, une sorte de clone approximatif (brun ou sépia) des vieux Classiques Larousse, et me revois lire cette pièce, en n’en comprenant que très partiellement le langage, la situation et l’enjeu, dans la maison de mes grands-parents, à Saint-Pierre-du-Mont.

Item.

lundi, 17 juin 2013

12


Item. Je me fâche, bien sûr, et ne décolère pas. Ça n’a pas le sens commun, mais ainsi suis-je fait, me dis-je. Maudit je.

Donc la fâcherie serait mon élément substantiel ? Je ne le crois pas, toutefois.

Prendre des gants, comme je le fais, n’est-ce pas le signe d’une gêne qui en dit long ?

dimanche, 16 juin 2013

11

 

Et aujourd'hui, pour la fête des pères, j'étais tout de gris vêtu, mais, en ville, sans que ce soit trop incongru, avec mes souliers en daim bleu.

samedi, 15 juin 2013

§

10


Les chaussures noires bon marché de chez Labarrière, à Dax, que j'y avais achetées au printemps 1995, peut-être, étaient quasiment les protagonistes du premier chapitre du roman que j'écrivis à Oxford à partir de janvier 1996, dont j'ai déjà parlé, je crois, qui s'intitulait Frasques, et dont je crois avoir perdu le tapuscrit, non sans l'avoir pourtant, au préalable, interrompu et fondu dans un ensemble hétéroclite, Feuilletons !, dont les différents fragments portaient des titres commençant par la lettre F.

vendredi, 14 juin 2013

9


Le jour où, à six ou sept ans peut-être (c'était “à la préfecture”), je sortais du magasin avec mes chaussures neuves (beige), je n'en ai aucun souvenir.

jeudi, 13 juin 2013

8

La nostalgie n’est rien, si elle n’est pas constitutive d’une forme.

(J’écris cette phrase tandis que je me débats dans le pire chaos professionnel d’une carrière accaparante qui a connu quelques soubresauts et qui n’a rien d’une carrière.)

 

Pourtant, sans une forme exigeante, la nostalgie ne peut pas avoir de sens, ni permettre d’élan.

mercredi, 12 juin 2013

 

7

Que les textes, comme les années, se constituent par l’accumulation de structures figées (31 jours, 13 lunes, cinq années valant un lustre, etc.) que seules les ambiguïtés (parfois délibérées) de la langue peuvent rendre plus mobiles, et, à ce titre, émouvantes, je l’ai toujours su, même sans l’exprimer ainsi, même sans le comprendre, y compris cette année-là, tapant à la machine dans l’obscurité du studio et la douceur moite des nuits de mai.

Quoique… une journée ne compte pas neuf heures.

mardi, 11 juin 2013

 

6

Un jour, étant descendu du bus trois ou quatre arrêts avant la résidence Coppélia (grand ensemble blanc dont l’allure n’évoquait guère, contrairement à son nom, entrechats et pirouettes), je marchai, passai d’ailleurs devant une pharmacie un peu à l’écart, et que je n’avais jamais vue avant, même en observant le trajet depuis mon siège ou ma station debout, et composai in petto, ou en fredonnant discrètement, toute une chanson, dont le refrain, constitué du seul vers « Dans les rues de Bordeaux », devenait, à la fin, et répété ad lib. « Dans les rues de Talence ».

Le nom de la petite ville, tout autant que certains de ses quartiers ou certaines de ses rues, m’a toujours beaucoup plu : sept lettres, deux syllabes, un final mélancolique, des échos à la fois obscènes et chevaleresques, et cette attaque abrupte, brutale (TAL), qui en latin évoquerait la valeur ou l’analogie, tandis qu’en allemand on serait plutôt du côté de l’églogue, des riantes vallées de la pastorale. À l’époque, je me sentais pleinement exister dans cette petite ville, qui n’était pourtant pas du tout « mon lieu », et où, hormis étudier (c’est-à-dire travailler tard le soir à mon bureau, près des grandes baies donnant sur le balcon, mais aussi écrire) et prendre le bus, je ne faisais pas grand-chose de spectaculaire. La première année à Talence fut toutefois une des plus essentielles de ma formation, et si, bien entendu, cours ou rencontres, le drame se jouait à Bordeaux, il n’en demeure pas moins qu’il se cristallisait dans le studio de Coppélia, et donc que, le plus fort du sens se situant au terme, comme dans la chansonnette, l’année n’a valu que par les rues de Talence.

lundi, 10 juin 2013

 

5

À un tel rythme, le récit pourrait voir l’envol, par un matin brumeux et froid, de cent quarante mille oiseaux blancs, au-dessus d’un lac gelé, en Tanzanie.

dimanche, 09 juin 2013

 

4

L’Ennemi, me semble-t-il me souvenir, est un des rares romans de Pinget que je ne me rappelle pas avoir lu, et dont j’ai tout oublié. L’oubli m’a toujours fait l’effet d’un allié périlleux. Déjà, à Oxford, j’avais tenté de m’en expliquer, pataud.

(Je sais que j’ai lu L’Ennemi. Où ni quand, ni quoi, voilà.)

samedi, 08 juin 2013

 

3

L’année où j’ai retenté le concours n’a pas été une année de souffrances. Au contraire, elle était très exaltante, j’étais presque aussi exalté que l’année encore auparavant, quand je rentrais tous les soirs, avec le bus A, en banlieue sud, par des cours embouteillés. Ce fut une année (la troisième) assez frénétique, un peu de Guronsan, un traitement régulier et suivi au Roaccutane, étais-je dopé pourtant ? (Pendant quelques semaines, avant le printemps, il fallut arrêter de manger, quoi, du fromage.) Tout ça est en vrac, j’en ai conscience. Ça s’ordonnera.

vendredi, 07 juin 2013

 

2

Vos étonnements devant la tombe du poète inconnu, un éditeur les a ravalés au rang de pure soupe. Depuis la date précise de la fondation de la Ville, tant de phrases se sont accumulées, s’accumulèrent – il n’y avait pas grand-chose à méditer, et encore moins à faire. Tous bouffis d’orgueil et confits dans leur oisiveté, ils attendaient que ça (les alouettes) leur tombe tout engraissé dans la goule. Une vouivre émigra, de dégoût. On disait : tel est pris qui croyait prendre.

jeudi, 06 juin 2013

 

1

Tel est pris qui croyait prendre, affirmation sans ambages.