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vendredi, 22 juillet 2005

Le 3 mars 2003

Ce jour-là, j’avais reçu un courrier électronique d’un correspondant jamais rencontré, mais souvent côtoyé sur la Toile, à qui j’avais envoyé un enregistrement du merveilleux opéra, malheureusement méconnu, de Britten, Gloriana. A ses remerciements profus, et à sa proposition de m’adresser, en retour, quelques morceaux choisis de sa discothèque, voici ce que je répondis :


Cher °°°°°°,

c'est moi qui devrais vous remercier d'avoir si longtemps patienté après une promesse qui faillit bien être de Gascon! Je n'ai pas vraiment copié le livret, puisque vous n'avez pas les paroles...

Pour un enregistrement en retour, je ne dis pas non, même si ce n'était nullement le but de l'affaire, croyez-le. Je suppose que vous avez une immense discothèque, donc j'hésite... Puisque vous êtes pianiste, que me conseilleriez-vous de fondamentalement méconnu dans la musique pianistique du XXème siècle?

Cordialement,

Guillaume

Ardoisé

Ma mémoire me joue des tours. J’entends par là que j’aimerais retenir des foules de choses passionnantes, mais qu’il m’arrive de constater que ce sont parfois les plus terribles inepties qui s’accrochent à mes neurones. Ainsi, ayant rencontré l’adjectif “ardoisé”, hier, m’est venue aussitôt à l’esprit l’expression “toits ardoisés”, que j’étais sûr d’avoir rencontrée dans un poème, peut-être un sonnet de la seconde moitié du 19ème siècle…

Cela m’est revenu, un peu comme dans ces mouvements, ces flux si bien décrits par Nathalie Sarraute dans l’un de ses derniers textes parus, Ici : à ma stupéfaction, à ma grande honte, c’était une bribe d’une chanson, et d’une chanson d’un groupe que je déteste, Tri Yann :

Et la pluie tombe noir’ sur les toits ardoisés.

 

Dans ces cas-là, il faut un puissant contrepoison, comme jeter un œil, prétendument distrait, au dictionnaire, qui nous offre cette belle phrase de Francis Jammes : «les nuages légers et rares s’écaillaient, à peine ardoisés». Il s’agit, à suivre les indications du Grand Robert analogique (tome 1, page 227), d’une citation de Clara d’Ellébeuse. Un gouffre d’ignorance s’ouvre alors sous mes pieds. Jammes aurait-il écrit des romans ?

Autre piste, et non des moindres. Je projette, depuis deux ou trois jours, d’écrire une note sur les descriptions de nuages, car, après avoir cité Eric Laurrent, l’autre jour, j’ai rencontré une très belle description dans le roman de Tariq Goddard que je lis ces jours-ci.

La phrase de Jammes mérite d’entrer dans le florilège.

…………………………….
En écoute : Venus d’Othmar Schoeck (acte I).

Sonny Rollins

Juste un lien pour signaler un joli article de Libération consacré à Sonny Rollins.

J'ignorais que Brecker fût atteint d'une leucémie: c'est, lui aussi, un géant du jazz.

Se corriger

Fuligineuse faisait part de son malaise, ou de ses doutes, face à tel de mes délires, ou telle de mes verbigérations, car elle ne comprenait pas ce que j’entendais par « ne pas se corriger ». J’ai répondu sommairement, dans un commentaire en réponse au sien, mais j’aimerais pousser un peu mon avantage ici même et perpétuer de quelques piques le galop effréné de mon fringant destrier.

C’est que relisant, à l’instant même (vendredi 22, à dix heures et des brouettes), une note tout juste écrite dont je ne sais quand je la publierai (elle s’intitule “Promesses”), je me surprends à hésiter sur mon recours fréquent aux parenthèses. Je crois savoir que cet excès de parenthèses, qui a pour moi une valeur tant ludique qu’explicative, en agace plus d’un, ou en décourage d’autres, ce qui est plus gênant. Toutefois, je pense, à trente ans, avoir atteint un point de non-retour dans l’élaboration de mon style personnel: non qu’il ne puisse connaître de nouveaux détours, de soudaines bifurcations, des ruptures, de concomitantes divergences, mais, voilà, ce que je sais faire, en matière d’écriture, la manière dont il me plaît de tourner mes phrases, cela ne saurait faire l’objet d’un vif trait de plume, d’une relégation au panier, et basta ! Non. Je me corrige sans cesse, sur le choix des mots, la reprise d’un début de phrase bancal pour le conformer à la syntaxe provisoirement finale, l’insertion de tel exemple ou d’une citation idoine, mais sur le ton, le style en général, point d’affaire.

Evidemment, au plan moral et esthétique, il faut sans cesse se corriger, être, de soi-même, le plus vigoureux critique. Je ne m’en prive pas, et les éperons m’entaillent bien souvent le flanc, avant d’attaquer celui de mes petits Pégases. Se corriger, pour devenir toujours différent, si possible s’améliorer.

Fuligineuse faisait remarquer que j’employais le terme d’émendations, qui est certainement un néologisme. S’agit-il de ma part, d’un latinisme ou d’un anglicisme ? Des deux, peut-être bien. Je viens de vérifier dans trois dictionnaires, sans aucun succès. Le verbe émender, est bel et bien d’ordre judiciaire. L’“émendation” telle que je l’entends, ou telle que la langue française m’appelle, une fois passé l’envol lyrique, à l’entendre, serait donc, appliquée à soi-même, cette forme d’auto-censure que je réprouve partiellement.

S’émender pour mieux dire, s’amender, faire amende honorable, dire où sont erreurs et errements, tout cela, j’y souscris. Mais, s’il s’agit, par exemple, de taire, par scrupule, par désir de tranquillité, certaines pensées un peu hétérodoxes, je trouve ces émendations-là bien peu recommandables. Par exemple, un diariste fumiste comme Pierre Driout, qui veut donner des leçons à tout le monde et en remontrer sur tout, alors qu’il n’a, de tous les domaines qu’il aborde, que des vues bien superficielles et infantiles, est, pour moi, le champion du monde toutes catégories de la non remise en question: il se considère le seul et unique étalon de tout, lui seul a raison, et, s’il a décidé une fois pour toutes que les Noirs, par exemple, sont inférieurs intellectuellement aux Blancs, il ne s’interrogera jamais sur cette «théorie». Il lui faut toujours baigner dans son petit conformisme confortable. Je ne mange pas de ce pain-là. Si j’écris, c’est pour examiner des questions ouvertes, m’interroger sur mes failles et mes fautes, sur mes réussites aussi, c’est pour donner (quand je me pique de concurrencer les guides touristiques (!)) ma vision forcément partielle et partiale de tel lieu.

La correction s’entend aussi comme justesse (de ton ?), politesse (à l’égard des lecteurs ou des sujets traités ?), reprise indéfinie des moindres nuances (où l’on en revient à la Korrektur bernhardienne).

Un os

Il semble y avoir un bogue sur mon blogue.

Le dernier message qui s'affiche, sur la page d'accueil, est "Dr Avishai et Mr Cohen", sauf si je passe par le calendrier, où je peux lire les derniers publiés (et écrits, car j'ai puisé dans mes réserves).

Soaring or skyrocketing?

J'avais décidé d'arrêter de ponctuer ce carnet de toile de commentaires triviaux sur des statistiques plus triviales encore, mais là, je n'y résiste pas: 202 visiteurs hier (soit un record absolu), et 135 sur mon autre blog (record aussi).

Passé une bonne nuit (enfin), peut-être en anticipation de ces bonnes nouvelles statistiques matinales. M'objecteriez-vous que je suis bien attaché à ces statistiques, dont l'essence est sans doute qu'elles soient fluctuantes, je vous ferai remarquer qu'on n'écrit pas pour personne. Je, dans tous les cas, pas.

Fouilles à Marmoutier

Ce 21 juillet dans La Nouvelle République:

Quatre semaines pour creuser les mystères de Marmoutier
(
Nouvelle République, 21/07/2005 )

Du 4 au 29 juillet, une vingtaine d'étudiants en archéologie travaillent à Marmoutier. Le site du monastère cache encore de nombreux mystères.

Au fond d'un trou, Géraldine est assise en tailleur à moins d'un mètre de Coraline. Non, ces deux jeunes filles ne jouent pas à cache-cache ; elles appartiennent au groupe d'étudiants venus participer au nouveau programme de recherches archéologiques sur le site du monastère de Marmoutier. « Dans les années 70, Charles Lelong avait permis d'identifier la localisation des églises abbatiales de ce site, fondé par saint Martin, à la fin du 4e siècle, explique Elisabeth Lorans, maître de conférence en archéologie médiévale à l'université de Tours et directrice de ces fouilles. Actuellement, nous connaissons juste l'emplacement des principaux bâtiments religieux mais rien sur leur succession et les habitations réservées aux laïcs au service des moines. »

Le Laboratoire archéologie et territoire, constitué de chercheurs du CNRS et de l'université de Tours, a donc entrepris cette campagne de fouilles, financée par la Ville de Tours, le conseil régional et l'État, plus de vingt ans après celles de Charles Lelong.

Coraline et Géraldine commencent tout juste à relever les caractéristiques d'un muret. « On note l'emplacement de chacunes des pierres pour les dessiner sur papier millimétré. Cet enregistrement fondamental peut permettre de faire la relation entre ce mur et un autre élément, plus éloigné » Grâce au fil à plomb, pour être sûre de bien mesurer à la verticale, et son mètre, Coraline indique des chiffres à Géraldine. Toutes deux découvrent le métier d'archéologues. « On ne s'attend pas à ce qu'il y ait autant de travail avant de commencer les relevés ! », explique Géraldine. En vingt ans, la végétation a quelque peu repris possession des lieux et les éboulements, remis de la terre dans les trous… « il a bien fallu une semaine de nettoyage avant de commencer notre travail de relevé ». Les deux étudiantes sont conscientes que leurs notes marquent le point de départ d'un travail de longue haleine pour comprendre la complexité du site. « Nous responsabilisons progressivement les étudiants », ajoute Elisabeth Lorans, « Sur ce stage, ils sont encadrés par Véronique Marthon et Vincent Hirn, qui préparent tous deux une thèse d'archéologie au sein du Laboratoire archéologie et territoires ».

A l'écart, Fabienne, étudiante en licence, n'a ni crayon, ni papier. Allongée, elle bichonne depuis trois jours un partenaire peu locace. « Mon boulot consiste à dégager le maximum de terre autour des ossements de ce squelette, découvert par M. Lelong. » Avec une balayette et une pince à épiler, l'étudiante ne doit pas bouger les os, avant que des photos ne soient prises. Ensuite, l'individu, qui a vécu entre le 7e et le 10e siècle, rejoindra le laboratoire d'un anthropologue pour délivrer son histoire. Fabienne l'attend avec impatience.

Magalie BERRY