samedi, 28 novembre 2020
Marche des Libertés, à Tours
Un monde fou (entre 4 et 5000 manifestant-es) à Tours cet après-midi.
L'angoisse face à un régime politique qui se fascise de plus en plus, et qui jette au caniveau les libertés publiques aussi bien que la protection des plus pauvres tout en abandonnant les classes moyennes, n'empêche pas la mobilisation.
Pourtant, je connais des amies et des amis qui n'osent plus aller en manif avec leurs enfants, des contacts Twitter ou Facebook qui vivent en région parisienne et que la peur des policiers et de leur violence impunie pousse à rester à la maison des jours comme aujourd'hui.
18:30 Publié dans *2020*, Indignations, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 22 octobre 2020
Islamogauchisme
Depuis quelques jours les profs étaient les piliers de la République, des héros ordinaires etc. Et puis la cérémonie ridicule d'hier a sonné la fin de la récréation : nous revoici des feignasses irresponsables "complices de l'islamogauchisme".
Blague (pas du tout drôle à part), j'aimerais rappeler à Blanquer, qui n'est pas ministre de l'Enseignement supérieur, que son administration a visiblement merdé dans l'affaire Samuel Paty, et que cela n'est ni la faute de l'UNEF ni de La France Insoumise (parti gravement compromis, de fait, mais autant dans la xénophobie anti-réfugiés qu'avec le prétendu "communautarisme"). Je veux lui rappeler que les universités crèvent des suppressions de postes depuis 10 ans, des amphis bondés, de la paperasse, du manque de moyens, et que rien de tout cela n'est imputable, de près ni de loin, aux musulmans ou à leurs "soutiens".
J'aimerais lui rappeler aussi qu'à l'Université on apprend à réfléchir aux concepts, et qu'en l'espèce islamogauchisme est un concept aberrant, sans fondement, sans autre signification que de dire à l'électorat d'extrême-droite "nous sommes aussi poujadistes et fascistes que le RN, votez pour nous". En soi, l'"islamogauchisme" ne désigne rien et n'existe pas.
Quand Fourest, qui a elle-même viré de bord pour rejoindre l'extrême-droite, parle d'islamofascisme pour parler des imams radicaux, ça n'a pas grand sens, mais on peut y retrouver du sens. L'islamogauchisme, ça n'a aucun sens, sauf à vouloir dénoncer les imams de gauche, qui se trouvent être ceux qui défendent mieux les valeurs de démocratie et de laïcité de notre pays que le gouvernement lui-même.
Saluons donc Tareq Oubrou, et conspuons Blanquer, qui n'a d'autre objectif, ces temps-ci, que de faire oublier sa politique inhumaine en rejetant la responsabilité sur les universitaires eux-mêmes, ou sur les musulmans.
16:55 Publié dans *2020*, Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 17 octobre 2020
Amalgames, le retour
Une personne que je suis sur Twitter a écrit hier soir qu'elle était autant hérissée par les personnes qui profitent des crimes terroristes comme celui de Conflans que par celles qui "dégainent "pas d'amalgame" à chaque attentat".
Voici ma réponse :
1. Dire qu'il ne faut pas dire "pas d'amalgame", ça signifie donc qu'on peut (voire qu'il est souhaitable de) faire un amalgame. Un amalgame, ça consiste à associer, à la responsabilité d'un crime, une quantité de personnes qui en sont innocentes. Et vous trouvez ça bien ?
2. Personnellement, j'en veux énormément aux islamistes, le plus terrible étant qu'on sait qu'on ne les fera pas changer d'avis. Et aussi aux fascistes du RN et des autres partis qui passent leur temps à parler du "séparatisme musulman". Juste pour faire des voix. En mentant au peuple.
3. Et pourquoi en ai-je après ces tribuns du "séparatisme" ? Parce que par leur faute des centaines de milliers de musulman·es convaincu·es de leur identité française et des "valeurs de la République" finissent par se dire qu'en effet leur religion fait d'eux des parias.
4. Parce que ces centaines de milliers de musulman·es convaincu·es de leur identité française et des "valeurs de la République" voient bien que, même s'ils/elles sont des citoyen·nes irréprochables, en fait on les rejettera pour leurs croyances.
5. Et cela, c'est une entrave énorme et scandaleuse au principe de "laïcité", autant que des parents d'élèves qui refusent que l'on enseigne certaines choses au nom de leur religion.
6. Il faut lutter vraiment contre la poignée néfaste et criminelle d'islamistes et arrêter de cracher sur la majorité de musulman·es convaincu·es de leur identité française et qui partagent les "valeurs de la République". Notamment en arrêtant de pipeauter sur le "séparatisme".
7. Il faut lutter vraiment contre la poignée néfaste et criminelle d'islamistes et arrêter de cracher sur la majorité de musulman·es qui partagent les "valeurs de la République". Et cela, comment cela s'appelle-t-il ? ne pas faire d'amalgame.
8. Et quand je dis "il faut lutter vraiment", ça signifie AUSSI qu'on ne doit pas laisser sans aide policière et judiciaire un établissement qui demande de l'aide depuis une semaine suite à des menaces contre un enseignant.
9. Faire des grands moulinets avec les bras, les yeux embués, en lançant de grands mots, ça n'a a aucun sens quand on est l'instigateur d'une politique de destruction de l'enseignement public, de précarisation des profs et d'abandon des ZEP.
10. Donc je suis Charlie, je suis Samuel, mais je ne suis pas Emmanuel ni Jean-Michel ; je ne suis pas Gérald ni Marion.
06:57 Publié dans *2020*, Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 30 septembre 2020
Un pochoir rose en guise d'humanité
Ce matin à sept heures moins le quart, allant prendre le tramway, je longeais l'alignement triste de ces magasins — ou plutôt hangars commerciaux — qui entourent mon quartier. Devant le Saint-Maclou, je m'avise que le parking est couvert de grands plots blancs en béton, griffés de rose (c'est la marque en rose avec l'inscription LOUEZ-MOI qui a attiré mon attention). Je scrute ; le parking est entièrement couvert de ces parpaings, dont j'ignore le nom. J'aurais dû prendre une photo ; pas le temps, le tramway, je l'aurais manqué.
Des plots sur toute la superficie du parking, 20 ou 25 emplacements. Le magasin est donc fermé, je ne l'avais pas compris.
Ainsi, une boutique qui met la clé sous le paillasson a encore les moyens de payer des sommes que je devine assez rondelettes, juste pour... pour quoi, au fait ? Pour empêcher les “gens du voyage” de s'y installer, je gage, comme il y a quelques années sur le parking du Tati abandonné. Pendant plusieurs mois, quatre ou cinq caravanes s'étaient installées là, au carrefour, sous les lampadaires. Et ne dérangeaient personne.
Alors, oui, généralement, sur ces aires non prévues, les “gens du voyage” se branchent sur l'électricité publique... ou sur celle du magasin ? Je ne crois pas. Tout de même, ça, empêcher les caravanes, sur un parking à l'abandon, avec cette masse polluante construite depuis moins de quinze ans et déjà passée... si les nomades dépensent un peu d'électricité en branchant leur lave-linge, ce sera toujours beaucoup moins cher que ces milliers de réverbères éclairés toute la nuit, partout, qui ne servent à rien, et dont le quart suffirait à ce que les rares noctambules du coin se sentent en sécurité...
En guise d'humanité, des plots blancs avec "Louez-moi" écrit en rose.
07:19 Publié dans *2020*, Indignations, Kleptomanies überurbaines, Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 10 septembre 2020
L'Education nationale et l'Université, des accélérateurs de Covid19 ?
17:07 Publié dans *2020*, Indignations, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 26 juillet 2020
Bientôt un cluster à Garlin ?
C'était surréaliste, cet après-midi, à Garlin : j'ai été témoin, pour la première fois depuis des mois, d'une scène d'inconscience collective. Les gradins sont semi-fermés, les gens (en dépit du marquage d'une place sur deux) à moins d'un mètre les uns des autres (vu la disposition des arènes il fallait éliminer une rangée sur deux et 2 places sur 3 sur la rangée restante)... et personne ou presque ne portait de masque. Déplacements sans masque, poignées de mains etc. La totale.
O* et moi avons gardé notre masque tout le temps, et on croise les doigts maintenant...
Interrogée par moi, une des responsables du comité des fêtes m'a dit que le protocole de la FFCL (Fédération Française de la Course Landaise) avait été appliqué à la lettre. J'ai ensuite appris que plusieurs membres du comité directeur de la FFCL avaient refusé de voter ce protocole et que le docteur fédéral avait démissionné pour ne pas être tenu responsable de quoi que ce soit en cas d'action juridique a posteriori. Autant dire qu'il ne faut pas beaucoup s'informer ni réfléchir pour se rendre compte que cette course landaise se déroulait dans des conditions entièrement incompatibles avec les réglementations demandées par les ARS.
[Edit du 28 juillet. J'ai alerté la préfecture des Pyrénées-Atlantiques. Réponse : nada.]
21:36 Publié dans *2020*, Hors Touraine, Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 11 juin 2020
Vidal, entre vésanies et turpitudes
Voici de larges extraits d'une lettre envoyée le 2 juin par la ministre Vidal (totalement fantomatique et inutile depuis le début de son mandat, et pis encore pendant la crise du Covid19) aux établissements d'enseignement supérieur.
Vous la voyez venir, une fois encore, la saloperie absolue ?
Depuis des années, les universités exsangues, précarisées, demandent davantage de moyens et moins de flicage administratif par le ministère (dossiers d'accréditation, contrats quinquennaux de plus en plus lourds et assommants...).
Or, cette lettre ne mentionne jamais les questions budgétaires.
Par contre, cette lettre propose aux chefs d'établissement, déjà bien le doigt sur la couture du pantalon, de proposer des dérégulations, des assouplissements : comment faire encore davantage avec toujours moins de moyens, en essorant les enseignants-chercheurs et les BIATSS.
Cela va de pair avec l'annonce du projet de loi LPPR, contre lequel la communauté universitaire s'est déjà largement mobilisée depuis septembre. Ce projet vise à bousiller un peu plus l'Université publique, à ne financer que les projets qui permettront à des officines privées de s'engraisser sur le dos de l'Etat, et à caporaliser les universitaires.
09:08 Publié dans *2020*, Indignations, WAW | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 28 mai 2020
Bigard, Hanouna, Zemmour, et le système Macron
Une des choses qui m'exaspère, le plus, et depuis déjà plusieurs années, est l'usage euphémistique du concept de populisme pour parler de l'extrême-droite, mais aussi, dans un tour de passe-passe qui est loin d'être satisfaisant en termes de sens politique, de l'ultra-gauche, ou même, tout simplement, de la gauche. Ainsi, ceux qui demandent le rétablissement de l'ISF ou plus de moyens pour l'hôpital public se trouvent dans le même sac que des élus millionnaires ou fraudeurs de fisc qui se servent des "migrants" comme de boucs émissaires dont il suffirait de se débarrasser pour que tous nos problèmes disparaissent.
Ces jours-ci, on voit bien éclater l'absurdité de cette accusation de populisme : en effet, les macronistes ne cessent de nous vanter leur baderne et leurs vieilles lunes comme rempart contre les populismes ; or, après Schiappa qui alla à la soupe chez Hanouna, on apprend que Macron console cette ordure de Zemmour au téléphone, et qu'il prend les avis de Patrick Sébastien et de Jean-Marie Bigard au sujet du déconfinement. Et ce sont les gens qui prennent position contre le MEDEF ou la FNSEA qui seraient "populistes"...!
Il en va de ce terme comme de celui de communautarisme : qui ne veut pas reconnaître ses a priori racistes ou son élitisme prétendra vouloir défendre l'universalisme démocratique du "modèle français" (et donc, très souvent, les discriminations institutionnalisées) contre le communautarisme.
Hier j'ai commencé à lire la biographie de Virginia Woolf par Hermione Lee. Ce n'est pas inintéressant, mais le format même des biographies m'emmerde. Juste avant d'éteindre la lumière je suis allé chercher To the Lighthouse sur mes étagères et j'ai commencé de le (re)lire.
De quoi être durablement déprimé : soutenu absolument pour rien - projet Scarlatti tenu pour poseur ou prétentieux, projet Pinget sans intérêt, traductions juste pour moi, mon vlog se réduit à "inonder le Web avec ma gueule"...
08:30 Publié dans *2020*, Indignations, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 06 mai 2020
Où il est notamment question de Hilde Domin
En ce moment, A* se lève à 6 h 30 car il a des examens de maths tous les matins à 7 h 30 ; j'ai remis le réveil chaque jour à 7 h, au cas où... et, curieusement, je recommence surtout à être réveillé dès 6 h... Première chose ou presque, après les mails pro (pas grand chose ce matin) et un coup d'œil à Facebook et Twitter : ma traduction quotidienne.
Ce matin, j'ai traduit un poème de Hilde Domin, poète du 20e siècle très connue en Allemagne, et plus ou moins inconnue en France, je pense. Il faudra que je pense à chercher des éditions de ses poèmes, ainsi que sa correspondance — retrouvée après sa mort, en 2006 —avec son époux. Hilde Löwenstein, née en 1909, a connu à peu près toutes les vicissitudes d'une émigrée juive tentant d'échapper à l'Allemagne nazie : d'abord émigrée en Italie (mauvaise pioche), elle réussit à s'enfuir avec son époux in extremis, en 1939, avant de rejoindre l'Angleterre. Elle n'est revenue vivre en Allemagne qu'en 1961 après un long séjour en République dominicaine : c'est à ce pays qu'elle emprunte en quelque sorte son pseudonyme.
Peut-être que, pour un prochain défi de traduction d'un poème par jour pendant un mois, je pourrais choisir Hilde Domin, et elle seulement. Dans le poème d'aujourd'hui, il y a un jeu sémantique sur la polysémie du mot Kätzchen, qui, heureusement, est identique en français : les chatons du saule se voient affectés d'un “pelage dégoulinant”. En anglais, ce jeu de mots n'eût pas été possible (kitten vs catkin).
Fini de lire Louis Lambert, qui est en effet, à bien des égards, et comme le disent deux personnages de The Ambassadors, un livre raté. Mais comme toujours chez Balzac, c'est un livre raté essentiel.
Aujourd'hui je dois continuer mes corrections de L1 et L3 (les étudiants déposent leurs devoirs au compte-gouttes, et moi je ne peux attendre le terme pour m'y mettre), et préparer mon cours d'agrégation sur Cook pour vendredi. Au début, le cours devait avoir lieu hier matin, mais diverses complications ont fait que j'ai dû le décaler. Les collègues/étudiant·es préfèrent la date du vendredi matin, seul moment calme de la semaine. Cela a beau être un jour férié, tant pis, je cède. La situation est déjà si compliquée, et pour tout arranger le jury qui devait annoncer les résultats d'admissibilité aujourd'hui a apparemment renvoyé la publication sine die. De toute façon, il est à espérer qu'on sorte enfin rapidement de cette situation, car entre les collègues qui continuent de travailler et d'avoir un fonctionnement quasi normal, comme s'il ne se passait rien de particulier, et les gens qui font n'importe quoi, il ne reste pas grand chose d'un peu mesuré...
D'ailleurs, les scènes diffusées hier à la télévision l'ont montré, Macron et Blanquer sont irresponsables et grotesques ; je ne sais lequel des deux adjectifs les décrit le mieux. Comme la situation est tragique et comme leur irresponsabilité risque d'augmenter le nombre de morts, on peut dire que le ridicule tue, et l'incompétence aussi.
07:26 Publié dans *2020*, Indignations, Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 16 avril 2020
Au charbon
Beaucoup travaillé ce matin. Mon cours sur Cook commence à prendre forme ; il serait temps. Mais il me donne toujours du fil à retordre. Lundi prochain, j'en assurerai la première séance, probablement via un direct non répertorié sur YouTube : ce n'est évidemment pas idéal, d'un point de vue institutionnel, comme peut l'être Renavisio, mais ça permettra l'archivage intégral du cours.
Dans l'après-midi, alors que nous avons transmis lundi à la Présidence de l'Université nos demandes de modification des modalités de contrôle des connaissances, et alors que les étudiant·es attendent les détails du calendrier pour le milieu de cette semaine, nous avons reçu de nouvelles instructions. Il faut tout recommencer. On ne sait pas quand on pourra informer les étudiant·es.
Tout se passe comme si les autorités de tutelle, à commencer par le ministère, voulaient profiter de la crise sanitaire et du confinement pour écraser les degrés inférieurs sous les tâches : concours en partie maintenus, de façon rocambolesque et absurde, multiplication des exigences formalistes oiseuses mais chronophages — dans le secondaire, confection de nouveaux emplois du temps pour faire croire aux parents d'élèves et aux médias qu'on ne va pas renvoyer les élèves dans de vrais bouillons de culture. Comme si l'administration trouvait qu'il n'y aura pas assez de morts du Covid19 dans l'Education nationale et qu'il faut alléger encore la masse salariale grâce aux burn-out et suicides...
Je lis depuis avant-hier Son Excellence Eugène Rougon (qu'A* vient de lire) ; je crois finalement ne jamais l'avoir lu, comme La Débâcle ; cet après-midi, j'ai repris le chapitre “De la vanité” dans les essais de Montaigne.
Soirée : Germinal de Claude Berri — l'occasion de vérifier, près de trente ans plus tard, à quel point Renaud jouait mal. C'est peut-être même plus criant encore aujourd'hui. Il est vraiment effroyablement mauvais.
19:57 Publié dans *2020*, Indignations, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 13 avril 2020
Empocher
Levé à 6 h 15, et réveillé pour la première fois depuis un petit bout de temps par les douleurs au dos. Ce matin, il suffisait de se lever pour que ça passe un peu.
Être levé tôt, cela tombe bien : j'ai un boulot monstre aujourd'hui et demain, dans la foulée du week-end. Pas grave, tant que je dors bien et que j'ai des moments de pause : parties de billard sur la terrasse avec O*, par exemple.
Il y a deux ans, j'avais acheté pour 20 euros dans un Troc de l'Île, à Chambray je crois, un billard américain miniature, mais en bois et feutre, avec des queues et des billes “conformes” (pas en plastique). Je le monte sur une paire de tréteaux, et je l'installe dehors quand les beaux jours reviennent, car il n'y a aucune pièce où nous avons de quoi “tourner autour” : miniature, mais pas tant que ça ! O* et moi jouons au jeu du 15, qui n'est pas officiel, mais qui est plus simple que les diverses règles qui m'ont donné la migraine en essayant de les comprendre.
Hier soir, pas de film : O* a préféré organiser une soirée de jeux, ce qui a été accepté de très bon cœur par son frère (!). Donc : Minotaurus, Cluedo, et — pour finir, car on en avait marre — jeu du dictionnaire jusqu'à la lettre O.
O* découvrait ce jeu, ainsi que mes imitations lamentables de Maître Capello (je vous parle d'un temps que les moins de 50 ans...), et il s'est avéré très vif et doué au jeu. Au passage, j'ai découvert les mots manoque et manotte. Aucun des deux n'est facile à placer.
Ce soir, on attend un discours du Président. La façon dont ce discours est monté en épingle depuis trois ou quatre jours est ridicule : qu'il parle, s'il a quelque chose à dire ! La façon dont, à chaque fois, des rumeurs sont “fuitées” via le JDD est dérisoire : plus personne n'est dupe de la technique des coups de sonde. La façon dont, depuis quelques jours, on parle de l'après-déconfinement, est obscène : il y a encore dans les 500 ou 600 morts par jour, il me semble. La façon dont le patronat commence à réclamer d'ores et déjà de futurs sacrifices salariaux est scandaleuse : les salarié·es sont déjà sacrifié·es, tandis que les actionnaires et les patrons évadés fiscaux profitent de la crise pour améliorer leur pactole. La façon dont quelques ténors de la majorité ont, dès samedi, répété le laïus du connard qui dirige le MEDEF, proféré la veille, est aussi inquiétante que pathétique : même Xavier Bertrand a répondu à tout cela dans un entretien qui s'est répandu sur les réseaux sociaux avec des chapeaux tels que “Mélenchon, enlève ton masque, on t'a reconnu”.
06:45 Publié dans *2020*, Indignations, Moments de Tours, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 21 mars 2020
*2103*
Ce qui est ennuyeux, avec cette manie de me réveiller très tôt et de commencer par tenir ce carnet, c'est que j'y raconte la journée de la veille. Hier, passé la journée à bosser : corrections de devoirs, préparation du fichier pour les L3, mixage des vidéos 24 et 25 des 29 CONTEMPORAINES, écriture d'un quadrilatère, mise en ligne des diaporamas de L1... et courses massives, à l'heure creuse, dans le Leader Price désert.
Il est question d'un prolongement (sans surprise) du confinement, et de son durcissement. Pendant ce temps personne ne semble vraiment s'offusquer du fait que ce gouvernement, Ndiaye, Pénicaud & co, avec Macron au-dessus et les faux parlementaires LREM à côté, profite de cette très grave crise sans précédent pour faire les deux seules choses qu'il sait faire : d'une main, casser encore et toujours les droits des travailleuses et travailleurs ; et de l'autre donner l'“argent magique” aux banques et au privé. — Pourquoi avoir imposé hier la suspension des règles du travail sans limite de date ? Une telle mesure n'a d'autre effet que de montrer encore et toujours aux plus modestes et aux pauvres qu'elles/ils se feront toujours latter la gueule par ce gouvernement. Le discours de Macron du jeudi 12 mars au soir est bien loin, mais on savait que c'était une mascarade électoraliste.
Hier soir, Loulou de Pialat, que je n'avais jamais vu. Dit aux enfants que c'est un cinéma qui avait quand même été marquant parce que l'absence d'histoire linéaire, les mouvements de caméra sans stabilisation, le son “réel”, tout cela était un moment essentiel pour déconstruire les artifices du cinéma. (Je n'ai pas dit ça comme ça.) Il n'empêche que je reste peu convaincu, malgré Depardieu, et que je trouve que le film a bien mal vieilli. Quant au son réel, censé représenter la vraie vie, j'ai toujours envie de gueuler vers l'écran : mais dans la vraie vie, on peut faire répéter les gens quand on n'a pas compris ! ——Est-ce moi qui deviens sourd ? je ne comprends pas une réplique sur deux. La dernière fois que j'ai eu ce problème, c'était pour le Rodin, de Pialat aussi [EDIT du 22.03 : non, pas du tout : de Doillon, cf commentaires ci-dessous] : mais là, le problème est que le film est ennuyeux de bout en bout, malgré Lindon que j'aime bien pourtant.
J'entends siffler un merle : printemps.
C'est reposant, dans ce carnet, de ne pas traquer les virgules, échafauder des synonymies, toujours dégainer des coupes ou des dilutions.
Ici je note des éléments politiques afin de faire les comptes, le jour venu. (Mais ce jour viendra-t-il ?) Je veux aussi noter de toutes petites choses ridicules. Par exemple, j'avais la barbe depuis trois semaines : je l'ai rasée mardi après-midi, au jour 1 officiel du confinement ; l'objectif désormais, afin de montrer ma solidarité avec C* et les garçons qui ne pourront aller chez le coiffeur (quasi- chauve je me tonds moi-même la tronche depuis 4 ou 5 ans), est de me laisser pousser la barbe. Je crains de craquer avant la fin du confinement car déjà là en trois semaines je l'avais retaillée deux fois.
* Source de l'image : page Facebook “Blague Block”, 19 mars 2020.
06:22 Publié dans *2020*, Indignations, Tographe | Lien permanent | Commentaires (3)
vendredi, 13 mars 2020
Est-ce ta première fin de millénaire ?
Dernière grosse journée (11 heures sur place) de cours sur le site Tanneurs, avant combien de temps ?
Pas envie de la raconter, si ce n'est le seul moment un peu normal et lumineux : les 2 heures où j'ai pu assister aux pré-doctoriales, notamment (mais pas seulement) à la présentation de l'étudiant qui travaille sous ma direction, Louis, et dont le travail de traduction de passages rares d'Adam Smith et de David Hume dans le cadre d'une analyse de l'esthétique des Lumières écossaises promet d'être passionnant, rigoureux, innovant.
Le soir, lire le message officiel de l'Université expliquant que tout continuera comme d'habitude pour les enseignants et les membres du personnel administratif la semaine prochaine m'a désespéré et mis en colère : ces (ir)responsables n'ont donc RIEN compris à ce qui se passe, ni au discours de Macron ?
C'est pareil dans les lycées : recteurs et chefs d'établissement annoncent le maintien de toutes les réunions, conseils de classe etc. Je le note ici pour mémoire et pour la postérité (allons-y franchement) : alors que le pays aurait déjà dû être confiné et alors que le discours du chef de l'Etat était on ne peut plus clair sur la nécessité d'arrêter tout ce qui n'était pas vital comme échanges physiques, tous ces minables de l'Education nationale (à commencer par ceux de l'Université de Tours) n'avaient qu'une idée en tête, fliquer et caporaliser leurs subordonnés...
19:18 Publié dans *2020*, Indignations, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 20 février 2020
*2002*
Levé à 6 h 35. Cela s'améliore, ces temps-ci.
Je découvre, grâce à Laelia Véron sur Twitter, qu'un certain nombre d'auditeurs (et -rices, sans doute) de Radio France et l'Académie française considèrent les interrogatives en "est-ce que" comme relâchées. Non seulement c'est absurde et contraire tant à l'histoire de la langue qu'à l'observation usuelle, mais je tombe aussi des nues. En effet, j'enseigne toujours, et notamment à mes étudiant-es d'échange allophones, que la seule tournure relâchée est la phrase déclarative avec intonation montante : Tu viendras ?
Viendras-tu ? : soutenu
Est-ce que tu viendras ? : courant (voire difficile à pratiquer convenablement)
... au point que je me demande si ce ne sont pas les interrogatives indirectes en "est-ce que" qui étaient dans le collimateur de ces auditrices (et -teurs) :
Je voudrais savoir est-ce que tu viendras. (Aaaargh.)
Je te demande est-ce que tu sais. (Re-aaaaargh.)
07:06 Publié dans *2020*, Indignations, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 22 janvier 2020
155 signataires
Beaucoup d'activité, notamment militante.
Le Président a fait débloquer le site Tanneurs par les forces de l'ordre.
Dans l'après-midi, il a donné plusieurs interviews à la presse, dont une dans laquelle il nous a qualifiés, nous les collègues qui désapprouvons ce recours à la police (et à une société de gardiennage privé qui coûte 10.000 euros par jour), de "gens qui soutiennent le vandalisme aggravé".
J'ai déployé beaucoup d'énergie pour rédiger et faire signer une lettre à la Présidence. Elle sera envoyée demain ; il y aura une centaine de signatures.
On s'organise aussi pour les actions de ces 2 prochains jours. Dans de nombreux départements de l'Université, la lutte se structure et risque de compliquer beaucoup la suite de l'année universitaire.
Les fake news se multiplient : le Président prend prétexte des dégradations pour retarder indéfiniment (et à l'infini ?) la réouverture des Tanneurs. Il évoque auprès de la presse des chiffres qui sont 10 ou 20 fois supérieurs aux chiffres que communiquent les responsables des deux UFR du site.
[EDIT : la lettre a été envoyée jeudi 23 au matin avec 113 signatures. Le Président a envoyé un message à 12 h 30 à tou-tes les étudiant-es et membres du personnel (dont 95% n'ont rien compris car ne connaissant pas la lettre en question), dans lequel il nous accordait enfin une partie de nos revendications : banalisation des 24 et 31 janvier, C.A. extraordinaire le 10/02...]
[EDIT 2 : article dans la NR vendredi 24 + vidéo du die-in du vendredi 24]
22:22 Publié dans *2020*, Indignations, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 13 janvier 2020
Blocage
Ce matin, arrivé tôt comme toujours le lundi, j'ai réussi à m'infiltrer dans le site Tanneurs en cours de blocage. La porte proche du secrétariat pédagogique d'anglais n'était barrée, de l'intérieur, que par quelques tables et chaises mal rassemblées : un coup d'épaule a suffi. Un quart d'heure plus tard, j'ai fait entrer ma collègue Carine de semblable manière. A 8 h 30, c'était mort : tout ficelé, cadenassé.
Nous avons pu travailler au chaud, recevoir tout de même les étudiantes d'échange qui ont pu passer plus tard, quand les étudiant-es mobilisé-es, ayant obtenu report des épreuves et annulation de facto des cours de la première journée de cours en Arts et Sciences Humaines, laissaient rentrer au compte-gouttes, etc.
Vers midi, j'ai aidé le directeur d'UFR et la responsable administrative à récupérer les sujets d'examen de ce jour et de mardi, afin qu'ils soient acheminés vers le site Grandmont, où sont relocalisées toutes les épreuves.
C'est un peu beaucoup le grand n'importe quoi, comme toujours. Tout le monde a tort, en un sens. Et notamment les révoltés d'opérette qui écrivent ACAB partout dans les couloirs déserts de l'Université, comme si cela allait changer quoi que ce soit aux violences policières. En revanche, ça ne va pas dérider les femmes de ménage quand elles devront nettoyer ce merdier ; ce n'est pas moi qui irai leur expliquer que les imbéciles qui salopent les murs qu'elles doivent laver sont en lutte contre la précarité et les injustices sociales...
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lundi, 24 juin 2019
Macron, Blanquer, tout pour l'esbroufe
Ainsi, le brevet est reporté, et on va faire travailler tous les élèves pendant deux jours dans des lieux jugés invivables pour les candidat-es au brevet...
Pas de cantine prévue jeudi & vendredi.
Écoles et collèges invivables.
Transports scolaires supprimés en juillet donc aucune solution pour les 3e avec la nouvelle convocation de brevet.
Tout ça, et bien d'autres choses, les chefs d'établissement le savaient.
Mais Blanquer, lui, dans son bureau, fait un communiqué pour BFM. C'est tout ce qui compte.
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dimanche, 07 avril 2019
Riposte à la tribune de "Vigilance Universités"
Un collectif d'universitaires nommé "Vigilance Universités" (selon une terminologie reprenant les codes de la droite identitaire) a fait paraître le 3 avril dans Libération une tribune intitulée "Pièce d'Eschyle : le contresens d'un antiracisme dévoyé".
Ce texte confus et plombé de nombreuses erreurs factuelles, dont il est difficilement imaginable que les signataires l'aient lu voire qu'ils aient suivi ce qui s'est passé depuis une dizaine de jours et surtout avant, confond beaucoup de choses différentes, notamment boycott et blocage, qui n'ont rien à voir.
Il n'interroge jamais la réalité des pratiques et omet soigneusement d'évoquer le fait que les militant.es essayaient depuis plusieurs mois de discuter avec le metteur en scène en l'informant du contexte historique très complexe. Mais le metteur en scène est du côté des "sachants" : un étudiant, racisé de surcroît, est quelqu'un qui ne peut rien lui apprendre. Pourtant, la connaissance du théâtre antique n'est pas incompatible avec celle de l'histoire coloniale française.
Enfin cet article omet de s'interroger sur le fait que la culture présentée comme universelle est celle de la classe dominante, largement encore influencée par un colonialisme impensé. Et que dire de l'intellectualisme de pacotille : il y aurait donc le racisme à pourfendre, celui du bas peuple, et le bon racisme, celui des intellectuels ? Un universitaire de gauche qui a travaillé en Afrique ne pourrait donc pas présenter un travail dont un des choix de mise en scène est racialiste ? Curieuse manière de mettre en action ses facultés d'analyse du monde et des œuvres...
Puisque cette liste de diffusion est celle d'un centre de recherches, est-il possible de conseiller, à celles et ceux qui sombrent dans les slogans faciles de la liberté d'expression et du "communautarisme", de (re?)lire Fanon, Ngūgī wa Thiong'o ou Ama Ata Aidoo ?
Décoloniser les esprits consiste aussi à déconstruire les fausses évidences de l'institution universitaire afin qu'elle ne participe pas, comme trop souvent, du racisme institutionnel.
[Nota : ce texte a été envoyé à la liste de diffusion de l'Association Pour l'Etude des Littératures Africaines, dont le webmestre a ensuite requis la cessation des messages au sujet des Suppliantes et du blackface, puis à la liste de diffusion de mon laboratoire, Interactions Culturelles et Discursives, dont le webmestre a refusé de le diffuser.]
06:22 Publié dans Affres extatiques, Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 01 avril 2019
André Markowicz, le black face et le quant-à-soi de l'intelligentsia
Pour comprendre quelque chose à ce dont il va être question ici, il faut d'abord lire le billet d'André Markowicz.
Voici tout simplement mon premier commentaire, écrit en fin de matinée hier :
Bon, je suis très énervé de lire autant d'inexactitudes, et de voir que votre aura intellectuelle offre une caution à tant des commentateurs-rices qui, ci-dessus, parlent de censure et de communautarisme sans savoir de quoi il retourne.
Alors reprenons. Le problème n'est pas l'essentialisation de l'art dramatique ni le communautarisme. Le problème est que le metteur en scène a d'abord fait un choix raciste (grimage) puis que, face à la polémique, il s'est livré à une manipulation en changeant le maquillage en masques et en prétendant que les opposants étaient de pauvres incultes.
Je suis évidemment favorable à ce que n'importe quel rôle puisse être joué par n'importe quel acteur, peu importe l'âge ou la couleur. Mais pourquoi poser la question en ces termes ? ce n'est pas du tout de ça qu'il s'agit.
Il va de soi que les actrices appelées à jouer ces rôles peuvent tout à fait être blanches, blondes, que sais-je. On s'en moque. Les grimer en noires, en 2019, c'est du blackface qui ne peut même pas avoir l'excuse de l'ignorance (après les affaires Griezmann et Dunkerque...).
La Sorbonne et tout un tas d'intellectuels "de gauche" se sont engouffrés dans la manipulation tardive du metteur en scène en reprenant le thème des "masques" et en tenant des propos aggravant encore le côté raciste : en résumant à grands traits "ah la la, tous ces Noirs qui ne connaissent rien au théâtre antique". Sauf qu'au départ ce n'était pas des masques mais des maquillages, donc du black face.
Je trouve toute cette histoire très emblématique du mépris de classe dans lequel beaucoup d'intellectuels français "de gauche" tiennent le peuple, et notamment les opposants "noirs", forcément incultes. Ce qui me peine dans votre chronique, cher André Markowicz, c'est que justement vous en profitez pour faire un pas de côté, partir de cette histoire des Suppliantes et la relier à des choses beaucoup plus problématiques, et sur lesquelles je rejoins en grande partie votre embarras. Je ne suis favorable ni aux quotas ni à l'essentialisation de l'art. J'y suis même tout aussi opposé que vous.
Mais là, la mise en scène de Brunet utilisait un artefact raciste, lié (comme on ne peut l'ignorer en 2019) à un crime contre l'humanité, et pour moi le fait d'avoir supprimé ensuite les photos d'actrices grimées et de prétendre qu'il s'agissait de masques aggrave encore le cas du metteur en scène : d'abord, on fait un choix de mise en scène raciste, puis, face à la polémique, on modifie en douce et on accuse les détracteurs d'être incultes (ce qui est un racisme encore plus insupportable).
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Hier après-midi, devant l'avalanche de commentaires d'un racisme décomplexé sur le mur d'André Markowicz, j'ai écrit un billet en réponse, que je redonne ici :
DRAMES DE L'IMPENSÉ COLONIAL.
On n'enseigne pas, à l'école et à l'Université, ou pas assez, l'histoire des crimes coloniaux. Sétif ou la répression de l'insurrection malgache de 1947, qui connaît ? Et dans les médias, n'en parlons pas...
Le blackface ? des dizaines de gens, à qui j'explique depuis plusieurs jours qu'il s'agissait d'une pratique courante dans les spectacles populaires français — au même titre que les publicités représentant des petits Africains se blanchir la peau grâce au savon des gentils Européens —, me rétorquent : "bah, on n'est pas aux Etats-Unis..."
Bah oui, le racisme et la ségrégation, c'est Rosa Parks et Nelson Mandela. Ça n'a jamais existé chez nous.
Ainsi, la manipulation à laquelle s'est livrée le metteur en scène Philippe Brunet, qui a tenté in extremis de remplacer par des masques plus conformes à l'esthétique antique le grimage racialiste et raciste d'actrices blanches, aura surtout montré la profonde inculture de l'intelligentsia française. On se sait de gauche, on s'est convaincu pour toujours de ne pas être raciste, et donc, même si des spécialistes de la question viennent vous rappeler que le grimage en noir, sur une scène théâtrale française, est une pratique analogue au black face, on dira que ce n'est pas vrai, que c'est de la censure.
Notre pays n'a pas réglé sa dette vis-à-vis de son ancien Empire, ce qui permet notamment à la France de continuer à essorer ses anciennes colonies grâce au subterfuge scandaleux du franc CFA. C'est ce qui a permis à l'Etat français d'aider très efficacement au génocide rwandais en 1994. C'est ce qui permet aujourd'hui à tant d'universitaires et de gens de théâtre de s'asseoir sur l'histoire de la colonisation en taxant de "communautaristes" les opposants qui manifestent leur désapprobation quand un spectacle utilise une pratique indissociable d'un crime contre l'humanité.
Et voilà comment des intellectuels, sans doute de bonne foi, se retrouvent, durant toute une semaine, à justifier le racisme institutionnel, aux cotés des Le Gallou et Zemmour dont ils se prétendent les adversaires.
Cela me révolte et me révulse, mais cela n'a pas de quoi m'étonner : quoique je n'appartienne pas à une communauté racisée (ou que je ne fasse pas partie d'une minorité visible (aucune de ces formules ne me satisfait)), cela fait vingt-cinq ans que je travaille dans le domaine de la littérature africaine et que j'entends des collègues et des "intellectuels" tenir des propos d'un racisme souvent inconscient mais tout à fait audible. Il y a longtemps que des ami·es me demandent de raconter tout ce que j'ai entendu, mais ce serait le sujet d'une autre chronique.
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Ce matin, André Markowicz a récidivé, en quelque sorte, sur son mur, en écrivant un long texte dans lequel il me passe la brosse à reluire mais qui commence surtout par :
« Sur le "blackface" lui-même. Qu'il soit inacceptable de se moquer de l'apparence, de la couleur de la peau de quelqu'un, c'est évidence. Qu'il y ait beaucoup de gens qui le font, c'est une autre évidence (pas seulement contre les Noirs). Mais quelle est l'instance qui décide de l'intention a priori d'un artiste qui peindrait en noir un corps blanc ? N'y a-t-il pas là, finalement, une discussion qui ressemble à celles qu'on peut avoir sur la notion de blasphème ? Qui décide à quel moment on "insulte aux sentiments religieux", en Russie, en France ou n’importe où dans le monde ? Et qui décide à quel moment on « insulte aux sentiments des gens "racisés" » ? — Pourquoi ne laisseront-on pas les gens eux-mêmes décider s'ils sont choqués ou non ? — S'ils le sont, là encore, le recours aux tribunaux est légitime. »
À quoi j'ai répondu :
Cher André Markowicz
Je suis vraiment atterré. Si, après ce que quelques autres et moi même avons essayé d'expliquer hier, vous pensez encore (ou feignez de penser) que le problème est une "insulte aux sentiments des gens racisés" c'est que vous n'avez pas lu ou pas compris ou décidé de passer la vérité historique par pertes et profits. Je vois qu'après une première chronique pour le moins maladroite vous décidez d'en "remettre une couche" et que cela va encore légitimer le racisme inconscient car ignorant de centaines de vos lecteurs. Tant pis. Ceci sera mon seul commentaire. Sur le fond du problème (et du contresens que vous faites) j'ai écrit ce que j'avais à dire sur mon mur. J'ajoute seulement que je suis, comme vous, hostile au communautarisme, mais que comme hier la dénonciation du black face n'a AUCUN rapport avec ce sujet.
(Il va de soi, et je l'ai fait dans nos échanges privés, que je dénonce les militants qui parlent de génome et de culpabilité collective raciale.)
09:39 Publié dans Affres extatiques, Indignations, WAW | Lien permanent | Commentaires (3)
mardi, 15 janvier 2019
Grand débat, monde ancien
Comment mieux représenter l'ancien monde masculiniste et la déconnexion entre les élus et le peuple ? "Débat" c'est du masculin n'est-ce pas ?
Cherchez la femme... non, les femmes : oui, il y en a deux.
17:17 Publié dans Indignations | Lien permanent | Commentaires (3)
mardi, 08 janvier 2019
Surdité des gouvernants
La majorité des Français réclament plus de justice sociale, la lutte contre l'évasion fiscale, le rétablissement de l'ISF.
Deux millions de Français soutiennent l'action en justice des ONG contre l'absence de politique environnementale du gouvernement.
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Le Premier Ministre répond loi anti-casseurs.
(Valérie Scigala doit trouver ça très bien.)
07:00 Publié dans Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 02 décembre 2018
Furia médiatique & éditions spéciales
Si les médias et les politiques voulaient confirmer aux gilets jaunes et autres pauvres ploucs de province que, dans ce pays, on ne s'intéresse qu'à Paris et à ce qui s'y passe, ils ne s'y prendraient pas autrement.
18:27 Publié dans Ex abrupto, Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 29 novembre 2018
BADINTERNET
Ah la la, l'Élisabeth qui a encore raté une occasion de se taire.
Et d'une, elle dit qu'elle ne connaît les réseaux sociaux que très indirectement, de loin, mais ça l'autorise à entonner le vieux couplet "Internet = danger". (Ne ratez pas la dernière pique : les vraies correspondances sont manuscrites. Gâtisme puissance 10.)
Et de deux, bien pire à mon sens : contresens fondamental sur les intellectuels, qui doivent relever, selon elle, d'une élite protégée du "peuple". Le contresens, ici, repose sur son interprétation de la hiérarchisation des savoirs selon les Lumières. (Ah, les Lumières, on en rassemble, des approximations, sous ce bloc censément homogène...)
Décidément, les intellectuel·les adoubé·es par les institutions ont bien du mal avec les contre-pouvoirs...
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Elisabeth Badinter : « Je ne pense pas qu’on puisse parler librement sur Internet »
Propos recueillis par Jean Birnbaum
Les Passions intellectuelles, d’Elisabeth Badinter, Robert Laffont, « Bouquins », 1 216 p., 32 €.
Sous le titre Les Passions intellectuelles, les éditions Robert Laffont font paraître un volume de la collection « Bouquins » qui regroupe les trois beaux essais consacrés par Elisabeth Badinter à l’effervescence du XVIIIe siècle et des Lumières. C’est l’occasion d’interroger la philosophe sur la vie des idées et son évolution.
Voilà plus de quinze ans qu’est paru le premier tome de votre trilogie. Que vous inspire cette réédition dans le contexte actuel ?
Cela me fait plaisir car je pense, peut-être naïvement, que nous avons un besoin fou de rationalité. Le combat des philosophes du XVIIIe siècle, c’était quand même celui de la rationalité contre les superstitions. A une époque où l’irrationnel prend une place immense dans notre vie sociale et intellectuelle, revenir à ce combat me semble un geste opportun, peut-être beaucoup plus encore qu’au moment où j’ai publié ces textes pour la première fois.
« Les intellectuels ont changé de maître, mais pas d’esclavage », écriviez-vous à la fin du troisième tome des « Passions », pour expliquer que les clercs obéissaient de moins en moins au roi et de plus en plus à l’opinion. A qui obéissent les intellectuels aujourd’hui ?
Aux réseaux sociaux ! Tout le monde en a peur. Moi je n’y suis pas, je tiens à ma tranquillité et je crains de me prendre au jeu, mais j’entends ce qu’on dit et je lis ce qu’en raconte la presse. Il y a des sujets qu’on aborde à peine, sur la pointe des pieds. En ce qui concerne #metoo et #balancetonporc, j’ai été impressionnée par le silence de féministes historiques, parfois fondatrices du MLF, qui n’étaient pas d’accord avec la façon dont la parole se libérait, interdisant toute nuance, toute objection… mais qui avaient si peur qu’elles se sont tues. Les réseaux sociaux ont doublé le pouvoir d’une opinion publique qui est libre de dire ce qu’elle veut, mais qui est souvent peu nuancée, peu avertie et d’une violence inouïe. Jamais la presse ou les médias en général n’ont eu une telle puissance d’intimidation.
On peut critiquer autant qu’on veut la tribune parue dans Le Monde sur #metoo signée, notamment, par Catherine Deneuve . Il reste que ce qui s’est passé est incroyable : elle est devenue une cible mondiale. L’opinion publique du XVIIIe siècle, la doxa, respectait les savants, les philosophes, et elle était limitée. C’était déjà une menace indirecte pour la pensée, la critique, mais ce n’était rien du tout à côté de ce qui se passe aujourd’hui : personne n’a envie de se faire écraser sous les insultes de millions de gens. Ce pouvoir des réseaux sociaux, je le ressens paradoxalement comme une censure !
« On est bien seul : j’ai un tel besoin de “communauté” », écrivait Mauriac dans une lettre à Jacques Maritain. Les intellectuels ne sont-ils pas d’autant plus intimidés par les réseaux qu’ils sont travaillés, dans leur solitude, par un désir de « communauté » ?
Je crois qu’il faut distinguer entre les intellectuels reconnus par l’opinion publique et la jeune classe des intellectuels. Au départ, quand on est Diderot, Rousseau, d’Alembert, et qu’on déjeune chaque semaine à l’Hôtel du Panier fleuri, on forme une amicale communauté. Mais quand les mêmes émergent au regard de l’opinion publique, alors le groupe éclate, parce que les rivalités prennent le dessus. Et là on est seul. Chez les intellectuels, le sentiment communautaire ne dure pas. Ce chacun pour soi, je l’observe aujourd’hui, où l’on peut avoir les pires conflits avec des gens dont on était proche dix ans plus tôt. Et cela ne peut qu’être aggravé par les réseaux sociaux qui sont, pour les intellectuels, la communauté de la peur.
Sur Twitter, au fil des années, les choses se sont durcies, au point que chacun semble fuir la discussion loyale et désirer des ennemis plutôt que des contradicteurs. Assiste-t-on, en retour, à une « twitterisation » du débat intellectuel ?
Je n’ai pas l’impression que les relations entre intellectuels ont fondamentalement changé depuis vingt ans. Oui, il y a une sorte de distance que l’on met entre soi et les autres, mais je n’ai pas le sentiment qu’on les traite en ennemis. Peut-être même les intellectuels vont-ils retrouver un sentiment communautaire grâce à l’hostilité des réseaux sociaux ? Si nous faisons l’objet de la détestation générale, cela peut remettre un peu de vie entre nous ! Les intellectuels pourraient régresser de six ou sept siècles, et retrouver la vie des clercs qui s’expliquaient entre eux dans les couvents, sans que personne d’autre intervienne. On continuera de réfléchir, on échangera, on fera des colloques, on s’engueulera, mais on sera entre nous. Je reste donc relativement optimiste : la vie intellectuelle, c’est un choix, un plaisir, une douleur, mais c’est aussi un besoin, et même si cela doit redevenir l’expérience d’un microcosme coupé du monde extérieur, rien ne pourra la faire cesser.
Au XVIIIe siècle, le champ intellectuel était déjà un champ de bataille. Voltaire évoquait la « guerre des rats et des grenouilles », selon une formule qui parlera sans doute à quiconque fréquente les réseaux sociaux…
Mais le facteur important, c’est le nombre. Oui, à l’époque des philosophes, il y avait des clans politiques ennemis, on représentait Rousseau à quatre pattes en train de manger des salades, c’était violent, et Twitter représente sans doute la radicalisation de tout cela. Mais à l’époque cela concernait un microcosme. La quantité de haine personnifiée, cela change les choses. Si cette tendance twitteuse l’emportait aujourd’hui, ce serait la fin de la réflexion et de la connaissance hors des couvents ! En même temps, là encore, je reste assez optimiste : ce faux savoir, ces provocations, cette haine… on en a déjà assez, on va se lasser de tout ça, j’espère.
Les correspondances ont toujours été fondamentales pour la vie intellectuelle. Que deviennent-elles à l’ère numérique ?
C’est une source de savoir qui est aujourd’hui coupée, car on ne s’écrit plus de lettres. Les courriels, on les supprime, ou ils s’effacent, et puis ça va vite. Les lettres de philosophes que je cite dans mes livres pouvaient faire huit, quinze, vingt pages, assez pour exprimer un raisonnement. Si la correspondance est fondamentale pour la vie intellectuelle, c’est que, en général, la censure ne s’y exerce pas, on peut y exprimer toutes ses pensées. Et j’ai remarqué quelque chose : dans les correspondances du XVIIIe siècle, même les gens très collet monté, un scientifique comme Réaumur par exemple, finissent toujours par se lâcher, et donc par éclairer quelque chose de leur personnalité.
Aussi les correspondances régulières sont-elles la source d’une connaissance approfondie des destinataires, et de controverses fécondes. On n’est pas inquiet et même si on a tort parfois, on estime qu’on peut parler librement. Or je ne pense pas qu’on puisse parler librement sur Internet. Moi, je n’ai jamais participé à une polémique intellectuelle par courriel ! D’ailleurs, je n’entretiens aucune correspondance digne de ce nom par courriel. Quand j’écris une lettre, je suis plus confiante. Pas vous ?
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jeudi, 15 novembre 2018
Le 17 novembre 2018 : beaufitude poujadiste ou sursaut populaire ?
Je n'en ai pas fait état ici, car c'est Facebook qui est devenu, depuis de nombreuses années, le lieu où débattre, mais j'ai, dès le début, été sceptique voire atterré face à la mobilisation grandissante autour des fameux gilets jaunes. Lancé par une foldingue manipulatrice ou manipulée, reprise illico par toute la fachosphère et un seul syndicat antirépublicain, ce mouvement sentait le poujadisme façon bonnets rouges, voire l'insurrection antidémocratique genre 6 février 1934... Bref, pas de quoi hésiter : y participer, non franc et massif.
J'ai lu ce matin un article du Monolecte (Agnès Maillard) qui est plutôt bien écrit (malgré des fautes de français) et qui m'a fait un peu changer d'avis, notamment après plusieurs jours à lire des internautes répéter inlassablement que le mouvement du 17 novembre visait aussi à défendre les services publics, les hôpitaux, le système de retraite... ce qui est faux, pour l'instant, mais après tout, ça peut changer...
Pour les feignasses qui n'ont pas le temps de lire cet article en entier et en laissant de côté ne serait-ce que deux minutes leurs préventions et préjugés, je donne ici les trois derniers paragraphes, qui montrent bien qu'Agnès Maillard refuse justement le renvoi dos à dos de deux catégories qui doivent au contraire se serrer les coudes :
Au final, à quoi ça sert de distribuer de bons ou de mauvais points entre les causes qui mériteraient d’être défendues et les colères qui seraient mal orientées ? À quoi ça sert de renvoyer dos à dos le bouseux enchainé à sa bagnole et son isolement grandissant et l’urbain qui doit pomper comme un Shadock sous amphé pour servir son SMIC mensuel de loyer au proprio ? À quel moment la relégation dans les limbes ou l’entassement dans les citées [sic] mortifères ont été des choix raisonnables et consentis par chacun d’entre nous ?
D'un côté comme l’autre, il y a de plus en plus de colère, de plus en plus de rejet d’une politique toujours plus élitiste et excluante, faite par et pour les 10 % les plus privilégiés contre tous les autres. Qu’importe si l’allumette qui se rapproche de la mèche n’est pas craquée dans les bonnes conditions, de la bonne manière ou pour les bonnes raisons.
Il n’y a plus qu’un peuple qui en a marre, qui est en colère et qu’on doit — moins que jamais — laisser seul aux mains des forces politiques qui font leur terreau de la haine des autres.
Ainsi, ma position, qui s'infléchissait au vu d'un certain nombre d'éléments, va être très attentiste.
Je ne participerai pas à la journée du 17 novembre, trop entachée de consumérisme et de poujadisme, mais je laisse aux manifestant·es (presque tou·tes de la 25e heure et qui n'ont pas intérêt à nous faire la leçon, à nous) la possibilité de nous montrer que de ce machin mal embarqué sort quelque chose de positif. En bref : est-ce que les slogans pour la défense des petites lignes ferroviaires et des hôpitaux de proximité l'emporteront, dans les pancartes et les prises de parole, sur la beaufitude crasse et les caricatures antisémites des gouvernants ?
Là est la question, et là sera, pour moi, la réponse.
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mercredi, 14 novembre 2018
Mettre le bololo
18:41 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto), Indignations, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 28 octobre 2018
Les phrases de Bolsonaro
Pas mal d'ami·es se lamentent ce soir, à juste titre, de l'élection (ultra prévisible) de Bolsonaro. Je donne en lien, pour celles et ceux qui lisent l'anglais, ce qui me semble être le florilège le plus complet, le mieux traduit et surtout le mieux “sourcé”, de citations du nouveau président brésilien.
Je précise, à l'attention de celles et ceux qui penseraient que cela ne les concerne pas, que Bolsonaro a notamment promis de permettre le saccage total des ressources naturelles au Brésil. Autant dire que l'objectif de limiter le réchauffement climatique planétaire à 1,5° vient de subir son plus terrible coup d'arrêt.
23:55 Publié dans Chèvre, aucun risque, Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)