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vendredi, 23 octobre 2020

Souvenirs d'en France

Ce soir, chez mes parents, nous avons regardé un très étrange film de Téchiné, Souvenirs d'en France. Il date de 1975 mais vient d'être remasterisé : apparemment, les copies d'origine étaient très abîmées.

Téchiné.JPGTrès étrange, car l'intrigue et le déroulement quasiment linéaire en feraient un film d'ambiance, voire un film historique sur les années 1930 à 1960 en France (du Front Populaire à la crise industrielle et culturelle, mettons), si ce n'était le découpage, la mise en scène et surtout le jeu, délibérément artificiel et théâtralisé, comme si rappeler à chaque instant aux spectateurices que c'est du cinéma, justement, était primordial. Chaque plan est calculé savamment, et le son (peut-être retravaillé lors de la réédition) aussi. Comme pour certains films de la Nouvelle Vague (et je pense beaucoup plus à Rozier qu'à Chabrol), tout est fait pour qu'aucune identification ne soit possible, pour que chaque événement, chaque incident soit maintenu à distance.

Comme ça n'a pas très bien vieilli, c'est plutôt pesant à regarder, par conséquent. Je me demande si Le Bal d'Ettore Scola, que j'avais beaucoup aimé les deux fois où je l'ai vu, me paraîtrait aussi vieillot, aussi lourd.

 

dimanche, 30 août 2020

Petit pays

J’écris ce billet au café éthiopien. Ce matin, entre sommeil et réveil, j’ai mis plusieurs minutes à retrouver le titre de la série Outlander ; cela m’agaçait, et même m’affolait.

 

Hier soir nous sommes allés, en famille, voir le film adapté du roman de Gaël Faye, Petit pays. Nous nous sommes pris une énorme averse en allant jusqu’au bus, et il a fait froid toute la soirée : 13° à dix heures et demie du soir, au retour du restaurant syrien. A*, qui jouait encore au beach volley mercredi sur la page (déserte, toutefois) de Perros-Guirec, ne comprend pas trop. C’est la proverbiale douceur tourangelle.

Capture.JPG  Le film est plutôt bon, un peu trop long à mon sens (la première partie aurait pu être raccourcie et montée de façon plus nerveuse), assez conventionnel dans ses choix esthétiques et narratifs mais efficace et émouvant. Je n’avais pas réussi à aller au-delà de la page 30 du roman, car il y a vraiment zéro écriture. En film, le côté conventionnel passe mieux, d’abord parce qu’il est porté par d’excellents acteurs, les enfants en premier lieu, mais aussi Jean-Paul Rouve ou encore l’actrice qui joue le rôle de la mère d’Yvonne, bouleversante et que la production (le réalisateur ?) a choisi de sous-titrer alors qu’on la comprend parfaitement. Je ne trouve son nom ni sur AlloCiné ni sur IMDb.

 

Dans la salle de cinéma, je n’ai pas trop compris pourquoi une bonne dizaine de personnes avaient enlevé leur masque pendant tout le film, et même dès avant. Il s’agit du cinéma Les Studio. Nous n’étions pas allés au cinéma depuis le déconfinement, et peut-être qu’il y a une subtilité qui m’échappe.

 

En bonus : un article de 2018 sur une traduction qui réussit la prouesse de ne jamais citer le nom du traducteur. Invisibilisation des Africains autant que des traducteurs...

 

vendredi, 10 juillet 2020

Cigarillos, garde-boue et cache-poussière

Ce matin, je suis allé en ville à vélo, aller-retour, comme samedi dernier, histoire bien sûr d'aller plus vite qu'en bus et tramway, mais aussi de voir s'il était envisageable de me mettre à aller à la fac à vélo l'an prochain. Comme je le pensais, ce n'est guère envisageable. C'est plutôt rapide, malgré mon incurie : 19 minutes à l'aller et 22 au retour, en dépit du fait que je rame sur la bécane avenue de la Tranchée (mais cette fois-ci j'ai mis pied à terre au-delà de Mi-Côte, y a du progrès). Bon, pour cinq kilomètres en ville avec des arrêts réguliers pour feux etc. ce n'est pas glorieux, mais je pense que je finirais par gagner du temps à la marge. La vraie raison en est que j'en suis revenu épuisé (mon légendaire manque de forme physique) et donc je ne me vois pas me taper la Tranchée puis Maginot avec sa portion sans piste après une journée entière de travail. A* passe par le Pont de Fil et la rue du Nouveau Calvaire dont il m'a dit qu'elle était moins pentue et qu'il ne mettait jamais pied à terre : j'ai des doutes mais il faudra que j'essaie. Il n'est guère sportif, mais il compte 26 années de moins que moi, et autant de kilos en moins je pense.

 

Hier soir : The Good, the Bad and the Ugly. 4e fois, je crois. La dernière, c'était avec A* il y a 7 ou 8 ans, donc je m'en souvenais bien. J'aime vraiment énormément ce film, qui croise si intelligemment la reprise des motifs du western avec la guerre civile américaine. Un élément marquant est qu'il n'y a vraiment aucun personnage féminin : Leone ne fait pas semblant. Le western est un truc de mecs, donc il fait un film entièrement sans femmes. Je suppose que cela a dû faire couler beaucoup d'encre depuis 20 ou 30 ans, tant du côté des gender studies que de la critique féministe. Au risque d'être compris de travers, je dirai ici que je pense que c'est la raison pour laquelle je préfère ce film à Once Upon A Time in the West : le personnage joué par Claudia Cardinale est raté et n'apporte rien, si ce n'est sans doute la réécriture des clichés du western avec le motif de l'aventurière, de la prostituée qui avait décidé de se ranger etc. De toute manière, Leone aurait pu ajouter cinq personnages de femmes par film, il n'aurait jamais réussi le test de Bechdel. Ce n'est pas à cette aune qu'il faut évaluer ses films.

En tout cas, le côté testostérone doit avoir un sens, car pour la troisième fois devant ce film C* a somnolé, s'est copieusement ennuyée, en disant qu'une fois encore elle s'était aperçue qu'elle ne se souvenait pas de grand chose. Comme mon ami O* avait lancé ce matin un petit jeu sur Facebook consistant à résumer un film connu en une phrase de la façon la plus ennuyeuse possible, C* a proposé ceci : Trois mecs mettent trois plombes à trouver un trésor dans une tombe en se faisant des crasses.

 

Ironie encore, ou coïncidence : ma mère, qui a passé quelques jours chez ma grand-mère maternelle après que cette dernière a dû subir une opération oculaire, a fait du rangement et retrouvé une boîte de cigarillos qui remonte à l'époque où mon grand-père avait tenté de se mettre à fumer ça. Cela remonte donc aux années 70, et ils sont donc bons pour la poubelle si tant est qu'ils n'aient pas été infects dès le principe...

 

lundi, 06 juillet 2020

Mulholland Drive, évidemment

Hier soir, nous avons revu Mulholland Drive, avec les garçons. Je l'avais vu au cinéma à sa sortie, et je n'en avais qu'un souvenir assez général, ou vague : pas mal d'éléments de l'intrigue m'étaient sortis de la mémoire. À l'époque, j'avais trouvé le film moins bon que Lost Highway ; plus surfait, plus kitsch aussi. J'ai revu deux fois Lost Highway depuis, et je maintiens que c'est un grand film. Mulholland Drive est certainement beaucoup plus riche en détails et en doubles fonds, mais c'est aussi sa limite : en fin de compte, le film n'a de résonance durable que par les articles critiques qu'il suscite, ou par les interrogations herméneutiques du spectateur, surtout a posteriori d'ailleurs. Le principe même de mise en abyme y est à peu près impossible à circonscrire : la clocharde/Mort tient une boîte qui peut représenter le cinéma ; le cinéaste et Mr Roque représentent deux facettes opposées de l'art cinématographique ; la lampe du corral s'allume et s'éteint selon que le cowboy s'approche ou s'éloigne ; la femme en bleu qui lance Silencio juste avant le générique de fin est celle qui détient le final cut (comme Kesher ? comme Lynch ? ou comme le mafieux italien, interprété justement par le compositeur du film ?).

 

Et, de fait, j'ai passé une bonne partie de la journée à réfléchir, à ruminer sur tel ou tel point d'achoppement. Ce qui me plaît, au fond, outre que le côté kitsch est totalement incorporé à l'intrigue et qu'il est le fait de la capacité de Diane à (se) fantasmer, c'est que l'hypothèse majoritaire, selon laquelle toute la première partie n'est que le rêve de Diane Selway interprétée par Naomi Watts dans la seconde partie, ne fonctionne pas tout à fait. Le film de Lynch n'est pas incohérent, et il répond bel et bien à l'articulation rigoureuse de logiques disparates voire contradictoires. Il y a néanmoins des pièces étrangères au puzzle principal, des faits ou des scènes qui ne collent pas.

 

Certains de ces éléments sont

  • les trois tenues différentes de Diane au moment du suicide, de Diane à son réveil et du cadavre de Diane découvert par Betty et Rita

 

  • le dialogue entre le tueur et la prostituée blonde (je n'ai pas retrouvé la scène sur YouTube, il va falloir que je reprenne le DVD)

 

  • la séquence placée entre l'ouverture de la boîte bleue et le réveil de Diane et dans laquelle on voit la tante Ruth inspecter la chambre entièrement vide

 

  • le club de golf (qui n'est pas l'attribut du cinéaste à seule fin de rappeler le pétage de plombs de Jack Nicholson dans la vraie vie, puisqu'Adam Kesher se promène avec ce club de golf tout au long de la première partie)

 

  • et surtout les deux images en surimpression brillante de Betty avec le vieux couple au début, et avec Rita-en-blonde juste après le suicide de Diane.

 

Si on s'en tient à l'hypothèse majoritaire, ces deux images sont extérieures au rêve de Diane, alors qu'elles correspondent en tous points à la mise en scène de la première partie.

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MH1.jpg

Surtout, l'interprétation rationalisatrice selon laquelle Diane a voulu devenir actrice après avoir gagné un concours de jitterbug (c'est ce qu'elle explique à la mère d'Adam dans la seconde partie) et que c'est cela qui est représenté dans la scène de danse du début ne tient pas. En effet :

  • cette scène est filmée d'une manière irréaliste, comme dans un théâtre de marionnettes ou de papiers découpés

 

  • c'est bel et bien Betty, et non Diane, qui apparaît radieuse, et en surbrillance, à la fin de cette scène

 

  • Betty y est seule, puis accompagnée du vieux couple, alors qu'un concours de jitterbug (on songe bien sûr à Saturday Night Fever et à Pulp Fiction) implique un couple

 

Comme le couple heureux formé par Betty et Rita blonde (donc "bettysée") à la fin, le triomphe lors du concours de jitterbug est une des affabulations... de qui d'ailleurs ? car, si on en conclut que même la seconde partie ne donne pas de clé homogène et cohérente, la question même du point de vue s'opacifie. L'hypothèse majoritaire tend à expliquer que la seconde partie est filmée en suivant le point de vue de Diane, et que la longue première partie (le "rêve", donc) est le rêve de Diane s'imaginant en jeune première promise à toutes les réussites. Si tel est le cas, Diane se fantasme continuellement seule, ou accompagnée de vieux dont on ne saura jamais qui ils sont, sauf à la fin, avec son double schizophrénique (cf Lost Highway).

Mais si finalement ces différentes séquences incompatibles nous ramenaient à l'évidence même, c'est-à-dire que le seul regard réel est celui du spectateur ou de la spectatrice ? que c'est nous qui voyons ce que nous voyons ? tous les détours labyrinthiques de l'emboîtement narratif complexe ne renverraient, in fine, qu'à cette tautologie... Qui affabule le concours de jitterbug ? n'est-ce pas le spectateur qui veut absolument faire fonctionner cet "indice" ?

En fin de compte, cette tautologie débouche sur un axiome interprétatif pas si évident que cela : Mulholland Drive, en représentant des projections fantasmatiques répondant à des logiques contradictoires, appelle les interprètes à être piégé-es par leurs propres centres d'intérêt, biais ou marottes. Ainsi, je pourrais proposer une lecture très riche de ce film du point de vue de l'histoire culturelle afro-américaine, mais est-ce que cela ne correspond pas surtout à un de mes biais ?

[Pour diverses autres interprétations de ces deux scènes, cf ici.]

 

Entre autres petits accrocs qu'il faudrait approfondir (c'est-à-dire qu'il faudrait que je cherche qui a déjà écrit à ce sujet, car le film a évidemment suscité des milliers de pages d'analyses (et je n'ai pas tout lu aujourd'hui, lol)), il me semble que la vue aérienne et nocturne de la mégapole à la fin ne correspond pas à Los Angeles et Hollywood (les arches rouges rappellent plutôt le Golden Gate, autre image du passage dans l'au-delà) ; je crois aussi que les termes mêmes de l'expression jitterbug contest appellent une réinterprétation sémiologique. (Pour ce qui est des éléments culturels liés à la naissance de cette danse et des éléments intertextuels avec The Wizard of Oz, autre point d'ancrage essentiel de la façon dont Lynch traite du désir et du fantasme dans Mulholland Drive, l'article JITTERBUG de la WP anglophone est très éclairant.)

 

lundi, 29 juin 2020

Quels univers

Pas envie de faire le point sur le second tour des élections municipales. Beaucoup de choses écrites, beaucoup d'avis échangés sur les réseaux sociaux... Toujours est-il qu'entre tous les benêts incapables de sortir d'une logique productiviste et de comprendre la réelle gravité de l'urgence climatique, notamment, et les critiques de l'écologie politique qui prétendent qu'elle est déconnectée des classes populaires et n'est voulue que par des bobos surconsommateurs en plein paradoxe, on en lit, des âneries peu encourageantes.

 

Commencé en famille la saison 3 de Peaky Blinders. Comme souvent pour moi, la lassitude ou la monotonie commence au bout de deux ou trois "saisons", et ce même s'il n'y a que six épisodes par saison.

 

Samedi soir : Roubaix, une lumière de Desplechin. Les films de Desplechin sont de plus en plus décevants, ce n'est pas peu dire. Roschdy Zem est excellent, mais comment peut-on admirer ou récompenser quelqu'un qui joue bien un rôle aussi mal écrit ?

 

mardi, 23 juin 2020

Once Upon A Time in the West

Ce soir, revu, avec les garçons qui le découvraient, Once Upon A Time in the West. C'est vraiment un film magnifique, et je pense que je pourrai les convaincre à présent de regarder The Good, the Bad and the Ugly. À signaler au chapitre des trous de mémoire en raison d'une jachère de 25 ans depuis le premier visionnage, je n'avais aucun souvenir du personnage de Cheyenne, joué par Jason Robards, qui se trouvait avoir mon âge au moment du tournage, ce qui ne manque pas de me faire remarquer, certainement par aveuglement et illusion sur la tronche que je tire en vérité, qu'il a l'air beaucoup plus âgé que moi.

 

Un simple détour par l'article de la WP anglophone semble montrer que les citations de (voire emprunts directs à) westerns antérieurs sont légion, par exemple à Johnny Guitar, que j'avais adoré enfant et que j'ai trouvé soporifique au possible en le revoyant il y a une dizaine d'années avec A*, ou encore à The Man Who Shot Liberty Valance, que je ne crois pas avoir vu.

 

Il y a bien entendu, mais cela va sans dire, la musique d'Ennio Morricone, mais le son, de manière générale, est primordial : ainsi du bruit de l'hélice dans la première scène. Ce sont les variations extraordinaires sur la perception de ce bruit qui marquent la multiplicité des points de vue : il faudrait montrer ce plan en entier en introduction à tout cours de narratologie sur la polyphonie narrative.

 

lundi, 08 juin 2020

Mother

Une de mes seules satisfactions de ces dernières semaines, c'est d'avoir tenu un journal assez exhaustif des films que nous avons regardés, et justement ces derniers temps je me suis un peu laissé aller. Je note donc qu'hier soir nous avons regardé Mother de Bong Joon-ho, plus connu récemment pour Parasite.

Parasite, nous l'avions regardé fin mars, et je n'avais alors pas noté le nom du réalisateur : c'est un travers fréquent, y compris des cinéphiles — ne pas citer le nom des réalisateurs étrangers quand ils ne sont pas américains ou ultra-connus. Je me rappelle que cela avait été dûment souligné lorsque Apichatpong Weerasethakul avait eu la Palme d'Or.

 

mother.JPGMother m'a davantage plu que Parasite. Moins verbeux, moins hystérique, il s'agit d'un film mieux construit, mieux tenu en quelque sorte, et pourtant fort loin d'être minimaliste. Dès la scène initiale, de l'actrice interprétant la mère dansant au milieu d'un champ de blés, on comprend qu'il s'agit de représenter par cette danse les états contrastés du personnage au fil du film — un peu comme un prologue théâtral qui suggère et révèle. Le dosage entre drame et humour noir est subtil ; le scénario parvient à se structurer autour d'un personnage en situation de handicap sans sombrer dans le pathos ni dans la moquerie (encore que, si je cherchais, je trouverais sans doute des billets fustigeant le validisme du film) ; la satire sociale est efficace même quand on ne connaît à peu près rien à la culture coréenne ; enfin, la façon dont l'intrigue tourne autour du meurtre de la jeune prostituée est habile, un peu dans la lignée de Tarantino ou de Kitano. De nombreux plans sont sidérants de beauté et surtout d'efficacité narrative : ici, comme toujours dans les films que j'aime vraiment (et c'est un point d'achoppement, ou d'incompréhension, entre A* et moi), le formalisme n'est jamais gratuit.

On peut retenir, comme allégorie inversée — et quelque peu surnaturelle — du cinéma, le point d'acupuncture que la mère est seule à connaître et qu'elle s'applique dans la scène finale du voyage en car : cinq pouces au-dessus du genou, la piqûre efface les mauvais souvenirs.

 

* * * * * *

 

Ironie, nous avons vu ce film le jour de la fête des mères, fête dont tout a été dit et dont tout est dit chaque année : pétainiste, commerciale etc. Et pourtant rares celles et ceux qui n'en profitent pas pour faire un salut appuyé à leur mère, ou pour se la remémorer.

J'ai appelé la mienne, et nous avons parlé de ma grand-mère.

 

dimanche, 24 mai 2020

Nec varietur

Peut-être puis-je faire le point sur les films que nous avons vus ces derniers jours.

 

Notre amie E*, à qui j'avais raconté il y a plusieurs semaines déjà qu'un des seuls vagues côtés positifs du confinement était que nous regardions tous les soirs un film, m'a écrit avant-hier par SMS "j'en reviens pas que tu sois devenu cinéphile" en ajoutant "C* doit être enchantée". Je ne me considère pas comme cinéphile, mais je trouve cette remarque très vexante. En effet, je le suis largement autant que C* ; le malentendu vient du fait que nous avons dû raconter à E*, comme à d'autres ami-es, que je regimbais souvent à regarder des films encensés par Télérama et qui s'avèrent généralement d'une médiocrité ou d'un académisme confondants. Mais justement, c'est qu'en un sens je suis trop cinéphile, peut-être, à moins de considérer que le cinéma ne m'intéresse pas assez pour que je me tape tout et n'importe quoi. En tout cas, si nous n'avons pas encore regardé de Monteiro, de Sergio Leone ou de Kurosawa, ce n'est pas parce que c'est moi qui renâcle... et pas plus tard que cette après-midi, j'ai regardé Bienvenue à Madagascar tout seul, car personne d'autre, dans la famille, ne voulait le voir... enfin bref...

Capture.JPG

Ces derniers jours, nous avons regardé en famille, donc :

      * Johnny English, parodie vraiment très drôle de James Bond, avec un Rowan Atkinson au meilleur de sa forme et presque aux antipodes de ses pitreries beaniennes (donc à son meilleur)

 

      * Un héros très discret, de Jacques Audiard, que nous n'avions pas vu lors de sa sortie et que je trouve, moi, plutôt réussi, même si le point de transition qui débouche sur la décision d'Albert de révéler la vérité est un peu opaque. Kassowitz joue très bien, et toute la première partie du film, avant sa fuite pour Paris, est peut-être ce qu'il y a de mieux. Le fait d'alterner les scènes "jouées" et les pseudo-interviews paraît un peu banal aujourd'hui, mais tout aussi forte et assumée la décision de filmer, à intervalles réguliers, les musiciens. La dernière intervention de Trintignant jouant Dehousse vieux est peut-être un poil appuyée.

 

      * Vincent, François, Paul et les autres, de Claude Sautet (1974), qui a été diffusé dans la semaine pour saluer la mémoire de Piccoli, mais qui aurait pu aussi être diffusé pour saluer celle de Jean-Loup Dabadie, mort hier. Très bon film, magistralement et subtilement interprété (à part quand Montand cabotine en faisant le mec guilleret ou confiant), mais qui a aussi presque une valeur documentaire, sur la façon dont on téléphonait au milieu des années 70, sur la cigarette omniprésente, et, surtout, sur une vision primordialement masculiniste, sans aucune distance. Ce film est, en un sens, le grand film à voir pour comprendre le rejet, comme allant de soi, des femmes à la périphérie du sens ; les spécialistes trouveraient du grain à moudre en y appliquant le test de Bechdel, ou plutôt, en y façonnant une sorte d'anti-test de Bechdel, voire en reprenant le concept, plus récent je crois, de male tears.

 

jeudi, 14 mai 2020

Dead Zone(s)

Hier soir, nous avons vu Dead Zone, revu pour ma part, pour la troisième fois.

Curieusement, toute la partie centrale, autour du tueur en série protégé par sa mère, m'était sortie de l'esprit. De même, à l'époque, n'ayant évidemment pas vu The West Wing (j'ai dû voir Dead Zone vers 1991 et 1998 respectivement), je n'avais pas pu trouver savoureuse, a posteriori, l'interprétation du futur président fanatique par Martin Sheen.

De même, je ne me rappelais pas que, dans la scène finale, John Smith s'installe dès la nuit précédente sur la galerie supérieure de la salle communale (église ?) afin de préparer son assassinat.

 

Aujourd'hui, diverses bricoles : visio Jitsi avec mon étudiant de M2, peaufinage du cours d'agrégation de demain, copies de L1 et L3, mise en place de la session de rattrapage...

 

mardi, 12 mai 2020

Queues

Hier, vers huit heures du soir, pendant le dîner, nous avons pu voir passer, dans la haie de troènes, et qui folâtraient dans la sapinette et les merisiers, une petite troupe de Mésanges à longue queue. Ce n'est pas très souvent qu'on en voit, et c'est toujours très émouvant. Il doit s'agir d'oiseaux qui n'ont pas trouvé à former de couples, ou qui cherchent à s'installer... à moins que ce ne soient déjà des jeunes issus d'une première nichée, et donc qui erreront ainsi, librement, jusqu'à l'année prochaine ?

En tout cas, elles n'ont fait que passer.

 

veinards.JPGJuste après, nous avons subi le nanard comique des années 60 imposé par A* : Les Veinards, un film à sketches de type très vaudevillesque, dont seul le premier était à peu près consistant, et surtout bien joué (par François Périer et Mireille Darc — Guy Tréjean toujours aussi creux). Ce film, outre son côté daté et lourdaud, sans rythme, brille par un sexisme comme évident, très frappant avec cinquante ans de recul...

veinards.JPGMême le sketch avec De Funès traîne en longueur, sans que De Funès lui-même n'ait la moindre illumination... Le deuxième sketch, avec Francis Blanche dans le rôle d'un type qui a gagné un déjeuner dans un restaurant prestigieux mais qui se fait couillonner de A à Z, est sans doute le plus inconsistant et le plus mal écrit (et pourtant, il y avait de la concurrence...) Dans le troisième sketch, un machin sans queue ni tête dont l'interprète principal est Darry Cowl (déjà, rien que ça...), A* s'est piqué un fou rire devant la nullité d'une des répliques. Un industriel enfermé hors de chez lui s'adresse à la concierge, vieille et censément peu ragoûtante, en lui disant “il faut appeler la police, il y a un satyre”. Et la concierge, visage réjoui : “Un satyre, où ça ?”

Vous voyez le niveau.

 

Hier le déconfinement a donné lieu à des cohues dans le métro (forcément, quand on incite les entreprises à mettre fin au télétravail et aux aménagements pour cause de cours à distance des enfants...), et, paraît-il, à des queues dans certains commerces. D'autres personnes que je connais ont rapporté avoir plutôt vu des villes encore semi-désertes. Surtout, il me semble que ces débats sont de faux débats : s'il y a déconfinement, on ne va pas commencer à faire les gros yeux à tel ou telle pour telle ou telle attitude. C'est l'arbre qui cache la forêt : ce qui compte, c'est la distribution de masques gratuits et le dépistage de masse — or, cela, le gouvernement y a lâchement renoncé. Ce qui compte, c'est un monde d'après plus écologique, moins consumériste, plus équitable : or, cela, des figues... Quelques voisins qui font des soirées chez eux ou des gens qui se posent sur les pelouses d'un parc à 80 cm l'un de l'autre au lieu d'un mètre, c'est l'arbre qui cache la forêt.

 

Pas réussi, n'ayant pas de colle appropriée, à réparer le procédé d'une des deux queues de billard ; O*, voulant sortir seul sur la terrasse dimanche le billard américain portatif, a heurté une des deux queues et cassé l'embout avec l'extrémité en feutrine bleue. J'ai mis un peu de scotch ; on verra ce que ça donne quand on y rejouera (la météo n'y est pas propice, pour le moment).

Mésange à longue queue  & branche de prunier

 

Aujourd'hui, j'avais l'intention d'aller en ville, pour la première fois depuis mes derniers cours aux Tanneurs le 13 mars, mais je vais attendre demain, d'une part car je n'ai pas de nouvelles des libraires à qui  j'ai passé certaines commandes en vue des anniversaires de C* et O*, d'autre part car symboliquement ce sera aussi le 13, donc deux mois précisément sans sortir de mon quartier de la Petite Arche (!).

(In cauda non venenum.)

 

samedi, 09 mai 2020

Odds and ends

Aujourd'hui, je n'ai pas fait grand chose, ou plus exactement : je n'ai guère bossé.

 

Comme, d'une part, il faisait beau, et comme, d'autre part, O* a été occupé à faire son travail d'arts plastiques le matin, à jouer à Fifa19 en début d'après-midi (il a été limogé de son poste d'entraîneur du PSG car avec les difficultés à jouer au niveau pro il y a 2-3 semaines quand il a passé ce niveau, il n'a pu terminer "que" 5e du championnat), puis à aider A* à faire la cuisine (quiche aux tomates cerise, velouté de fenouil et enfin chili pour demain), il n'y a eu ni partie de piquet, ni billard, ni ping-pong, et donc j'ai pu beaucoup lire, dehors, donc, malgré quelques agaçantes chignoles voisines autour des 3-4 heures de l'après-midi.

 

39de4-memmi2.jpgJ'ai fini de lire La statue de sel d'Albert Memmi, son premier roman (1953), que j'avais trouvé dans une boîte à livres je ne sais plus où, et qui s'est d'ailleurs débigoincé en cours de lecture : une fois la prochaine vidéo faite, il ira au recyclage, ce qui est dommage car c'est un très bon livre. En cherchant quelques bricoles hier au sujet de Memmi (dont j'ai lu il y a très longtemps, à Beauvais, Le scorpion) j'ai découvert qu'il était toujours vivant : il fêtera ses cent ans en décembre prochain. Roman en partie autobiographique, mais en partie seulement : on sait que les deux derniers chapitres correspondent en quelque sorte à une vie alternative d'Albert Memmi. Il s'agit d'un Bildungsroman qui suit les étapes d'un jeune Juif tunisois de l'enfance au début de l'âge adulte, après un “séjour” très rude dans un camp de prisonniers, sous le joug nazi. Memmi décrit très bien comment les Juifs d'Afrique du nord, considérés comme des citoyens de seconde zone avant et pendant la guerre, se sentent toujours aussi délaissés, tant par les FFL que par le nouveau gouvernement. Là où le roman se distingue notamment de la vie de Memmi, c'est qu'il s'agit d'un Künstlerroman déceptif : comment Alexandre Mordekhaï Benillouche n'est pas devenu écrivain. Le roman commence d'ailleurs d'une manière qui m'a rappelé le film de Perec Un homme qui dort, vu récemment.

 

pirandello.JPGJ'ai ensuite enchaîné sur un Pirandello acheté il y a un bon moment au Bibliovore (la fermeture des librairies ne m'a pas frustré car j'ai des dizaines de livres en souffrance, parfois depuis un bon bout de temps), Feu Mathias Pascal. Pirandello, ce sont surtout des souvenirs de théâtre lu, il y a longtemps : souvenir très vif d'avoir adoré Vêtir ceux qui sont nus ; je me revois encore rencogné dans un des deux vieux fauteuils de notre studio à Coppélia. Ce roman, le chef-d'œuvre de Pirandello selon la quatrième de couverture, commence très bien, les 150 premières pages, on va dire, mais je suis moins convaincu par les pages du milieu, l'intrigue dans la pension de famille romaine.

[On a side note, lire ce roman a été l'occasion de découvrir une scène des Évangiles qui m'avait échappé, la guérison de l'Hémorroïque.]

 

♣♣♣♣♣♣♣

 

chat 2.jpgSoir : Chat noir, chat blanc de Kusturica. Nous avions vu ce film, C* et moi, lors de sa sortie, en 1998, à Beauvais, avec une amie de l'époque, Béatrice, perdue de vue avant même que nous ne quittions la Picardie : elle s'était enfoncée dans la dépression, certainement, et avait glissé sans contrecoup possible dans les abonnées absentes. Il y a quelques mois, nous avons revu aussi avec les garçons Le Temps des gitans. La vie est un miracle, que je n'ai jamais vu, nous attend aussi. Chat noir, chat blanc est conforme à mon souvenir : brillant, drôle, emporté, véhément, avec bien entendu ces scènes anthologiques rythmées par des orchestres dans les postures les plus inimaginables. La grande scène du début chez Grga et la scène du convoi ferroviaire (avec le chef de gare pendu à une barrière levée) sont des hommages appuyés mais très réussis à Sergio Leone. Je n'avais pas de réel souvenir des entourloupes mafieuses qui rythment le film, ni du fait que les deux chats du titre sont aussi ceux qui, en folâtrant, ressuscitent les deux vieux. La résurrection et la joie macabre sont deux motifs essentiels du cinéma de Kusturica. La destruction progressive de la maison a un petit côté métafictionnel : regardez, on détruit le décor au fur et à mesure qu'on tourne le film. — Il faudrait revoir Underground aussi ; j'avais beaucoup aimé ce film et n'avais pas trop compris, à l'époque, pourquoi le film était accusé de défendre évidemment le nettoyage ethnique de Milosevic et sa bande...

 

rayon.jpgSinon, j'ai visualisé le rayon de 100 kilomètres autour de notre domicile, afin de voir quelles petites virées (avec pique-nique et masques) nous pouvions envisager : outre le Bioparc de Doué (mais quand les oryctéropes seront visibles, dixit le spécialiste), les châteaux vont commencer à rouvrir leurs portes, sans parler des villages des bords de Loire. Pour les grandes villes, nous avons été amusés de voir qu'Angers et Poitiers — très belles et captivantes — étaient tout juste dans le cercle, de même que Le Mans, alors qu'Orléans — cette cité grisâtre et médiocre — était hors de portée, à quelques kilomètres près.

 

mardi, 05 mai 2020

Ça travaille (au ciboulot)

Ce matin, le cours d'agrégation sur Gordimer s'est bien passé : c'était une étudiante/collègue qui se chargeait du commentaire de texte. Afin de permettre davantage d'interaction qu'avec Youtube, j'avais créé un “salon” avec Jitsi. J'ai donc pu voir — ce qui change tout — les collègues, dont le seul garçon, qui a eu l'air de s'emmerder tout du long des 2 h 30...

D'ailleurs, j'ai tenté de faire un live streaming de la visioconférence sur YouTube, mais il a dû y avoir un bug car seules les 90 premières minutes ont été enregistrées / archivées. Heureusement que j'avais fait un document avec mes suggestions de plan et d'analyses pour les absentes.

Pour préparer ce texte, je me suis replongé dans De Chirico, et surtout dans The Enigma of Arrival : une envie folle de relire ce livre. Si je me mets à vouloir relire, je ne suis pas sorti de l'auberge... Pendant ce confinement, toutefois, le “placard des livres en souffrance” se vide un peu, mais pas le “confiturier”.

 

Soirée : The Big Lebowski, vu au cinéma à sa sortie. Même impression qu'il y a 20 ans et quelque : film distrayant, bien joué, mais trop long, pas très bien ficelé, répétitif, trop “second degré”. En fait, ni C* ni moi ne nous rappelions l'intrigue, plutôt l'ambiance seulement. Mention spéciale pour le numéro hallucinant de John Turturro au bowling.

 

lundi, 04 mai 2020

Un beau bouic par Beuys

Levé tôt, avant même le réveil, à 6 h 30. Raté le café, c'est assez rare pour être souligné : il m'arrive d'avoir la main lourde, mais cette fois-ci j'ai fait, exceptionnellement, un café trop léger. C'est vraiment infect.

 

La journée est studieuse pour tous ici, dans la maisonnée : A* a deux examens à distance, dont un de maths tous les matins de la semaine à 7 h 30 ; O* en face de moi écoute des documents en espagnol pour une compréhension orale ; C* dans la chambre fait un cours en visioconférence ; de mon côté, j'ai déjà fini un de mes 5 paquets de copies, traité les mails professionnels, commencé à préparer le cours de demain matin (commentaire de texte sur un extrait de Gordimer). Suis en pleine lecture et correction aussi du chapitre que m'a envoyé mercredi dernier mon étudiant de M2.

 

beuys.JPGJ'ai aussi traduit vite fait mon poème quotidien pour les Germaniques de mai. Celui d'aujourd'hui est d'Eva Zeller, poète toujours vivante (97 ans !), à ne pas confondre avec Eva Christina Zeller dont on trouve, sur son site Web, gratuitement, toute une anthologie de poèmes traduits par un universitaire néo-zélandais. — J'ai un peu tergiversé dans mon choix de la poète à traduire et ai commencé à lire, avant de renoncer (la langue est trop complexe), une poète du dix-huitième siècle, Sidonia Hedwig Zäunemann.

 

Hier, je me suis “débarrassé” de la vidéo très longue dont j'avais commencé l'enregistrement le 6 avril. Une bonne chose de faite, en attendant mon improbable liste des 100 (73 ? 41 ?) livres majeurs du 21e siècle. — Hier soir, aussi, le nanard du dimanche soir : Les Bons Vivants, film à sketches de 1965 qui n'est (vaguement) sauvé que par le troisième “acte” et un de Funès en pleine bourre. Petit détail, l'excellent dictionnaire de l'argot Bob suggère plusieurs citations pour le mot bouic, synonyme de bordel que je n'avais jamais rencontré.

 

samedi, 02 mai 2020

*0205*

Impression que les tourterelles ont abandonné le nid : déjà, hier, on les y a moins vues. Peut-être est-ce à cause des fortes pluies, ou de leur nid foutraque et bâclé... C'est triste.

 

Hier O* et moi avons appris à jouer au piquet : la goutte d'eau, ça a été ma lecture de Son Excellence Eugène Rougon. Au vingt ou trentième roman qu'on lit et dans lequel des personnages jouent à ce jeu, la curiosité l'emporte. Et, de fait, pour un jeu de cartes à deux, c'est probablement ce qui se fait de mieux. — Il semblerait, à en croire le TLFi, que le substantif féminin piquette, au sens de déroute ou raclée, ne provienne pas du jeu de piquet, ce qui eût pourtant été piquant.

 

Hier encore : Macron ridicule ou scandaleux, on ne sait plus avec lui ; c'est comme avec Trump.

 

Hier toujours : Stavisky de Resnais. Bon film, qui a dû être “exploité” abondamment, en son temps (l'âge d'or de Ricardou et des structuralistes), par des profs voulant montrer le fonctionnement d'un récit mêlant prolepses et analepses. C'est très bien joué, et le contrepoint Trotski très judicieux. Pourrait-on faire une version contemporaine, voire un cycle de films, sur des modèles narratifs similaires, mais avec Boulin, Bérégovoy, Strauss-Kahn, Benalla...

 

Ce matin : troisième cours d'agrégation sur Gordimer via le streaming de YouTube. Cette fois-ci, je ferai cours dans la chambre. Comme je vais beaucoup parler du concept bakhtinien d'unfinalizability, il faut que je pense à insister auprès des candidates afin qu'elles s'entraînent à prononcer cet octosyllabe.

 

vendredi, 01 mai 2020

Pour ne pas en finir avec les nombres premiers

Hier soir, nous avons regardé un film canadien, Pauvre Georges ! de Claire Devers — pas mal, plutôt allusif malgré quelques lourdeurs de mise en scène — pas du genre à casser des briques. Je me disais ce matin, en y repensant, que c'est exactement le genre d'histoire qui peut donner tout et son contraire, d'un point de vue littéraire : par exemple, la même histoire, peu ou prou, racontée par Nuruddin Farah, d'un côté, et par cette baderne nullissime d'Eric-Emmanuel Schmitt de l'autre.

 

Consulté, pour l'avoir vue sur Facebook, la liste des 100 livres les plus importants du 21e siècle compulsée par le Guardian. Il s'agit d'un article de 2019 qui a resurgi, je ne sais pourquoi. Comme d'habitude avec ce genre de liste, je fais le décompte des livres traduits, donc histoire de voir ce qui, pour le monde anglophone, représente le monde : 84 livres sur 100 ont été écrits en anglais par des anglophones, pour l'immense majorité d'entre eux/elles britanniques ou nord-américain·es.

Toutefois, j'ai aussi essayé de repérer combien de livres j'avais lu. 14, comme suit, avec mes conseils au collègue avec qui j'ai échangé à ce sujet sur Facebook :

99/ Verre cassé de Mabanckou (aucun intérêt – AM n'a écrit qu'un seul bon livre, Lumières de Pointe-Noire)

95/ les Chroniques de Bob Dylan, intérêt trèèès relatif

75/ Tokarczuk, j'en ai lu plein mais pas celui-là je crois (pb du titre en anglais ?) – je conseille très hautement Les Pérégrins

69/ idem Javier Marias, pas sûr au vu du titre — bien aimé la trilogie Ton visage demain, qui même oxbridgisme et espionnage pendant la Guerre froide

47/ Persepolis, ok

46/ Human Chain, je ne connaissais pas l'existence de ce recueil de Heaney / à suivre

41/ Atonement, un McEwan très dispensable (moins mauvais qu'Amsterdam quand même) — à mon avis, il faut lire deux livres de McEwan: The Cement Garden et Black Dogs, point barre

33/ Fun Home, ok

29/ La mort du père et la suite de l'hexalogie de Knausgaard (j'en suis au tome 3), pas mal mais ça faiblit - le premier est vraiment très dérangeant et fort du coup

21/ Sapiens, m'a pas mal énervé, j'en ai parlé dans une vidéo

17/ The Road, ok

16/ Franzen, c'est comme Foster Wallace, pu finir aucun de ses livres, zzzzzzzzzzzzzzzz

12/ The Plot Against America, pas le meilleur Roth mais bien (je pensais qu'il était plus ancien que ça en revanche)

10/ Adichie, oui, il faut la lire [et plutôt Half of a Yellow Sun qu'Americanah, pour commencer, en effet]

 

Il faudrait que je compile ma propre liste des livres publiés entre 2001 et 2020 dont je considère que les gens que je connais gagneraient à les lire, ou à  les avoir lus. Il n'y en aura pas cent : un nombre premier, peut-être...?

 

vendredi, 24 avril 2020

I'M A Man / Of Constant Sorrow

Pour la première fois depuis quinze jours, j'ai fait une to-do list, car je n'ai pas le couteau sous la gorge. Si je voulais, je pourrais ne rien faire ; aucune tâche urgentissime. Cela étant posé, je viens quand même de me faire une to-do list, histoire de relancer deux ou trois petites choses en souffrance, et aussi de ne pas laisser déraper les x tâches qui continueront de pleuvoir d'ici début juin au bas mot.

Il y a notamment la question des traductions de Johanna Wolff : j'aurais voulu en faire une par jour en avril, mais il n'y en aura qu'une dizaine, au mieux. Je n'aurai guère de regrets car en la traduisant j'ai mieux décelé combien cette œuvre ne me retournait pas.

 

Hier soir, nous avons regardé O'Brother, que C* et moi avions vu au cinéma lors de sa sortie et qui reste à la fois très jouissif, surtout pour les variations sur les registres et les niveaux de la langue, mais aussi pour la manière dont le film revisite la musique populaire des années 30 et les deux sillons pas si parallèles que cela du blues et du folk. Le choix de faire chanter un chant d'esclaves par trois fossoyeurs noirs au moment où les 4 hommes s'apprêtent à être pendus haut et court par le diable est audacieux, et a dû être critiqué : est-ce une identification du diable aux suprémacistes blancs, ou cela signifie-til que les trois Noirs sont au service du diable ?

Ce qui continue de me paraître complètement surdéterminé, c'est la prétendue “adaptation” de l'Odyssée : les sirènes, le Cyclope, le prétendant (unique), la vallée devenue une immense lac... soit... mais tout cela relève plus de la ficelle, du point de départ permettant de structurer le film, que d'une véritable réécriture ou adaptation.

Soudain je me demande : est-ce que la fixette du personnage d'Everett (George Clooney) sur ses cheveux et sur la gomina est une extrapolation d'un truc dans l'Odyssée ?

 

samedi, 18 avril 2020

Le Labyrinthe du silence

Regardé ce soir un film allemand très académique et explicite Le Labyrinthe du silence [Im Labyrinth des Schweigens], tourné en 2014 par Giulio Ricciarelli. Tout, ou presque, dans ce film est attendu, sans surprise : les relations entre les personnages, les moments de crise entre les personnages ainsi que leur résolution, les obstacles au travail du procureur et la manière dont ils sont levés etc.

 

Un des moments les plus lourdingues est la scène où le protagoniste, le jeune procureur Radmann, apporte son veston déchiré à son ex, devenue couturière, afin qu'elle le répare. S'ensuit un dialogue lourdinguissime dans lequel l'état du veston désigne, selon une métonymie filée (c'est le cas de le dire), l'état des sentiments des anciens amoureux. Scène qui reprend quinze minutes plus tard, quand la couturière rapporte finalement le veston recousu à Radmann, alors qu'elle lui avait d'abord dit que l'accroc était irréparable. Autant dire que même la licorne dans la Ménagerie de verre, à côté, c'est du David Lynch.

Il y a aussi les scènes de rêve : afin que le spectateur identifie bien qu'il s'agit d'un rêve, Ricciarelli ne se contente pas de filmer Radmann en train de s'éveiller en sueur de son cauchemar (plan déjà d'une folle originalité) : il le filme aussi en train de dormir, et ce juste avant la scène du rêve. Le moins que l'on puisse dire est qu'il s'agit d'un cinéma explicite. (Il s'agit aussi d'un film qui ne répond convenablement à aucun des points du test de Bechdel, mais n'entrons pas là-dedans.)

 

labyrinthoflies-05.jpgEt pourtant, cet accroc à la veste est plus elliptique, plus suggestif qu'on ne le croit en s'agaçant de cette scène téléphonée.

Et pourtant, le film reste intéressant et émouvant, en raison de son sujet. Film parfait d'un point de vue historique et didactique, tout y est représenté de manière claire et simplifiée (voire simpliste, cf les critiques ci-dessus), mais c'est la représentation des tabous, le silence du titre, qui justifie ce cinéma explicite. Ce n'est pas seulement par académisme, mais par parti pris : face au labyrinthe du silence, le cinéaste décide  de tout miser sur le fil d'Ariane et la clarification systématique. Le silence du titre (en allemand, le verbe schweigen substantivé, donc le fait de se taire, le silence complice, le silence gêné — pas de traduction totalement adéquate pour ça), c'est celui qui entoure, jusqu'en 1958, date à laquelle commence l'action, la collaboration massive des citoyens ordinaires au nazisme et même à l'extermination des Juifs.

mengele.jpgCe dont il faut faire le procès, selon le procureur général, c'est le nazisme ordinaire, celui des petites gens : en s'obstinant à traquer Mengele, en pure perte, le jeune Radmann laisse filer un ancien tortionnaire “ordinaire” d'Auschwitz devenu boulanger. D'ailleurs, plus fin qu'on ne le croirait, le cinéaste choisit d'évoquer le contraste entre Eichmann arrêté et jugé, d'une part, et Mengele qui échappe à la justice en se réfugiant au Paraguay après avoir fait des allers-retours entre l'Argentine et l'Allemagne sans jamais être inquiété. Dans le film, on ne voit ni l'un ni l'autre : ce ne sont pas les chefs ou les figures reconnues de l'atrocité nazie qui sont représentées dans ce film, et pourtant il est beaucoup question d'eux également. Mengele n'est perceptible que dans la scène où Radmann croit venir l'arrêter à l'auberge (et on ne sait jamais s'il s'y trouvait) et dans le cauchemar du protagoniste.

215795.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxx.jpgLa question du crime ordinaire, et de l'effacement — sous cette chape de silence / Schweigen — des crimes dans une Allemagne reconstruite et soucieuse d'oublier, est peut-être, après tout, la raison pour laquelle les décors et les couleurs du film sont aussi sobres que clairs : volonté de représenter la jeunesse insouciante amatrice de jazz et de mode, certes, mais aussi refus d'inscrire le film dans l'esthétique crépusculaire des films sur la shoah. Le sujet du film n'est pas Auschwitz, mais la façon dont on voudrait que les traces et les conséquences de la guerre et du nazisme disparaissent sous des teintes pastel ou colorées. En ce sens, l'esthétique du film est certainement ironique et bien moins explicite ou démonstrative qu'au premier regard. Ainsi, les prairies qui entourent le camp d'Auschwitz sont vertes, et le camp lui-même (comme le dit Gnielka) ne dit pas grand chose de ce qui s'y est passé. Ce qui est fondamentalement significatif, c'est la récitation du kaddish au milieu de ce paysage de verdure ensoleillée, comme si Ricciarelli suggérait que la parole compte plus que l'image, ou que l'image n'est rien sans la parole.

 

1365117967-403512-2Yac.jpgPour clore ce billet sur ces fameux cauchemars, ce qui reste en suspens, aussi, c'est la figure du père.

Qu'il s'agisse du procureur général (juif persécuté dès 1933 mais dont on n'apprend jamais comment il a échappé à l'extermination) ou du journaliste, Gnielka, qui est à l'origine de l'engagement de Radmann mais dont Radmann comprend vers la fin du film qu'il s'est retrouvé embrigadé à 17 ans dans l'armée et qu'il a été témoin direct des atrocités commises à Auschwitz, le jeune homme trouve des pères de substitution à ce père qu'il vénère, dont il déclare au début qu'il lui sert de modèle et que lui n'avait jamais été nazi. Le troisième père symbolique de Radmann est Simon Kirsch, le rescapé d'Auschwitz qui ne se pardonnera jamais d'avoir laissé Mengele emporter ses filles jumelles car il avait cru qu'avec un docteur, un homme à l'apparence si affable, elles seraient protégées. Pour les jumelles, à la demande de Kirsch, Gnielka et Radmann vont à Auschwitz dire le kaddish.

Mais le vrai père demeure absent, dans l'œil spectral des cauchemars.

Par un détour narratif là encore sans surprise, Radmann finit par découvrir que son père était membre du parti nazi. Là où le film garde intacte l'énigme et se sauve en échappant, pour une fois, à la manie de tout expliquer, c'est que c'est au spectateur de comprendre que si, d'une part, Radmann avait ignoré jusque là le passé nazi de son père, et si, d'autre part, sa mère s'apprête à se remarier en disant que ce père disparu ne reviendra jamais, c'est que la mère en sait plus long, et c'est (probablement) que le père de Radmann s'est tellement compromis qu'il s'est soit suicidé quelque part, soit planqué lui aussi en Amérique du sud, d'où il ne reviendra jamais.

vendredi, 17 avril 2020

C'est dur pour tout le monde

Mort du chanteur Christophe, dont on apprend à l'occasion qu'il se prénommait Daniel (!). Label obscur dans la tête toute la matinée. Des esprits facétieux ont fait remarquer qu'ils ignoraient que Luis Sepulveda fût le vrai nom du chanteur. Des esprits avisés se sont surpris de voir qu'alors qu'on le savait malade du Covid19 depuis une quinzaine, là n'était pas le motif officiel de son décès. De là à relancer la machine à complotisme (ici, sur le nombre des victimes)...

 

Nous ne suivons plus de très près les bilans quotidiens, non qu'on s'habitue mais parce qu'ils sont moins médiatisés : en Italie, je sais que le bilan quotidien est encore de 500 morts par jour en moyenne, alors que le Sud, plus insalubre et moins bien équipé au niveau médical, est resté épargné. C'est vraiment étrange. En France, difficile de suivre, car les chiffres font l'objet de réactualisations permanentes. Dans l'EHPAD de Chambray-lès-Tours, il y a eu 7 morts sur 96 pensionnaires, et 8 autres personnes sont infectées : pour une région censément non touchée...

Aux Etats-Unis, Trump a encouragé, dans une série de tweets en capitales d'imprimerie, les milices d'extrême-droite à manifester et à défier les mesures de distanciation sociales prises dans leur État ; dans le Michigan, notamment. Il les a aussi encouragées à aller scander “Lock her up” sous les fenêtres d'une gouverneure. (Depuis Hillary Clinton, c'est toujours les femmes politiques qu'il veut voir en prison.) — Le Washington Post a écrit un éditorial très virulent. Tout ça ne sert à rien : ce type est dingue et intouchable.

 

Après déjeuner, A* (qui bosse comme un malade — ce soir jusqu'à 18 h, alors que de mon côté j'ai un peu bricolé sur le Web, guère plus) s'est mis à consulter sur son téléphone les scénarios de divers films de Philippe Clair, car j'avais évoqué, pour son titre, le film (jamais vu) Par où t'es rentré, on t'a pas vu sortir. Pour le synopsis seul, nous supputons que les plus hallucinants navets du cinéaste doivent être Rodriguez au pays des merguez (transposition du Cid au Maghreb) et Le Führer en folie.

Ce soir, nous avons regardé un énorme nanard, presque un non-film : C'est dur pour tout le monde, avec Bernard Blier (heureusement, et même lui ne s'en dépêtre pas trop).

 

mercredi, 08 avril 2020

Alambic, sortie confinée

Hier, on s'est intéressé au hautbois musette, au saxhorn duplex* et à l'orgue Cavaillé-Coll d'Azkoitia.

testes.JPGRetour du soleil et de la douceur.

Le sondage Twitter d'avant-hier a donné des résultats surprenants : balls est arrivé devant nuts, mais d'une courte tête (si j'ose dire). — L'émoticône poivrière a surtout été choisi pour qu'on se pose des questions, ou pour débusquer les personnes aux idées mal placées. Pas réellement d'allusion argotique non plus.

Impossible de me (re)mettre à des choses d'envergure. Je me claquerais**. Passé une bonne partie de l'après-midi avec S°, ma directrice de département, et à tout configurer dans des tableaux Excel. (Ai-je déjà dit ici que je déteste les tableurs ?) Le soir, quelques mails suite à l'envoi, par S°, du long courrier du Doyen et des propositions d'évaluation en distanciel seulement.

Depuis quelques jours, retour des moustiques, aussi.

Ce matin, levé tôt, aussi parce que ces histoires d'examens de première session me taraudent.***

Hier soir : Gervaise de René Clément. Plutôt beau film, mais son pas toujours synchro — l'occasion aussi de se rappeler, pour C* comme pour moi, qu'on ne se rappelle pas parfaitement bien L'Assommoir : j'ai quelques excuses, l'ayant étudié en classe de troisième — donc il y a 32 ans (quoi ??!?) — et ne l'ayant pas relu, ou alors seulement par extraits, depuis.

Il y a, dans le film, à en  croire l'interminable générique de début (on avait largement le temps de finir sa clope avant d'entrer dans la salle, à l'époque), des chansons écrites par Raymond Queneau, qui s'est amusé dans le pastiche.

 

 

* Ce n'est pas l'instrument qui a le mieux traversé les âges.

** Ich könnte mich zerreißen. (Phrase trouvée dans le dictionnaire en ligne PONS une heure après avoir écrit ce billet, en préparant ma traduction allemande du jour.)

*** Et j'en ai oublié de signaler que ce billet était le 4.646e du blog. À la louche cela fait donc, depuis le 6 juin 2005, une moyenne de 0,8579870729455217 billet publié par jour.

 

vendredi, 03 avril 2020

Un peu de cinéma

Hier soir, nous avons regardé Rafiki. Le film est un peu conventionnel, mais même ainsi il n'a pas manqué d'être considéré comme un brûlot au Kenya. La manière dont sont organisées les plongées et contre-plongées dynamiques m'a beaucoup plu. Je suis prêt à parier que des militantes lesbiennes auront été dérangées par le côté un peu binaire du film (le couple formé par une jeune fille très sexualisée et un “garçon manqué”), mais là encore il faut voir que les enjeux politiques liés aux discriminations homophobes dans plusieurs pays d'Afrique sont également loin d'être subtils. Les personnages du père et de Blacksta, mais aussi de la mère de Ziki, offrent une vraie complexité au film.

Beaucoup pensé à Binyavanga Wanaina en regardant ce film : auteur majeur qu'il ne faut pas “réduire à” son homosexualité, mais dont il serait bon que davantage d'Africain·es aussi lisent la très belle nouvelle ‘I Am A Homosexual, Mum’.

 

Avant-hier soir, dans un autre genre, Les acteurs de Bertrand Blier. Outre que le film entier semble avoir été écrit pour le point d'orgue que constitue le dialogue entre le cinéaste et son père mort qui lui parle au téléphone, la meilleure idée est de faire jouer Dussolier par Balasko. Comme pour Convoi exceptionnel, toutefois, on se surprend à trouver longuet un film d'une heure et demie et à se demander quand ça va s'achever alors qu'on en est à peine à la moitié.

____________________________

 

Ce sera le point le plus marquant de ce confinement, pour la vie familiale : jamais nous n'avions regardé autant de films en aussi peu de temps. Et la rubrique Tographe ne s'était pas autant nourrie que depuis trois semaines.

 

mardi, 31 mars 2020

Garde-nèfles boulange

Il y a onze ans, c'était aussi un mardi, et j'ignorais que j'allais finir la journée en garde à vue.

 

Aujourd'hui je vais aller à la boulangerie. Nous sommes plutôt bien organisés : entre le 20 mars et aujourd'hui nous sommes allés une fois à la boulangerie et une fois à l'Arrivage. C* a lancé un drive pour demain soir.

 

Il y a un an, j'écrivais ceci, qui pourrait me servir de matériau pour le gros coup de collier que je dois donner dans le cadre du projet Scarlatti :

Les merisiers magiques côté jardin sont en fleur. En une semaine, les bourgeons des néfliers, microscopiques, sont devenus des feuilles de cinq centimètres, d'un vert terriblement émouvant.

 

Hier soir, Thelma et Louise, que je n'avais vu qu'une fois. Encore plus émouvant et mieux filmé que dans mon souvenir.

lundi, 30 mars 2020

*3003*

Hier soir, nous avons regardé Parasite, très bon film en effet, même si je trouve que ça manque un peu de rythme vers le milieu du film (scène de beuverie puis scène de révélation de l'homme caché dans la cave-bunker). La scène du carnage est difficilement regardable, mais je trouve généralement tout ce qui est même vaguement gore difficile à regarder.

 

Confinement, jour 14 ou 17 selon la manière de compter. Darmanin appelle les Français·es à la solidarité et aux dons aux plus démunis. Des milliers de twittos lui ont fait la seule réponse acceptable : remets l'ISF, supprime le CICE, lutte vraiment contre les 80 milliards annuels d'évasion fiscale.

vendredi, 27 mars 2020

Des perruches souris aux mouettes de Franklin

Hier après-midi j'ai fait une petite sieste, et ça m'a complètement foutu en l'air : nuque raide, douleurs vagues jusqu'au coucher. Et là, réveillé très tôt avec la migraine, fini par prendre un doliprane. Sieste réparatrice, my foot.

 

J'ai lancé un nouveau projet vidéo, Miettes & bribes, a priori pour mes étudiant·es d'échange, mais le public-cible n'a pas encore réagi ; j'aimerais bien, pourtant, que ce soit ces étudiant·es-là qui me proposent le thème des futures vidéos. — Pour le projet Scarlatti, il faut que j'écrive 34 textes d'ici le 31 mars (5 jours donc), mais cela seulement si je veux rester dans le cadre du nouvel objectif : boucler le livre fin juin. (L'objectif de départ était d'écrire ce livre en 12 mois, donc de le boucler fin 2020.)

 

Film hier soir : Le Magnifique, que je voyais pour la quatrième fois (mais  on alterne les films qu'on n'a jamais vus avec des “classiques” pour O*). Pourtant, c'était A* qui se rappelait le gag de la femme de ménage qui passe l'aspirateur sur la plage. Il ne se rappelait pas du tout, par contre, toute l'intrigue autour de la doctorante et de l'éditeur : il a raison, c'est le point faible du film. Envie d'extraire, pour en faire un GIF, les 3 ou 4 secondes de la scène au Jardin des Plantes où Merlin (Belmondo) dit à Christine (Bisset) : “mais tout le monde s'en fout, de votre thèse !”. Gifle incluse, évidemment. Mais je n'ai pas 30 minutes à perdre pour ça, je pense.

François Merlin est un “écrivain en bâtiment” comme le disait naguère voire jadis Didier Goux de ses propres ouvrages. Je me demande si D.G. a fait la liste exhaustive de tous les livres qu'il a écrits sous le pseudonyme (collectif, crois-je me rappeler) de Michel Brice. Toutes les scènes où Merlin est assis face à sa machine à écrire étaient ce que j'avais préféré quand j'ai vu ce film pour la première fois (et ça s'est encore ressenti dans l'écriture de mon quadrilatère d'hier soir).

 

Commencé à lire hier le texte d'un ami d'A* qui raconte son séjour en Amérique du Sud avec force photos animalières magnifiques. Cela aussi s'est retrouvé dans le quadrilatère 241-244, écrit exceptionnellement avant le coucher.

 

À faire ce vendredi, outre le cours de L3 à distance, et deux appels téléphoniques pour le travail : la n° 59 de je range mon bureau. Déjà huit jours depuis la 58, et je voulais les enchaîner. Les semaines passent à une vitesse...

 

Bon, ce fut un billet très égocentrique. C'est un peu le principe du journal, mais enfin...

 

jeudi, 26 mars 2020

Des orfraies aux fraises

Suite à mon billet d'avant-hier, aucune réaction de la principale intéressée, et c'est bien normal (elle est accaparée, comme nous tou·tes, par la fameuse “continuité pédagogique”). Par contre, Didier Goux m'a signalé un beau passage de Chateaubriand, ce qui est l'occasion d'archiver ici cet extrait de l'avant-propos du traducteur de l'édition anglaise de 1902 des Mémoires d'Outre-Tombe, Alexander Texeira de Mattos.

Mattos.JPG

Je le fais sous forme de capture d'écran, car je me suis souvent rendu compte, après une dizaine d'années à bloguer, que les liens hypertexte avaient tendance à ne plus être valides. J'indique toutefois le lien vers la traduction anglaise du tome 1 (et vers l'original aussi sur le Projet Gutenberg). Cela devrait intéresser Claire Placial, qui a publié hier, elle aussi, des vidéos de cours. Ça fait drôlement plaisir, même si c'est dans le contexte tragique actuel. Je mets exprès le lien vers la 2e partie de son cours sur les métamorphoses chez Ovide et dans Harry Potter, car elle a été moins vue que la 1ère (mais cent fois plus que n'importe laquelle de mes élucubrations (tiens, ça va donner raison à VS qui pense que mon angoisse principale est le manque de reconnaissance, cf infra)).

 

J'évoque VS ? Ah, d'une menteuse l'autre. Hier après-midi, lors de la conférence de presse consécutive au conseil des ministres, la menteuse et manipulatrice Sibeth Ndiaye, vraiment une des pires de cette majorité de faquins, a calmement insulté les 800.000 professeur·es de France, en disant qu'en ce moment “ils ne travaillent pas”.

Here is for the record as well :

ndiaye1.JPG


ndiaye2.JPG

 

 

 

 

Tout cela est démoralisant. Impression de bosser plus que jamais, pour se faire cracher à la figure. Difficile de garder le cap. Heureusement, les garçons ont l'air de très bien supporter le confinement. Hier soir, O* a dit qu'il avait beaucoup aimé Rome, ville ouverte, dont je ne me rappelais pas, pourtant, que ce fût aussi bavard par moments. Toute la scène dans les bureaux de la Gestapo est vraiment étrange, jusqu'aux femmes qui entrent et sortent comme dans un moulin de la salle de torture. Très beau film néanmoins. — Dans un tout autre genre je viens de recommander à un étudiant de L3 d'essayer de voir en entier l'excellente adaptation cinématographique de Twelfth Night avec Imogen Stubbs.

 

vehesse22mars.JPGÀ noter : Valérie Scigala, désormais, ne trouve pas d'autre moyen de m'insulter que de dire que je suis chauve... Cela montre à quel point de bassesse elle est descendue. Faut dire qu'elle qui ne cesse de dire depuis trois ans que les fonctionnaires ne comprennent rien au vrai monde du travail et que la politique gouvernementale est parfaite avoue ces jours-ci  tout benoîtement qu'il y a des jours entiers de télétravail où elle... ne travaille pas...

 

mercredi, 25 mars 2020

*2503*

Hier, ma grand-mère maternelle a fêté, seule bien entendu (et hélas), ses 93 ans.

 

Depuis hier, des échanges assez soutenus ont commencé entre collègues anglicistes de Tours, au sujet de l'évaluation du second semestre. Je ne suis pas en mesure de révéler des discussions confidentielles sur des propositions encore officieuses, mais en tout cas ce qui est certain, c'est qu'une fois encore (et plus que jamais, car la gravité sans précédent de la crise fait encore ressortir la futilité des préoccupations) les universitaires montrent, pour beaucoup, leur incapacité à aller au plus simple. Je ne sais si c'est une forme de crispation sur des choses qui paraissent essentielles à mes collègues, en mode byzantin, ou si, plus généralement, cette majorité d'enseignants-chercheurs en sciences humaines trouvent insultante la simplicité... En tout cas, même après 25 ans de métier, ça ne laisse pas de me fasciner, et de m'exaspérer.

Film du jour (hier) : Rencontres du troisième type. — Vu une seule fois, il y a trente ans, and counting... J'avais, comme souvent dans de pareils cas, un souvenir très vif de plusieurs passages, mais totalement oublié d'autres moments pourtant primordiaux. Souvenir d'un film qui traîne en longueur, et je n'ai pas varié sur ce point. Je m'en souvenais si bien que je me rappelle très distinctement qu'il y avait, outre celle qui dessine Devils Tower et celui qui la sculpte, un personnage qui avait décrit le site dans les moindres détails. Chacun sa forme artistique, en quelque sorte. Or, dans la version regardée hier, pas trace de ça. Ai-je pu imaginer cela de toutes pièces ? c'est étrange. Il doit y avoir plusieurs versions du film, et celle que nous avons regardée doit être une version courte (omg!).

 

Hier sont morts Manu Dibango, des suites du Covid19, et Uderzo, de vieillesse.

lundi, 23 mars 2020

*2303*

Aujourd'hui, levé à 6 h 38 : l'heure à laquelle sonne le réveil chaque lundi.

 

Il fait grand soleil, c'est déjà ça.

 

Allé faire des courses de frais (fruits et légumes, fromages, viande) à l'Arrivage : contraste saisissant entre la plupart des employé-es et caissiers d'une part (impression d'être dans une centrale nucléaire) et les bouchers sifflotant mains nues au-dessus de la viande. Dois-je préciser que je n'ai rien pris au rayon boucherie ?

 

Très peu de voitures, et les gens que j'ai vus à l'Arrivage prennent tou-tes beaucoup de précautions. Donc le problème n'est plus, à quelques abruti-es près, le confinement plus ou moins total, mais bel et bien l'impréparation structurelle : la France, contrairement à beaucoup d'autres pays, a refusé de faire des tests de dépistage à grande échelle ; la France n'a aucun stock stratégique de masques, ce qui met en grave danger l'ensemble du personnel soignant ; la France a sacrifié ses services publics, dont l'hôpital, au profit des investisseurs privés et des grands pontes du CAC40 ; avec leurs ordonnances, leurs décrets, leurs mensonges, leur arrogance, leurs LBD et leurs gaz lacrymo pour tout dialogue social, Macron et sa clique sont l'aboutissement de cette impéritie criminelle.

 

Echangé des mails hier avec notre ami A°, confiné à Caen, et discuté au téléphone avec C°, confiné à Vincennes. Tous les gens raisonnables espèrent que cette grave crise soit, plus qu'une prise de conscience qui a quand même commencé à avoir lieu, un déclencheur de véritables politiques entièrement centrées autour de la lutte contre le réchauffement climatique et les inégalités sociales. À voir la précipitation de ces salopards de macronistes à bousiller les acquis sociaux en profitant de la panade dont ils sont largement co-responsables, et à voir les chouineries de celles et ceux qui se plaignent de ne pas pouvoir aller faire du shopping ou de voir menacée leur connexion H24 à Netflix, j'en doute.

 

Hier aussi : promené autour de la maison. Des tours de jardin par dizaines, avec variations, cent pas sur la marelle, etc.

 

Hier soir : Délits flagrants de Depardon. Troisième fois que je le vois, mais première pour O*. La première fois, je m'en rappelle comme si c'était hier, c'était avec mon ami Frédéric G. à Paris, au cinéma. [En fait, je dis que c'était comme si c'était hier, mais je crois que je confonds aussi avec la fois où nous sommes allés au cinéma voir Amateur de Hal Hartley en emportant dans nos bagages le mathématicien et altiste Patrick L., devenu depuis compositeur.]

Plus marqué que jamais par le fait que, des trois substituts du procureur, c'est la femme, Michèle Bernard-Requin à ce que m'apprend le Web, qui est dix fois plus "pro" que les deux hommes, efficaces sans doute mais toujours un peu approximatifs, sardoniques à l'endroit du prévenu... Je vois qu'elle est l'autrice de deux livres, mais aussi qu'elle est morte tout récemment, emportée par un cancer.