dimanche, 02 juillet 2006
Home cinema ?
Nous ne regardons jamais la télévision, et pas même des films. Travail, lectures, promenades, travaux, sommeil et Web passent avant.
Parmi le vaste choix de DVD à notre disposition, en attente, j'hésite ce soir entre La Salamandre d'Alain Tanner, Nous nous sommes tant aimés d'Ettore Scola, Le Pont des Arts d'Eugène Green, Le Chant de la fidèle Chungyang et Casanova de Fellini.
19:25 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (8)
dimanche, 29 janvier 2006
A Boy and a Bicycle
C’est le titre d’un excellent court métrage (de 25 minutes environ) que Ridley Scott tourna en 1965. Je ne connais pas tellement les films de Ridley Scott, à l’exception de cette navrante idiotie qui a fait date (Alien) et de Thelma et Louise, que j’avais bien aimé. (Mes souvenirs en sont vagues.) Mais celui-ci donne furieusement envie d’en voir plus !
Tout est beau : plans d’une grande originalité, noir et blanc à la fois terne et lumineux, longs aplats de lumière pour détailler le décor, alternance de point de vue interne et de vision extérieure, voix off du seul personnage, collusion des images de la scène finale dans la bicoque du clochard et de celles qui ouvrent le film (chambre de l’adolescent)…
Pour résumer à grands traits l’intrigue innarrable d’A Boy and a Bicycle, je vois un lycéen qui s’éveille lentement en écoutant les bruits domestiques, part en bicyclette puis sèche les cours avant d’errer le long de la jetée, puis de pénétrer dans un lieu imprécis, bicoque de vagabond où il retrouve des objets familiers – ou qui lui paraissent tels.
Le soleil est cendreux, l’océan morose. Les rayons de la bicyclette sont le cercle où se perd la parole déglinguée de l’oisif.
16:30 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (3)
lundi, 23 janvier 2006
Le démon de l’association
De la table du déjeuner, une longue giclée d’orange sanguine atteignit le plancher, en parquet flottant. Peu s’en fallut que les grosses gouttes rosées ne tâchassent mon chandail (qui s’en serait remis) ou l’une des innombrables copies d’examen qui jonchaient la table, hâtivement repoussées pour permettre au tâcheron de se sustenter. L’image de ces gouttes vastes et violentes, que j’essuyai d’un coup de chiffon vigoureux, fit naître devant mes yeux quelques réminiscences de Kill Bill, vu tout récemment. En dépit de l’inévitable distanciation que provoque le mélange grossier d’humour décalé et de parodie propre à Tarantino, la violence de ce film demeure, et m’a choqué, sans doute comme pour C., qui avait pris à cœur certaines scènes de Casino : dans ce cas précis, le génie de Scorcese avait fait, de mon côté, passer la pilule.
Ces quatre ou cinq gouttes d’orange sanguine venaient clore, en point d’orgue, un repas fruste mais délicieux qui avait pour charnière trois œufs sur le plat ; il se trouve, pensais-je en faisant la vaisselle et en regardant, pour une énième fois, la reproduction de l’une des versions de la Vierge de Munch qui est collée à l’un des carreaux au-dessus de l’évier, que j’avais écrit, adolescent, un mauvais poème dont l’image principale était l’analogie, pour un prisonnier devenu anorexique et anémique, entre le jaune d’œuf servi à la cantine et le sang de son crime.
La carte postale qui représente cette Vierge peinte en 1895, achetée en 1998 à Paris lors de la grande exposition consacrée au Fauvisme en Europe, a longtemps orné l’un des côtés de l’étagère de bois blanc fabriquée par mon grand-père maternel, et qui servit, dans notre appartement puis notre maison de Beauvais, de séparation entre salon et salle à manger.
La vaisselle faite, j’écrivis les quelques bribes de phrase qui devaient me rappeler l’essentiel de ce billet à l’encre rouge (celle dont j’usais pour corriger les copies d’examen que n’avaient pas effleuré les gouttes de jus sanguin), puis, la cartouche faisant flic, à l’encre verte.
………
En écoute (en boucle) : « Rag » de Julien Jacob (album Cotonou. Wrasse Records, 2005. WRASS 138)
15:42 Publié dans Affres extatiques, BoozArtz, Moments de Tours, Tographe | Lien permanent | Commentaires (3)
mardi, 17 janvier 2006
La bouteille à l'encre
J'avais reçu, le 19 décembre dernier, le courrier électronique ci-dessous, adressé à tous les enseignants-chercheurs qui avaient été partenaires du festival De l'Encre à l'Ecran. À l'époque, je n'en avais pas parlé, car j'avais un accès très limité au Net, et je publiais fort peu sur ce site.
Madame, Monsieur,
Nous avons le regret de vous annoncer que l'édition 2006 de De l'Encre à l'Ecran prévue du 29 mars au 2 avril n'aura pas lieu et que le festival s'implantera dans une autre ville à partir du deuxième semestre 2006.
Merci de votre soutien tout au long de ces quatre éditions, soutien qui nous a permis d'accueillir près de 5.000 étudiants de l'Université François Rabelais.
En vous souhaitant de bonnes fêtes de fin d'année, nous vous prions de recevoir, Madame, Monsieur, l'expression de nos meilleures salutations.
Hier, Tronche de cinoche a publié un billet très intéressant sur ce sujet. Je vous invite à aller le lire.
09:45 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (1)
jeudi, 05 janvier 2006
Pics jumeaux (l'épeiche et le mar)
Nous venons de regarder Twin Peaks de David Lynch. Plutôt déçus. Décidément, ce début d'année est ponctué de déceptions cinématographiques. (Ou plutôt non : ne retenant que le négatif, je n'ai pas encore écrit de note sur La mala educacion.) *
Peut-être faut-il connaître la "série-culte" (!) pour apprécier... mais dans ce cas, l'exercice est un peu vain.
La construction est bâclée. Il n'y a, dans les intrusions du surréel si typiques du cinéaste, que les côtés les plus mystiques et kitsch, comme dans le deuxième tiers de Mulholland Drive (qui m'avait moyennement plu).
Quelques belles références picturales dans la construction de certaines scènes, un soupçon d'auto-citation, un dialogue très bien écrit dans la première demi-heure. Pas de quoi sauter au plafond.
Des films que je connais de Lynch, il n'y a finalement qu'Elephant Man et Lost Highway (vu quatre fois / jamais semblable) qui emportent sans réserves mon adhésion.
* Cette parenthèse comporte trois négations, plus l'adjectif négatif. Si j'étais une fille, je voudrais me nommer Ninon...
22:00 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (3)
mercredi, 04 janvier 2006
In the mood for translation (Lost in love)
A deux jours d’intervalle, le 30 décembre et le 1er janvier, nous avons vu deux films, qui, en leur temps, il n’y a guère, firent grand bruit et que nous n’avions jamais vus : In the mood for love de Wong Kar-wai, sorti en 2000, et Lost in translation, de Sofia Coppola, sorti en 2003. Ces deux films ont soulevé l’enthousiasme de nombreux cinéphiles, et de plusieurs de nos proches : il semblerait d’ailleurs que les amateurs du premier aient également « craqué » pour l’autre. De fait, ces deux films sont voisins, au moins dans leur refus de filmer la passion assouvie. Ce sont, de manière assez différente, des films qui ont pour sujet la rencontre de deux êtres qui se prennent, l’un pour l’autre, d’une passion progressive, forte et brûlante, mais à laquelle ils ne succombent pas.
Chacun de ces deux films a ses réussites, incontestables, mais il m’a semblé qu’il était exagéré de les avoir pareillement porté aux nues. Ce sont, en un sens, de petits films. J’entends par là, non des films de deuxième zone ou dénués de talent(s), mais des films qui manquent d’ambition : une histoire simple, traitée de manière extrêmement académique, voire conformiste (pour Lost in translation), ou précieuse (pour In the mood for love). Dans l’un et l’autre, la fin est ratée : conventionnelle et banalement « romantique » pour le film américain ; d’un mysticisme new age bien pénible dans le film taïwanais. Célébrer ce genre de films moyens montre bien combien notre époque se méfie de l’ambition, de l’élévation : rien de sublime là-dedans. Bien entendu, le sublime court le risque de l’emphase, du ridicule, ou du ratage ; mais, à tout le moins, les artistes qui choisissent de telles voies prennent des risques. Rien de risqué dans Lost in translation ; pas la moindre corne de taureau à l’horizon ; c’est gentillet.
Là s’arrête la comparaison entre ces deux films, d’ailleurs : l’un des deux est nettement meilleur que l’autre, parce que Wong Kar-wai, même avec ses excès, est un véritable artiste, un cinéaste qui donne un sens profond à chaque cadrage, alors que la fille Coppola n’a guère hérité de la vista paternelle : cadrages fades, plans ternes, direction d’acteurs très inégale. Je pourrais ajouter – pour ne rien celer de ma réaction – un certain agacement, de ma part, à regarder ce film qui se moque, pas si gentiment que cela, des Japonais : il semble que la passion ne puisse naître, dans cet hôtel, qu’entre deux Américains, parce que les Japonais sont minuscules et ridicules. Jamais la morgue ou l’ignorance culturelle des Américains ne fait l’objet d’une semblable satire. Que la critique française se soit montrée, dans mon souvenir, aussi unanime sur ce film aux relents xénophobes montre bien que l’antiracisme est, en notre pays, bien sélectif : tout film qui se livrerait à de semblables clichés sur les Israéliens, les nord-africains, voire, plus généralement, les Juifs ou les musulmans, serait descendu à boulets rouges. Être mesquin ou ignorant vis-à-vis des Japonais, voyons, ce n’est pas du racisme, me dira-t-on… Il y a quelques années, le succès du roman d’Amélie Nothomb, Stupeur et tremblement, avait manifesté la même absence de gêne des critiques et des lecteurs vis-à-vis de ce recueil ambulant de clichés et de lourdeurs xénophobes. Vous me direz peut-être que le vrai crime d’Amélie Nothomb, c’est d’écrire comme un pied gangréné, et là, je vous donne raison.
Pour en revenir aux deux petits films, je ne pourrais clore cette note ô combien lacunaire et subjective sans dire que, par un autre hasard tout aussi frappant, j’avais en tête, pendant ces journées, la chanson de Moby, We’re all made of stars. Il se trouve que, par ses paroles mais aussi son esthétique, cette chanson ferait, pour ces deux films, une illustration sonore très pertinente. C’est peut-être, les cimentant ensemble, cette chanson qui relèvera, dans mon souvenir, ces deux œuvres, si décevantes par ailleurs. In the mood for love et Lost in translation sont des films sur le désir amoureux – or, sans triangulation, pas de désir !
Ajout du 6 janvier : après discussion avec Arbor, je tiens à rapporter son interprétation, qui souligne combien les clichés ethnocentristes émanent surtout du personnage principal, désorienté et presque incapable de faire un pas vers les autres, lui-même cliché ambulant de l'Américain buveur de whisky. Il me semble toutefois que les clichés évidents liés à l'identité américaine font l'objet d'une distanciation ironique de la part de la cinéaste, notamment dans les scènes de filmage ou de photographie des publicités pour le whisky, justement. En revanche, les Japonais restent des étrangers sans profondeur, massés en vrac, indistincts, sans individuation. Il est possible de voir, comme Arbor, cette indistinction comme le fait du personnage principal, incarné par Bill Murray - mais je me demande si ce n'est pas là un moyen assez commode de "sauver" le film en lui refusant par principe tout dérapage idéologique. Enfin, peu importe... je ne suis pas pour qu'on relance la chasse aux sorcières, même contre les xénophobes.
(Arbor, tu as le droit de formuler ton interprétation mieux que je ne l'ai ici résumée et trahie, certainement.)
11:35 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (4)
lundi, 05 décembre 2005
Au Lapin-Garou-Gorille
Hier, c'était une première pour A., mon fils, qui, rappelons-le, a quatre ans et demi : nous l'avons emmené au cinéma ! Après avoir longtemps hésité entre un Joaõ César Montéiro posthume et un film taïwanais qui avait l'air très bien et dont le premier plan-séquence ne dure, paraît-il, que vingt-sept minutes, nous avons finalement choisi Wallace & Gromit. The Curse of the Wererabbit (je donne le titre en anglais, même si, bien sûr, nous avons dérogé à l'usage, for our son's sake, et vu la version française (mal) doublée (et mal traduite)).
En deux mots comme en cent : A. s'est bidonné (et nous avec lui, car nous sommes passablement férus du duo britannique en plasticine) du début à la fin du film. Nous sommes les seuls à être restés jusqu'à la fin du générique, car chaque nouveau lapin farfelu et multicolore encadrant, de son mouvement vertical ou diagonal, les éléments de la distribution, tirait, à notre fils, de nouveaux hoquets, un nouveau fou rire.
Le film, le premier long métrage consacré au maître inventeur et à son chien supérieurement intelligent, est très réussi : Nick Park est un gagman consommé, tant visuellement que stylistiquement, l'animation est irréprochable. Le texte est également très drôle, ou est censé l'être, de par ce que j'ai pu retrouver, au fil du film, de ce qui doit être la version originale (je me livre à une syntaxe délibérément difficultueuse, afin que vous perceviez bien le caractère complexe de l'opération). Il y a de très nombreuses erreurs de traductions (vicaire au lieu de curé, parmi tant d'autres), et les jeux de mots, assez obscènes il faut le dire, passent plus ou moins à la trappe.
L'intrigue n'est pas trop influencée par les démons du scénario hollywoodien, comme les derniers opus de Nick Park (Chicken Run et même A Close Shave avant cela) pouvaient le laisser craindre. Témoin de cela, la fin pathétique de la courgette colossale bichonnée par Gromit - alors que je craignais, halfway through the picture, que cette courgette ne remportât, las!, le prix du plus gros légume...
Il y a de nombreuses références culturelles et populaires fort divertissantes : outre le clin d'oeil à King Kong, ma préférée est la transformation, dans la cuisine-bibliothèque de Wallace, du classique de John Steinbeck, East of Eden, en East of Edam...!
12:49 Publié dans ... de mon fils, Moments de Tours, Tographe | Lien permanent | Commentaires (9)
jeudi, 24 novembre 2005
Miranda's cobwebs
En addendum à ma précédente note au sujet de Spider, je voulais tout de même renvoyer mes lecteurs non anglophones vers deux pages intéressantes au sujet du film: la recension de Miss N. et Tino R., et celle de Stéphanie Marie.
Il me semble pourtant qu'un point reste en suspens: combien d'actrices y a-t-il pour les "trois" rôles de la mère, de la prostituée et de la directrice de pension? deux, apparemment... Mais tous les sites officiels ou officieux reprennent à leur compte la distribution donnée dans le générique de fin: Miranda Richardson joue le rôle de la mère et de la prostituée, alors que la directrice de la pension est jouée par une autre actrice. Pourtant, dans la partie médiane du film, c'est aussi Miranda Richardson qui joue ce rôle-là. Et n'y a-t-il pas une autre actrice encore pour certaines scènes où figure "la mère"...? Cette confusion témoigne d'un remarquable travail du metteur en scène, des (de l') actrice(s)... mais aussi des costumières et maquilleurs.
18:40 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (0)
David Cronenberg et le château de l'araignée
Nous avons vu, hier soir, Spider de David Cronenberg. (C'est notre petit côté "inactuel": au moment où tous s'étripent pour savoir si A History of Violence est un bon cru ou un ratage absolu, nous découvrons le pénultième film du maître canadien.)
Je ne vais pas écrire une note sur ce film, qui est abondamment recensé, chroniqué, épluché et scruté en de nombreux points de la Toile*, mais je remarque qu'aucun des critiques ne semble d'accord sur l'interprétation des faits réels ou avérés; c'est que Cronenberg réussit magnifiquement à ne pas sortir des incertitudes de l'esprit dérangé de son protagoniste. La mère est la putain; la mère est tuée à coups de pelle par le père, et par son fils au moyen du gaz. Deux (au moins) plans se superposent, et deux hypothèses contradictoires demeurent. Cette indécidabilité n'est jamais kitsch ni un effet de mode; elle est rendue d'une manière magistrale.
Autre point: jamais Cronenberg n'a, à mon sens, aussi bien filmé. C'est cela qui, généralement, me laisse sur ma faim: la photographie n'est pas toujours très soignée. Ici, rien à dire, au point de se demander si le directeur de la photographie est bien le même que dans d'autres opus de D.C..
La meilleure des recensions que j'ai lues se trouve ici; son auteur en est un certain Alan Dale.
* Il est souvent question, dans les commentaires lus ce matin, du parallèle entre le tissage de la toile, l'écriture en signes cabalistiques dans le carnet, et l'acte de création; mais personne ne semble relever la parenté entre la métaphore de la toile-folie et les nouvelles technologies du... Web... Am I just making this up?
En écoute: "2870" de Gérard Manset.
12:55 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 14 novembre 2005
Du mauvais côté du filet
Je viens de me déclarer déçu par Match Point, le dernier film de Woody Allen, tant dans ce carnet que sur le site ami de Philippe[s]. Quelques éclaircissements s'imposent.
Tout d'abord, j'ai trouvé ce film très longuet ; il ne semble pas qu'Allen ait maîtrisé du tout le montage. Je ne suis pas du tout un fanatique des films courts ou "efficaces" (ma grande passion pour Kiarostami, Monteiro ou Bartas convaincront, je l'espère, les plus sceptiques), mais il faut que les scènes lentes ou en surplus aient un minimum de signification, ou, à tout le moins, qu'elles soient bien jouées. Ce n'est pas du tout le cas, par exemple, des deux scènes au cours desquelles Chris rencontre un camarade du circuit professionnel ATP. Pour donner un autre exemple, les deux scènes dans la salle des armes et la longue scène du double meurtre ne présentent pas grand intérêt, dans la mesure où il devient vite clair 1) que Chris compte se débarrasser de sa maîtresse et 2) qu'il est tellement manche qu'il aurait pu se faire pincer mille fois. C'est là le problème principal du film: Allen tire sur la ficelle du hasard à double tranchant jusqu'à élimer la corde.
Toutefois, ce n'est rien encore. Ce qui m'a le plus énervé, ce sont les acteurs, car, à l'exception (notable) du duo tête d'affiche, c'est la calamité absolue: non seulement l'actrice qui joue le rôle de l'épouse de Chris ne sait pas jouer, mais elle ne sait ni marcher ni écarquiller les yeux de manière convaincante; je ne dis rien de la belle-mère, dont on n'a pas dû vouloir dans le pire sitcom. L'acteur qui joue le rôle du fils de famille n'est pas mauvais dans les premières scènes, puis son jeu d'effrite jusqu'à n'être plus que sourires niais de circonstance, fades tentatives pour occuper le champ de vision.
Enfin, même si j'apprécie à sa juste valeur le désir du réalisateur de faire un film qui ne lui ressemble pas (pas de dialogues brillants, pas de cynisme doux-amer, aucune vue captivante de la ville, absence de jazz), je ne peux que constater qu'il n'a réussi que sur un seul et unique point: alors que la plupart de ses films, même récents, étaient très réussis, celui-ci est un naufrage désolant.
Le film ne m'a guère procuré qu'une seule joie, outre d'apprécier le goût chaque année plus prononcé d'Allen dans le choix de ses acteurs masculins: Allen fait entendre une infinie variété d'accents (irlandais soft, cockney, posh, du Nord de l'Angleterre, américains...), ce qui donne, à son film, une musicalité plus convaincante que la référence, poussive et râpeuse, à l'opéra italien.
13:29 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (2)
dimanche, 16 octobre 2005
The Shining de Stanley Kubrick
Je n’ai pas tellement envie d’écrire des paragraphes entiers sur ce film vu hier soir (jamais vu auparavant), car qu’apporterais-je de nouveau à l’interprétation de ce déjà-classique ? En l’occurrence, des milliers d’autres ont dû dire des milliers de fois combien le décor est impressionnant, combien le lieu lui-même, l’hôtel, avec ses corridors immenses, contribue à créer l’ambiance insolite qui fait progressivement pénétrer dans l’architecture mentale du born-again murderer. Les dialogues très littéraires ont une force de conviction étonnante, les trouvailles scénographiques ne manquent pas, etc.
Mais quelqu’un a-t-il jamais écrit noir su blanc ce qui nous a fait hurler, C. et moi, tout au long du film, à savoir que Jack Nicholson joue effroyablement mal, que rarement acteur aura aussi abondamment (mais involontairement, je le crains) mêlé le jeu hyperbolique (overacting) à la plus étonnante incompétence (gestuelles, mimiques, tons, déhanchements, tout est atrocement faux). Toutes les scènes où il apparaît sont apocalyptiques : qu’il essaie d’avoir l’air beurré, violent, inspiré, dément, lubrique, il est toujours complètement à côté de la plaque. Pour nous deux, le film d’horreur consistait à devoir supporter cet olibrius même pas histrionique, à voir scène après scène ce nullard s’enfoncer et engloutir le film avec lui… Epouvantable, au sens fort et littéral de cet adjectif.
Soyons clairs : ni C. ni moi ne le trouvons bon acteur habituellement. Il était certainement pour nous, avant d’avoir vu ce film, l’un des acteurs les plus surestimés du cinéma américain. Mais nous sommes quand même tombés de haut…
Bien entendu, Kubrick est mille fois coupable, non seulement d’avoir choisi cet acteur, mais aussi d’avoir su aussi peu le diriger. Car, enfin, quand le visage de Jack (le personnage (mais enfin, on ne croit jamais au personnage)) apparaît entre les échardes de la porte de la salle de bains, non seulement Nicholson fait ses ridicules yeux-de-fou (si c’était un adolescent amateur, déjà on le sifflerait pour cela) mais il se sent obligé de tirer la langue comme un benêt de la dernière espèce. Insensé, oui, le mot n’est pas trop fort !
Kubrick est coupable, d’autant que, même avec ce Nicholson inepte, son film parvient à ne pas être mauvais.
C’est dire qu’il aurait été génial, avec, disons, Robert Mitchum (je sais que Mitchum était trop âgé en 1980, mais c’est par comparaison avec Hunter’s Night), ou De Niro (ah, cela, ç’aurait été fort).
23:05 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (1)
dimanche, 02 octobre 2005
Gabrielle, de Patrice Chéreau
10 heures 30.
Hier soir, nous avons profité de la présence de mes parents pour le week-end (ah, il faut que je pense à trouver une nouvelle baby-sitter, j'ai encore oublié de demander à L***) pour improviser une petite soirée d'une folle originalité: restaurant en vitesse (Le Marrakech, rue Colbert) et cinéma aux Studios, où, étant arrivés un brin trop tard pour les films de la séance de 21 h 30, nous avons choisi, sans aucun regret d'ailleurs, le dernier Chéreau, Gabrielle. Il paraît que les critiques se déchaînent contre Chéreau, et je comprends assez pourquoi: Chéreau change de style à chaque film, et cela dérange les petits ronflements confortables. Il prend de nombreux risques, et, même si certaines audaces maniéristes sont parfois un peu à côté (la surinscription de dialogues non prononcés, par exemple, qui m'a plu, mais pas à C.), le résultat est très convaincant.
Certes, ce film est, dans son sujet, son esthétique, son traitement des corps et des dialogues, aux antipodes de Ceux qui m'aiment prendront le train, film absolument génial, mais ne peut-on aimer des mets variés? La vraie prouesse de Chéreau, sans doute, c'est qu'Isabelle Huppert joue, pour une bonne part du film, étonnamment juse et avec sobriété, ce qui n'est pas son point fort d'ordinaire. Où l'on voit, une fois encore, et par contraste, que Chabrol ne sait pas diriger ses acteurs, même fétiches. Huppert joue mieux, en quelques quarts d'heure, que dans les kilomètres de pellicules que lui a consacré Chabrol.
Je reviendrai sur le film plus tard, nous partons au parc Sainte Radegonde.
*****************
En écoute: "Thoughts about Duke II"(Franz Koglmann), interprété par Lee Konitz et le Monoblue Quartet (avec une brève allusion, par le clarinettiste, vers la fin, à Some Day My Prince Will Come, dont je parlais dans ma précédente note).
12:20 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 10 septembre 2005
Le Milieu du monde
Nous avons regardé hier le beau film d’Alain Tanner, Le Milieu du monde, qui date de 1974. C’est un beau film, pour ses cadrages, son histoire d’amour finalement fort banale, mais traitée avec une douceur, une justesse, une grande légèreté dramatique. Très lent, il n’est jamais vraiment ennuyeux, grâce à cette intrigue fort réduite mais suffisante. Dans l’approche quotidienne des rapports entre l’homme et sa maîtresse, le traitement admirablement sobre et perspicace de l’intimité (la scène du bain ou du fou rire, et même dans la scène de dispute) on sent toute la nouveauté, toute l’absence d’artifice dont Tanner est redevable à Godard et Truffaut, principalement.
Les deux acteurs, Philippe Léotard et Olimpia Carlisi, sont excellents, et le premier d’autant plus qu’il a quelques répliques passablement grandiloquentes et appuyées à faire gober au spectateur; il ne parvient pas à les rendre moins ridicules, mais il en sort, pour sa part, indemne, vierge de toute contamination rhétorique. C’est dans le registre des métaphores que je trouve, comme souvent (ah! l’insupportable cinéma “asiatique” des années 1990!), ce film plus pesant, presque lourdingue. La palme revient, ex aequo, à la métaphore de la différence entre le son des trains qui s’approchent et celui des trains qui s’éloignent, et à la métaphore explicitement sexualisée du “milieu du monde” (c’est à la fois la ligne de partage des eaux et le vagin, ouah puissant!).
C’est un film à voir, qui est très beau plastiquement sans rechercher, pour autant, d’effets de manche ou de caméra. Le rouge de la Datsun et le jaune des volets de la pension, entre autres, composent une palette simple mais mémorable, comme le film lui-même.
16:30 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (2)
mardi, 30 août 2005
Elégie
Dans les feuilles, l'insecte net prêt à voler
Sur cette terriblement violacée mûre
Nous surprend dans le flou d'un monde inconsolé
Où s'obstinent ma voix mauve et ton doux murmure.
14:48 Publié dans Ecrit(o)ures, Flèche inversée vers les carnétoiles, Tographe | Lien permanent | Commentaires (2)
samedi, 27 août 2005
L’appel du sang : Dracula, de Coppola
Vila-Matas a raison de s’insurger contre les chiffres ronds. S’il est vrai que ce Dracula soit la cent-cinquantième adaptation cinématographique du roman de Bram Stoker, cela n’a pas inspiré le réalisateur…
J’ai regardé ce film avant-hier soir, en partie par curiosité professionnelle, car le film est, comme le roman, au programme de l’agrégation d’anglais 2006. C’est un film raté, car, tout en pariant sur le film de genre ou d’action, il est lent, ou plutôt, monotone, mal construit dans son rythme. La mise en scène est hyperbolique (pour ne rien dire de l’assommant accompagnement musical), et excessivement explicite: rarement un film aura mis autant les points sur les i d’un texte pourtant pétri d’ambiguïté.
Entre autres défauts criants de mise en scène, Coppola abuse des plongées (dans mon souvenir, une bonne dizaine dans la première demi-heure), sans doute abusé par une conception primaire du sublime gothique et de sa légendaire verticalité. Les transitions sont souvent à la limite du cocasse involontaire, comme la superposition par fondu des yeux translucides du loup sur la plaie au cou de Lucy, ou, pire encore, du rôti de bœuf sur la tête tranchée de la même Lucy. Voilà le genre de films dont je pensais qu’ils étaient réservés aux adeptes des «nuits du nanar», ou des fanatiques autoproclamés (toujours au second degré, bien sûr*) des séries Z…
Pour les acteurs, mieux vaut n’en rien dire. Le jeu de Keanu Reeves est d’une fadeur exemplaire, ce que contrebalance un Anthony Hopkins déchaîné ou déglingué, qui en fait des tonnes, entre la caricature du Marlon Brando de Missouri Breaks et l’imprécateur de L’Exorciste.
Les décors ont la semblance (volontaire ?) du carton-pâte d’antan, et les costumes, parfois beaux, sont souvent ridicules, avec une mention spéciale, dans la première scène, pour l’armure en chocolat de Dracula…
Bref, on se demande bien ce que les candidats à l’agrégation vont pouvoir en tirer, à moins que l’intention soit justement, non de s’intéresser à une œuvre d’art de valeur, mais de relever tous les tics de mise en scène, et de mettre en place de façon patente le lexique de l’analyse cinématographique. Si tel est le cas, cela signifierait que le ridicule pédagogisme des I.U.F.M.** a également contaminé l’agrégation***.
* Les années 1990 pourront passer à la postérité comme l’ère du second degré, et les années 2000 sous l’appellation «entre guillemets».
** Mais si, vous savez : pour les tenants du pédagogisme, peu importent le contenu, la transmission des savoirs. Qu’importe, dans l’enseignement du français par exemple, la qualité de la langue ou la valeur des œuvres, du moment que l’on peut réduire tout cela à des séquences, des séances et des objectifs…
*** Je pressens que cette note, et aussi l’ajout astérisqué ci-dessus, appelleront des réactions. Assurément, je n’ai pas cherché à éviter la polémique.
12:40 Publié dans Tographe | Lien permanent | Commentaires (3)