Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 23 avril 2025

23042025

Hier, on a appris la mort du grand philosophe et écrivain V. Y. Mudimbe. Je l’ai découvert pendant mon doctorat, bien entendu, mais j’avais surtout lu ses romans (Entre les eaux, L'Écart) ; plus tard, bien plus tard, j’ai un peu butiné dans ses essais, alors qu’il est impossible de pratiquer ainsi avec lui. Depuis que Laurent Vannini a traduit son opus magnum (The Invention of Africa, 1988 — L’Invention de l’Afrique, 2021), je m’étais promis de le lire en entier. Il se trouve que j’avais travaillé l’après-midi même sur une page d’Ama Ata Aidoo qui ferait écho aux principales théories du Congolais (le texte d’Aidoo lui est antérieur). Il n’est jamais trop tard : bien que j’aie mille autres lectures sur le feu, je lirai, en 2025, L’Invention de l’Afrique.

Voici le début du chapitre III de L’Écart, que je viens d’aller chercher sur mes étagères :

Mes notes s’accumulaient. De véritables caresses. Une excitation. J’eus, des heures durant, la nette impression d’être à l’intérieur d’un feu. Il m’était doux. Un corps. Il me nourrissait. Sa force coulait en moi. Ma communion avec lui était profonde. Des idées me venaient, ma main les prenait en charge et elles s’inscrivaient, comme d’elles-mêmes, sur mes fiches.

Ce n’est pas (plus) souvent que cela m’arrive.

 

*

*         *

 

Il faudrait, au retour d’un voyage comme celui que nous venons de faire sur la côte est des États-Unis (et encore, nous avons à peine vu ce qu’on appelle habituellement « la côte est »), pouvoir prendre quelques jours pour faire le bilan, ou plutôt : écrire le bilan. Ce n’est pas le cas, hélas. Ça n’a jamais été le cas. Il y a toutefois, de loin en loin, dans ces carnets, des pages écrites sur le vif, ou un peu plus tard, et qui font office.

 

*

*         *

 

Depuis l’émission enregistrée avant-hier avec Claire au sujet des littératures autochtones du Canada, je me suis aperçu que je m’étais trompé systématiquement, à l’oral comme à l’écrit, en appelant inuktikut (avec deux t et deux k) la langue inuite qui se nomme en fait l’inuktitut (avec un k et trois t) ; dans mon arrogance, ou dans mon habitude de voir les noms d’auteur·ices et de lieux dont je parle ne pas être reconnus par le logiciel, je n’ai pas pensé que le soulignement en rouge par le correcteur orthographique attirait vraiment mon attention sur une bévue. L’erreur est corrigée sur la page Web ; pour ce qui est de l’archive sonore, elle conserve la trace de mon entêtement à dire n’importe quoi. Tant pis.

De façon plus intéressante, ma collègue Maud Michaud, de l’université du Mans, m’a indiqué une vidéo passionnante dans laquelle Amaury Levillayer présente son travail d’éditeur et un certain nombre des textes dont nous avons aussi parlé lundi. Cette intervention récente a eu lieu à l’occasion des 35e Carrefours de la Pensée, en mars 2022, au Mans.

 

 

mardi, 22 avril 2025

22042025

J’ai passé presque toute la journée à travailler, une fois encore, sur Our Sister Killjoy, avec deux objectifs en tête : la discussion avec « ma » co-traductrice, imminente ; l’intervention lors du “workshop” NEOLAiA organisé par une collègue chypriote le 9 mai (hélas, ce sera en distanciel).

Toujours me frappe, en lisant, en relisant ce livre, à quel point il n’a pas du tout vieilli, au fond, et combien la façon dont Aidoo articulait son analyse (et la mise en récit) des problématiques post-coloniales reste tout à fait pertinente quarante ans plus tard, sur la masculinité, sur l’universalisme de pacotille, sur les prétextes des afrodescendant·es de la diaspora à ne pas rentrer « chez eux » (mais où est-ce ?).

Il faudrait vraiment avoir le temps de relire ce livre en parallèle de Peaux noires, masques blancs : elle ne le cite jamais, et les allusions possibles ne sont pas absolument évidentes.

Mon exemplaire, acheté en 1995 à Oxford, tombe plus que jamais en lambeaux.

 

lundi, 21 avril 2025

21042025

Quand Donald Trump, qui n’était pas à cette époque-là une figure politique au sens classique du terme, s’est fait le principal relais de la théorie conspirationniste selon laquelle Barack Obama n’était pas né sur le sol états-unien et donc ne pouvait pas être candidat à la présidence, beaucoup ricanèrent, pensant (à juste titre) que la Constitution, les tribunaux et, tout simplement, la vérité suffiraient à contrer ces allégations délirantes et fascistes. Et puis Trump était un guignol, qu’il ne fallait pas prendre au sérieux ; on a vu où ça a conduit, d’abord avec les primaires républicaines en 2016, puis avec l’élection, puis avec le fantasme que « Trump, même président, n’aurait jamais la mainmise sur le Grand Old Party ».

Foutaises et euphémisations qui ont empêché la lutte antifasciste, ou réduit son angle d’attaque. D’ailleurs, il aurait fallu que les vrais démocrates américains se mettent en ordre de bataille antifasciste dès Sarah Palin et son Tea Party : le fascisme était déjà là, il y a vingt ans, et même avant, sans doute.

 

Pendant tout son premier mandat, Trump, ne disposant pas des pleins pouvoirs, a fait tout ce qu’il a pu pour continuer d’avancer les pions de son idéologie fasciste, avec la notion de “post-truth” (post-vérité) pour maître mot. Et désormais, on voit le plein aboutissement de la théorie du complot dite “birther”, qui a marqué l’entrée de Trump en politique : par-delà les révocations de visas, ou l’accord avec le Salvador (qui sont déjà des atteintes aux droits fondamentaux et à la Constitution américaine), des citoyen·nes né·es aux Etats-Unis se voient signifier l’expulsion du territoire.

Et qu’on ne me dise pas que le régime fasciste états-unien sera affaibli par la chute du dollar, l’inflation, l’incapacité de Trump devenu POTUS-47 à tenir ses promesses de campagne sur le plan géopolitique, ou encore par la façon dont l’ingérence autocratique de l’Etat fédéral dans le secteur privé (enseignement supérieur notamment) est en contradiction fondamentale avec la promesse de « défédéraliser ». La leçon de novembre 2024, c’est que même en ayant soutenu un mouvement dissident insurrectionnel, même en ayant menti effrontément sans jamais obtenir de réels résultats pour les classes populaires ou moyennes, même en étant sous le coup de x affaires judiciaires, Trump, à grandes lampées de désinformation et de campagnes publicitaires dignes de Midas (le roi richissime, pas le garagiste), a conquis le vote populaire en devenant majoritaire dans le pays.  C’est le principe même du fanatisme : on adhère à ce que dit le gourou même, et surtout quand il se contredit.

 

Par ailleurs, j’observe que, même lorsque la résistance semble s’organiser — au vu des publications de féministes qui dénoncent les obstacles juridiques montés de toutes pièces pour empêcher le vote des femmes, ou des personnes LGBTQIA qui organisent leur déménagement dans un État “plus sûr” – elle reste fragmentaire, communautaire presque, tout sauf intersectionnelle, disons, et surtout incapable d’articuler la collusion entre pouvoir fasciste et puissance financière capitaliste : par exemple, dans les rassemblements Hands Offlimités pour l’instant au one-shot du 5 avril, ce qui en dit long — peu de pancartes en appelaient au boycott des soutiens financiers de Trump, pour ne rien dire de la réticence généralisée à dénoncer comme fasciste la politique du gouvernement fédéral. D’ailleurs, pour s’en tenir au slogan « hands off » lui-même (la meilleure traduction en serait pas touche), il euphémise et minimise la portée du véritable combat à mener. En d'autres termes, l'individualisme (qu'on le colore du concept clinquant de self-reliance ou pas), le consumérisme et enfin la conviction profonde que le système des checks and balances suffira toujours à contrer un gouvernement fasciste sont ce qui empêche toute forme de résistance : pour organiser la résistance contre le fascisme, il faudrait déjà savoir le nommer.

 

dimanche, 20 avril 2025

20042025

Dès aujourd’hui je dois me remettre à mes chantiers et j’ai plusieurs « bricoles » – qui n’en sont pas tant que cela – à faire avant la fin du mois, dans dix jours donc. Il y a notamment un article et une recension, ainsi qu’une communication à préparer pour le workshop chypriote – en visio, hélas – du 9 mai. Il faut au moins aujourd’hui j’apure les vraies bricoles.

 

Screenshot_20250420-053118_BeReal.jpg

 

Hier, je suis passé à la librairie Les Temps sauvages, où j’ai notamment récupéré le nouveau livre de Marie Ndiaye, qui est entaché de plusieurs grosses coquilles, dont deux au moins ont sans doute été ajoutées par les relecteur·ices. À chaque fois, je me demande s’il ne faudrait pas écrire à l’éditeur pour le signaler, et puis, in fine, flemme, bien sûr. — Discussion intéressante, comme toujours, avec Nicolas, le libraire, même si j’étais pressé et ai dû écourter. J'ai aussi acheté le petit dernier des éditions Anamosa, “On ne peut plus rien dire” de Thomas Hochmann.

En fin d'après-midi, en cuisine, sur l'enceinte Bluetooth, la lecture aléatoire de YouTube m'a balancé, après Chaise longue du duo Wet Leg (un classique inusable et passablement earworm), plusieurs titres que je n'avais jamais écoutés et ne connaissais pas du tout, sans doute par analogie musicale, dont deux morceaux vraiment bien : Dancer des Idles et Heads Will Roll des Yeah Yeah Yeahs. [Maman, si tu lis ces lignes, ce ne sont pas des idées de cadeau en CD.]

 

Hier soir : IO de Jonathan Helpert, petit film post-apocalyptique. — Après, nous sommes « tombés » sur la fin de l’émission présentée par l’omniprésent gendre idéal, l’agaçantissime Cyril Féraud, 100% logique, où je me suis ridiculisé sur une question (au moins) mais ai trouvé la solution de l’énigme finale dans les 30 secondes imparties. Impression, quand même, que mon cerveau ramollit (plusieurs autres indices hier, mais c’était peut-être aussi le retour au banal quotidien).

Ndiaye.PNG

samedi, 19 avril 2025

19042025 (in memoriam Fatima Hassouna)

FH.jpg

Israël a assassiné la photojournaliste Fatima Hassouna ainsi que dix membres de sa famille lors du bombardement de sa maison à Gaza-ville. Fatima était surnommée l'œil de Gaza en référence au travail gigantesque qu'elle a fait pour documenter les dix-huit mois de massacres à Gaza. Le génocide se poursuit, et personne n'agit, au niveau des États, même si Trump réussit à dire, lors d'une conférence de presse avec Netanyahu, que les nazis avaient fait preuve d'humanité avec leurs prisonniers juifs : le négationnisme de la Shoah ne compte pas, du moment qu'Israël peut continuer d'exterminer tout un peuple ; le pire est que ce sont les critiques de ce génocide qui se voient taxer systématiquement (et, en général, abusivement) d'antisémitisme.
 
Voici le testament de Fatima Hassouna (via Fabrice Riceputi) :
 
« Quant à la mort, qui est inévitable, si je meurs, je veux une mort retentissante. Je ne veux pas être une simple brève dans un flash info, ni un chiffre parmi d’autres. Je veux une mort dont le monde entier entendra parler, une empreinte qui restera à jamais, et des images immortelles que ni le temps ni l’espace ne pourront enterrer. »
 

vendredi, 18 avril 2025

18042025 (Theft, d'Abdulrazak Gurnah)

J’ai profité du voyage retour pour finir de lire Theft d’Abdulrazak Gurnah. Il demeure le plus britannique des écrivains africains : ce qui l’intéresse, ce sont des situations complexes qu’il effleure à petites touches. Il parle de masturbation, mais à peine – de masculinité toxique, mais en douceur – du néocolonialisme des ONG, mais en passant – de stratégies environnementales, mais c’est presque un gimmick pour “moderniser” une trame qui est, par ailleurs, celle de ses grands romans des années 1990-2000. Même l’agentivité des jeunes femmes au tournant du siècle reste en permanence à la marge, avec quelques affleurements aussi brusques qu’isolés : « She did not want to seem malleable and obedient, without an opinion or volition, just another mute daughter laid out for deflowering. » (p. 141)

Et pourtant le charme opère, car il en revient toujours à ses thèmes de prédilection, au monde des petits commerçants, à la question des relations entre pères et fils, au silence et aux personnalités taciturnes, à la puberté dans le monde musulman si particulier (et si multiculturel) de Zanzibar.

La structure est intéressante, car la manière dont il introduit brusquement certains personnages, sans que le lien entre les différentes histoires ne soit évident, permet de s’intéresser à chacun de ces parcours de vie de façon presque autonome, comme s’il s’agissait de fragments nouvellistiques, en quelque sorte. (Il faut que je relise Paradise, presque en priorité : le programme d’agrégation externe a été publié il y a une semaine, et ce roman est, sans originalité, au programme de l’option A.)

 

Theft, donc. Et bien sûr, je ne peux pas m’empêcher de penser à la traductrice qui doit déjà à être à l’œuvre : comment va-t-elle tenter de convaincre la maison d’édition française (Denoël, qui n’en a rien à faire de Gurnah et n’en a acheté les droits que par principe, sans envie de le défendre) de choisir un titre qui rende compte de la polysémie du titre anglais ? Il s’agit du vol, des voleurs (avec le « péché » originel du père de Badar), mais aussi de la dissimulation, et peut-être de la confiscation coloniale. Un des personnages les plus ambigus reste Karim, dont on ne sait s’il a « hérité » de l’insouciance, c’est-à-dire au fond de l’égoïsme, de sa mère, ou s’il y a une sorte de résurgence des traumas de la petite enfance, vu que, sans s’en souvenir, il a été le témoin de violences conjugales très marquées.

 

jeudi, 17 avril 2025

17042025

491544245_10230632509850312_1657547165516641030_n.jpg
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Cingal & Fingal.
 
West 27th St., April 16, 2025

mercredi, 16 avril 2025

16042025

J’ignorais qu'un nouveau roman de Gurnah venait de paraître, et donc, en le voyant dans une librairie de Lower Manhattan, ni une ni deux, je l’achète et je commence à le lire.

(C’était hier.)

On sait (ou on prétend) que dans l’édition américaine, il y a normalement des dizaines de relecteurices, des allers-retours, qu’on soupèse chaque virgule, que l’éditeur et les ‘editors’ co-écrivent véritablement le livre.

Soit, granted.

Mais alors, dès la troisième page d’un roman ayant sur sa couverture le nom d'un récent Prix Nobel, on ne devrait pas lire une phrase aussi incohérente que celle-ci : « Raya's father was not blessed with a skill for making money, as his elder brother was, and he was generous with it. »

 

mardi, 15 avril 2025

15052025

Beaucoup de visites et de promenades aujourd'hui, surtout dans Lower Manhattan (et retour de Brooklyn en métro).

 

Le point d'orgue demeure la visite de Ground Zero : ne sachant pas précisément ce qu'était le monument, j'ai été très ému, surtout car nous avons d'abord fait le tour, d'abord quasiment sidérés, du bassin nord (car le bassin sud est en travaux, et donc à sec). Je crois qu'il n'y a pas de façon plus métonymique et plus belle, plus terriblement émouvante, de représenter l'effondrement.

Et dont aucune photographie ne peut rendre compte.

 

Ground Zero

 

lundi, 14 avril 2025

14042025

Aujourd'hui, l'essentiel de la journée a été consacrée à la visite du MoMA.

Nous n'avions pas passé autant de temps dans un musée depuis la Reina Sofia à Madrid en 2011, presque dans une autre vie. À vrai dire, je ne m'en pensais plus capable.

 

Joan Mitchell — Grandes Carrières — MoMA (New York), 14 avril 2025

 

Il suffit de doser, comme dirait O*. Et au bout du compte, nous y sommes restés sept heures.

 

De très nombreuses découvertes, dont l'extraordinaire (et extraordinairement mind-fucking) film de Christian Marclay, The Clock. S'il passe un jour en France, il faudra s'organiser pour aller le voir en entier (24 heures, certes...);

 

dimanche, 13 avril 2025

13042025 (NYC 2)

491628185_10230592618533054_7153510945581736389_n.jpg
 
 
Hier, je vous disais que c'était une ville impossible à photographier, et cela ne cesse de se confirmer : même avec du bon matériel, ce qui n'est pas mon cas, il y aura toujours un pied, un visage, un taxi, un cadrage impossible car tout est trop haut, trop grand. Et puis on ne peut pas faire entendre les klaxons incessants (New York ressemble aux caricatures de Naples, ville où je ne suis jamais allé : les automobilistes klaxonnent sans arrêt et sans raison), les souffleries, les rires, les conversations haut perchées qui parlent toutes de fringues et d'ami-es commun-es qui se comportent mal.
 
Donc aujourd'hui, outre Central Park, Broadway, la Trump Tower, Upper West Side, le Guggenheim et le Lincoln Center, il y avait un hippopotame en tutu.
 

samedi, 12 avril 2025

12042025 (NYC 1)

C'est une ville impossible à photographier, car tout y est déjà cadré dans ce qu'on a vu mille fois.
 
Capture.JPG
 
Quelques heures dans Chelsea, Broadway et Greenwich Village ne peuvent suffire à se former une opinion, qui pis est par temps pluvieux et glacial, mais tout y est un peu sale, un peu bancal, un peu raté. Trump Liar - même au pochoir sur le trottoir, c'est du show business.
 
Post no bills -- et pourtant tout ici est affichage. Donc vous vous paierez encore ma tronche, pour tout potage. More, and more iconic, tomorrow.
 

vendredi, 11 avril 2025

11042025

17 h

La pluie tombe, à verse, ou presque. Ce matin, je lisais Ada Limon, en butinant dans plusieurs recueils. Ce soir, face au jardin de chez N* et P*, je regarde un cardinal mâle et un Pic (dont l’espèce précise m’échappe toujours). L’eau s’écoule vivement, dans le ruisseau qui sépare la terrasse du jardin avec la table d’écriture jaune.

(C’est sur ce que P* nomme « le pont créatif » que N* nous a pris en photo il y a trois jours.)

On est tout près de New York, et aujourd’hui nous avons sillonné ces campagnes assez monotones, faiblement peuplées : un hangar imprécis révèle trois hommes souriants en train de mettre du vin rouge en bouteilles ; un fond de ferme s’avère être le lieu où près de dix artistes se sont partagés des studios (nous avons longuement discuté avec le photographe Richard Speedy de ses œuvres) ; à Lambertville, aussi, nous avons discuté avec un couple d’artistes, le peintre Siriom Singh étant le plus intéressant – mais sans jamais pouvoir me départir, en sillonnant ces routes, en traversant ces champs, de l’idée (et de l’image – forte) que c’était là le territoire des Lenape, qui ont été repoussés, éjectés, exterminés finalement, et aussi qu’y travaillaient des milliers d’esclaves noirs jusqu’à ce que les Blancs que l’on a ensuite fait passer pour des philanthropes ne prennent la frousse en imaginant que cette vaste communauté ne puisse se retourner contre ses maîtres et décident de les émigrer massivement vers les Etats du Sud.

C’est une trop longue phrase, mais c’est une trop lourde histoire, aussi. Le Delaware, très large, on l’a aperçu du pont, avant d’aborder quelques minutes en Pennsylvanie.

Les geais bleus criaillent joliment.

Dans cette contrée, même la monotonie est contrastée.

jeudi, 10 avril 2025

10042025

Trop travaillé, et écrit tout ce qui comptait pour moi, aujourd’hui, dans le fichier « Chantier CRCT » et, à la main, dans le carnet brun.

Je fais une pause.

 

Capture.JPG

19:12 Publié dans 2025, WAW | Lien permanent | Commentaires (1)

mercredi, 09 avril 2025

09042025

54442021340_dc32485b9e_o.jpg

 

Hier, c’était l’anniversaire de Nnedi Okorafor et donc le premier anniversaire de ma conférence sur Lagoon à Durban, vu que j’avais commencé celle-ci, facétieusement, en signalant cette concomitance.

 

Hier, surtout, j’ai travaillé avec P*, puis avec ses manuscrits, ou plutôt dans l’armoire aux manuscrits, avant de rediscuter encore. Il s’avère qu’outre les riches documents et variantes qui vont nourrir mon travail sur l’autotraduction et la réécriture dans un contexte plurilingue (avec la triade français-anglais-allemand en ligne de mire ou en toile de fond), il y avait quelques inédits, de jeunesse surtout, et non des moindres.

 

Aujourd’hui, comme P* enseigne et n’est pas là de la journée, nous nous sommes promenés dans Princeton, par un froid glacial et sous un grand soleil. J’ai tout de même pu scanner encore quelques documents et prendre quelques notes. Il faudrait que je fasse un tableau de correspondance des chapitres de la 3e partie de MP-VO1, dans les différents tapuscrits, et de MP-VO2, histoire de pouvoir en discuter avec lui. Pas trop la force ce soir.

 

mardi, 08 avril 2025

08042025

5 h 25, heure locale

Bien arrivés, hier, à Princeton, après un vol sans encombre et un contrôle de douane et d’immigration sans accident. Les trains aux Etats-Unis sont plus délabrés encore qu’on ne le raconte, mais avec une ambiance très chaleureuse, un contrôleur qu’on croirait sorti d’un film de Ken Loach (ou de Jarmusch si Jarmusch était moins misanthrope). La maison de P* et N* est splendide ; nous avons notre propre studio, avec salle de bains privative et vue sur le jardin, dans lequel nous avons déjà vu passer, le temps de nous installer, deux chevreuils et un écureuil. P* est rentré assez tard du travail (il a 2 h 45 de bagnole, dont le contournement de New York) ; N* est très cordiale, et leur fille, qui a seize ans et apprend le français depuis trois ans, aussi.

Aujourd’hui, on va un peu se mettre au travail, lui et moi. À suivre…

 

lundi, 07 avril 2025

07042025

Dans l’avion, j’ai lu les 3e et 4e parties de Dream Count. Toute la partie centrale, donc, celle autour de Kadiatou, personnage très largement – mais précisément, aussi – inspiré de Nafissatou Diallo, est bien meilleure : dès qu’Adichie parle de vrais sujets, et notamment de la structure sociale et des relations familiales en Afrique, son récit devient plus intéressant que lorsqu'elle se contente de raconter d’interminables histoires d’afrodescendantes pétées de tunes qui s’inquiètent de voir arriver la ménopause sans avoir trouvé Mr. Right.

Dimanche soir, j’ai écrit le paragraphe qui suit sur Facebook, et il me faudrait réviser un peu mon jugement :

I have finished reading the first part of Adichie's new novel. It's tepid, boring. And it raises so many questions. Such as, how is it possible for someone to write such splendid novels at the age of 26 or 29, and such narcissistic teenage balderdash when getting near 50? Such as, is it fame, or literary agents or the U.S. or laziness which can explain this?

 

Il n’en demeure pas moins que, quand bien même le roman deviendrait excellent à partir de la page 180 (ou 210, je ne sais pas, je lis sur liseuse – en tout cas, après 40% de lecture), qui, à part un-e universitaire consciencieuxse, a le temps de s’envoyer les 200 premières pages, qui sont sans intérêt, et écrites platement, mécaniquement ?

 

dimanche, 06 avril 2025

06042025

En voyage, je vais emporter seulement mon exemplaire – dont les pages s’envolent – de Our Sister Killjoy, et la liseuse, dans laquelle m’attend notamment le nouveau roman d’Adichie, mais aussi plusieurs livres en attente (d’Okparanta en particulier). J’espère que le travail sur l’Urtext anglais de Mont-Plaisant (et peut-être des suivants ?) ne sera pas un pétard mouillé, et aussi que ce séjour va bien se passer, globalement. Lors de ma troisième lecture, crayon en main, en octobre, j’avais noté pas mal de choses à vérifier. S’il s’avère que le matériau est de qualité, j’essaierai peut-être d’écrire un premier article, sous contrainte de délai, pour la revue Éthiopiques, avant d’approfondir.

Pour Amma Darko, je finis par me dire – vu que je n’arriverai jamais à entrer en contact avec elle, ni à mettre la main sur les deux foutus manuscrits – que je devrais écrire un livre racontant cette recherche infructueuse, puis un certain nombre de chapitres, tant pour une comparaison des textes anglais, allemand et français de Beyond…, que pour une étude du texte allemand de Cobwebs et de Stray Heart.

 

11:06 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 05 avril 2025

05042025

Beaucoup de bricoles de quasi dernière minute à faire avant notre départ pour les Etats-Unis, outre trois lessives.

Je vais boucler la traduction anglaise du chapitre 4 de l’ouvrage de mon collègue Florent Kohler, Les sociétés animales : l’idée est que l’éditeur français et lui disposent d’un chapitre en anglais afin de pouvoir « prospecter » parmi les maisons d’édition américaines. Je l’ai entendu lundi sur Radio Campus et ce matin, en différé, sur France Culture.

Ce travail m’a un peu retardé dans deux ou trois autres « bricoles » que j’aurais dû accomplir autour de mes chantiers personnels, mais qu’importe. En lisant son livre, je me suis mis, de surcroît, à commencer la lecture de Gorillas in the Mist (jamais lu, honte à moi – lien téléchargeable jusqu’au 20 avril).

 

08:34 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 04 avril 2025

04042025

Matinée : traduction.

Après-midi : jolie promenade à longer la Loire du pont Napoléon en remontant jusqu’à Saint-Pierre des Corps, puis bière en terrasse, par la première vraie journée de chaleur. — Dans trois jours nous serons à Princeton, où les maximales prévues tournent autour de 7° ressenties 4°. Les gros pulls sont dans la valise.

Fin d’après-midi : lecture & visionnage de la première moitié du documentaire Bande-son pour un coup d’État.

 

19:44 Publié dans 2025 | Lien permanent | Commentaires (0)

jeudi, 03 avril 2025

03042025 (un sonnet plurihomophonique de 1827)

Ce matin, j’ai repartagé sur Facebook un sonnet anonyme de 1827, publié dans un numéro du magazine anglais The Mirror of Literature, Amusement and Instruction (accessible grâce au projet Gutenberg, dont on ne dira jamais assez de bien). J’ai eu l’imprudence d’écrire ceci en commentaire dans une discussion avec une collègue angliciste et anglaise que j’aime beaucoup, et qui publie sous le pseudonyme de Lily Margaux : « même moi qui n'aime pas valider l'idée d'intraduisible, j'avoue qu'il faudrait que je le traduise pour démontrer que c'est traduisible ».

fruit-pie.PNG

 

Suite à d’autres encouragements (en particulier de l’éminente sonneteeress Françoise Guichard), je me suis donc mis à l’ouvrage et ai pondu, péniblement, en une grosse demi-heure je dirais, la « traduction » ci-après.

Qu’assis face aux cassis leur parfum ne vous tente !

Ce sont les mûres qui dans ce tombeau m’emmurent ;

Des poires sans espoir j’ai subi la torture ;

La prune d’ente m’a fourgué l’Enfer de Dante.

 

Pas un chut pour ma chute, au mépris de ce prix

Que je paie sans mot dire. Pourtant, ne pas maudire

Cette leçon : le son de la brosse à reluire

S’éteint vite, au satin. Si elle mord, remords !

 

Gravez sur mon tombeau quelque grave sentence

Qui tombe sur ma tombe, honnête, nette et courte —

D’un vers simple mais dense offrant comme une danse

Une prière toute à la proie de la tourte :

Sans morgue j’aurai fait fructifier la morgue,

Livré aux vers. Ces vers, au son du glas, sont l’orgue.

 

Je ne vais pas jouer les faux modestes : il y a des trouvailles dont je suis très content dans cette traduction, surtout le premier quatrain et le vers 12 (à cause duquel je me suis retrouvé embarqué avec la rime en -ourte, et dans l’obligation de traduire la tarte du titre, fruit-pie, par “tourte”…). Par contre, les vers 7-8 et le dernier vers sont vraiment d’un accès difficile, d’un sens difficile ou peut-être mallarméen (?). Peu importe. L’idée de cet essai de traduction était vraiment de montrer qu’on peut toujours traduire. Et après, on peut critiquer les traductions. Ainsi, les traductions ne sont jamais impossibles, même avec un poème qui présente, dans chaque vers, une et même souvent deux paires homophoniques formant jeu de mots, et même quand ce poème est par ailleurs versifié et contraint d’un point de vue métrique.

 

mercredi, 02 avril 2025

02042025 (le “courage” d'Adichie)

En train d’écouter une interview de Chimamanda Ngozi Adichie diffusée sur France culture le 27 mars (et dans laquelle, au passage, l’interprète Marguerite Capelle, est citée, mais pas la traductrice du livre, dont de larges extraits sont lus, Blandine Longre donc). Or, fin mars 2025, Adichie réussit à arrouméguer, encore et encore, contre la gauche progressiste et les universités américaines, qui sont, selon elle, les instances qui empêchent le débat. Fin mars 2025. C’est hallucinant, ou ça le serait si on perdait de vue qu’Adichie est totalement déconnectée de toute théorisation, de toute réflexion intellectuelle. Nganang résumait hier comme suit un long billet sur Facebook : « Il est temps pour Chimamanda de se trouver un poste dans une université, et d'y enseigner, mais aussi de se promener de temps en temps à Baltimore où elle habite (et où j'ai habité aussi), car elle rapetisse à l’œil nu. » Ce qui frappe aussi, dans un tel cas, c'est que la journaliste semble incapable de faire 1 + 1 = 2 et de lui poser la question toute bête :  l'empêchement du débat, aux Etats-Unis en 2025, est-il uniquement/vraiment imputable aux universitaires de gauche ? Je n'appelle pas ça du journalisme, mais du larbinisme.

 

Hier, j’ai aussi écouté une longue émission animée par Christiana Mbakwe Medina et Trevor Noah. Dans le passage, autour de 55’-58’, où elle tourne autour du pot pendant des plombes et où  Christiana Mbakwe Medina et Trevor Noah n'osent pas lui poser clairement la question de la transphobie, elle finit par faire comprendre qu’elle considère comme totalement hors-jeu les gens qui nient toute humanité aux Noirs ou qui considèrent que les femmes sont inférieures en soi, mais elle considère qu'on peut discuter avec les personnes qui argumentent que les femmes trans sont et seront toujours des hommes, parce que cette négation identitaire est très secondaire à ses yeux. Ce qui est absolument manifeste, c'est son incapacité à conceptualiser, et cela confirme qu'elle a arrêté de lire de vrais travaux intellectuels, et donc de réfléchir. De façon tout à fait ironique, elle se vante d’être absente des réseaux sociaux, alors que c’est cette absence même qui l’a privée et la prive d’accès aux ressources intellectuelles les plus dynamiques, et qui la cantonne dans les propos de bistrot.

adichie.PNGDans l’accroche de l’émission de France culture, la radio a conservé, de façon réductrice, la phrase selon laquelle la théorie féministe n’est pas primordiale, mais il faut dire qu’une vraie réflexion féministe semble faire défaut. Ainsi, dans le podcast What Now! du 20 mars 2025, à 1’14’’00, elle dit: « I have relatives who still think that women should not be working outside the home, and then there's me, and we still happen to get along ». Ce qui lui échappe totalement, c'est la question de la structure. Elle isole des situations individuelles sans regarder le contexte. Ici, il va de soi que les hommes de sa famille dont elle parle sont économiquement cent fois moins puissants. La relation de pouvoir n'est pas entre elle en tant que femme perçue comme ne devant pas travailler et les hommes de sa famille, mais entre elle qui fait partie de la diaspora et qui est multimillionnaire et la totalité de ces hommes qui dépendent probablement d'elle financièrement et qui doivent mettre leurs discours misogynes ou hétéropatriarcaux en sourdine.

 

Enfin, et ce n'est pas rien, j'en reviens à ma première remarque : comment peut-elle se dire féministe tout en critiquant le travail des universitaires de gauche (et donc, pour beaucoup, des travaux féministes) sans dire un mot des politiques interdisant l'avortement aux États-Unis ou obligeant les femmes à ne pas avoir les cheveux courts ? Elle est persuadée d'avoir du courage en attaquant la théorie post-coloniale (cf fin de l'émission sur France culture) alors que le courage, féministe ou pas, est de s'opposer aux véritables forces d'oppression.

 

mardi, 01 avril 2025

01042025

Aucune énergie en ce moment. J’ai quand même fini de reprendre, poussivement, l’article tiré de ma communication de mai dernier, à Nanterre, sur les deux traductions de From a Crooked Rib. Outre que la limite maximale du nombre de signes est inopérante pour moi (il y a, par nécessité, de très longues citations qui font « exploser » le plafond), le processus éditorial est interminable.

Je ne sais plus si je l’ai noté ici, mais j’ai renoué contact avec Nuruddin Farah il y a une semaine.