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samedi, 28 mars 2020

*2803*

Aujourd'hui, à part une visioconférence et quelques mails, je n'ai pas travaillé. Première journée de quasi-pause en 2 semaines : tout le monde ne peut pas travailler dans le privé et avoir fini à 13 h en ne faisant rien le week-end.

La bassesse et la vilenie des manipulations gouvernementales sont plus criantes que jamais, par contraste avec la tragédie.

 

18:59 Publié dans *2020* | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 27 mars 2020

Résilience et demande de conseils de lectures

Viens d'écouter le discours lèche-pompes et faux-derche de notre inénarrable ministre.

 

J'ai une question pour les personnes qui s'y connaissent vraiment.

En effet, je n'ai aucune connaissance réelle au sujet du concept de résilience, et à chaque fois que j'entends employer ce concept j'ai l'impression d'une manipulation rhétorique de première ampleur. J'ai l'impression que, quand quelqu'un (en particulier un responsable politique de droite) évoque ce concept, c'est pour nous dire : ça fait des années qu'on a tout bousillé, qu'on a sacrifié l'éducation et la santé, qu'on ne fait pas ce qu'il faut pour la transition énergétique, qu'on a tout vendu au profit des actionnaires au lieu d'investir dans l'avenir du pays, mais bon voilà, les pauvres vont se bouger le train et assurer face à la crise, et les fonctionnaires vont encore faire plein d'heures bénévolement afin que ça ne soit pas trop le merdier.

 

Quand c'est Blanquer qui parle, je suis à peu près sûr de mon analyse. En revanche, j'aimerais savoir si :

a) le concept de résilience est lui-même porteur de cette dépolitisation de façade

b) à rebours du a) il s'agit là d'un dévoiement du concept

c) quels articles ou livres vous me conseilleriez pour m'informer mieux sur ce concept et ses éventuelles dé/constructions

 

J'ai dit plus haut que je voulais de vrais conseils de lecture, pas des trucs pétés du genre entretien avec Cyrulnik dans le Nouvel Obs ou mème trop rigolo d'un pote à Yann Barthès.

Des perruches souris aux mouettes de Franklin

Hier après-midi j'ai fait une petite sieste, et ça m'a complètement foutu en l'air : nuque raide, douleurs vagues jusqu'au coucher. Et là, réveillé très tôt avec la migraine, fini par prendre un doliprane. Sieste réparatrice, my foot.

 

J'ai lancé un nouveau projet vidéo, Miettes & bribes, a priori pour mes étudiant·es d'échange, mais le public-cible n'a pas encore réagi ; j'aimerais bien, pourtant, que ce soit ces étudiant·es-là qui me proposent le thème des futures vidéos. — Pour le projet Scarlatti, il faut que j'écrive 34 textes d'ici le 31 mars (5 jours donc), mais cela seulement si je veux rester dans le cadre du nouvel objectif : boucler le livre fin juin. (L'objectif de départ était d'écrire ce livre en 12 mois, donc de le boucler fin 2020.)

 

Film hier soir : Le Magnifique, que je voyais pour la quatrième fois (mais  on alterne les films qu'on n'a jamais vus avec des “classiques” pour O*). Pourtant, c'était A* qui se rappelait le gag de la femme de ménage qui passe l'aspirateur sur la plage. Il ne se rappelait pas du tout, par contre, toute l'intrigue autour de la doctorante et de l'éditeur : il a raison, c'est le point faible du film. Envie d'extraire, pour en faire un GIF, les 3 ou 4 secondes de la scène au Jardin des Plantes où Merlin (Belmondo) dit à Christine (Bisset) : “mais tout le monde s'en fout, de votre thèse !”. Gifle incluse, évidemment. Mais je n'ai pas 30 minutes à perdre pour ça, je pense.

François Merlin est un “écrivain en bâtiment” comme le disait naguère voire jadis Didier Goux de ses propres ouvrages. Je me demande si D.G. a fait la liste exhaustive de tous les livres qu'il a écrits sous le pseudonyme (collectif, crois-je me rappeler) de Michel Brice. Toutes les scènes où Merlin est assis face à sa machine à écrire étaient ce que j'avais préféré quand j'ai vu ce film pour la première fois (et ça s'est encore ressenti dans l'écriture de mon quadrilatère d'hier soir).

 

Commencé à lire hier le texte d'un ami d'A* qui raconte son séjour en Amérique du Sud avec force photos animalières magnifiques. Cela aussi s'est retrouvé dans le quadrilatère 241-244, écrit exceptionnellement avant le coucher.

 

À faire ce vendredi, outre le cours de L3 à distance, et deux appels téléphoniques pour le travail : la n° 59 de je range mon bureau. Déjà huit jours depuis la 58, et je voulais les enchaîner. Les semaines passent à une vitesse...

 

Bon, ce fut un billet très égocentrique. C'est un peu le principe du journal, mais enfin...

 

jeudi, 26 mars 2020

Des orfraies aux fraises

Suite à mon billet d'avant-hier, aucune réaction de la principale intéressée, et c'est bien normal (elle est accaparée, comme nous tou·tes, par la fameuse “continuité pédagogique”). Par contre, Didier Goux m'a signalé un beau passage de Chateaubriand, ce qui est l'occasion d'archiver ici cet extrait de l'avant-propos du traducteur de l'édition anglaise de 1902 des Mémoires d'Outre-Tombe, Alexander Texeira de Mattos.

Mattos.JPG

Je le fais sous forme de capture d'écran, car je me suis souvent rendu compte, après une dizaine d'années à bloguer, que les liens hypertexte avaient tendance à ne plus être valides. J'indique toutefois le lien vers la traduction anglaise du tome 1 (et vers l'original aussi sur le Projet Gutenberg). Cela devrait intéresser Claire Placial, qui a publié hier, elle aussi, des vidéos de cours. Ça fait drôlement plaisir, même si c'est dans le contexte tragique actuel. Je mets exprès le lien vers la 2e partie de son cours sur les métamorphoses chez Ovide et dans Harry Potter, car elle a été moins vue que la 1ère (mais cent fois plus que n'importe laquelle de mes élucubrations (tiens, ça va donner raison à VS qui pense que mon angoisse principale est le manque de reconnaissance, cf infra)).

 

J'évoque VS ? Ah, d'une menteuse l'autre. Hier après-midi, lors de la conférence de presse consécutive au conseil des ministres, la menteuse et manipulatrice Sibeth Ndiaye, vraiment une des pires de cette majorité de faquins, a calmement insulté les 800.000 professeur·es de France, en disant qu'en ce moment “ils ne travaillent pas”.

Here is for the record as well :

ndiaye1.JPG


ndiaye2.JPG

 

 

 

 

Tout cela est démoralisant. Impression de bosser plus que jamais, pour se faire cracher à la figure. Difficile de garder le cap. Heureusement, les garçons ont l'air de très bien supporter le confinement. Hier soir, O* a dit qu'il avait beaucoup aimé Rome, ville ouverte, dont je ne me rappelais pas, pourtant, que ce fût aussi bavard par moments. Toute la scène dans les bureaux de la Gestapo est vraiment étrange, jusqu'aux femmes qui entrent et sortent comme dans un moulin de la salle de torture. Très beau film néanmoins. — Dans un tout autre genre je viens de recommander à un étudiant de L3 d'essayer de voir en entier l'excellente adaptation cinématographique de Twelfth Night avec Imogen Stubbs.

 

vehesse22mars.JPGÀ noter : Valérie Scigala, désormais, ne trouve pas d'autre moyen de m'insulter que de dire que je suis chauve... Cela montre à quel point de bassesse elle est descendue. Faut dire qu'elle qui ne cesse de dire depuis trois ans que les fonctionnaires ne comprennent rien au vrai monde du travail et que la politique gouvernementale est parfaite avoue ces jours-ci  tout benoîtement qu'il y a des jours entiers de télétravail où elle... ne travaille pas...

 

mercredi, 25 mars 2020

*2503*

Hier, ma grand-mère maternelle a fêté, seule bien entendu (et hélas), ses 93 ans.

 

Depuis hier, des échanges assez soutenus ont commencé entre collègues anglicistes de Tours, au sujet de l'évaluation du second semestre. Je ne suis pas en mesure de révéler des discussions confidentielles sur des propositions encore officieuses, mais en tout cas ce qui est certain, c'est qu'une fois encore (et plus que jamais, car la gravité sans précédent de la crise fait encore ressortir la futilité des préoccupations) les universitaires montrent, pour beaucoup, leur incapacité à aller au plus simple. Je ne sais si c'est une forme de crispation sur des choses qui paraissent essentielles à mes collègues, en mode byzantin, ou si, plus généralement, cette majorité d'enseignants-chercheurs en sciences humaines trouvent insultante la simplicité... En tout cas, même après 25 ans de métier, ça ne laisse pas de me fasciner, et de m'exaspérer.

Film du jour (hier) : Rencontres du troisième type. — Vu une seule fois, il y a trente ans, and counting... J'avais, comme souvent dans de pareils cas, un souvenir très vif de plusieurs passages, mais totalement oublié d'autres moments pourtant primordiaux. Souvenir d'un film qui traîne en longueur, et je n'ai pas varié sur ce point. Je m'en souvenais si bien que je me rappelle très distinctement qu'il y avait, outre celle qui dessine Devils Tower et celui qui la sculpte, un personnage qui avait décrit le site dans les moindres détails. Chacun sa forme artistique, en quelque sorte. Or, dans la version regardée hier, pas trace de ça. Ai-je pu imaginer cela de toutes pièces ? c'est étrange. Il doit y avoir plusieurs versions du film, et celle que nous avons regardée doit être une version courte (omg!).

 

Hier sont morts Manu Dibango, des suites du Covid19, et Uderzo, de vieillesse.

mardi, 24 mars 2020

Des cris d'orfraie sur le tombeau d'un ami

Suite au visionnage de la dernière vidéo d'Azélie Fayolle (qui m'a donné envie de relire enfin Stendhal (mais est-ce que cela adviendra ?)), je signale tout d'abord qu'à ce stade je n'ai pas retrouvé la trace de la citation attribuée à Sterne par Stendhal dans les deux textes principaux de Sterne lui-même, ni dans des sources secondaires. L'enquête a duré dix minutes, autant dire que je n'ai pas forcé.

La question reste posée : où, dans Sterne, pourrait-on trouver une formule telle que Stendhal la traduise par « Le tombeau d'un ami » ? Il y a deux passages dans Tristram Shandy qui peuvent suggérer cela, mais pas texto. Sans doute est-ce, comme le dit Azélie, une épigraphe fausse...

J'en profite, au détour de mon enquête, pour vous donner à étudier le début du chapitre XXXVII de la Seconde Partie, en français et dans deux traductions.

R&N 1.JPG

 

R&N 2.JPG

Horace B. Samuel (1916)

 

R&N 3.JPG

C.K. Scott-Moncrieff (1922)

 

Je ne commenterai ici que la traduction d'orfraie, ce mot que l'on n'emploie plus guère en français que dans l'expression pousser des cris d'orfraie (et encore...). Le terme d'orfraie n'est plus utilisé par les ornithologues depuis fort longtemps, et la principale référence en ce sens est Buffon, qui l'a utilisé pour décrire le pygargue. D'autres auteurs ont utilisé ce mot comme une sorte de mot fourre-tout plus ou moins synonyme d'aigle, et parfois pour parler du Balbuzard pêcheur (comme chez Michelet dans le tome 1 de son Histoire romaine).

Le TLFi, toujours précieux, précise qu'il s'agit bien d'un « oiseau de proie diurne » mais que le nom est très souvent employé pour désigner une chouette, par confusion avec effraie. Ainsi d'ailleurs dans l'expression pousser des cris d'orfraie.

Les deux traducteurs de Stendhal ont choisi d'identifier l'orfraie du donjon comme un balbuzard (osprey). Pourtant, voici ce qu'on lit quelques paragraphes plus haut : « Ses remords l'occupaient beaucoup et lui présentaient souvent l'image de Mme de Rênal, surtout pendant le silence des nuits troublé seulement, dans ce donjon élevé, par le chant de l'orfraie! » (II, xxxvi). Cela démontre qu'il s'agit bien d'un rapace nocturne, et donc, de toute évidence, d'une confusion avec l'effraie. Les deux traducteurs ont d'ailleurs traduit cette première occurrence par osprey, en bonne logique “interne” ou intra-textuelle.

Toutefois, si, pour un lecteur français, le terme vague autorise la compréhension par une confusion semblable à celle de l'auteur (le lecteur français lit orfraie mais peut tout à fait imaginer une chouette), les anglophones, globalement plus versés que les Français en ornithologie, n'y comprendront rien. Un certain nombre d'entre eux, en tout cas, tiqueront passablement en lisant ceci : “the silence of the night, which in this high turret was only disturbed by the song of the osprey” (Samuel, 1916).

Il faut donc, en ayant raison contre la littéralité stendhalienne, traduire orfraie par owl.

 

lundi, 23 mars 2020

*2303*

Aujourd'hui, levé à 6 h 38 : l'heure à laquelle sonne le réveil chaque lundi.

 

Il fait grand soleil, c'est déjà ça.

 

Allé faire des courses de frais (fruits et légumes, fromages, viande) à l'Arrivage : contraste saisissant entre la plupart des employé-es et caissiers d'une part (impression d'être dans une centrale nucléaire) et les bouchers sifflotant mains nues au-dessus de la viande. Dois-je préciser que je n'ai rien pris au rayon boucherie ?

 

Très peu de voitures, et les gens que j'ai vus à l'Arrivage prennent tou-tes beaucoup de précautions. Donc le problème n'est plus, à quelques abruti-es près, le confinement plus ou moins total, mais bel et bien l'impréparation structurelle : la France, contrairement à beaucoup d'autres pays, a refusé de faire des tests de dépistage à grande échelle ; la France n'a aucun stock stratégique de masques, ce qui met en grave danger l'ensemble du personnel soignant ; la France a sacrifié ses services publics, dont l'hôpital, au profit des investisseurs privés et des grands pontes du CAC40 ; avec leurs ordonnances, leurs décrets, leurs mensonges, leur arrogance, leurs LBD et leurs gaz lacrymo pour tout dialogue social, Macron et sa clique sont l'aboutissement de cette impéritie criminelle.

 

Echangé des mails hier avec notre ami A°, confiné à Caen, et discuté au téléphone avec C°, confiné à Vincennes. Tous les gens raisonnables espèrent que cette grave crise soit, plus qu'une prise de conscience qui a quand même commencé à avoir lieu, un déclencheur de véritables politiques entièrement centrées autour de la lutte contre le réchauffement climatique et les inégalités sociales. À voir la précipitation de ces salopards de macronistes à bousiller les acquis sociaux en profitant de la panade dont ils sont largement co-responsables, et à voir les chouineries de celles et ceux qui se plaignent de ne pas pouvoir aller faire du shopping ou de voir menacée leur connexion H24 à Netflix, j'en doute.

 

Hier aussi : promené autour de la maison. Des tours de jardin par dizaines, avec variations, cent pas sur la marelle, etc.

 

Hier soir : Délits flagrants de Depardon. Troisième fois que je le vois, mais première pour O*. La première fois, je m'en rappelle comme si c'était hier, c'était avec mon ami Frédéric G. à Paris, au cinéma. [En fait, je dis que c'était comme si c'était hier, mais je crois que je confonds aussi avec la fois où nous sommes allés au cinéma voir Amateur de Hal Hartley en emportant dans nos bagages le mathématicien et altiste Patrick L., devenu depuis compositeur.]

Plus marqué que jamais par le fait que, des trois substituts du procureur, c'est la femme, Michèle Bernard-Requin à ce que m'apprend le Web, qui est dix fois plus "pro" que les deux hommes, efficaces sans doute mais toujours un peu approximatifs, sardoniques à l'endroit du prévenu... Je vois qu'elle est l'autrice de deux livres, mais aussi qu'elle est morte tout récemment, emportée par un cancer.

 

dimanche, 22 mars 2020

L'essentiel & le futile

(Vers 10 h)

 

Curieusement, la page d'accueil de Touraine sereine s'affichait convenablement à l'instant  mais il était impossible de faire apparaître les billets de façon autonome, donc en visualisant les commentaires : “Server too busy. Please try again later.” Même si cela doit affecter les plateformes de blogs, les réseaux sociaux etc. je ne retire pas un mot de ce que j'ai écrit il ya quelques jours en réponse, et même en riposte, à une internaute qui se scandalisait de l'hypothèse que Netflix puisse réduire sa bande passante : les ENT des établissements d'enseignement, les sites des services sanitaires et des institutions de l'Etat sont plus importants que le binge-watching de millions de personnes qui sont devenues totalement dépendantes du streaming ou de l'activité physique conditionnée (je veux dire : en club ou en salle de gym) et qui n'ont aucune autre ressource personnelle que le loisir généralisé.

 

(Sur ce point, je m'attendais à voir fleurir les références au divertissement pascalien, mais il faut croire que ce n'est pas le pont-aux-ânes que j'imaginais.)

 

Je trouve très curieuse aussi la multiplication des liens vers des sites de livres numériques gratuits etc. Bien entendu, je suis le premier à farfouiller x fois par jour dans le Projet Gutenberg et tant d'autres, mais si le Web coupe pendant x jours, j'ai de quoi m'occuper sur mes rayonnages. Peut-être que je vais faire une vidéo autour de mon placard de "livres à lire" d'ailleurs, d'autant que cette pile est loin d'être limitée.

 

Que les choses soient claires : je ne me prétends modèle de rien du tout. Juste, il faut définir les priorités et être conscient de ce qui est un luxe. Les acquis sociaux que le gouvernement a hâte de bousiller, profitant pour ce faire avec l'énergie des charognards de la crise du Covid19, ne sont pas un luxe. Mater Netflix ou tenir un blog, c'est un luxe.

 

Pour que ce billet échappe à son côté superficiel et nombriliste, je copie-colle un billet lu ce matin, qui date d'avant-hier et qui est d'une certaine Élise Cordier :

 

Ce matin, en me réveillant, je pleure. En déjeunant, je pleure. En me préparant, je pleure. En conduisant jusqu'à mon travail, je pleure. Là, dans les vestiaires de l'hôpital, je sèche mes larmes.

J'inspire. J'expire.

Les gens dans les lits pleurent aussi, et c'est à moi qu'il incombe de sécher leurs larmes. De leur faire une petite blague, de leur dire un petit mot, histoire de les faire sourire un peu. Oublier une seconde qu'ils sont là, coupés du monde, une épée de Damoclès au dessus de la tête. Tout ceux qu'ils voient sont habillés intégralement, masqués, protégés, c'est anxiogène. Ils se sentent seuls, abandonnés.

Alors j'inspire, j'expire.

Je reviens dans la chambre pour la troisième fois, et tant pis si on me dispute pour le gâchis de blouse, parce que leur code wifi ne marche pas et que c'est leur seul moyen d'être en contact avec leurs proches : les visites sont interdites, le réseau téléphonique ne passe que très mal dans la chambre. Ils pleurent, parce que tout le monde s'inquiète et que du coup, ils s'inquiètent aussi, mais veulent avant tout rassurer.

Alors j'inspire, j'expire.

Et je rassure aussi, même si juste avant le médecin m'a dit que ça puait et qu'il allait probablement finir la soirée en réa, un tuyau au fond de la gorge. Je parle du temps qu'il fait, comme un pied de nez de l'univers en période de confinement, mais je ne parle pas de tous ces gens dehors qui ne respectent pas ces nouvelles règles.

A quoi bon dire à ce patient, médecin généraliste, qu'on croise des gens dans la rue, masque FFP2 inutile et incorrectement mis sur le nez, alors qu'un tel dispositif lui aurait évité à lui de se retrouver dans un lit d'hôpital.

A quoi bon dire à ce patient que, pendant qu'il est là à attendre de savoir ce que le destin lui réserve, tout le monde dehors lui crache à la gueule.

Pendant qu'il est là à progressivement mais rapidement passer des lunettes à oxygène au masque à haute concentration à la machine de VNI jusqu'à devoir aller en réa se faire intuber, à condition qu'il y reste de la place, les gens débattent de la distance autorisée pour faire leur jogging et de si ils peuvent promener leur chien à deux.

Alors j'inspire, j'expire.

Je gère les sorties, de bonnes ou de mauvaises augures, les entrées. Le flux interminable de patients, en plus ou moins bon état. Je marche, je cours, je vole, ma charlotte me fait mal au front, mon masque me fait mal au nez et me donne la tête qui tourne, l'élastique
de mon masque, couplé à mes deux paires de lunettes, me fait mal aux oreilles, mes mains me font mal à force de les laver.

Mais je prends des tensions, je scope, je prends des températures, des saturations, je perfuse, je fais des prises de sang, des dépistages, je réfléchis, surtout.

Je réfléchis à comment regrouper mes soins pour éviter le gâchis de matériel d'habillage, je réfléchis à comment donner des nouvelles aux familles qui appellent sans trop inquiéter mais sans non plus minimiser, on ne sait jamais, je réfléchis à combien de temps je vais pouvoir tenir à ce rythme.

Je réfléchis au fait qu'on n'est pas encore arrivés au pic de l'épidémie, par ici.

Je réfléchis à ce moment inévitable où il n'y aura plus rien pour s'habiller et se protéger correctement, je réfléchis à ce moment inévitable où il n'y aura plus de place en réa et où il faudra dire à ce patient, à sa famille, qu'on ne peut plus rien faire pour lui si ce n'est espérer, et le soulager.

Alors j'inspire, j'expire.

Ma journée de travail se termine et je passe le relais à un collègue.

Je me change. Je prends ma voiture. Je rentre chez moi. Je n'allume pas la télé, qui ressasse en boucle le nombre de nouveaux décès. J'essaie de rester loin des réseaux sociaux, qui ressassent en boucle les débats futiles des gens face à leur confinement. Je lis les messages de mes proches, qui me donnent du courage, et je rassure, encore. Je lis les initiatives telles que les applaudissements collectifs à 20 h et je pense "au lieu de m'applaudir, j'espère que vous êtes plutôt resté chez vous aujourd'hui, comme il vous l'a été demandé". Au lieu de nous applaudir, j'espère que vous n'oublierez pas et que vous arrêterez de nous cracher à la gueule.

Alors j'inspire, j'expire, et j'espère.

Je ne suis pas une super-héroïne, je ne fais que mon travail, et j'ai besoin de tout le monde pour qu'il soit facilité : restez chez vous au maximum, arrêtez de chercher (et donc trouver) des excuses à la con pour sortir de chez vous 12 fois par jour, même si "oui mais je fais attention".

Profitez de votre canapé, de vos jeux vidéos, de votre foyer, faites du ménage et de la cuisine avec toutes vos pâtes, pensez à tous ces lundis où il a été si difficile de sortir de chez vous.

Inspirez, expirez, et ce sera plus facile pour tout le monde.

Inspirez, expirez, puisque vous avez la chance de pouvoir le faire.

 

11:38 Publié dans *2020* | Lien permanent | Commentaires (1)

samedi, 21 mars 2020

*2103*

Ce qui est ennuyeux, avec cette manie de me réveiller très tôt et de commencer par tenir ce carnet, c'est que j'y raconte la journée de la veille. Hier, passé la journée à bosser : corrections de devoirs, préparation du fichier pour les L3, mixage des vidéos 24 et 25 des 29 CONTEMPORAINES, écriture d'un quadrilatère, mise en ligne des diaporamas de L1... et courses massives, à l'heure creuse, dans le Leader Price désert.

 

blagueblock.pngIl est question d'un prolongement (sans surprise) du confinement, et de son durcissement. Pendant ce temps personne ne semble vraiment s'offusquer du fait que ce gouvernement, Ndiaye, Pénicaud & co, avec Macron au-dessus et les faux parlementaires LREM à côté, profite de cette très grave crise sans précédent pour faire les deux seules choses qu'il sait faire : d'une main, casser encore et toujours les droits des travailleuses et travailleurs ; et de l'autre donner l'“argent magique” aux banques et au privé. — Pourquoi avoir imposé hier la suspension des règles du travail sans limite de date ? Une telle mesure n'a d'autre effet que de montrer encore et toujours aux plus modestes et aux pauvres qu'elles/ils se feront toujours latter la gueule par ce gouvernement. Le discours de Macron du jeudi 12 mars au soir est bien loin, mais on savait que c'était une mascarade électoraliste.

 

Hier soir, Loulou de Pialat, que je n'avais jamais vu. Dit aux enfants que c'est un cinéma qui avait quand même été marquant parce que l'absence d'histoire linéaire, les mouvements de caméra sans stabilisation, le son “réel”, tout cela était un moment essentiel pour déconstruire les artifices du cinéma. (Je n'ai pas dit ça comme ça.) Il n'empêche que je reste peu convaincu, malgré Depardieu, et que je trouve que le film a bien mal vieilli. Quant au son réel, censé représenter la vraie vie, j'ai toujours envie de gueuler vers l'écran : mais dans la vraie vie, on peut faire répéter les gens quand on n'a pas compris ! ——Est-ce moi qui deviens sourd ? je ne comprends pas une réplique sur deux. La dernière fois que j'ai eu ce problème, c'était pour le Rodin, de Pialat aussi [EDIT du 22.03 : non, pas du tout : de Doillon, cf commentaires ci-dessous] : mais là, le problème est que le film est ennuyeux de bout en bout, malgré Lindon que j'aime bien pourtant.

J'entends siffler un merle : printemps.

C'est reposant, dans ce carnet, de ne pas traquer les virgules, échafauder des synonymies, toujours dégainer des coupes ou des dilutions.

 

Ici je note des éléments politiques afin de faire les comptes, le jour venu. (Mais ce jour viendra-t-il ?) Je veux aussi noter de toutes petites choses ridicules. Par exemple, j'avais la barbe depuis trois semaines : je l'ai rasée mardi après-midi, au jour 1 officiel du confinement ; l'objectif désormais, afin de montrer ma solidarité avec C* et les garçons qui ne pourront aller chez le coiffeur (quasi- chauve je me tonds moi-même la tronche depuis 4 ou 5 ans), est de me laisser pousser la barbe. Je crains de craquer avant la fin du confinement car déjà là en trois semaines je l'avais retaillée deux fois.

 

* Source de l'image : page Facebook “Blague Block”, 19 mars 2020.

vendredi, 20 mars 2020

Chantage et désenchantement

Hier journée splendide ; nous avons déjeuné sur la terrasse, avec la grande table carrée en fer qui permet d'être encore plus éloignés les uns des autres que la table du salon. Petite promenade (avec nos attestations !) autour de 17 h et sans s'éloigner de la maison : ce n'est pas le désert ni le calme plat (surtout grâce à tous les casse-pieds qui n'ont pas d'autre occupation que le taille-haie électrique ou la tondeuse) mais ça ne ressemblait pas à l'heure de la débauche sur semaine.

Travaillé, certes, mais pas comme j'aurais voulu. Fatigue ou lassitude ? Un peu des deux, je pense.

Ce matin je me suis réveillé à 6 h 15 : j'ai gagné plus d'une heure de sommeil. Pourvu que ça continue de s'améliorer.

J'ai déjà rendu visible pour les étudiant·es de mon CM du vendredi matin les contenus correspondant aux séances de cette semaine et de vendredi prochain. Je leur ai aussi envoyé la petite soufflante ci-après.

Message de M. Cingal, cours 6320 (CM de RDM), 20 mars 2020.

Dear students

I hope you are coping. If anything is not working out properly, please remember that you can write to Dr *** for questions about courses in general, or to the SSU for health issues.

Regarding THIS class, I have uploaded material for today's and next week's class. I expect you ALL to work. For the time being, only 54 students have downloaded the slideshow for the February 14th class, and only 31 students have downloaded the slideshow for the March 6th class.

This was BEFORE the current events. Let me be crystal-clear: we'll all be very attentive and helpful, but NOT with students who have not been working. CELENE makes it possible for us all to check who has been working and who hasn't.
In addition, only 134 students are registered in this online class. Anyone who is not even registered won't validate the credits for this class. Please try to inform your friends.

Health matters more than anything else, and I hope that you are not going outside or meeting anyone. Health matters, but to get a grip on the situation, you need to remain busy and to work for your L1. This will keep your minds busy and alive.

Best regards
GC

Je ne pratique jamais ce chantage d'ordinaire, mais là il est hors de question qu'ils/elles se la coulent douce en attendant qu'on bosse d'arrache-pied pour eux puis qu'on valide leur année comme par enchantement, juste pour compenser la crise sanitaire. Incidemment (non, pas du tout incidemment), il s'agit du groupe que j'ai fini par engueuler vendredi dernier (donc au lendemain du premier discours de Macron) parce qu'ils se massaient les uns contre les autres, se serraient la main etc. et ce trois semaines donc après la publication des “gestes barrière” (que je suis le seul, je crois, à écrire en considérant barrière comme un nom adjectivé invariable) comme préconisation absolue.

Ma mère m'a écrit que la dame qui livre les repas aux personnes âgées dans le village lui a dit ne pas porter de masque car ça ne sert que quand on est contagieux. Une poignée de quelques millions de parfaits imbéciles finira par nous faire tous crever !!!

 

Hier, O*** a lu (après les deux premiers la veille (et sur ma recommandation, sa prof de latin n'ayant pas encore donné de travail)) l'un des 25 chapitres d'un livre qui adapte les Métamorphoses. Il fait à chaque fois un petit résumé (sur le mode burlesque, les chiens ne font pas des chats), et hier j'ai rejeté un œil au passage du livre VIII consacré à Philémon et Baucis. Si le confinement pouvait être l'occasion de me remettre au latin autrement qu'en butinant ou à la volée (cochez la métaphore animalière de votre choix)... En effet, la langue d'Ovide est quand même formidable. Dans les vers 620-1,

                                    tiliae contermina quercus
collibus est Phrygiis modico circumdata muro

le narrateur annonce déjà, par la syntaxe, la fusion des deux corps en deux arbres entrelacés : les trois premiers mots signifient littéralement (mais dans le sens inverse, en commençant par le génitif, ce qui a aussi son importance) “un chêne adossé à / tout proche d'un tilleul”. Le fait que quercus soit de genre féminin suggère déjà un rapprochement avec le très féminin, de première déclinaison, tilia (et ce sera Baucis). Le placement de l'adjectif conterminus au féminin entre les deux noms, tout à fait classique en latin, montre en quoi l'adjectif relie les deux noms. Ainsi, dès le début du récit, Philémon et Baucis sont reliés, différents et inséparables. Les traductions qui commencent par traduire en parlant du mur ou des monts phrygiens du vers 621 manquent totalement cela.

Outre la magnifique édition très grand format richement illustrée publiée aux éditions Diane de Selliers, je possède l'édition bilingue avec la traduction de Danièle Robert. Ces livres vont traîner au salon quelque temps, je pense...

 

07:10 Publié dans *2020*, WAW | Lien permanent | Commentaires (3)

jeudi, 19 mars 2020

Un adverbe en -ment par §

Levé depuis 5 h, décidément c'est une habitude. Et déjà répondu à des étudiant·es de L3, avant de corriger des copies (de 6 à 7, une heure chaque jour, pas davantage).

ETaFIiUXgAA7nun.pngPas complété le billet d'hier. Ce que j'avais à ajouter, je l'ai noté facétieusement dans une parodie de Sei Shonagon.

Il semblerait que la technique qui consiste à débrancher carrément le bloc-prise pendant la nuit fasse du bien à l'ordinateur, quoiqu'il ait rouvert, à l'ouverture, tous les documents et logiciels utilisés hier, et pourtant j'avais bien tout fermé puis arrêté selon le protocole.

Les cognassiers commençaient de bourgeonner timidement il y a dix jours. Cette semaine, ce sont les deux néfliers, et l'immense merisier de la terrasse, sous lequel nous pourrons bientôt nous abriter du soleil.

Un torchon, je ne sais plus lequel, franchement, a commencé la publication d'un feuilleton dégueulasse de Leïla Slimani. C'est ce genre de texte infect qui témoignera plus tard de ce que nous aurons vécu ? Penser aux soignant·es, aux employé·es des commerces d'alimentation, aux routiers qui ne peuvent même plus se laver car hôtels et toilettes des stations-service sont fermées. C'est ces gens-là dont on voudrait lire le journal du confinement, mais ils et elles ont autre chose à foutre, font tourner le pays, c'est ces gens-là dont Slimani et les autres bourges friqués puants devraient écrire l'histoire en ce moment.

Aujourd'hui, je vais tenter d'aller faire quelques courses, mais je me tâte : fin de matinée ou milieu d'après-midi ? Ma kiné m'a encore appelé hier soir, cette fois pour annuler tout bonnement nos rendez-vous restants de mars.

On peut vivre vraiment avec la lombalgie.

 

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mercredi, 18 mars 2020

Ça c'est fait, babe

Le PC de bureau n'a pas planté (encore).

Hier, premier jour de confinement. Une belle attente à la boulangerie, pour acheter un peu ce qu'il restait. À la Poste, le matin, avant le début du confinement, C*** n'a pas pu expédier son envoi recommandé avec avis de réception.

Le préfet Lallement, qui devrait être démis depuis des mois, a pavané sur sa capacité bien connue à faire respecter les arrêtés de confinement.

Les Parisiens qui le peuvent quittent la capitale.

Hier soir, Blow Out, pas vu depuis que j'avais l'âge d'A***, peu ou prou. Un peu déçu, mais cela reste un grand film sur le cinéma, belle métaphore, pas appuyée, avec des séquences génialement filmées.

C*** a suggéré avant qu'on se couche que chacun de nous quatre tienne son journal du confinement. De mon côté, ça c'est fait babe, pour citer le dernier Murat.

Agnès Buzyn a donné un entretien à je ne sais plus quel journal. Si elle y dit la vérité, les propos qu'elle y tient devraient lui valoir la prison, et valoir au gouvernement la démission et la honte éternelle.

Ce fut pour rester dans le monde.

Hier soir, j'ai débranché la multiprise où sont branchés les deux PC de bureau, les lampes etc. ; peut-être est-ce pour cela que, mieux dispos, mon PC de bureau ne plante pas (encore).

Hier j'ai même inventé un exercice en partie d'invention pour qu'O*** (qui a commencé à avoir du travail via Pronote et le CNED) révise ses verbes irréguliers ; il s'en est très bien sorti, alors que je craignais qu'il ait du mal à trouver des idées pour finir les phrases.

Ma grand-mère, qui aura 93 ans dans six jours, a écrit pour remercier d'une vidéo et d'un mail envoyés dimanche. J'espère qu'elle va tenir le coup. Elle a de la ressource comme on dit maintenant, mais ce n'est vraiment facile pour personne.

Annulé le dîner chez L° et A° samedi soir à Fondettes. Annulé le séjour, ici, de notre ami C°, qui devait venir dans dix jours. Déplacé, à la demande de la kiné elle-même qui voit se multiplier les annulations, le rendez-vous de jeudi.

Rangé mon bureau, mais aujourd'hui je veux trier un peu dans les clés USB. Si pas trop crevé, enregistrer une première vidéo de la série je range mon bureau. Il y a 18 livres sur la pile. Ce confinement, s'il dure au-delà des 15 jours annoncés par Macron lundi soir, devrait me permettre de relancer le Projet Pinget (honte à moi). Et boucler les 29 CONTEMPORAINES en réglant leur compte aux 8 qui restent (plus facile, ça).

Pour le travail, hier, enregistré et monté à la buanderie (où j'ai eu peur ensuite de m'être enrhumé) la première vidéo d'une nouvelle série destinée aux étudiant·es, Cours confinés.

Il y aurait aussi à reprendre tant de chantiers, les limericks par exemple, tiens, même si “Montboudif lui dit plus trop” ; ne pas se disperser, pourtant...

Scènes de ruées dans les commerces et images de rayons vides : ça continue. Tant et si bien que C* et moi nous interrogeons sur la meilleure stratégie : gros “drive” d'ici trois ou quatre jours une fois que l'orage sera passé, ou alors un tour à Naturéo demain et un autre à Leader price vendredi, avant de compléter avec un petit “drive” ? Dimanche, C*** avait calculé que nous avions 17 repas “devant nous”, sans compter certaines conserves familiales (confits etc.). Pas d'urgence, donc.

Ce billet, trop long, vais-je le prolonger dans la journée ? — On ne sait.

 

mardi, 17 mars 2020

Trèfles

Hier, bossé presque non stop, abattu un boulot monstre, mais pas tout, loin de là.

L***, un ami d'O***, est venu à la maison l'après-midi : ils ont joué à des jeux de société, mais aussi travaillé pendant une bonne heure leur exposé sur Hermès et Apollon. (Pas réussi à comprendre pourquoi leur prof de latin a hellénisé Mercure.) Dès aujourd'hui, nous ne verrons plus personne.

Le soir, Macron et Castaner ont réduit à néant le peu de crédit que ce gouvernement avait réussi à récupérer : discours comme écrit par un logiciel automatique, mesures de confinement à la fois insuffisantes, peu claires et compliquées à appliquer. Et pendant 15 jours seulement à partir d'aujourd'hui à midi : autant dire que la ruée des débiles sur les supermarchés, alors qu'il a été dit mille fois qu'en Italie par exemple il n'y a pénurie de rien, et possibilité de faire ses courses, ne va pas s'arrêter ce matin. (On sait que les Irlandais ont fermé tous les pubs depuis trois jours, alors que c'est la Saint Patrick : si ça n'est pas un signe de la gravité de la situation...)

 

Je viens d'envoyer un message à mon beau-frère pour son anniversaire, et pour lui demander s'il avait pu organiser son télétravail : les trajets entre Cesson et Plaine Commune, ça doit commencer à sérieusement bien faire.

 

5 h du matin. A-t-on vu que j'avais du mal  dormir ?

 

L'ordinateur de bureau plante toujours deux ou trois fois à l'aube, avant de finir par se secouer les puces.

 

05:26 Publié dans *2020* | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 16 mars 2020

*1603*

Heureusement que je me suis réveillé avant la sonnerie du réveil : se réveiller à 6 h 44 n'a plus de sens.

Aujourd'hui commence une semaine qui sera peut-être plus étrange ou plus compliquée ou angoissante encore que la précédente. Nous avançons en terrain inconnu.

Ma demi-mug de café réchauffé est infecte.

Hier, j'ai emmené, comme promis, notre voisine d'en face (veuve depuis octobre 2018), au bureau de vote. Au départ, il était prévu qu'elle vienne avec nous 4 mais, comme elle est âgée, j'ai préféré ne pas multiplier les risques de contagion pour elle ; je l'ai donc accompagnée puis raccompagnée, avant de repartir avec C*** et les garçons.

Après, nous sommes allés nous promener dans le parc de la Cousinerie. Pas mal de monde, très beau temps, beaucoup de chiens. Pas eu le sentiment que nous enfreignions les consignes de sécurité élémentaires. Jamais à moins d'un mètre les uns des autres, et, à coup sûr, toujours fort loin des autres promeneurs. Aucun rapport, donc, avec les images de gens massés à Paris, images qui ont scandalisé les médias et tant de gens sur les réseaux sociaux, ainsi que le ministre de la Santé : c'est effectivement imprudent et idiot.

La demi-mug de café est finie : infect, il l'était. L'ordinateur de bureau a déjà planté deux fois.

Parmi les nombreux items de ma to-do list du jour, ranger mon bureau (pas seulement en vidéo) et rationaliser un peu les piles de livres.

 

06:50 Publié dans *2020* | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 15 mars 2020

Ides de Mars

Quand j'ai commencé à tenir quotidiennement une sorte de journal de l'année 2020, plus pour  m'astreindre à reprendre l'écriture sous forme de blog que pour un journal en bonne et due forme, je ne pensais certainement pas que l'année allait se dérouler de la sorte.

Et d'ailleurs, de quelle sorte, personne ne le sait encore.

J'ai en tête les journaux d'écrivains qui ont été composés durant les guerres : où en serons-nous le 31 décembre ?

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Aujourd'hui nous sommes allés voter, quand même et après avoir tergiversé. Trois raisons l'ont emporté :

* l'irresponsabilité du gouvernement, qui aurait dû prendre la décision de fermer les écoles depuis au moins dix jours, fait que nous avons été contaminés tous les 4 cent fois plus au cours de cette période qu'en quelques secondes dans un bureau de vote

* vu les précautions prises dans les bureaux de vote, le risque que nous contaminions quelqu'un justement là est quasiment nul

* c'était la première fois qu'A***, qui est fou de politique depuis très très longtemps et qui suit dix fois plus que moi la situation politique en France, accomplissait son devoir de citoyen : hors de question de le priver de cela

 

Il n'en demeure pas moins que ce sera probablement le confinement total avec couvre-feu dès mardi, et que les élections, premier tour y compris, seront probablement annulées. À Tours, les résultats sont pourtant bien encourageants : la liste conduite par Emmanuel Denis a une belle avance avec 35,5% contre les 25% du maire sortant, le pisciforme Christophe Bouchet. Le RN est à 6%, et Benoist Pierre a pris sa rouste avec 12% : bien fait pour ce représentant parfait de LREM, avec ses manipulations, son discours anti-social et son soutien à la répression des libertés publiques. Plusieurs listes naviguent autour de 5%, dont celle du ridicule Nicolas Gautreau.

 

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En écoute, notamment : le beau disque d'airs italiens du 18e siècle d'Orlinski [note to self : vérifier Muzio Scevola de Handel].

 

23:03 Publié dans *2020* | Lien permanent | Commentaires (0)

samedi, 14 mars 2020

Jours de (dé) π

JOurnée étrange et tendue, mais c'est un peu la norme, ces temps-ci : tension et étrangeté.

 

En soirée et en famille, nous avons regardé The Truman Show, qui faisait écho, de façon curieuse, à la situation et au discours d'Edouard Philippe, plus tôt dans la soirée, annonçant la fermeture de tous les commerces non indispensables.

 

J'ai une pensée (et même plusieurs) pour toutes les personnes qui travaillent dans les hôpitaux, mais aussi pour celles qui ne sont pas salariées et dont l'activité s'arrête ce soir. Les parents d'un des amis d'O*** tiennent un café-brasserie, et j'ai déjà évoqué tout cela avec eux hier midi autour d'un délicieux fish'n'chips : la crainte du dépôt de bilan est évidemment là.

 

Quel sera le bilan psychologique de cette terrible crise sanitaire ?

 

23:13 Publié dans *2020* | Lien permanent | Commentaires (0)

vendredi, 13 mars 2020

Est-ce ta première fin de millénaire ?

Dernière grosse journée (11 heures sur place) de cours sur le site Tanneurs, avant combien de temps ?

Pas envie de la raconter, si ce n'est le seul moment un peu normal et lumineux : les 2 heures où j'ai pu assister aux pré-doctoriales, notamment (mais pas seulement) à la présentation de l'étudiant qui travaille sous ma direction, Louis, et dont le travail de traduction de passages rares d'Adam Smith et de David Hume dans le cadre d'une analyse de l'esthétique des Lumières écossaises promet d'être passionnant, rigoureux, innovant.

 

Le soir, lire le message officiel de l'Université expliquant que tout continuera comme d'habitude pour les enseignants et les membres du personnel administratif la semaine prochaine m'a désespéré et mis en colère : ces (ir)responsables n'ont donc RIEN compris à ce qui se passe, ni au discours de Macron ?

C'est pareil dans les lycées : recteurs et chefs d'établissement annoncent le maintien de toutes les réunions, conseils de classe etc. Je le note ici pour mémoire et pour la postérité (allons-y franchement) : alors que le pays aurait déjà dû être confiné et alors que le discours du chef de l'Etat était on ne peut plus clair sur la nécessité d'arrêter tout ce qui n'était pas vital comme échanges physiques, tous ces minables de l'Education nationale (à commencer par ceux de l'Université de Tours) n'avaient qu'une idée en tête, fliquer et caporaliser leurs subordonnés...

 

jeudi, 12 mars 2020

*1203*

Après-midi, séance hebdomadaire de kiné. Cela ne me fait pas énormément de bien, mais je vais quand même tenter de reprendre vraiment la marche la semaine prochaine.

 

Le soir, Emmanuel Macron a enfin prononcé le discours montrant, avec 15 jours de retard, qu'il avait pris la mesure de la situation. Fermeture totale dès lundi prochain, de tous les établissements scolaires, crèches et Universités. Son premier bon discours depuis mai 2017 (et encore...)

Reste à savoir si tout le long passage dans lequel il sous-entend que l'Etat va enfin changer de politique budgétaire et aider vraiment les secteurs-clé de la santé et réformer en profondeur l'alimentation est à courte vue : en un mot, Macron redeviendra-t-il le libéral pur jus qui sacrifie tous les services publics dès le lendemain des élections municipales ou est-ce que ça a fini par faire tilt ? Ne soyons pas naïfs...

 

22:26 Publié dans *2020* | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 11 mars 2020

Partage des eaux

Matin : cours de trois heures très vivant avec 5 étudiant-es de M1 (seulement). De toute évidence, tout le monde commence à comprendre ce que je dis depuis plus d'une semaine : la fermeture des écoles et universités est proche, et la situation est très grave.

Soir : pour la première fois depuis la rentrée de février, c'est C* qui se charge d'emmener O*** au conservatoire. J'y suis allé 6 fois entre lundi 2 et mardi 10 ! Elle a été malade et accaparée par le travail. Et de toute façon tout ceci risque d'être très perturbé si la France se retrouve dans la même situation que l'Italie.

 

18:30 Publié dans *2020* | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 10 mars 2020

*1003*

Parmi les très nombreuses choses que je devais organiser pour avril et même pour plus tard, et dont j'ignore si elles pourront avoir lieu, il y a la rencontre avec Corinna Gepner, que j'ai commencé à préparer avec les étudiant-es d'échange mais aussi avec les étudiant-es de M1. Quel dommage de ne pouvoir réellement lancer cela.

Déjà, le 29 janvier dernier, mais pour d'autres raisons (à l'époque, c'était la fermeture du site Tanneurs, pas la crise sanitaire du Covid19), j'ai dû annuler la rencontre avec l'éditeur Benoît Verhille et la directrice de collection Anna Rizzello.

 

Il y a aussi le tour de France de l'écrivain Charles Yu, vers juin. Je ne vois plus très bien comment articuler cela avec l'année universitaire, qui risque d'être très perturbée. De manière inimaginable, même.

 

 

lundi, 09 mars 2020

Début de la fin ?

Aujourd'hui, c'était peut-être le dernier cours de traduction pour étudiant-es d'échange avant longtemps. Certains fuient la France, m'écrivent pour dire qu'ils rentrent en Chine, au Canada, me saluent pour mon sérieux, ma disponibilité et mon humour. Cela fait plaisir, tout en ressemblant aux formules des rubriques nécrologiques.

 

Speaking of which, je ne suis pas allé aux obsèques de mon ancien collègue E***, pour plusieurs raisons mais notamment parce qu'il faut commencer à éviter absolument tous les lieux de rassemblement. Le gouvernement est irresponsable de ne pas avoir encore fermé les écoles et les universités, mais on y viendra certainement, au confinement total, comme en Italie.

 

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dimanche, 08 mars 2020

Droits des femmes, sexisme

Aujourd'hui, il faut absolument que je relance le projet des 29 contemporaines : il ne reste que huit capsules à enregistrer, et j'ai interrompu cela depuis deux semaines.

C'est ridicule. Comme l'est, généralement, ma tendance, à ne pas achever de tels projets alors que le but n'est plus si loin.

 

L'enquête de l'ONU sur le sexisme, qui se fonde sur des données collectées dans 75 pays, m'a effaré. Que 28% des personnes interrogées trouvent normal qu'un époux batte sa femme, ou que 40% des sondé·es soient convaincu·es que les hommes soient de meilleurs dirigeants politiques, ça montre que le chemin est encore trèèèèès long.

 

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samedi, 07 mars 2020

Ce qui m'advient encore

Aujourd'hui, chose rare, O*** avait une répétition au conservatoire en début d'après-midi. Je serai donc allé quatre fois cette semaine dans le quartier de la cathédrale. Aujourd'hui, nous avons déjeuné à la Grange des Celtes, puis, après un petit tour place François-Sicard (O*** ne se rappelait pas la statue de Michel Colombe), je suis allé – O*** déposé à sa répétition – acheter des disques à la FNAC, puis lire sans manteau, au soleil, sur un banc des jardins de l'archevêché.

Je me suis rappelé que cela fait cinq ans et demi qu'O*** a commencé à suivre les cours du conservatoire : actuellement, avec l'inscription en Hors Temps Scolaire, cela représente 2 heures de formation musicale (le mardi de 18 à 20), deux leçons individuelles de hautbois de 25 minutes chacune (le lundi à 17 h 20 et le mercredi à 18 h 15), une séance d'orchestre (le mercredi de 18 h 45 à 20 h).

Il ya cinq ans et demi, après les deux années d'initiation dans l'ancienne école désaffectée proche de l'avenue de l'Europe (je me suis rappelé hier que c'est le dernier endroit où j'ai vu les pains ovoïdes de savon senteur citron dont quelqu'un a publié sur Twitter une photographie à intention humoristique dans le contexte du Covid19), il y a cinq ans et demi, donc, j'avais commencé à publier dans la rubrique Ce qui m'advient les textes que j'écrivais le lundi soir de cinq à sept, pendant que j'attendais O***, lui alors à sa leçon de formation musicale + chant choral (si mes souvenirs sont bons).

Guderzo café.jpgL'objectif de cette rubrique était de travailler, chaque semaine, à partir d'un chronotope : le lundi de 5 à 7 + les lieux où l'on attend pendant qu'un enfant suit ses cours du conservatoire rue Jules-Simon. Les années suivantes le chronotope a bougé un peu, puis la rubrique elle-même, fatalement, s'est effilochée.

Je me suis rendu compte, aussi, qu'A***, notre fils aîné, avait alors le même âge qu'O*** aujourd'hui.

Après la lecture dans le jardin du Musée des Beaux-Arts, j'ai un peu déambulé, trouvé non sans mal un café ouvert, continué ma lecture (Les Porteurs d'eau d'Atiq Rahimi) sur la grosse bûche entre le pavillon principal du site Jules-Simon et la salle du Pré.

 

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Soir : Angleterre/Galles. J'avais pronostiqué, quand O*** m'a questionné lors du déjeuner, 32-22 : au début des arrêts de jeu, le score était de 33-23. Un bel essai gallois de dernière minute a pulvérisé mon pronostic.

 

Outlander, deux épisodes. Ce con de Jamie a latté ce con de Robert en lui défonçant la gueule : la masculinité en prend pour son grade, en un sens, dans cette série.

 

Écouté les disques achetés : Suzane, le dernier Murat, le dernier Agnès Obel, le disque de Sophie Alour avec Mohamed Abozekry, un jeune oudiste fort talentueux. [Je ne comprends pas pourquoi S. Alour, après ou comme tant d'autres saxophonistes, s'évertue à jouer de la flûte traversière. Le spectre bifrons de Coltrane et Dolphy ?]

 

vendredi, 06 mars 2020

Voyages dans le temps

Pas le courage d'attendre les 2 semaines au terme desquelles les infiltrations de mardi feront peut-être de l'effet : je commence ce soir le traitement anti-inflammatoire prescrit par la rhumatologue le 29 janvier (oui, je sais, je ne suis “pas très médicaments”).

Outlander, saison 4, épisode dans lequel Brianna et Roger traversent les pierres. Coïncidemment, reçu de l'éditeur Aux Forges de Vulcain (merciii !) les quatre livres traduits à ce jour de Charles Yu, dont son premier, qui tourne autour des voyages dans le temps.

 

jeudi, 05 mars 2020

*0503*

Journée de repos à lire, à préparer des cours.

 

La pandémie de Covid19 est d'ores et déjà là. L'incompétence du gouvernement se manifeste dans toute sa splendeur. L'abandon de l'hôpital public, sacrifié sur l'autel des profits économiques, que dénoncent les grévistes et soignant·es en lutte depuis plus d'un an, va sauter aux yeux de tout un chacun.

Blanquer dit simultanément que les enfants sont les vecteurs les plus efficaces du virus mais qu'il est hors de question de fermer les établissements scolaires. Ce type préférera voir crever deux millions de gens plutôt que de paraître faire un cadeau aux profs.

Sur France Info un épidémiologue confirme qu'il est impossible de savoir s'il n'y aura pas des milliers de nouveaux cas en quelques jours. il prenait l'exemple des transports publics parisiens, et ses suggestions étaient tout bonnement apocalyptiques.

 

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mercredi, 04 mars 2020

Caloniz Herminia, Cristina

Fini de lire, ce soir dans la salle d'attente du conservatoire, un livre aussi ébouriffant qu'éblouissant, dont je reparlerai prochainement en vidéo, Cristina de Caloniz Herminia, publié aux éditions du Réalgar.

En quatre parties, de 12, 14, 13 et 11 pages respectivement le texte suit les méandres d'une figure / personnalité / personnage / femme de sa “petite enfance” à sa “jeunesse”. Ce poème en prose, ni narratif ni lyrique au sens strict, réussit donc à retravailler le matériau du Bildungsroman d'une façon radicalement singulière.

Très entre autres, il y a, dans ce livre, une attention aux plantes, notamment aux arbres, qui passe certes par le langage (je veux dire : qui est avant tout expressive), mais qui est puissamment évocatrice. Et puis, ce n'est pas si souvent que je lis un livre qui évoque nèfles et néfliers !

 

*** Brève recension par J.-P. Gavard-Perret ***

* Analyse approfondie de Lionel-Édouard Martin *