lundi, 13 juin 2011
Un tour quelque peu cavalier
13 juin 2011
C'était un lundi, qui rappelait, par sa fraîcheur, celui de Pentecôte. Déjà le roi faisait mine de s'avancer, croyant être arrivé à destination et ne s'étonnant pas qu'on le reçoive dans ce réduit poussiéreux… Tandis qu'Albin était parti pour un détour par Yvillers, nous avions rebroussé chemin pour nous attarder à Tours. Délaissant la marche à pied, nous cavalions en char à bancs.
Nous avions, certes, le sentiment que ce périple à pied, qui n'aurait pas dû prendre beaucoup plus de deux semaines, allait durer éternellement. S'arrêter, prendre des chemins de traverse, tout cela était inévitable, et faisait même tout le charme du voyage. Une règle non écrite semblait nous obliger à attendre qu'Albin fût revenu de son passage par Brasseuse, dont nous n'avions encore aucune nouvelle. (A cette note, encerclée au crayon feutre vert, se rattachent à leur tour trois appendices.)
Nous admirâmes le clocheton, peut-être faudrait-il dire le lanternon. Comme tant d'autres, nous tentâmes de retrouver, au hasard et donc vainement, en arpentant la rue des Halles, le plan de la basilique romano-gothique. D'où venait cet aérostat, véritable jouet de l'effroyable tempête?
Trois appendices ? Étant donné ces diverses particularités, la mise au point des trois plus bas chronomètres ne manquerait pas d'exiger un travail exceptionnellement ardu. Trois appendices ? Quand l'animal pinça, piqua, trancha, ce fut de tout son être, qui, même au bout de son arme, avait sa complète énergie. Tout de même, il était décevant, malgré la beauté singulière du lanternon, du clocheton, et à condition de ne pas trop regarder les bâtiments alignés près du sol, de nous retrouver à Tours, qui n'a rien d'une promenade insolite. J'ai du bon tabac dans ma tabatière. Trois appendices ? Trois appendices ? Par la porte ouverte, on peut voir quelques clients debout, la tête baissée, en train de feuilleter les revues disposées sur de longs comptoirs. Il n'y a pourtant aucun sex-shop rue des Halles. Nous admirâmes alors, assez vainement, le clocher -- notamment certaine baie géminée romane, murée (quand ?).
Charlemagne n'avait qu'à bien se tenir. Avez-vous l'heure ? Avez-vous l'heure ? Et pas de nouvelles d'Albin ! Le périple allait-il s'éterniser, alors que nous avions failli atteindre l'estuaire, déjà nous touchions au but. Notre seul but est — de toute évidence — d'égarer nos soupçons. C'est assez mystique, tout de même : plus l'estuaire semblait se rapprocher, moins notre voyage touchait à son but. (Il faut enlever ces disgracieuses répétitions.)
Assez couru, à rechercher, des yeux et vainement, le plan. Délaissant la marche à pied, nous cavalions en char à bancs. Effondrée, la basilique romano-gothique, et nous ne pouvions plus rien pour elle. Alors autant cavaler en écoutant les propos enjoués du demi-demeuré qui conduisait les chevaux ! L’impératrice est agenouillée près d’une fontaine, au fond d’un bois. D'ailleurs, n'est-ce pas au musée municipal de Royat que nos amis G* et C* avaient dû affronter, finalement défaits, et après une bataille de trois heures, la volubilité démente du gardien, qui, entre autres énumérations encyclopédiques, connaissait tous les prénoms d'Eugénie, ainsi que ceux des cousins et des cousines d'icelle ? Autant cavaler. Du 13 au 23 août, Mallarmé séjourne au Splendid Hôtel, en compagnie du docteur Evans et de Méry Laurent. Autant cavaler. C'était un lundi d'été, très chaud, et sans commune mesure avec ce lundi tout à fait frisquet de Pentecôte qui nous avait servi de point d'appui, tout autant que le lanternon (ou faut-il dire le clocheton ?).
Sans commune mesure : ce pourrait faire un bon titre, quand je me serai lassé d'Entre Baule et Courbouzon. (Faux, l'un. Vrai, l'autre. Une autre paire de manches.)
********* Mis seize minutes à trouver les 15 textes et créer les 15 liens qui y renvoient. *********
22:31 Publié dans Entre Baule et Courbouzon | Lien permanent | Commentaires (0)
Lundi de Pentecôte
Après un tourbillon Bergounioux, venu lui-même interrompre un long cycle (à peine ébauché) consacré à Philip Roth, j’ai repris le Voyage au pays des Ze-Ka de Julius Margolin, tout en finissant par me lancer à l’assaut d’Only Revolutions de Mark S. Danielewski qu’E* m’a prêté il y a plus de trois mois, et qui, par son aspect de livre bricolé par un savant fou ayant trouvé le moyen de mixer Finnegans Wake et Gyroscope en y ajoutant une pincée de Tristram Shandy et la levure David Lynch, a tout de même de quoi désarçonner et décourager un qui a un peu beaucoup dix mille autres choses à faire. (Mais ça m’exalte, j’avoue, encore plus que House of Leaves.)
Cependant, C., elle-même tirée à hue et à dia entre tant de tentations, relit Madame Bovary – elle en est ravie, à sa quasi surprise.
Samedi après-midi, j'ai acheté, au Livre, les opus 5 et 6 du Labyrinthe magique (dont les troisième et quatrième tomes, à la couverture jaune, aux éditions des Fondeurs de brique, attendent encore dans mes piles) et une traduction récente de Sergio Chejfec. Il me reste, aujourd'hui, à refaire des recherches (avant de jeter de vieux exemplaires cornés et poussiéreux de Courrier international) pour savoir si Miguel Syjuco a été enfin traduit. [Recherche faite, il s'avère - mais est-ce sûr ? - qu'Ilustrado, publié en français chez Bourgois, est écrit en anglais. En dépit de son titre aux consonances hispaniques, je n'avais donc pas du tout besoin d'attendre toutes ces années pour le lire...!]
12:12 Publié dans Lect(o)ures, Moments de Tours, Pynchoniana | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 11 juin 2011
Avant dame-jeanne, pourtant
C'est tout à fait officiel : je deviens complètement dingue.
Cher Jean-Marc, cher Jean-Michel
le message envoyé à l'instant, trop promptement, était destiné à Jean-Marc, qui m'a écrit ce matin. J'avais commencé à taper "jean-m" dans la barre d'adresses, gmail m'a proposé Jean-Michel ***, que j'ai accepté, alors que c'est bien à Jean-Marc que je voulais écrire !!
Sorry sorry
Jean-Martial Cingal
Pour la triple 6, une bouteille de rhum !
13:13 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
L'Allègre
Lassé par d'autres âpretés, vous renoncez aux climats. Ce n'est pas au Mercantour, ni dans le Limousin que vous avez vu venir la victoire. Prise au dépourvu, la meute a donné de la voix, mais ce sont toujours les mêmes ondées, les mêmes nuages secs, les mêmes rosiers cabotins qui s'éternisent sur des pentes gravillonneuses. D'où que viennent les voix, vous ne parvenez à les entendre qu'étouffées. Si le mâle dominant est comme vous, il vous faudra rencontrer de nouveaux échecs, et, après les climats, renoncer aux humeurs.
02:00 Publié dans Un fouillis de vieilles vieilleries | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 10 juin 2011
Petit exercice (oulipien, en quelque sorte)
Voici les trois premières phrases d’Adama ou la force des choses du Burkinabé Pierre Claver Ilboudo :
Pendant cinq bonnes minutes, Adama resta là, abasourdi, hagard. Puis il se mit à marcher droit devant lui, comme un automate. Il recouvrait progressivement ses esprits. (Présence Africaine, 1987, p. 7)
Voici à présent les trois dernières phrases du même roman :
Adama était là, figé, le visage en sueur et les traits décomposés. Le vélo qu’il avait garé dix minutes plus tôt devant la porte de l’atelier avait disparu. Et les tissus avec. (p. 154)
L’exercice que je propose consiste à écrire un récit dans lequel l’incipit et l’explicit seraient inversés. Autrement dit : le récit à écrire doit commencer par les trois dernières phrases d’Adama et s’achever par les trois premières phrases. À vos claviers.
03:00 Publié dans Affres extatiques, Ecrit(o)ures | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 09 juin 2011
De quoi Cucuphas est-il le nom ?
Les entrées des différentes WP (francophone, lusophone, hispanophone) donnent la même étymologie pour le nom de saint Cucuphas, dont on peut voir, dans la basilique de Saint-Denis, une chapelle qui lui est consacrée. (Je ne suis pas très sûr de la syntaxe, bancale voire fautive, de la phrase qui précède.*) Il s’agirait d’un nom dérivé du copte cacupat, par l’intermédiaire du grec kukupha et du latin upupa : ces noms désignent la huppe.
Or, pour l’entrée de la WP anglophone, nettement plus complète, l’étymologie proposée, empruntée au site Web Santi Beati, fait remonter ce nom à une expression phénicienne dont le sens serait « celui qui aime faire des plaisanteries ».
Je ne dispose ni des compétences ni des ressources, ni surtout du temps nécessaire à l’élucidation de ces hypothèses contradictoires, de sorte qu’il m’est aisé d’imaginer qu’elles sont en fait complémentaires : le cri de la huppe appelle l’analogie avec l’homme qui se gausse, comme on le dit du merle moqueur, ou qui glousse. Cela, pourtant, est bien incertain. Je ferais mieux de m’intéresser à cet Ayne Bru qui a peint le tableau le plus connu, et surtout le plus reproduit, représentant ce martyre – ou tenter de lire sérieusement l’hymne que Prudence lui a consacré – ou encore envisager d’aller me promener dans le bois de saint Cucufa à La Celle-Saint-Cloud – ou, seulement, décrire la chapelle à la minute même où je la vis.
* ...saint à qui une chapelle est consacrée, dans la basilique Saint-Denis.
05:00 Publié dans BoozArtz, Questions, parenthèses, omissions, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (3)
mercredi, 08 juin 2011
Rapides remparées * avides désemparés
La généralisation des rapports abstraits s'est comme incarnée dans le décor. [...] Et comme la vie et le travail se trouvaient dissociés, on a tiré au cordeau des voies rapides remparées de glissières en acier zingué, connectées au moyen d'échangeurs et de rocades où il vaut mieux éviter de se tromper parce qu'il n'est plus question de faire demi-tour et de recommencer. (Pierre Bergounioux. La fin du monde en avançant, p. 33)
Parfois je me promène dans mes quartiers, qui ne m'appartiennent pas, puisqu'ils sont déshumanisés, en un sens, et je fais des photos : je ne construis pas de savantes images, je ne compose pas grand chose, je fais des photos. Faire, dans un tel décor, le plus machinalement possible, est ce qui s'approche le plus d'une appropriation de la déshumanisation. Lorsque, par un clin d'oeil à Thiéfaine, j'ai créé, dans ces carnets, la rubrique des Kleptomanies überurbaines, je jouais sur le vieux cliché de la photographie comme vol, dérobade ; or, je me rends compte que ce sont ces quartiers, ces étendues qui ont poussé à son paroxysme le principe de construction pour y perdre souvent l'urbanité, qui nous volent quelque chose, et que ce quelque chose évanescent, il nous faut, difficilement, c'est-à-dire (peut-être) machinalement le reconquérir, fût-ce une bataille gagnée dans une guerre perdue depuis longtemps, une lutte d'arrière-garde, un rempart de sable contre de plus hautes buttes mouvantes. Dans de tels déplacements (car le terme de promenade, employé plus haut en totale usurpation de son sens, ne peut convenir), on n'est, machinal, que l'ombre de soi-même. Reste le langage, si rempart de sable soit-il.
21:23 Publié dans Kleptomanies überurbaines, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
W.M. 14
Une dame de Sisimiut
Trouvait tout extra-hyper-cute :
Flots bleus et maisons rouges,
Rocs, pierres, sels et tourbes ---
--- Même le port de Sisimiut !
11:19 Publié dans Wikimericks | Lien permanent | Commentaires (2)
Léonora Miano
Il y a trois semaines, j’ai lu Soulfood équatoriale. Ecriture nerveuse, plaisante, fine et drôle.
Abordé ensuite les romans de Léonora Miano (Contours du jour qui vient et L’intérieur de la nuit) : quelques belles phrases, mais dans l’ensemble l’écriture est lourdingue, le récit cousu de fil blanc, les personnages prévisibles – bref, l’ensemble tout à fait démonstratif. Me suis surpris à penser « des romans Presse-Pocket ». Déçu.
06:00 Publié dans Affres extatiques | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 07 juin 2011
Nihilité - 1
Le substantif nihilité n'apparaît pas du tout dans le Robert culturel, qui a constitué l'un des premiers jalons, historiques en quelque sorte, de ces carnets. La lecture à peine ébauchée des quelques brefs chapitres qui composent La fin du monde en avançant, de Pierre Bergounioux, m'incite à reprendre la rubrique des Mots sans lacune, longtemps interrompue (comme tout le reste, dira-t-on).
La réalité, la seule, c'est celle que nos yeux, en s'ouvrant, ont suscitée parce qu'ils ignoraient la relativité, l'écoulement, l'éclair blanc, déchirant, de la conscience, l'absence et le deuil, le doute, la nihilité, pour parler comme Montaigne, de notre condition. (La fin du monde en avançant, p. 21)
Par ailleurs, comme Bergounioux (dont j'ai découvert, il y a peu, que le très-Orléanais et très éminent linguiste Gabriel Bergounioux, que j'ai un peu côtoyé, est son frère) en revient toujours à ses origines brivoises, je ne peux m'empêcher d'illustrer ce billet à ma façon :. (Brive, avant Turenne, la Fage et Saint-Robert.)
18:45 Publié dans Hors Touraine, Mots sans lacune, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
Grozi, un Isou africain ?
Au théâtre qu’on cesse d’aligner les mots doublés de gestes purement illustratifs qui enfoncent des portes ouvertes. Que d’autres vibrations entrent en jeu pour nous émouvoir jusqu’au fond. Que des sons de voyelles nous frappent l’hypophyse et nous remettent en contact avec d’autres mondes. Que les couleurs agressent notre peau. Que des odeurs nous mettent de l’eau dans la bouche. Que les images nous captivent. Qu’il nous soit donné l’extase de l’explosion initiale qui créa les mondes.
Werewere Liking. Elle sera de jaspe et de corail (journal d’une misovire…). L’Harmattan, 1983, p. 101.
On ne fait pas mieux, de la part d’un polygraphe féru de discrépance, pour relancer la rubrique Affres extatiques.
07:00 Publié dans Affres extatiques | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 06 juin 2011
Barcarolle VII
Il y a six ans, je débarquais pour un embarquement.
Je crois me rappeler un mois de juin sec et ensoleillé, aux enthousiasmes farouches.
Depuis quelque temps, ce carnétoile a eu plus de soubresauts que de longs fleuves tranquilles, mais certains chantiers ont la peau tenace et la vie dure : le projet Tavers, le projet Dubuffet, le projet Mines. Il ne faut donc pas renoncer. Plus maintenant. On ne renonce pas après six ans !
(La maison, c’est une litote, n’est pas humide. La troisième lessive, étendue hier soir vers dix heures, a bien séché au salon.)
Nous sommes rentrés hier d’un bref séjour hors Touraine, tout d’abord trois jours dans l’Oise, sur les traces d’un passé de moins en moins récent, puis un jour et demi à Cesson, chez ma sœur. Beauvais n’a pas changé. Pour sacrifier au cliché : la forme d’une ville ne change pas aussi vite que s’y attendrait le cœur du mortel post-moderne. Seules vraies variations : le jardin médiéval de la maladrerie ; la grange dîmière réhabilitée, c’est-à-dire massacrée ; une enseigne Gibert (avec livres d’occasion comme à la maison-mère) place Jeanne Hachette ; le portail sud de la cathédrale ravalé, et d’un blanc étincelant, dans le vent.
Fini The Human Stain, lu Les Onze.
Une semaine commence, et une septième année.
06:25 Publié dans Flèche inversée vers les carnétoiles, Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (0)