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lundi, 12 novembre 2007

"Blocage" des Tanneurs & culture historique

Ayant théoriquement cours de neuf à onze ce matin, je me suis rendu à l'université dès 8 h 30, pour constater que le blocage voté mardi dernier en A.G. par 525 étudiants perdurait. Il y avait là une dizaine des étudiants à qui je devais faire cours, tous favorables à la reprise du travail ; ils étaient d'ailleurs venus pour tenter d'aller travailler en bibliothèque ou en salle informatique. Nous avons été retenus vingt minutes dehors, car les trois cerbères faisaient rentrer les étudiants et les personnels par "wagons", avant que d'autres "bloqueurs" ne les escortent, de manière plutôt musclée, jusqu'à la B.U..

Devant la B.U., une de mes étudiantes de troisième année continue de faire (très courageusement) signer une pétition contre le blocage du site.

Quoique mon devoir soit d'être présent aux Tanneurs pendant mes heures de cours, il faudrait que j'arrête d'y aller, car je reviens ulcéré par les conversations que je tiens avec les "bloqueurs".

Ainsi, la perle de ce matin revient à un étudiant qui insistait sur la nécessité de rattraper, une fois le blocage terminé, les cours annulés, et à qui j'expliquais, pour la énième fois, que cela était contraire au Code du Travail : il m'a alors doctement signifié qu'il ne "[s]e souci[ait] pas beaucoup du Code du Travail". Il me semble, quant à moi, le droit de tout travailleur à être rémunéré pour son travail fut, en son temps, une grande avancée démocratique. J'ai alors essayé d'expliquer que le rattrapage hypothétique des cours et des examens de contrôle continu annulés par les enseignants reviendrait à enfreindre tant le droit de grève que le droit de non grève... un peu comme si les cheminots grévistes demandaient à la direction de la SNCF de faire travailler les personnels non grévistes afin de compenser les effets de la grève ! L'étudiant m'a réitéré son peu d'intérêt pour ce genre de considération, et ses camarades n'avaient pas l'air choqués.

Quelle que soit la légitimité de ce mouvement de blocage, sur laquelle je ne veux pas revenir, on peut constater, en tout cas, que ce n'est pas la culture politique et historique qui étouffe ses "meneurs".

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EDIT :

Une étudiante a mis en place un blog de vote et de discussion Pour ou contre le blocage des Tanneurs ; elle m'a demandé de relayer l'information, ce que je fais.

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Enfin, je vais me consoler avec une bonne journée de travail hors site : rédaction de quatre rapports pour la Commission de Spécialistes, préparation de sujets d'examen, mise en place du calendrier d'épreuves de 1ère session  du L3. Ajoutons, pour finir sur une note plus gaie aussi, que je ne sais pas quelle traduction de Moby Dick Didier Goux avait lue : il paraît que la traduction de Giono est du très grand n'importe quoi (passages supprimés, contresens à la pelle) et que la dernière en date, signée Philippe Jaworski pour la Pléiade, est très minutieuse et fidèle.

vendredi, 09 novembre 2007

L.R.U., ils en ont parlé...

Comme, dans la situation actuelle, la question du blocage prend le pas sur le débat de fond autour de la L.R.U., je me permets de copier-coller ici, en l'adaptant en partie, ma réponse à Simon, qui me demandait ce que je pensais de la loi votée en août et qui déclenche de telles furies en novembre :

Il se trouve que, de mon point de vue, le vote de cette loi appartient déjà au passé. Pour commencer l'élaboration du contrat quadriennal 2008-2011 en juin dernier, les équipes pédagogiques ont suivi les lettres de cadrage du Ministère et de la Présidence, et c'est surtout sur ces points essentiels que nous avons débattu et travaillé en juin et juillet.

Plusieurs de mes collègues sont hostiles à cette loi, notamment en ce qui concerne la diminution de la représentativité élective au C.A., la présence accrue d'acteurs de la société civile et économique dans ces mêmes C.A., et le remplacement des commissions de spécialistes par des commissions ad hoc. Aucun de ces points ne me gêne vraiment, surtout quand on voit la foire d'empoigne que sont la plupart des C.A. et aussi le peu de légitimité de plusieurs commissions de spécialistes de par la France.

Le vrai sujet de débat, à mon sens, c'est la question du financement. La loi ne me gêne guère, en ce qu'elle ne "privatise" aucunement l'université. Mais, dans la mesure où les universités manquent de moyens et où le candidat Sarkozy jusqu'en mai et la ministre Pécresse depuis ne cessent de rappeler que plusieurs milliards d'euros supplémentaires seront injectés dans l'enseignement supérieur, on aimerait savoir où ira l'argent. Il est à craindre que seuls les diplômes "professionnalisants" récupèrent les fonds.

En l'espèce, on nous a demandé, dans les lettres de cadrage citées plus haut, d'être ambitieux pédagogiquement ; pendant ce temps, on nous faisait comprendre qu'il fallait travailler à moyens constants... C'est incompréhensible. Ainsi, le budget du département d'anglais a baissé de 12% en deux ans alors que l'inflation, dans le même temps, était de 7% ? Là est le fond du problème, et nullement dans la L.R.U.

Il reste beaucoup de flou autour de la première année de Licence. À un moment donné, lors des fameuses réunions de travail de juin dernier, nous avons cru comprendre qu'il serait possible d'ajouter 8 heures hebdomadaires de soutien pour 1/3 des promotions de L1. Comme tu le sais, cela serait suffisant pour compenser les très importantes lacunes des bacheliers. Mais cela représente aussi beaucoup de pognon ! Nous avons eu des échos contraires à ce sujet, de sorte que nous avons élaboré des projets permettant d'intégrer ce dispositif et attendons à présent, sans beaucoup d'illusions, le "retour" des expertises ministérielles.

Blocage des Tanneurs, 4ème jour

Vous trouverez ci-lié le communiqué de la Conférence des Présidents d'Université, auquel je souscris des deux mains.

Par ailleurs, j'ai écrit ce matin un bref courrier aux Doyens des U.F.R. d'Arts & Sciences Humaines et de Lettres & Langues. Le voici :

 

De : Guillaume Cingal , MCF Anglais-LEA
Directeur des études de LEA L1 et de LLCE Anglais L3

 

Messieurs les Doyens, Chers Collègues,

défavorable au blocage de l’université, je suis présent chaque jour sur le site et constate que la non-tenue des cours n’est pas de la responsabilité des enseignants. Par conséquent, il me semble contraire aux droits et devoirs des enseignants-chercheurs de remplacer les cours. Si le blocage dure plus de trois semaines, il sera également impossible de procéder à l’évaluation du contrôle continu.

Ce matin, Mme Pécresse a rappelé, sur différents médias, ce principe, en exprimant clairement l’idée que les enseignants ne devaient pas remplacer les cours. Je me réjouis de ce soutien de notre autorité de tutelle et aimerais savoir s’il est envisageable de publier un communiqué officiel de nos UFR allant dans ce sens, ainsi que d’en informer largement les collègues et les étudiants.

A titre personnel, je réponds d’ores et déjà aux étudiants qui me sollicitent que je ne transmettrai aucun travail par courrier électronique et ne remplacerai pas les cours annulés pour cause de blocage et pense que nous devrions adopter une attitude collégiale cohérente sur ces questions.

 

Salutations respectueuses,

Guillaume Cingal

jeudi, 08 novembre 2007

Désert du jeudi

En moins d'une heure, j'ai discuté avec une trentaine de mes étudiants, qui déplorent tous que les étudiants défavorables au blocage restent chez eux, et qui se sentent, du coup, isolés. En effet, c'est regrettable, car tous les étudiants subiront les conséquences désastreuses de ce mouvement à la légitimité douteuse.

Les responsables de plusieurs filières m'ont dit qu'ils croulaient, comme moi, sous les e-mails d'étudiants inquiets. Au lieu de s'inquiéter dans leur coin, ils feraient mieux d'agir et d'occuper le terrain dans les A.G....!

Une étudiante de 3ème année a lancé l'idée d'une pétition, ce qui aurait le mérite de montrer qu'une immense majorité des étudiants est hostile à ce blocage.

mercredi, 07 novembre 2007

Quand les bloqueurs débloquent...

Aujourd'hui encore, j'ai pu constater de visu le comportement agressif et irresponsable des étudiants "bloqueurs". L'un de mes collègues, qui assurait un cours de concours (c'est-à-dire un cours non affecté, en théorie, par le blocage), a été dérangé trois fois par des étudiants qui l'ont violemment pris à partie. Dans une autre salle du rez-de-chaussée, j'ai assisté à l'une de ces altercations musclées ; ce n'était pas beau à voir...

Par ailleurs, deux étudiantes "bloqueuses" m'ont expliqué doctement que le devoir des enseignants était d'être "solidaires" du mouvement et de continuer à assurer leurs cours par mail, puis de rattraper les cours une fois la situation revenue à la normale ! C'est curieux : même le gouvernement de droite si universellement honni n'a pas réussi à nous imposer de travailler pour du beurre. Les syndicats étudiants responsables du blocage voudraient, eux, contraindre les enseignants à assurer des centaines d'heures supplémentaires non rémunérées...

On nage en plein délire...

Soyons donc clairs :

Le blocage, discuté et voté en A.G., est le fait des étudiants, et n’engage que leur seule responsabilité. Si le blocage se poursuit, il faut que cela se fasse en connaissance de cause. Si la majorité des étudiants sont effectivement favorables à ce blocage, cela relève d’une volonté démocratique qui ne saurait, pour autant, engager la responsabilité des enseignants. Le rafistolage du printemps 2006 a été très durement vécu par la communauté enseignante, et ne se repr od uira pas.

Blocage des Tanneurs reconduit jusqu'au lundi 12

Je me permets de citer un extrait du communiqué publié hier soir par les étudiants bloquant le site des Tanneurs :

Présidée par une militante de l’UNEF, un militant de SUD et un indépendant, l’AG a largement donné la parole aux étudiants laissant même des étudiants prendre la parole en faveur de la réforme, sans convaincre grand monde.


 

Outre que le sens de cette phrase est difficile à saisir, faute d'une syntaxe cohérente, on remarquera que :

1) les trois présidents de séance étaient favorables au blocage : belle conception de la démocratie !

2) le droit des opposants à la parole est présenté comme une faveur extraordinaire ("laissant même") et non comme un fonctionnement démocratique normal. Si cela est vrai, toutefois, cela constitue une amélioration sans précédent par rapport au mouvement de blocage du printemps 2006. En effet, à l'époque, tout étudiant qui commençait à argumenter en faveur d'un déblocage du site se faisiait aussitôt traiter de "lepéniste", de "facho", voire molester.

3) le communiqué ne précise à aucun moment que l'amphithéâtre Thélème était bondé et que tous les étudiants qui se trouvaient à l'extérieur étaient hostiles au blocage et n'ont pu prendre part au vote, un filtrage soigneux ayant été mis en place par le comité d'organisation du blocage. J'ai pu constater cela de visu à trois heures de l'après-midi, et discuter longuement avec un groupe d'étudiants de 3ème année de L.E.A., tous inquiets et favorables à une reprise immédiate des cours : aucun n'a finalement pu s'exprimer, ni voter.

 

La poursuite du blocage jusqu'à lundi a été votée par 575 étudiants (soit moins de 10% des étudiants des UFR du site Tanneurs).

 

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Rappelons que l'un des votes des A.G. d'avril 2006 avait été précédé de l'annonce suivante, de la part de certain militant syndical reconnaissable à son porte-voix et à son écharpe : "Que ceux qui sont pour le CPE ou qui se sont abstenus quittent l'amphi ou le service d'ordre s'en chargera." Avec de tels précédents, comment imaginer que le vote d'hier soir a pu se dérouler dans le respect de la démocratie ?

On prend les mêmes et on recommence... sauf que, cette fois-ci, je ne passerai pas des journées entières à envoyer des cours par e-mail aux étudiants, et je refuserai de remplacer les cours dans des conditions invraisemblables après la fin du blocage. Si tous les étudiants doivent passer leur premier semestre en juin, lors de la session de rattrapage, tant pis...