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vendredi, 07 février 2025

07022025

Pour tenir le rythme de publication d’un billet par jour ici, j’ai un peu triché hier en publiant uniquement ma revue de presse. J’ai bien avancé dans Spinnweben – qui montre décidément qu’Amma Darko est une des écrivaines qui écrit le plus explicitement et surtout le plus matter-of-factly du monde sur la sexualité et surtout le plaisir féminin – et aussi dans Death of the Author, qui s’effiloche au fur et à mesure de la lecture. J’attends de voir ce que vont donner les 150 et quelques pages qu’il me reste à lire mais je crains que Lagoon ne reste, et de loin, son livre le plus abouti : après tout, ce n’est pas très grave – beaucoup d’écrivain·es donneraient tout pour avoir écrit ne serait-ce qu’un seul livre comme Lagoon. L’ironie, avec Okorafor, est qu’elle est surtout célébrée et connue pour Binti, Who Fears Death… et peut-être pour ce nouvel opus, qui a fait l’objet d’une campagne médiatique assez énorme.

 

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Mon problème est que je voudrais passer mes journées à lire, traduire et faire des recherches sur les textes qui le méritent (ainsi, d’exhumer ou de tenter d’exhumer les deux manuscrits inédits de Darko), mais que chacune de ces trois activités serait, normalement, à temps plein. (Et je n'évoque même pas l'enseignement, que j'adore même si cette activité est en suspens pour moi ce semestre.)

 

 

Le soir, nous sommes allés écouter l’orchestre Francis-Poulenc, qui donnait plusieurs pièces en décomposant les différentes phalanges de l’orchestre : une pièce pour 13 percussions (Ionisation de Varèse), deux suites pour cuivres (dont trois extraits des Brass Cats de Chris Hazell), trois pièces brèves pour cordes et enfin la Sérénade de Strauss pour bois et vents (dans laquelle jouait Odilon).

 

lundi, 06 janvier 2025

06012025 (de Walcott à Darko)

Aujourd’hui, c’est la rentrée et l’Épiphanie. O* a deux examens aujourd’hui et demain pour boucler son semestre.

 Quasiment fini (enfin !) la monographie de Bruce King sur Walcott, qu’il faudrait que j’extraie (j’ai marqué de nombreuses pages) ; il faut dire aussi qu’elle ouvre de nombreuses pistes de lectures, en poésie comme – plus généralement – en littérature des Caraïbes. Il parle peu de Kincaid ; d’elle, j’ai beau avoir mis le premier livre au programme de mon cours de L2 Double Licence depuis trois ans, je sais que j’ai à peine effleuré son œuvre. Les deux chapitres sur Omeros et le prix Nobel sont passionnants ; il y a notamment 4 pages sur Omeros qui offrent une introduction parfaite à ce livre qui a été, pour moi, il y a bientôt trente ans, un véritable choc esthétique. C.L.R. James, dont j’ai relu – pour traduire Born in Blackness – les Black Jacobins, a écrit des livres semble-t-il fondamentaux pour comprendre Walcott et d’autres, dont un (Beyond Boundaries, je crois – j’écris ceci sans le pavé de King sous les yeux) propose une sorte de sociologie post-coloniale du cricket aux Antilles. Et tout cela, si je poussais l’affaire, me détournerait d’autant plus du chantier qui doit m’occuper presque exclusivement ces prochains mois, à savoir mon chantier de recherche pour lequel j’ai obtenu un congé sabbatique de février à juillet. Voici d’ailleurs ce que je viens d’écrire dans le fichier Word intitulé Chantier CRCT :

Au tout début des vacances, j’avais poursuivi ma lecture de Spinnweben, jusqu’au milieu du chapitre 11, puis Noël est survenu, avec des lectures nouvelles terriblement happantes ; puis excursions à Pau, à Bayonne, à Paris même — autant dire l’entraînement vers autre chose. Comme il était prévisible, le chantier n’a pas avancé depuis le 24.

Il faut que j’écrive un mail type pour écrire à toutes les personnes avec qui j’ai échangé autour d’Amma Darko, sous prétexte des vœux, et afin de leur signaler que je suis totalement au point mort. Autre idée, écrire un mail à Amma Darko et tenter de l’envoyer – malgré ce que m’a dit Regina Bouillon – à un certain nombre d’adresses mail hypothétiques. Après tout, cela va me prendre une heure ou deux d’imaginer des mails possibles (gmail, yahoo, opérateurs allemands…), mais j’ai déjà donné des coups d’épée dans l’eau pendant beaucoup plus longtemps que cela.

Il faudrait que je réponde désormais aux personnes qui me disent « ah, mais ton sabbatique, c’est pour une HDR » quelque chose comme : « Non, j’ai quinze ans de retard sur les publications, je ne vais pas boucler une HDR en six mois. » Ma seule réticence serait que mes interlocuteurices croient que j’ai quinze ans de retard pour la recherche, ce qui n’est pas vrai du tout : en effet, depuis quinze ans, j’ai beaucoup lu en traduction / traductologie (en 2010, j’enseignais le cours de L3 depuis trois ans seulement et je n’avais pas encore repris celui d’agrégation interne), j’ai découvert et approfondi – comme presque tout le monde en France – les concepts de décolonialité et de décolonial, les axes intersectionnels, je me suis conscientisé sur l’importance de recentrer mes recherches autour d’écrivaines ; j’ai communiqué, participé à des séminaires, lu des essais et des œuvres en très grand nombre en réorientant sans cesse mon regard de chercheur.

En tout cas, il faut qu’en janvier – malgré les copies qui vont tomber, malgré l’émission de radio, malgré les deux traductions à reprendre, malgré l’inertie des jours qui se suivent – j’achève les deux romans « allemands », je prenne des notes et extraie des essais théoriques sur la traduction, je prépare mon séjour d’études chez P. N. (qui vient de perdre son père et publie chaque jour sur Facebook des billets qui pourraient constituer sa version – nettement plus profonde – des Notes on Grief d’Adichie).

 

dimanche, 21 janvier 2024

Le colorisme (Alessandra Devulsky, trad. Paula Anacaona)

L’éditrice et traductrice Paula Anacaona poursuit son travail précieux et essentiel de faire connaître en français tout un corpus de sociologie et d’anthropologie brésilienne. J’avais recensé en 2021, pour Littéralutte, deux essais fondamentaux de Djamila Ribeiro. Ici, j’ai eu le grand plaisir de lire l’essai d’Alessandra Devulsky Le colorisme. Métissage, nuances de couleurs de peau et discriminations (2021, 2023).

Il se trouve que ma lecture de l’essai a commencé peu après plusieurs billets de Patrice Nganang lors de la mort de Henri Lopes, et dans lesquels il disait notamment – dans le contexte africain, donc – qu’il fallait rétablir la vérité, et que le « métissage » vanté par Lopes n’était qu’une dissimulation néo-coloniale des spectres coloristes :

Ce qui reste, c'est le sang qui a coulé sous sa responsabilité, le sang, le sang, le sang de son propre peuple. Ce qui n'est pas dit, et qui se manifeste au Cameroun aussi, est que le colorisme était son instrument de pouvoir – le fait d'être métisse, tel qu'on le voit au Cameroun aussi, bref, le racisme à l'envers qu'il appelle “métissage”. Non, c'est le colorisme. (P. Nganang, post Facebook au sujet de la nécro de Henri Lopes dans le NY Times, 3 décembre)

 

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Comme plusieurs passages de l’essai d'Alessandra Devulsky sont très importants et qu’ils vont me servir à articuler plusieurs arguments lors de mes cours (en particulier séminaire de master et cours de 2e année sur les écritures féminines décoloniales de la Caraïbe), je les reproduis ici tout en vous incitant à vous procurer cet essai (et à aller explorer le catalogue des éditions Anacaona).

 

Le colorisme ne se limite pas seulement à l'aspect physique ; il reflète une hiérarchie raciale pernicieuse qui correspond à un projet politique : diviser les Noir·es pour entraver l'émancipation socio-raciale. Au Brésil, l'esclavage et le processus colonial se sont servis de ses hiérarchies raciales, ce qui a impacté la construction identitaire de ces sociétés. (p. 12)

 

Le capital se sert de données culturelles pour fragiliser la majorité des femmes – qui, dans le cas du Brésil, sont noires – hiérarchisant ainsi les corps par la stratification des oppressions basée sur le colorisme, et fragmentant le corpus politique noir en lui imposant la falsification de ses négritudes et blanchités. Le colorisme est donc un témoignage vivant de la plasticité des technologies du capital. (pp.69-70)

 

La manière dont sont exploités les pays africains, asiatiques et latino-américains est la preuve vivante que certaines pratiques prédatrices sur les êtres humains et l'environnement sont tolérées dans le Sud parce que c'est là qu'habitent celles et ceux dont l'humanité peut être bafouée. Les crimes environnementaux comme ceux de Brumadinho et de Mariana, l'esclavage moderne dans les campagnes du Brésil, qui touche en grande majorité les Noir·es, le recours au travail infantile dans les mines de cobalt et de diamants au Congo, montrent à quel point la racialisation de ces populations autorise l'exploitation irrationnelle des ressources – quitte à menacer directement leur vie. (p. 75)

 

Penser que le métissage mettra fin au racisme par la superposition de traits et d'origines revient à oublier que le colorisme ne se résume pas à des traits et marqueurs raciaux. Le colorisme se développe main dans la main avec le racisme, ce qui en fait une technologie sociale intersectionnelle qui intériorise aussi des vecteurs socio-économiques, culturels et historiques dans ses classifications et attribution de valeurs. (p. 78)

 

Contre les accusations de communautarisme ou d'identitarisme 

Confondre le processus de réécriture des récits et de rétablissement de la vérité avec un identitarisme à la seule recherche d'un statut est une simplification vulgaire de ce que signifie, historiquement parlant, l'opposition à des processus d'oppression systématique. (p. 80)

 

Voyant la négritude comme un objet d'étude et un vecteur d'orientation politique, les femmes noires à peau claire ont progressivement trouvé une appartenance politique et raciale. Abandonner la subalternité de la « presque » Blanche pour l'agentivité de « l'orgueil noir » dépend de la place que l'on trouve pour soi dans la multiplicité des africanités existantes, et de la reconnaissance de ce que l'on sait avoir toujours été.

L'abandon des pratiques de blanchiment dépasse de loin le seul domaine esthétique, le désir d'être accueilli·e ou accepté·e par les groupes de pouvoir : il s'agit de comprendre tout ce que nous avons perdu dans les processus coloristes d'assimilation de l'africanité au sein des modèles normalisateurs blancs. de fait, se reconnecter avec les liens familiaux et communautaires, religieux et culturels, aidera celles et ceux qui ont fini par comprendre que l'assimilation raciale fait partie du projet de blanchiment – un projet qui, bien loin de vouloir intégrer ce qui n'est pas blanc aux sphères de pouvoir, cherche seulement à discréditer et à vider de valeur tout ce qui s'éloigne de la norme érigée par les Blancs pendant des siècles. (p. 120)

 

Tourner le dos aux réflexes dissimulés offerts par la blanchité est un acte politique, qui requiert de se libérer du racisme et du colorisme pour être vécu dans sa plénitude. S'affirmer Noir·e ou autochtone au Brésil exige bien plus qu'une seule volonté, ou des arrières grands-parents esclavagisés ou appartenant à une ethnie en voie de disparition. Cela exige d'embrasser les luttes d'un peuple qui n'a jamais renoncé à sa liberté même sous le viol, la perte de ses caractéristiques et d'une partie de son histoire. (p. 121)

 

samedi, 20 janvier 2024

The Promise

C’est le roman qui a valu à Galgut des torrents d’éloges – il n’est que de voir l’insupportable double rabat qui sert de couverture à cette édition de poche Vintage – et le Booker Prize 2021. Malgré les réserves que j’ai formulées, j’ai nettement préféré The Impostor, et je me dis à présent que c’est The Good Doctor qu’il faudrait lire, et – après en avoir parlé avec mon amie M*, qui est spécialiste des littératures sud-africaines, et de Galgut notamment – les premiers romans, car ce qui me retient (beaucoup) dans l’écriture de Galgut, c’est son côté trop maîtrisé, trop abouti, trop parfait en un sens. Il faudrait que je m’explique de ce « trop parfait ».

 

The Promise (19012024)

 

C’est donc un très bon roman, sans doute, si on s’en tient aux questions de maîtrise formelle et narrative : les changements de point de vue fréquents s’entrelacent de façon subtile à un point de vue omniscient ; le narrateur omniscient,  quoique très discret, donne une forme de tonalité morale mais difficile à interpréter ; les notations ironiques succinctes, qu’il est difficile d’attribuer à tel personnage ou à la voix narrative, participent d’un portrait pessimiste de la société sud-africaine.

Mais… mais… mais…

Plus j’avançais dans la lecture, plus je trouvais les personnages factices, creux. La fameuse promesse du titre, dévoilée d’emblée, sert de fil conducteur – en fait, c’est cousu de fil blanc, jusqu’à sa fonction de décryptage des relations entre Blancs privilégiés de la société d’apartheid et Noirs victimes de ségrégation jusque dans les années 2000-2010. De plus, beaucoup de remarques misogynes émanent de la voix narrative principale (cf description, grossophobe pour tout arranger, de la notaire à la p. 280), sans compter un certain nombre de clichés sexistes qui servent d’astuces narratives (le dernier § sur la ménopause est totalement hallucinant pour un roman publié au 21e siècle – j'ai quasiment hurlé en lisant ça).

 

À force de vouloir dresser un portrait réaliste, sans fioritures de l'Afrique du Sud, le récit est d'un cynisme qui finit par rejoindre le discours suprémaciste blanc sur l'incompétence des Noirs. C’est ce qui m’avait déjà gêné dans The Impostor. Dans The Promise, les Noirs – catégorie homogène, fourre-tout – restent totalement marginalisés, sans voix dans le récit, et même ceux qui expriment une révolte sont ridiculisés, réduits au traumatisme de la prison, comme si l'argument de la confiscation du pouvoir économique par les Blancs était dérisoire : quand Lukas s’insurge contre la bienveillance paternaliste d’Amor, dans le dernier chapitre, je me suis dit que Galgut allait vraiment proposer ce point de vue à contre-courant du reste du roman… mais non… il choisit de raconter cet échange houleux du point de vue d’Amor, et donc d’en conclure que Lukas se trompe de colère et ne comprend pas qu’Amor est du bon côté.

Comme pour The Impostor, je n’ai pas cherché longtemps mais je m’étonne de ne pas trouver d’articles qui analysent ces traits néo-coloniaux qui usent de stéréotypes raciaux au lieu de les déconstruire.

 

vendredi, 12 janvier 2024

La quête infinie de l'autre rive (Inter Pares 2014-1)

jeudi, 11 janvier 2024

The Impostor

The Impostor (11012024)      Il y a longtemps déjà que je voulais lire Galgut. Et ma mère m’en ayant offert deux romans pour mes 49 ans, en novembre, j’ai donc attaqué celui-ci lundi soir, toujours dans l’idée d’essayer de faire descendre la pile de livres en souffrance. (En fait il y a plusieurs piles. Trois ou quatre. C’est une autre histoire.)

 

Comme l’idée de cette chronique n’est pas de passer une heure ou davantage, à chaque fois, à écrire une recension détaillée, mais plutôt de pouvoir tenir le compte des livres lus / parcourus / interrompus, voici donc très en bref l’intrigue de ce roman publié en 2008, et qui fait partie des livres de Galgut qui ont été traduits en français :

Le roman raconte, du point de vue d’Adam, quadragénaire au chômage et en plein désarroi existentiel, les années de la transition arc-en-ciel. Adam déménage au fin fond du Karoo, dans une maison un peu déglinguée, au jardin envahi de ronces et de mauvaises herbes, que lui prête son frère ; il s’imagine qu’il va reprendre sa carrière de poète abandonnée après un seul recueil juvénile ; il se retrouve à converser avec un être imaginaire, façon Horla mais pacifique. Son voisin, Blom, est mystérieux ; il apprend vers la fin du roman qu’il s’agit d’un ancien criminel du régime d’apartheid engagé dans un programme de protection des témoins. (Par une forme d’ironie narrative très téléphonée – le roman n’est globalement pas du genre subtil – Blom finit assassiné par les mafieux qui le prennent pour Adam.) Adam croise, presque dès le début du roman, un homme, Canning, qui lui dit qu’ils sont amis d’enfance, dont Adam n’a aucun souvenir alors qu’il est, lui, la personne que Canning admirait le plus quand ils étaient ensemble en pensionnat. Canning a hérité de son père, qu’il détestait, un gigantesque ranch qu’il entreprend de démolir et de convertir – avec l’aide de politiciens véreux et d’un certain Mr. Genov, gros mafieux richissime – en golf. Adam passe tous ses week-ends dans la propriété (qui n’est jamais appelée ranch, c’est moi qui use de cet américanisme inadéquat par commodité), et finit par avoir une liaison avec la femme de Canning, une Noire sublime censée se nommer Baby.

 

Du point de vue des principaux motifs :

 * le veld, encore et toujours (p. 25 p. ex.)

 * la centralité d’un personnage ab-errant, Adam (notion d’aberration à creuser à partir de la p. 238 p. ex.), permet de mettre en lumière une société entièrement composée de figures dysfonctionnelles – tout à fait intéressant en tant que ressort littéraire/esthétique, mais cela m’embarrasse un peu comme la façon dont les romans post-apartheid de Coetzee sont beaucoup plus négatifs et critiques que les textes pré-apartheid (je n’ai pas creusé tout cela, il y a bien longtemps que je ne prétends plus, et de loin, avoir une quelconque expertise concernant la littérature sud-africaine

 * la première rencontre entre Adam et Baby (pp. 62-5) est très dérangeante : est-ce que Galgut fait exprès de jouer avec le male gaze racialisant et de surdéterminer les clichés sur la prostitution ? je n’en suis pas sûr – Adam est dépeint comme un homme blanc en pleine crise de la quarantaine (Galgut ne le dit jamais ainsi, heureusement) et entièrement détaché de ses propres expériences (cf la dernière fois qu’il fait l’amour avec Baby, pp. 196-7)

 * la bipolarité de Canning (nommée « ambivalence » à plusieurs reprises), p. ex. p. 116 : très intéressante en tant qu’allégorie politique (cf aussi dans le chapitre de dénouement, ch. 21, p. 245)

 * la dualité Adam/Canning signifie que chacun des deux est l’imposteur de l’autre (d’où le titre) ; la mémoire (personnelle et historique) comme imposture ; dualité redoublée par la dualité Baby/Nappy [pendant la majeure partie du récit, Canning appelle Adam  « Nappy », son surnom de leurs années d’enfance < Adam Napier, mais le surnom vient du fait qu’il se pissait dessus], comme si Galgut ironisait sur une nation à l’état d’enfance, incapable de dépasser le stade des pulsions primaires (Baby férocement individualiste / Adam qui rentre en fin de compte dans le giron de la classe moyenne/aisée blanche)

samedi, 06 janvier 2024

T'Zée

T'Zée (06012024)    Hier après-midi, avant de sombrer dans une longue sieste – fort inhabituel – j’ai lu ce roman graphique offert à O* pour Noël.

Réécriture de Phèdre, bien sûr, mais aussi portrait à peine décalé de la dictature Mobutu : à peine, car on sent qu’Appollo, le scénariste, a voulu combiner les Kabila et Sassou-Nguesso dans la figure de T’Zée (Thésée) : le père Kabila était surnommé “Mzee”, un nom swahili très courant pour désigner un modèle de sagesse. Le livre est globalement réussi ; j’aime beaucoup le dessin et les contrastes de couleurs d’une page à l’autre, comme si des univers impossibles se côtoyaient. Suivant la structure tragique, le roman se décompose en cinq actes, avec pour chacun une épigraphe empruntée à un écrivain francophone des années 70-80, et un système d’analepses – le moins réussi étant l’acte IV, celui où Hippolyte, Arissi et leur ami libanais assistent à un match de catch féticheur : on sent qu’il y avait une vraie volonté de marveliser le livre, et d’y adosser une allusion au combat de boxe entre Foreman et Mohamed Ali en 1974.

Il y a aussi ces quelques planches totalement gratuites où Bobbi comme Mami Wata n’ont d’autre fonction que d’exhiber leur corps pour le male gaze le plus lourdingue. Cela résonne d’autant plus péniblement quand, à la page 73, Hippolyte étudiant à Paris découvre « les grandes figures des indépendances » : sur les dix noms / visages, une seule femme… Toni Morrison… Au cours des quinze ans qu’a duré la gestation puis l’écriture de ce livre, Appollo n’a-t-il donc rencontré aucune figure d’écrivaine et/ou de militante africaine ? C’est navrant.

 

vendredi, 05 janvier 2024

Wizard of the Crow

Wizard of the Crow (05012024)    Wizard of the Crow, lu peu après sa sortie, un billet de train daté de décembre 2006 resté dedans en témoigne, je l’avais relu par fragments, il me semble, lors d’une précédente tentative d’en proposer la traduction, il y a dix ans peut-être. Je l’ai repris car Ngũgĩ wa Thiong'o est revenu au centre de mes travaux depuis un an, notamment en raison de la traduction des Perfect Nine par Laurent Vannini, qui m’a valu une invitation aux Assises de la traduction à Arles, mais aussi car j’ai siégé en décembre dans un jury de thèse, le sujet étant un essai de comparaison entre la première trilogie de Nuruddin Farah et deux romans de Ngũgĩ wa Thiong'o, dont Wizard of the Crow, autour des thèmes de la dictature et de la folie.

À cette occasion, j’ai décidé de relire ce génial pavé en entier, et je me réjouis d’avoir pris le temps ; après tout, le roman est constitué de six « livres », de dimensions inégales certes ; j’en ai achevé la lecture hier soir, peu avant minuit. Il faut vraiment traduire ce livre. Je ne sais ni quand ni comment. Mais il n’est plus question de reculer.

 

vendredi, 04 août 2023

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Excellente nouvelle que cette publication d'un texte d'Adam Shafi Adam, dont j'avais tant aimé Les girofliers de Zanzibar, traduit alors par Jean-Pierre Richard (un des deux !) et publié en collection Motifs, au Serpent à plumes.

Ce nouveau livre paraîtra en octobre aux éditions Project'Îles ; le titre français est Les indociles.

 

La traductrice est Aurélie Journo, donc ce sera forcément très bien.

 

jeudi, 03 août 2023

03082023

Les éditions Dodo vole n'éditent plus, hélas, la revue Lettres de Lémurie, qui restera comme un jalon majeur des années 2010-2020 (et que j’ai évoquée plusieurs fois dans le vlog : 1, 2), mais les souscriptions continuent...

 

Allez jeter un œil au catalogue de l'automne : de beaux ouvrages à soutenir, acheter, offrir...

 

vendredi, 28 juillet 2023

28072023

Hier soir, je suis parvenu aux deux-tiers, à peu près, du roman de Soyinka.

Je lambine, non seulement car je lis d’autres textes dans la journée et car j’ai commencé The Hottentot Venus de Rachel Holmes, mais aussi parce que j’ai beaucoup de mal à « entrer » dans ce roman. C’est très bien écrit, très incisif, mais j’ai davantage l’impression de lire une critique sociologique et politique qu’un roman à proprement parler. Je trouve aussi que l’intrigue, au sens le plus banal du terme, n’a vraiment « décollé » qu’après les 7 premiers chapitres, donc après l’entrevue entre Pitan-Payne et le Premier Ministre tout-puissant. Un autre élément contribue, je pense, à l’impression de monochromie : l’absence totale de variété dans les personnages, qui sont tous des quinquagénaires nigérians issus du même milieu et dans un positionnement similaire vis-à-vis du gouvernement et du parti majoritaire. (N'est-ce pas ce que j'avais trouvé rédhibitoire, autrefois, à la lecture de The Interpreters ?)

Pas de personnage féminin, pas de jeunes, pas de vieux… c’est très étrange, en fait.

 

samedi, 10 juin 2023

10062023

Il est arrivé quelque chose de rare aujourd’hui. Levé tôt – en fait, à l’heure habituelle du réveil (6 h 40 (depuis toujours, je suis incapable de me lever franchement plus tard le week-end ou en vacances, ou alors il me faut vraiment plusieurs semaines d’accoutumance ou que je me sois couché très tard)) –, ayant laissé Joseph Anton de Rushdie, commencé hier, à l’étage, je suis allé au salon et j’ai repris Glory de NoViolet Bulawayo, roman commencé il y a plus de deux mois et dont j’avais arrêté la lecture après moins de 50 pages (sur 400), déçu voire agacé, et – pour résumer – n’arrivant pas à « entrer dedans ». En général, quand je fais ça, c’est mort ; je peux toujours retenter quelques jours ou quelques semaines plus tard, mais c’est mort ; encore ces derniers temps, j’ai tenté à deux ou trois reprises de recommencer la lecture de King Lopitos et de Toxique (j’en parle dans la vidéo je range mon bureau n° 099) mais il n’y a rien eu à faire.

 

Vous me voyez venir : rien de tel avec Glory. Après 1 h 30 j’avais poursuivi jusqu’à la page 140, et ce soir j’ai lu la moitié du roman. Non que les défauts qui m’avaient empêché d’« entrer dedans » ne soient pas là, mais ils sont devenus secondaires. Je crois qu’il a fallu ces neuf ou dix semaines pour qu’inconsciemment je digère la déception d’un roman sans rapport avec le cycle de nouvelles We Need New Names que j’avais beaucoup aimé, et surtout pour que je digère le fait que le roman ne cherche absolument pas à faire des personnages animaliers autre chose que des figures anthropomorphiques dans un roman à clé parfaitement transparent sur l’histoire récente du Zimbabwe. Il y a aussi que le chapitre 8, ‘Returnee’, est particulièrement réussi et offre un angle différent avec des personnages différents.

 

Sinon, une fois qu’on accepte le caractère totalement plaqué – ou gratuit, ou automatique – du transfert de l’histoire humaine sur des personnages d’animaux, la lecture se trouve facilitée. De même, NoViolet Bulawayo (et cela, c’est très différent de son premier livre) procède régulièrement à des répétitions extrêmement longues, sous forme de collier d’anaphores, ou de formules répétées à l’identique ou presque sur une dizaine de lignes ; réflexion faite, je pense que, comme d’autres éléments un peu dérangeants de l’écriture, cela vient d’une tentative de restituer une forme d’oralité très précise et très codifiée – je ne connais pas les traditions orales des récits ndebele, donc c’est seulement une hypothèse.

 

vendredi, 02 juin 2023

02062023

Hier, je publiais une vidéo improvisée hors-série pour saluer la mémoire d’Ama Ata Aidoo, qui vient de mourir. Bien entendu, cette vidéo n’a presque aucun retentissement, car l’écrivaine ghanéenne est totalement inconnue en France. Une des choses qui me chagrine est que son seul livre traduit en français, Changes [Désordres amoureux, traduit de l'anglais par Éloïse Brezault et Catherine Tymen, Zoé, 2008], est peut-être son moins fort, donc j’imagine les rares curieux ne lisant pas l’anglais allant le lire et se disant « oui, bon, pourquoi nous bassiner avec cette écrivaine ? ».

Il faudrait traduire et publier Our Sister Killjoy en français.

D’emblée se poserait la question du titre. Il n’y a pas seulement le problème du pseudo-nom propre, Killjoy, mais aussi l’article possessif our. Si on traduit sans article, cela restreint le sens dans la dimension religieuse (catholique) : Sœur Rabat-Joie, sorte de parodie de Sœur Sourire. Ce serait un contresens.

Avec l’article possessif, c’est étrange.

Je serais assez tenté, à brûle-pourpoint, par ceci : La Frangine Rabat-Joie.

 

(Je crois que de toute façon la connotation de sororité est impossible à suggérer au moyen du seul titre.)

 

jeudi, 01 juin 2023

01062023 : Ama Ata Aidoo (1942-2023)

 

 

Hier j’ai appris, via le mur Facebook de Nnedi Okorafor, la mort d’Ama Ata Aidoo. Son livre Our Sister Killjoy est un jalon fondamental pour toute personne qui s’intéresse aux littératures africaines, au féminisme, à l’intersedctionnalité et au discours post-colonial. J’explique pourquoi, vite fait, dans cette vidéo hors-série.

dimanche, 07 mai 2023

07052023

En rentrant d’une petite promenade avec C*, je me suis rendu compte qu’un des érables de la haie côté rue Mariotte était désormais immense, tout en longueur, et qu’il rendait plus ou moins inutile, une fois feuillu, l’éclairage du lampadaire qui lui a certainement servi de tuteur. Entre les coronilles et les petits érables, la haie côté rue Mariotte est assez fournie au printemps et en été, malgré les troènes chétifs, nains et dépenaillés.

Ma mère a passé une journée épuisante chez ma grand-mère, qui est moins autonome que jamais.

 

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J’ai fini de lire You de Nuala Ni Chonchuir, son premier roman. (J'en ai lu deux autres, Miss Emily et Nora, ainsi que trois recueils de nouvelles.)

Quelle écrivaine fine, subtile, émouvante.

Détail presque sans importance, j’ai appris en lisant ce roman une nouvelle expression pour dire rendre dingue en anglais : it drives me baloobas. [Un site Web au moins donne à l’adjectif le sens de défoncé/murgé/démoli.] Je ne l’emploierai pas car vérification faite, elle a des connotations fortement racistes.

Toutefois, l’histoire, méconnue de moi, est intéressante : après l’indépendance du Congo belge, en 1960, le Katanga chercha à faire sécession ; les rebelles katangais, aidés par des mercenaires européens, multipliaient les escarmouches, y compris contre les Lubas (aussi désignés comme « peuple Baluba »), qui décidèrent de s’organiser et de se défendre ; le 8 novembre 1960, un détachement motorisé de soldats irlandais appartenant aux forces de paix de l’ONU (qui ne s’appelaient pas encore les casques bleus) tomba dans une embuscade, car les Lubas, encore sous le coup de plusieurs raids et massacres, les avaient pris pour des mercenaires européens. Dans le combat qui s’ensuivit, 25 Lubas trouvèrent la mort, ainsi que neuf soldats irlandais, dont les deux chefs d’expédition, massacrés au coupe-coupe lors du premier assaut.

L’adjectif, dérivé d’un ethnonyme, est donc employé comme synonyme d’enragé ou de sauvage. La connotation racialisante est donc du côté de l'animalisation et de l'impossibilité de raisonner. Même si on peut comprendre que l’opinion publique irlandaise se soit fortement émue de ce malentendu tragique, il me semble difficile d’employer l’adjectif une fois qu’on connaît l’histoire. En l’espèce, c’est un très bon – et terrible – exemple des conséquences complexes et désastreuses de l’occupation et de l’assujettissement coloniaux. Comme je ne connais pas du tout cet épisode, et que je suis globalement peu au fait des détails de l’histoire du Congo-Léopoldville, donc de cette période, je me suis appuyé sur quelques sources très rapides, mais je ne peux m’empêcher de constater que la WP anglophone comme d’autres sites que j’ai pu consulter se situent totalement du point de vue irlandais, même quand il y a une vraie tentative de comprendre les motivations des Lubas et les raisons du malentendu. Il faudrait aller regarder du côté des historiens congolais, notamment ; sans doute l’historiographie post-coloniale et décoloniale est-elle compliquée à démêler, comme pour la difficile « neutralité » des historien·nes qui traitent de la guerre civile nigériane, même cinquante ans après.

 

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Soir : fin de The Good Place. La saison 4 se termine de manière très classique. Toute la saison 4 a d’ailleurs un côté bouclage de boucle parfois un peu lourd.

Dans le dernier épisode, on aperçoit très furtivement la liste des milliers de tâches que souhaite encore accomplir le personnage de Tahani, et grâce à un arrêt sur image j'ai pu voir qu'elle comptait bel et bien battre le record de Graham Gooch de 456 runs en un seul test-match. Du cricket comme accomplissement culturel et sportif ultime pour le personnage de l'aristocrate anglo-indienne... ;-)

 

Nous avons des problèmes de connexion à Canal+, surtout le soir, malgré l’achat et l’installation d’un répéteur il y a 8 jours. Apparemment plusieurs forums en ligne font état de problèmes similaires au nôtre : la question des connexions simultanées sur 72 heures est assez abstruse, mais nous pensons avoir compris qu’il y a une histoire de nombre d’appareils connectés au cours des 3 derniers jours.

 

jeudi, 04 mai 2023

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Deuxième journée d’ouverture « normale » du site Tanneurs. Les diverses évaluations ont eu lieu sans problème, même si on se sent un peu en état de siège.

 

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Pris un verre avec N* sur la pause médiane. Comme elle n’était pas sûre de pouvoir entrer sur le site, elle préférait qu’on se voie dehors, et comme il faisait beau, ça m’a fait une pause tout à fait bienvenue. J’espère qu’elle sait où elle en est, car nous n’avons parlé, en suivant ses demandes, que de la soutenance du mémoire et de son projet de thèse, pas du tout de ce qui lui reste à écrire du mémoire à proprement parler. Comme elle est sérieuse et déterminée, je ne l’ai pas ennuyée avec ça ; il reste six semaines, dont elle tirera le meilleur.

N* m’a fait découvrir un roman LGBTQI nigérian qu’elle vient de commencer et dont je n’avais pas entendu parler, Butter Honey Pig Bread de Francesca Ekwuyasi. (Comme dans les années 60-70, la scène littéraire nigériane est d’une vitalité insensée depuis quelques années.)

 

lundi, 03 avril 2023

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Je me suis traîné toute la journée ; j’ai quand même enregistré une vidéo autour des autrices mauriciennes.

 

mercredi, 29 mars 2023

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Ce matin, Mariam Sheik Fareed m’a téléphoné de la gare d’Auray : train annulé sans avertissement préalable de la SNCF. D’où correspondance à Paris manquée. La seule solution pour qu’elle puisse être avec nous en milieu d’après-midi étant qu’elle prenne sa voiture, je le lui ai déconseillé, tant pour des raisons écologiques et de fatigue que parce que je n’étais pas sûr qu’on puisse lui rembourser ce trajet-là. Le billet de train sera remboursé, et nous essaierons de la faire venir en mai ou juin.

 

Dans l’immédiat, ma collègue Priscille Ahtoy et moi-même avons décidé de maintenir l’événement : au vu de l’énergie dépensée pour organiser, délocaliser sur le site de la MSH, informer sur cette délocalisation, créer une équipe Teams pour l’événement en hybride, une annulation pure et simple aurait été très frustrante. Mariam Sheik Fareed s’est jointe à nous via Teams, et cela a donné 2 h 30 d’échanges tout à fait intéressants, avec une dizaine de collègues et d’étudiant-es dans le public, à quoi s’ajoutaient une dizaine aussi en distanciel. À la demande d’un collègue de la MSH, j’ai enregistré l’événement ; il est disponible sur YouTube en mode non répertorié.

Petit détail, quand Mariam Sheik Fareed, dont la conférence tournait autour des identités plurielles à partir de son nom et de son ascendance jusqu'à ses expériences d'écriture, a évoqué le Prix Goncourt décerné à Mbougar Sarr, elle a dit qu'au sein des éditions Philippe Rey elle s'était sentie appartenir à la communauté des écrivain-es africain-es...

 

Dans les prochains jours, j’enregistrerai une vidéo je range mon bureau consacrée uniquement à ces textes ultra-contemporains de l’Île Maurice que j’ai présentés, très sommairement pour beaucoup.

 

Entre Tours et Montlouis, le soir, première écoute du nouvel album du Andy Emler MegaOctet, formation que j’avais beaucoup écoutée il y a 15 voire 20 ans, et qui m’était totalement sortie de l’esprit jusqu’à jeudi dernier où mon collègue Erick m’en a parlé.

 

vendredi, 17 mars 2023

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J’ai beaucoup lu Bernardine Evaristo, qui est une écrivaine primordiale. Je viens d’écouter cet entretien sur RFI, dans lequel j’apprends que la première mouture de Lara était en prose narrative. À l’occasion de la parution, en traduction française, de son nouveau livre, Manifesto (que je n’ai pas encore lu), et de Blonde Roots, texte qui a déjà une quinzaine d’années, je vérifie et vois que les deux chefs-d’œuvre d’Evaristo, Lara et The Emperor’s Babe sont toujours inédits en français, sans doute car peu de traducteurices se sentent capables de traduire deux romans versifiés dans une forme poétique très rigoureuse, mais surtout – je n’en doute pas – car aucune maison d’édition ne pense que de tels romans soient vendables. Les éditions Globe, qui font un très bon travail (la traduction de Maud Martha par Sabine Huynh y paraît ces jours-ci, encore un livre à se procurer), prennent le taureau par les cornes… fingers crossed

 

Ce matin, cours annulé à cause du blocage. L’atelier de traduction avec Laurent Vannini étant semblablement tombé à l’eau, j’ai retrouvé Laurent et ma collègue Cécile Chapon dans un café que je ne connaissais pas de la rue du Grand-Marché. On n’a pas tout à fait refait le monde mais j’ai pris deux conseils de lecture – au moins – et découvert un groupe de metal (en est-ce vraiment ?) visiblement hyper connu, sauf de moi, System of a Down.

 

Passé une partie de l’après-midi à écrire à toustes les député·es Les Républicains afin de les inciter à voter la motion de censure lundi. L’espoir est très mince, mais sait-on jamais…

 

mardi, 14 mars 2023

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Le cours de deuxième année sur les écritures féminines contemporaines de la Caraïbe anglophone et hispanophone fait quelques étincelles. Aujourd’hui, les deux textes que les étudiantes avaient choisi de discuter étaient la brève nouvelle de Soleida Rios (Bruja / Witch) avec la traduction anglaise de Barbara Jamison et Olivia Lott, et le poème de Jacqueline Bishop, Hasan Talking to Himself in the Mirror of a Cheap Hotel Room.

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Les deux textes, différents, sont tous deux très complexes en raison des nombreux non-dits et des ambiguïtés. Ainsi, dans la nouvelle de Rios, la figure onirique de la Femme/Sorcière, arborant puis brandissant un cintre « plus petit que la normale » évoque les avortements clandestins avant que, toujours dans la vision onirique de la narratrice, le cintre disparaisse et que la nouvelle se termine sur un assez obscur cunnilingus : deux « émanations » (le mot emanaciones se trouve dans la dernière phrase, mais très sous-traduit en anglais) différentes de l’archétype de la sorcière (au féminin en espagnol).

J’ai oublié de demander à l’étudiante qui avait présenté son travail sur quelques différences entre le texte espagnol et la traduction anglaise si cela l’intéresserait d’être la première à traduire Soleida Rios en français. Il y a forcément des revues ou fanzines féministes, par exemple, que cela intéresserait.

 

dimanche, 05 mars 2023

05032023

 

Trois lessives, des grosses courses (alors que j’essaie d’éviter absolument le dimanche, en règle générale), un appel Jitsi avec A*, et des « bricoles » de boulot qui m’ont déjà bouffé deux bonnes heures. Il fait assez beau, mais le vent reste assez net, et frais.

Fatigué (et j’en ai l’air, comme me l’a gentiment mon collègue médecin).

 

Fini hier soir de lire Ikenga : c’est bien mené, mais ça reste un récit très conventionnel de super-héros, même si Okorafor situe de manière très précise et très réaliste l’histoire dans le contexte d’une petite capitale de province nigériane. Dommage qu’elle ne tente plus de grand livre complexe comme Lagoon. – Ce matin, poursuivi la lecture de Matrix. La présence des figures animales et botaniques devient de plus en plus forte, et presque délirante. Une très belle écriture, au service d’un récit irréaliste et politique.

 

mardi, 28 février 2023

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Aujourd’hui il faisait tellement froid que je suis allé aux Tanneurs en voiture : les rafales de vent glacial sur mon trajet à vélo, à 7 h moins le quart du matin, c’était trop pour moi. Beaucoup de personnes semblent, comme moi, ne pas être rentrées reposées de la semaine de pause : qu’est-ce que ce serait sinon ?

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Aucune nouvelle de l’éditeur, qui devait me rappeler « dans une quinzaine » pour affiner le projet et le contrat… c’était il y a trois semaines, I smell a rat…

 

 

Reçu deux livres, dont l’un que je voulais lire depuis sa sortie (Glory de NoViolet Bulawayo). J'avais beaucoup aimé son roman composite, ou recueil de récits liés, We Need New Names.

Dans la salle d’attente de l’orthodontiste (O* en a entièrement terminé de ses appareillages !), j’ai commencé Ikenga de Nnedi Okorafor. J'ai aussi pris, avec le smartphone vert qu'on ne voit pas dans le reflet, cette photographie qui a matrixé quelques personnes sur Facebook...

 

samedi, 25 février 2023

Safi Faye (1943-2023)

Avant-hier, Mame-Fatou Niang annonçait la mort de la grande cinéaste sénégalaise Safi Faye. Grande, même si j’admets que je n’avais regardé, il y a quelques années, qu’un seul de ses films, un des premiers, Kaddu Beykat (1975).

 

 

Hier, j’ai évoqué cette figure majeure en commentant brièvement sur Twitter deux scènes du film.

Voici ce que j'écrivais :

Avant de crier à l'exotisation ou que sais-je, regardez ce film en entier, et notamment la scène dans laquelle les paysans décrivent parfaitement (et dénoncent) le système néo-colonial persistant des cash crops et la paupérisation des villages.

 

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J'aurais pu ajouter, à partir de la capture d'écran ci-contre, qu'il s'agissait d'un résumé sublime (aussi à cause de l'alexandrin français pour la traduction de la phrase en wolof ?) de ce système de domination par le double processus de confiscation des produits de la terre et de spécialisation dans la monoculture.

 

Je poste ci-dessous également, en incrustation, la version en 480 de son film le plus connu, Mossane (1996), dont je n’ai regardé que le début. Comme j’aimerais voir ces films avec un certain confort et une certaine qualité, je crains que le transfert de mp4 en 480 sur le téléviseur ne soit franchement mauvais. J’ai vérifié dans le catalogue de la B.U. ; rien en DVD.

Un bel (et énième) exemple d’invisibilisation colonialiste (et patriarcale). Entre autres, ne pas oublier que son premier film fut censuré par le président Senghor (qui aimait bien célébrer la femme noire du moment qu'elle était nue et passive) et que Faye dut se battre pour conserver les droits de Mossane.

 

mercredi, 25 janvier 2023

25012023

Toujours très enrhumé, ce qui me fatigue, d’autant que la toux ne me lâche pas : j’ai la gorge qui racle toute la journée maintenant. L’après-midi, j’ai conduit O* à sa séance d’orchestre et, plutôt que de faire un tour, je suis resté dans la voiture, avec manteau, à relire quelques chapitres de The Deep, toujours pour le séminaire de master. Le matin, j’avais préparé les supports pour les séances 2 et 3. Nous allons travailler sur la mise en récit du mythe des ogbanje (et des abiku), à partir de Freshwater… mais pas seulement…

À mon retour d’en ville, on a rediscuté avec C* des fameuses pages qui vendent la mèche quant à la genèse des wanjiru (début du chapitre 3, et dans le récit par une instance narrative collective changeante, chapitre 4) ; il n’en demeure pas moins que l’éclaircissement en 4e de couverture, tant dans les éditions de langue anglaise que dans l’édition française, est regrettable. J’ai aussi vérifié comment Francis de Guévremont s’était dépatouillé de la séquence depth–deepness–‘deepest deep’. Pas trop mal, mais pas parfaitement.

 

(Finalement, sans autre solution, c’est moi qui vais me coltiner le 4e groupe de traduction de 2e année, que personne ne peut/veut assurer. D’où un cours qui s’ajoute encore à mon jeudi censé être libre. Demain, en plus, conseil d’UFR.)

 

samedi, 14 janvier 2023

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Fini de lire ce matin, au lit, dans la foulée du petit déjeuner fort matinal (7 h 15), le petit roman de Sharon Paul, Le Cantique du rasta, qui a obtenu le Prix Indianocéanie en 2021. C’est très beau, très ramassé, efficace. D’après la 4e de couverture, l’histoire de Nas s’inspire de très près de ce qui est arrivé réellement au chanteur Kaya, que je ne connaissais pas.

 

Pour l’heure, j’extrais du roman les deux phrases suivantes : « Et puis le petit s’en alla. Il vit des amis, et il s’en alla. » (p. 72)

Ces deux phrases n’ont peut-être l’air de rien, mais elles clôturent un passage d’une page et demie : Mémoire, le vieux musicien rasta, se désole de ne pouvoir aider un jeune chien ravagé par les tiques qui le dévorent ; le petit de ces deux phrases, c’est le chien. Avouez que ça ne se devine pas.

 

Hier soir, tard, j’avais posté ceci sur Twitter :

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Ce matin, j’ai échangé avec un de mes abonnés, qui a commenté ainsi :

A propos de Sharon Paul, est-ce que la situation des autrices et auteurs parfaitement bilingues en anglais et français (Maurice, Ste Lucie, Dominique, pays Cajun…) a été étudiée (souvent trois langues d’ailleurs, contrairement au bilinguisme avec le créole comme en Haïti) ?

À quoi j’ai répondu :

Justement, je me lance dans un projet dont l'objectif est de creuser toutes ces questions-là. Je vais enchaîner avec Priya Hein. J'en ai parlé un peu dans ma vidéo d'hier, autour des livres de Mariam Sheik Fareed et d'Amenah Jahangeer-Chojoo.

 

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En écoute : Push the Sky Away (Nick Cave & the Bad Seeds) – mention spéciale pour ‘Water’s Edge’

 

vendredi, 13 janvier 2023

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Aujourd’hui j’ai pu rester à la maison toute la journée – à travailler bien sûr – de 7 à 13, avant d’enregistrer une vidéo trop longue et dans laquelle je n’ai même pas réussi à solder la totalité des lectures de ces derniers mois.

Ce matin le chauffagiste est venu pour l’entretien annuel de la chaudière et a dû changer deux sondes, des pièces d’origine dont il m’a effectivement montré qu’elles étaient très abîmées. La façon dont il m’a expliqué en partant que la secrétaire m’enverrait la facture du remplacement des sondes et « qu’il n’y en a pas pour cher, une sonde c’est 50 euros et quelque » me confirme une fois encore que les gens s’imaginent que les professeurs d’université ont des salaires mirobolants. Devoir payer une facture imprévue de 50 (ou de 100 ? il y a deux sondes) euros ne m’oblige pas à sacrifier d’autres dépenses nécessaires, mais enfin ce n’est pas une dépense anodine non plus ; je ne suis pas en mesure de balancer des biftons de 50 comme s’ils me tombaient des arbres.

Fini de lire le dernier roman d’Akwaeke Emezi, qui m’a dérouté tout du long : je ne pensais pas qu’iel était susceptible de se lancer aussi crânement dans le genre de la romance (et franchement, pour le dire sans ambages, du roman à l’eau de rose). J’ai lu le livre en entier car ce que fait Emezi m’intéresse vraiment, mais à dire vrai c’est quand même terriblement cheesy. Le côté le plus intéressant, c’est le lien entre la création et le deuil, que ce soit par la création artistique de Feyi ou les expérimentations culinaires d’Alim.

Renoué, via Signal, avec D.M. qui m’avoue ne pas se sentir capable de traduire Eimi seul (et qui me fait des appels du pied, je le crois (ou le crains (est-ce raisonnable de se lancer là-dedans en sus de tout le reste de mes folles entreprise ?))) et qui m’écrit même que la traduction lui a bloqué le dos. Il propose de passer à Tours faire connaissance quand il passera dans le coin en mars avec son épouse.

 

Soir : les deux premiers épisodes de Parade's End, la mini-série avec Benedict Cumberbatch. J'ai lu la tétralogie de Ford Madox Ford il y a si longtemps que je ne me rappelais pas du tout qu'il se passait autant de choses (autant de récit, en un sens) avant que n'éclate la guerre.

 

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En écoute : Angola 72/74 (Bonga) ; Dhil-un taht shajarat al-Zaqqum (Msylma) ; Live at Dreher ¾ (Mal Waldron & Steve Lacy) ; Citizen of Glass (Agnes Obel) ; quelques chansons de Slim Harpo ; CD2 de l’anthologie Atmospheric Conditions Permitting du Jazzensemble des Hessischen Rundfunks [ce double CD acheté pour 30 francs, totalement bradé, à Beauvais il y a 25 ans, est un de mes disques préférés]