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jeudi, 10 décembre 2020

Les 50 livres africains du site Brittle Paper

Le site Brittle Paper vient de publier ses recommandations de 50 livres africains publiés en 2020.

Sur 50 livres, 43 ont été écrits directement en anglais.

5 ont été traduits du français (et encore, il y a Mabanckou et Slimani dedans...).

1 a été traduit du portugais.

1 a été traduit d'une langue africaine pré-coloniale : il s'agit d'une anthologie de poésie amharique.

 

Ce biais linguistique est absolument insupportable. Je ne veux plus qu'on me dise que "ça permet quand même de faire des découvertes" ou que "ce genre de liste a forcément des défauts". L'anglocentrisme, au sens linguistique, de médias de langue anglaise qui se disent souvent indépendants ou originaux, est un énorme problème esthétique et politique. Cela n'ouvre rien ; cela referme, resserre.

 

Je ferai remarquer que Brittle Paper donne, pour chaque livre, un lien vers la page Amazon du livre en question. Il n'était pourtant pas difficile, dès que c'était possible, de mettre en lien la page Web de la maison d'édition africaine diffusant le livre, par exemple, ou le site African Books Collective. Comme par hasard, cette liste favorise aussi, très massivement, des autrices et des auteurs publié-es en Europe ou aux Etats-Unis, aux dépens des maisons d'édition africaines, et je n'ai même pas eu le courage de compter le nombre de textes écrits par des autrices ou auteurs nigérian-es (à vue de nez, la moitié ou pas loin !).

 

lundi, 09 novembre 2020

La Chinafrique, grand sujet balayé sous le tapis...

Il y a quelques mois, j'ai lu The Dragonfly Sea d'Yvonne Adhiambo Owuor car m'intriguait la manière dont y était traitée la question des rapports culturels et économiques entre l'Afrique de l'Est et la Chine.

J'en ai parlé, en mode impro, dans une vidéo enregistrée lors du confinement du printemps.

(Et je rappelle, au cas où, que l'Afrique de l'Est est, plus encore que les littératures anglophones africaines, mon aire de spécialité.)

 

Grand bonheur de pouvoir écouter, vendredi prochain, les intervenant·es d'une journée d'études consacrée à la Chinafrique, dont la brillante Aurélie Journo, qui parlera de.... The Dragonfly Sea !

 

Hasard, une collègue me signale l'article paru hier dans le New York Times au sujet du projet, très avancé déjà, d'autoroute urbaine à Nairobi, projet qui soulève une vague de protestations en raison de ses conséquences environnementales. L'autoroute à péage, construite avec l'aide technique de la Chine, bénéficiera à... un consortium chinois...

 

lundi, 02 novembre 2020

Jour des défunts, grisaille

Malgré les inquiétudes de C*, la journée s'est plutôt bien passée.

O* l'a tout de même trouvée éprouvante. Au lycée, l'hommage à Samuel Paty a glissé comme ça, mais par contre la proviseure (qui s'est fait taper sur les doigts par le rectorat) avait maintenu la banalisation des cours de 8 à 10.

Au collège, dans sa classe de troisième, la discussion avec la prof d'histoire d'O* a duré toute l'heure ; ce qui ressort des témoignages que j'ai pu lire sur les réseaux sociaux, c'est à quel point les élèves, dans leur grande majorité, ne savaient pas ce qui s'était passé, ou ne l'avaient compris qu'à moitié, donc pas du tout.

 

Pour ma part, je travaillais à la maison le matin, puis j'ai assuré mes cours en distanciel depuis mon vieux bureau 45 du site Tanneurs (un collègue était déjà installé dans le bureau 38, et, vu la très faible fréquentation des lieux, nous n'allions pas nous gêner). Beaucoup de monde dans le bus et le tram, à l'aller comme au retour : il faut dire que ce confinement n'en est pas un ; de notre famille, seul A* est resté à la maison toute la journée sans mettre le nez dehors, alors qu'en mars-avril, nous restions à la maison. Les établissements d'enseignement restent ouverts, et les cours sont toujours dispensés en présentiel de la maternelle aux classes supérieures des lycées (mais pour combien de temps ?), sans compter le nombre important, à ce que j'ai pu voir rue du Commerce, de boutiques qui sont ouvertes sans qu'on puisse y entrer (le fameux click and collect)...

Le site Tanneurs était lugubre, dans l'obscurité et la grisaille. À moitié dépeuplée (mais à moitié seulement), la ville était lugubre.

 

otele.JPGAu retour, immense joie de trouver dans ma boîte à lettres le livre d'Olivette Otele, African Europeans. An Untold History.

Commencé à le lire, et d'ores et déjà, outre ce que j'apprends et ne savais pas (ou mal), ce qui est passionnant est de voir comment l'expression qui donne son titre au livre est réversible : le cas des mamelouks, par exemple, démontre à l'envi combien l'Afrique s'est européïsée longtemps avant les conquêtes, et combien même les concepts géographiques d'Europe et d'Afrique sont des fabrications.

Plusieurs des citations mises en exergue en tête du livre, dès avant le titre, font valoir combien ce livre est exceptionnel, ground-breaking, et on sent, dès les premières pages, l'introduction et le chapitre 1 en l'espèce, que ce ne sont pas de simples blurbs de complaisance.

Un essai qui promet d'être excitant.

 

mercredi, 21 octobre 2020

#EndSARS

Ce qui se passe au Nigéria est loin d'être simple.

 

Surtout, la presse française en parle peu, voire pas. Est-ce parce qu'il n'y a pas moyen de mettre quoi que ce soit sur le dos des "islamistes", unique obsession et seul fantasme du gouvernement et de bien des médias ? Est-ce parce que la seule analogie avec la situation française serait celle des violences policières dénoncées notamment dans le tout récent film de David Dufresne ?

 

 

Foin d'analogies vaseuses. Je vous recommande de lire trois articles :

 

  • une tribune de Chibundu Onuzo qui explique le contexte et les manifestations contre le SARS, cette police corrompue et criminelle qui sévit depuis trop longtemps

 

 

 

Ce que je peux lire dans la presse me rappelle, hélas, bien des pages de Ben Okri, de Ngugi wa Thiong'o, ou, plus récemment Kintu de Jennifer Nansubuga Makumbi.

 

mardi, 22 septembre 2020

Chiméries

Passé la journée en visioconférence Zoom autour du projet de publication des œuvres complètes de René Maran, sous l'égide de l'ITEM. Passé la journée en total syndrome de l'imposteur, car, comme j'avais manifesté mon intérêt dès les premiers balbutiements du projet, m'y voilà embringué, faute de combattants en nombre suffisant, je le crains. Or, je n'ai aucune compétence éditoriale en critique génétique, et je ne suis bien sûr pas du tout spécialiste de l'auteur. Il me semblait simplement primordial de faire réémerger ce texte biscornu et bizarroïde publié en 1924, Le petit roi de Chimérie.

 

Maran n'était pas africain, mais, en sa qualité d'administrateur colonial originaire de la Martinique, il a consacré une bonne partie de son œuvre à l'Afrique subsaharienne, en ne critiquant guère le modèle colonial, et en restant, tout au long de sa carrière, un bon représentant de la schizophrénie aliénante analysée plus tard par Fanon. Republier, en les rééditant et en les accompagnant d'un appareil critique, ses livres relève donc, dans le contexte intellectuel de la France des années 2020, d'une triple gageure : littéraire, éditoriale, idéologique.

 

Nous verrons...

 

vendredi, 04 septembre 2020

Roman et histoire des littératures subsahariennes

roman et histoire.PNGJe viens de publier un petit tweet fumasse, mais je sens qu'il me faut approfondir.

 

En effet, je viens de passer à la B.U. Arts et Lettres des Tanneurs, où je travaille régulièrement et où j'emprunte régulièrement des ouvrages ; à de nombreuses reprises, j'ai collaboré à des “groupes de travail”, voire co-organisé des expositions (pour seul rappel, celle autour des traductions collectives de Clonck et ses dysfonctionnements de Pierre Barrault). Cela pour bien préciser que je n'ai rien du grincheux qui passe en coup de vent et qui pond sa petite critique sur un coup de tête.

 

Il y a donc, ce mois-ci, dans la perspective des Rendez-vous de l'histoire de Blois, une exposition "Roman et histoire", qui permet, selon la tradition, de mettre en évidence des ouvrages du fonds. Ne parlons pas de la pertinence qu'il y a mettre en avant Rufin ou Binet, auteurs déjà bien identifiés et certainement trop lus, surtout vu les libertés (pour être gentil) qu'ils prennent avec l'histoire. Je crois, sans être spécialiste de la question, que Dumas (très à l'honneur aussi) est un auteur nettement plus fiable, au strict plan historique, que Rufin.

Non, ce qui me fout en rogne, comme je l'ai écrit sur Twitter, c'est le côté totalement européocentré du choix d'œuvres. Comme on s'y attend de la part d'un africaniste, je vais proposer, ci-après, mon propre choix de titres pris dans le fonds de la B.U. afin de constituer un présentoir Roman et histoire en Afrique. Cette invisibilisation de l'histoire africaine, et, dans la foulée, des littératures subsahariennes qui problématisent et formulent l'histoire des gouvernances sur le continent m'exaspère, et c'est aussi l'objet de mes combats de chercheur et d'universitaire. Soit.

Mais, à y bien regarder, rien sur les Amériques ? rien sur l'Asie ? l'Océanie ? même les littératures nordiques et slaves sont quasi oubliées ?

 

Voici donc ma part du travail, une petite sélection d'ouvrages que l'on peut emprunter à la B.U. des Tanneurs afin de découvrir des textes de fiction qui invitent à reconsidérer l'histoire de l'Afrique. Peu d'écrivaines, mais, fonds de la B.U. oblige, c'est parce que je n'ai pas encore fait acheter assez de livres en fonction des impératifs de recherche et d'enseignement...

Roman et histoire 2.PNG

 

mardi, 01 septembre 2020

Reprise aux Afriques

Réveillé à cinq heures du matin – il y avait longtemps.

 

Hier soir, j’ai terminé de lire Zoocities.

Dans la journée j’avais lu plusieurs essais du recueil de Léonora Miano, Habiter la frontière (2009). L’acuité et l’intelligence des textes critiques de l’écrivaine, très en évidence dans les analyses qu’elle publie sur son compte Facebook, y étaient déjà à l’œuvre ; dans une des conférences, elle se fait un carton sur les universitaires français-es, notamment de Normale Sup, et tout ce qu’elle y dit est juste (méconnaissance du terrain et des spécificités, évaluation de la qualité littéraire des textes de la littérature subsaharienne sans comprendre ce qui s’y joue linguistiquement etc.), et résonne très fort avec tout ce qui a fini par me dégoûter de cette mascarade de la recherche consacrée aux « littératures africaines » (concept qu’elle déconstruit fort bien, d’ailleurs). Dans le même article, elle évoque longuement Yémy, dont j’avais beaucoup aimé Suburban blues, lu à sa sortie. Ce qui engage, toujours, avec Léonora Miano, c'est à quel point elle cherche à ouvrir le débat du côté constructif, et même positif.

 

J’ai lu aussi le dernier chapitre, consacré à Three Guineas, et la conclusion de l’essai d’Erin G. Carlston, Thinking Fascism. Sapphic Modernism and Fascist Modernity (1998).

 

Il y a quelques jours, grosse déconvenue en essayant enfin d’acheter en ligne le livre d’Olivette Otele, African Europeans. An Untold History, paru au début du mois d’août : déjà épuisé en France. Je viens de vérifier sur le site de l’éditeur : en fait, il ne doit paraître qu’en octobre. C’est à n’y rien comprendre car j’aurais juré qu’Olivette avait vraiment annoncé la publication sur son compte Twitter.

 

dimanche, 05 juillet 2020

Tout fait boucle

Levé tôt, cinq heures. Peut-être que ça repart comme en mars-avril, dans les premières semaines du confinement. Peut-être d'ailleurs que la pandémie elle-même va se réaccentuer : la Catalogne reconfine la région de Lerida, quelques clusters se renforcent en France, sans parler bien sûr de la catastrophe sanitaire au Brésil ou aux Etats-Unis... Personne ne parle de l'Inde, dont les statistiques me paraissent absolument invraisemblables, au vu de l'état sanitaire et de la surpopulation du pays.

 

* * * * *

 

Hier soir, fini de lire La saison de l'ombre de Léonora Miano. Cela fait des années que je "tourne autour", selon la formule consacrée, de l'œuvre de Léonora Miano, et j'ai fini par franchir le pas, après avoir lu le bel essai d'égo-histoire de ma collègue Maboula Soumahoro : j'ai emprunté une demi-douzaine de livres de Miano pour l'été. La saison de l'ombre est un roman en cinq parties, très bien structuré, très architecturé, mais ni classique ni baroque, et dont le sujet est le début de la traite transatlantique, vu du point de vue d'un village qui se trouve soudain attaqué par une ethnie voisine.

Si j'animais un séminaire de littérature africaine, je crois que je donnerais à lire ce livre aux côtés du classique Things Fall Apart, pas seulement ni même principalement pour la question de la réappropration historique, mais aussi pour la construction, pour le point de vue alternant entre personnages féminins et masculins, pour le décentrement aussi en matière de système philosophique et religieux. Je pense, entre autres, que ce roman de Miano doit permettre de décentrer la doxa africaniste de son attribution du statut de monument indiscuté à Things Fall Apart. Le premier roman d'Achebe permet de repenser la colonisation, tandis que le récit de Miano narre la traite négrière de biais. Ce qui est très fort, c'est la manière dont Miano ne dépasse jamais l'ignorance historique des protagonistes, et dont elle joue sur les connaissances supposées du lecteur impliqué.

(Sur le sujet, je recommande cette belle conférence d'Olivette Otele.)

Peut-être devrais-je inventer une forme vidéo, totalement désinstitutionnalisée, de ce séminaire de littérature africaine auquel je pense souvent mais que je n'enseignerai jamais dans mon université.

 

* * * * *

 

Comme le livre de Miano est un emprunt à la B.U., je devrais en parler un jour dans la série de vidéos je rends des livres, si ce n'est que je l'ai interrompue depuis novembre dernier. Hier, je m'interrogeais sur la poursuite éventuelle de l'autre grande série de bavassages littéraires, je range mon bureau... Ce n'est pas la fin de l'année qui incite à ces atermoiements, car je me suis interrompu dans le grand Projet Scarlatti il y a trois mois désormais, et j'écrivais déjà le 18 janvier dernier dans ces carnets : "Et comment se remettre à Pinget ?".

 

* * * * *

 

Je ne l'ai pas noté ici, mais la nouvelle majorité municipale a pris ses fonctions avant-hier, avec deux collègues que je connais un peu pour l'une (Annaëlle Schaller), mieux pour l'autre (Elise Pereira-Nunes est aussi une ancienne étudiante, et je la connais depuis 2006), toutes deux désormais adjointes au maire Emmanuel Denis. J'espère qu'une mairie verte va pouvoir montrer la voie sur un certain nombre de sujets.

 

jeudi, 25 juin 2020

Fin d'année étrange, queue de comète

Avant-hier, l'étudiant de M2 dont je dirigeais le travail, Louis P*, a soutenu, et de fort belle façon. Il a obtenu la note de 18, en raison de sa présentation en anglais, de la solidité argumentative et conceptuelle de son travail, aussi en raison des progrès manifestes qu'il a faits en traduction ; il est étudiant en philosophie à l'origine et a d'ailleurs enseigné comme contractuel cette année en lycée. Ce M2 en études anglophones est un vrai jalon, une vraie preuve d'un transfert réussi dans un domaine qui n'était pas le sien, et qui l'aidera, j'en suis certain, à poursuivre sa spécialisation sur les auteurs du Scottish Enlightenment.

 

Cette soutenance a été l'occasion de reprendre corps avec le travail in situ : à l'exception de S., resté à Paris et qui a participé au jury via Teams, nous étions, les 3 autres membres de jury et le candidat, en salle 36, non loin de mon bureau. Impression étrange, car tous les secrétariats refonctionnent de façon normale, avec gel hydroalcoolique et masques bien entendu, mais le site semble plus déserté que désert.

 

Mardi prochain, la prochaine soutenance de M2 à laquelle je participe, pas en tant que directeur de recherche cette fois-ci, aura lieu via Teams car les horaires et les tarifs de la SNCF sont d'une complication invraisemblable. Heureusement qu'on peut travailler ainsi, tout de même.

Ma collègue, c'est Maboula Soumahoro, dont j'ai enfin pu lire le livre dernièrement, et j'aurais aimé échanger avec elle à ce sujet avant d'en parler dans ma prochaine vidéo ; nous passerons sans doute par un appel vidéo, qui peut être aussi enrichissant. On n'a pas idée de la puissance de dénégation des formes de racisme systémique, et ce ne sont pas les imbéciles ou les salauds (y compris et surtout qui se croient de gauche) bêlant contre les fractures de l'unité républicaine ou du pseudo-universalisme qui pourront inverser désormais la force de la preuve.

Ainsi, en sus des réunions en visio (CSDP, jurys...), je suis en train de consacrer une partie de mes journées à lire attentivement le travail de l'étudiante, qui résonne avec bien des débats actuels sur le prétendu communautarisme des militant-es antiracistes, et avec le très beau texte de Léonora Miano hier dans Le Monde.

 

lundi, 10 février 2020

*1002*

Pas grand chose à raconter.

Mieux vaut se taire, alors.

Deux lignes déjà – non : trois – pour ne rien dire.

C'est furieux, ça, quand même.

 

dimanche, 26 janvier 2020

*2601*

Dimanche sans rien de particulier.

Promenade en début d'après-midi à la Cousinerie et aux Grandes Brosses : apparemment, les Grandes Brosses se trouvent sur la commune de Mettray. WTF, comme je crois qu'on dit écrit.

A* reparti en BlaBla vers cinq heures de l'après-midi. Quand j'ai créé ce blog il était en petite section de maternelle.

Soir, commencé vraiment la lecture de The Dragonfly Sea d'Yvonne Adhiambo Awuor. La raison pour laquelle je lis ce livre est que je cherche un angle d'approche littéraire / narratif sur la question de la Chinafrique. Pas sûr que ce soit le texte approprié. Bien écrit, enjoyable en tout cas.

 

dimanche, 16 juin 2019

Lecteur que je suis

Dans le nouveau livre d'Ali Zamir, Dérangé que je suis, j'ai pu découvrir, entre autres, le nom “vénéfice”, le verbe “chabler” (dans son sens nautique), ainsi que l'expression libertine “la petite oie”.

vendredi, 14 juin 2019

Lémurie & Malcolm de Chazal

J'achète et lis très irrégulièrement la revue Europe... trop irrégulièrement d'ailleurs, car c'est toujours un enchantement... et je m'aperçois que je l'achète souvent quand le dossier principal est consacré, non à un écrivain que je connais bien, mais à un écrivain que je connais très mal et autour duquel je tournicote depuis pas mal d'années...

 

Aujourd'hui où il faudrait que j'enregistre enfin la vidéo sur le n° 2 des Lettres de Lémurie et le nouveau très beau roman de Johary Ravaloson, je m'attaque à ce cahier coordonné par Alexander Dickow et qui semble d'une sacrée tenue. Avec un dodo en couverture, comme pour et par les éditions Dodo vole.

 

Cet été, c'est décidé : je lirai, par et pour moi-même, Malcolm de Chazal.

dimanche, 07 avril 2019

Riposte à la tribune de "Vigilance Universités"

Un collectif d'universitaires nommé "Vigilance Universités" (selon une terminologie reprenant les codes de la droite identitaire) a fait paraître le 3 avril dans Libération une tribune intitulée "Pièce d'Eschyle : le contresens d'un antiracisme dévoyé".

Ce texte confus et plombé de nombreuses erreurs factuelles, dont il est difficilement imaginable que les signataires l'aient lu voire qu'ils aient suivi ce qui s'est passé depuis une dizaine de jours et surtout avant, confond beaucoup de choses différentes, notamment boycott et blocage, qui n'ont rien à voir.

Il n'interroge jamais la réalité des pratiques et omet soigneusement d'évoquer le fait que les militant.es essayaient depuis plusieurs mois de discuter avec le metteur en scène en l'informant du contexte historique très complexe. Mais le metteur en scène est du côté des "sachants" : un étudiant, racisé de surcroît, est quelqu'un qui ne peut rien lui apprendre. Pourtant, la connaissance du théâtre antique n'est pas incompatible avec celle de l'histoire coloniale française.

Enfin cet article omet de s'interroger sur le fait que la culture présentée comme universelle est celle de la classe dominante, largement encore influencée par un colonialisme impensé. Et que dire de l'intellectualisme de pacotille : il y aurait donc le racisme à pourfendre, celui du bas peuple, et le bon racisme, celui des intellectuels ? Un universitaire de gauche qui a travaillé en Afrique ne pourrait donc pas présenter un travail dont un des choix de mise en scène est racialiste ? Curieuse manière de mettre en action ses facultés d'analyse du monde et des œuvres...

Puisque cette liste de diffusion est celle d'un centre de recherches, est-il possible de conseiller, à celles et ceux qui sombrent dans les slogans faciles de la liberté d'expression et du "communautarisme", de (re?)lire Fanon, Ngūgī wa Thiong'o ou Ama Ata Aidoo ?

Décoloniser les esprits consiste aussi à déconstruire les fausses évidences de l'institution universitaire afin qu'elle ne participe pas, comme trop souvent, du racisme institutionnel.

 

[Nota : ce texte a été envoyé à la liste de diffusion de l'Association Pour l'Etude des Littératures Africaines, dont le webmestre a ensuite requis la cessation des messages au sujet des Suppliantes et du blackface, puis à la liste de diffusion de mon laboratoire, Interactions Culturelles et Discursives, dont le webmestre a refusé de le diffuser.]

lundi, 01 avril 2019

André Markowicz, le black face et le quant-à-soi de l'intelligentsia

Pour comprendre quelque chose à ce dont il va être question ici, il faut d'abord lire le billet d'André Markowicz.

Voici tout simplement mon premier commentaire, écrit en fin de matinée hier :

Bon, je suis très énervé de lire autant d'inexactitudes, et de voir que votre aura intellectuelle offre une caution à tant des commentateurs-rices qui, ci-dessus, parlent de censure et de communautarisme sans savoir de quoi il retourne.

Alors reprenons. Le problème n'est pas l'essentialisation de l'art dramatique ni le communautarisme. Le problème est que le metteur en scène a d'abord fait un choix raciste (grimage) puis que, face à la polémique, il s'est livré à une manipulation en changeant le maquillage en masques et en prétendant que les opposants étaient de pauvres incultes.

Je suis évidemment favorable à ce que n'importe quel rôle puisse être joué par n'importe quel acteur, peu importe l'âge ou la couleur. Mais pourquoi poser la question en ces termes ? ce n'est pas du tout de ça qu'il s'agit.

Il va de soi que les actrices appelées à jouer ces rôles peuvent tout à fait être blanches, blondes, que sais-je. On s'en moque. Les grimer en noires, en 2019, c'est du blackface qui ne peut même pas avoir l'excuse de l'ignorance (après les affaires Griezmann et Dunkerque...).

La Sorbonne et tout un tas d'intellectuels "de gauche" se sont engouffrés dans la manipulation tardive du metteur en scène en reprenant le thème des "masques" et en tenant des propos aggravant encore le côté raciste : en résumant à grands traits "ah la la, tous ces Noirs qui ne connaissent rien au théâtre antique". Sauf qu'au départ ce n'était pas des masques mais des maquillages, donc du black face.

Je trouve toute cette histoire très emblématique du mépris de classe dans lequel beaucoup d'intellectuels français "de gauche" tiennent le peuple, et notamment les opposants "noirs", forcément incultes. Ce qui me peine dans votre chronique, cher André Markowicz, c'est que justement vous en profitez pour faire un pas de côté, partir de cette histoire des Suppliantes et la relier à des choses beaucoup plus problématiques, et sur lesquelles je rejoins en grande partie votre embarras. Je ne suis favorable ni aux quotas ni à l'essentialisation de l'art. J'y suis même tout aussi opposé que vous.

Mais là, la mise en scène de Brunet utilisait un artefact raciste, lié (comme on ne peut l'ignorer en 2019) à un crime contre l'humanité, et pour moi le fait d'avoir supprimé ensuite les photos d'actrices grimées et de prétendre qu'il s'agissait de masques aggrave encore le cas du metteur en scène : d'abord, on fait un choix de mise en scène raciste, puis, face à la polémique, on modifie en douce et on accuse les détracteurs d'être incultes (ce qui est un racisme encore plus insupportable).

__________________________

 

Hier après-midi, devant l'avalanche de commentaires d'un racisme décomplexé sur le mur d'André Markowicz, j'ai écrit un billet en réponse, que je redonne ici :

 

DRAMES DE L'IMPENSÉ COLONIAL.

On n'enseigne pas, à l'école et à l'Université, ou pas assez, l'histoire des crimes coloniaux. Sétif ou la répression de l'insurrection malgache de 1947, qui connaît ? Et dans les médias, n'en parlons pas...

Le blackface ? des dizaines de gens, à qui j'explique depuis plusieurs jours qu'il s'agissait d'une pratique courante dans les spectacles populaires français — au même titre que les publicités représentant des petits Africains se blanchir la peau grâce au savon des gentils Européens —, me rétorquent : "bah, on n'est pas aux Etats-Unis..."

Bah oui, le racisme et la ségrégation, c'est Rosa Parks et Nelson Mandela. Ça n'a jamais existé chez nous.

Ainsi, la manipulation à laquelle s'est livrée le metteur en scène Philippe Brunet, qui a tenté in extremis de remplacer par des masques plus conformes à l'esthétique antique le grimage racialiste et raciste d'actrices blanches, aura surtout montré la profonde inculture de l'intelligentsia française. On se sait de gauche, on s'est convaincu pour toujours de ne pas être raciste, et donc, même si des spécialistes de la question viennent vous rappeler que le grimage en noir, sur une scène théâtrale française, est une pratique analogue au black face, on dira que ce n'est pas vrai, que c'est de la censure.

Notre pays n'a pas réglé sa dette vis-à-vis de son ancien Empire, ce qui permet notamment à la France de continuer à essorer ses anciennes colonies grâce au subterfuge scandaleux du franc CFA. C'est ce qui a permis à l'Etat français d'aider très efficacement au génocide rwandais en 1994. C'est ce qui permet aujourd'hui à tant d'universitaires et de gens de théâtre de s'asseoir sur l'histoire de la colonisation en taxant de "communautaristes" les opposants qui manifestent leur désapprobation quand un spectacle utilise une pratique indissociable d'un crime contre l'humanité.

Et voilà comment des intellectuels, sans doute de bonne foi, se retrouvent, durant toute une semaine, à justifier le racisme institutionnel, aux cotés des Le Gallou et Zemmour dont ils se prétendent les adversaires.

Cela me révolte et me révulse, mais cela n'a pas de quoi m'étonner : quoique je n'appartienne pas à une communauté racisée (ou que je ne fasse pas partie d'une minorité visible (aucune de ces formules ne me satisfait)), cela fait vingt-cinq ans que je travaille dans le domaine de la littérature africaine et que j'entends des collègues et des "intellectuels" tenir des propos d'un racisme souvent inconscient mais tout à fait audible. Il y a longtemps que des ami·es me demandent de raconter tout ce que j'ai entendu, mais ce serait le sujet d'une autre chronique.





_______________

Ce matin, André Markowicz a récidivé, en quelque sorte, sur son mur, en écrivant un long texte dans lequel il me passe la brosse à reluire mais qui commence surtout par :


« Sur le "blackface" lui-même. Qu'il soit inacceptable de se moquer de l'apparence, de la couleur de la peau de quelqu'un, c'est évidence. Qu'il y ait beaucoup de gens qui le font, c'est une autre évidence (pas seulement contre les Noirs). Mais quelle est l'instance qui décide de l'intention a priori d'un artiste qui peindrait en noir un corps blanc ? N'y a-t-il pas là, finalement, une discussion qui ressemble à celles qu'on peut avoir sur la notion de blasphème ? Qui décide à quel moment on "insulte aux sentiments religieux", en Russie, en France ou n’importe où dans le monde ? Et qui décide à quel moment on « insulte aux sentiments des gens "racisés" » ? — Pourquoi ne laisseront-on pas les gens eux-mêmes décider s'ils sont choqués ou non ? — S'ils le sont, là encore, le recours aux tribunaux est légitime. »

 

À quoi j'ai répondu :


Cher André Markowicz

Je suis vraiment atterré. Si, après ce que quelques autres et moi même avons essayé d'expliquer hier, vous pensez encore (ou feignez de penser) que le problème est une "insulte aux sentiments des gens racisés" c'est que vous n'avez pas lu ou pas compris ou décidé de passer la vérité historique par pertes et profits. Je vois qu'après une première chronique pour le moins maladroite vous décidez d'en "remettre une couche" et que cela va encore légitimer le racisme inconscient car ignorant de centaines de vos lecteurs. Tant pis. Ceci sera mon seul commentaire. Sur le fond du problème (et du contresens que vous faites) j'ai écrit ce que j'avais à dire sur mon mur. J'ajoute seulement que je suis, comme vous, hostile au communautarisme, mais que comme hier la dénonciation du black face n'a AUCUN rapport avec ce sujet.

(Il va de soi, et je l'ai fait dans nos échanges privés, que je dénonce les militants qui parlent de génome et de culpabilité collective raciale.)

samedi, 01 décembre 2018

TANT (création Plumes d'Afrique)

 

 

mardi, 27 novembre 2018

Misère de l'édition française (entre autres)

Knots.jpg

 

 

Début du chapitre 2 de Knots.

Ce roman de Nuruddin Farah (2007) est inédit en français, comme les deux suivants (Crossbones, 2011 ; Hiding in Plain Sight, 2014)... et sans doute comme le sera le suivant, qui paraîtra le 4 décembre 2018.

 
 

samedi, 10 novembre 2018

Parfois le vide, Raharimanana / Compagnie Soazara

Hier soir, nous avons assisté à la représentation, en quasi lever de rideau du festival Plumes d'Afrique, du spectacle de la Compagnie Soazara, Parfois le vide, sur des textes de Raharimanana. Le poète et romancier et dramaturge est lui-même l'un des quatre acteurs de ce spectacle.

C'était au Centre culturel de Saint-Pierre des Corps, lieu de spectacles où je n'étais jamais allé (il faut un début à tout), belle salle offrant ses perspectives et ses confortables fauteuils de cinéma à un montage aussi beau qu'inconfortable : Raharimanana n'est pas poète à vouloir le confort de son auditoire, et j'entends cela comme un compliment.

 

J'étais très heureux de découvrir en fin Parfois le vide, car le spectacle a été créé au Festival d'Avignon en 2016, et depuis en région parisienne, sans que j'aie pu me déplacer. Depuis le temps que je côtoie l'œuvre de Jean-Luc Raharimanana, y compris sous son versant dramaturgique (coup de cœur particulier pour Empreintes avec le chorégraphe et danseur Miguel Nosibor en 2014 à La Riche), je finis par connaître un peu les obsessions et les détours du bonhomme.

Pas de surprise absolue donc dans le déroulement poétique fulgurant de cette pièce magistrale, car, sans répondre à un traditionnel découpage, et tout en faisant la part belle à la musique (j'y reviendrai), il s'agit d'une pièce de théâtre, un peu à la Beckett : un récitant, homme, à droite de la scène, parle, s'époumone ou chuchote, tandis qu'une femme, d'abord allongée, comme prostrée au milieu d'une forêt de faux micros (antennes de la globalisation ? symboles de la facticité de toute représentation ?) lui donne progressivement, d'abord en écho étouffé puis à pleine bouche, la réplique. Réplique ou échange qui culmine lors d'une danse parodique au terme de laquelle la forêt de faux micros, comme celle de Dunsinane dans Macbeth, se répand aux quatre coins de la scène.

Les deux comédiens sont formidables : Raharimanana, d'une part, habite et vit ses textes en assumant crânement la cruauté corporelle de sa poésie ; Géraldine Keller, d'autre part, se métamorphose, de la diction affligée des premières incantations au plain-chant final qu'elle accompagne d'une bouleversante flûte traversière. De chaque côté de la scène, à gauche et à droite respectivement, le guitariste et polyinstrumentiste Tao Ravao et le multipercussionniste Jean-Christophe Feldhandler participent pleinement de cette atmosphère pleine, intense, qui donne d'autant plus de poids et d'affect aux pleins et déliés du silence. En effet, il ne s'agit aucunement d'accompagner les textes ou la diction. Si l'idée s'est répandue, depuis deux décennies, que musiciens et comédiens jouent des partitions communes voire interchangeables, cela reste souvent une idée théorique, parfois affadie au plateau ; ici, à rebours, elle s'exprime parfaitement. Les deux musiciens ne parlent pas, ne disent pas de texte, mais leur jeu est lui-même — sauf dans deux occasions où il s'agit d'accompagnement au sens classique — ancré dans la bascule du texte choral.

 

J'avoue ne pas savoir si le texte de Parfois le vide, qui oscille entre les fulgurances lyriques âpres d'Empreintes et l'esthétique plus manifestement post-coloniale de Des ruines, a déjà été publié en volume, mais l'un des textes m'a fait penser — et je crois que c'est la première fois, en pas loin de vingt ans, que je faisais ce rapprochement— aux textes en prose du dernier Michaux. Voilà une veine, au sens quasiment minéral, qu'il me tarde de voir creuser.

 

jeudi, 25 octobre 2018

Cohérence indirecte

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Il existe une cohérence parfaite, mais indirecte, entre ma nouvelle photo de profil sur Facebook et ma dernière TSF : la dénonciation de l'américanophobie contre-productive des écrivains anglais par Washington Irving dans “English Writers on America” (un bijou).

 

jeudi, 04 octobre 2018

Conférence de Patrice Nganang (Université de Tours)

jeudi, 20 septembre 2018

Traduction sans filet, la 150e

 Tout est dans la vidéo, en fait. Rien à ajouter, comme chantait Manset.

 

 

        En marge de la 150e traduction sans filet : le rond-point à déversoir, Petite Arche — Tours-Nord, jeudi 20 septembre 2018.         En marge de la 150e traduction sans filet : le rond-point à déversoir, Petite Arche — Tours-Nord, jeudi 20 septembre 2018.

 

En marge de la 150e traduction sans filet : le rond-point à déversoir, Petite Arche — Tours-Nord, jeudi 20 septembre 2018.

 

        En marge de la 150e traduction sans filet : le rond-point à déversoir, Petite Arche — Tours-Nord, jeudi 20 septembre 2018.          En marge de la 150e traduction sans filet : le rond-point à déversoir, Petite Arche — Tours-Nord, jeudi 20 septembre 2018.

mardi, 11 septembre 2018

Le matelassier de la rue de l'Enterrement

Je lis le dernier Laferrière

Dans un cimetière

Censé être fermé

 

Pays réel

Pays rêvé

 

 

 
 
 

mardi, 03 juillet 2018

3 juillet 2018

Au Cameroun, par seule volonté de préserver les intérêts pétroliers, Macron soutient désormais sans ambages la répression sanglante et inique du mouvement sécessionniste dans le NOSO (Nord-Ouest Sud-Ouest). La Françafrique reprend du galon. En soutenant un dictateur génocidaire. 

Après ça, Macron peut continuer de critiquer Poutine...

lundi, 02 juillet 2018

2 juillet 2018

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Patrice Nganang. Empreintes de crabe. Page 489.

 

 

Notez bien : ça sort fin août et c'est à lire absolument.

jeudi, 31 mai 2018

Qui a peur du texte ? (Nnedi Okorafor)

Nnedi Okorafor parle beaucoup ces temps-ci, sur Facebook, de la traduction française de Who Fears Death. Il se trouve que cette traduction est absolument exécrable : contresens, incohérences, choix à la limite du racisme, style de roman à deux balles des années 60...

Je le lui ai signalé par mail il y a quelques mois. Silence. 

Je l'ai indiqué en commentaire sur son mur FB, car cela explique, à mon avis, les problèmes de réception du livre par le lectorat français qu'elle évoque. Suppression immédiate du commentaire.

Nous voici donc face au cas d'une écrivaine (excellente, je ne retire rien de ce que j'ai déjà dit) qui est contente qu'un de ses livres soit massacré, du moment que le pognon rentre.

Je le redis donc ici, sur mon mur : lisez Nnedi Okorafor mais surtout pas en français.

 

dimanche, 04 février 2018

66 secondes de lecture, 25 : “jaune de prolétaire”

 

Impossible pour moi de clore une semaine de lectures “africaines” à voix haute sans passer par Raharimanana, et, en l'occurrence, par son Arbre anthropophage.