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jeudi, 09 septembre 2010

Ténèbres à midi

"Des herbes poussent ça et là, et nous avançons en zigzag."

(Ténèbres à midi, p. 112)

 

Vous sentez le sol se dérober sous vos pieds. Tapis vert, et le pont Wilson, pavoisé multicolore, n'a jamais été aussi prêt de chuter encore sur ses piles.

Après Sols de Laurent Cohen (texte très fort sur lequel il faudrait écrire (voilà bien une rengaine de ces carnets)), j'ai lu le dernier roman de Théo Ananissoh, Ténèbres à midi, avant d'enchaîner sur "le Mathias Enard". Théo Ananissoh est écrivain en résidence à Neuvy-le-Roi, of all places. Notre équipe de recherche va peut-être le rencontrer, lui faire tenir une ou deux conférences d'ici décembre (cela reste à confirmer).  J'avais lu Lisahohé lors de sa sortie, en 2005, et avais été frappé par ce ton quelque peu nostalgique, à la Naipaul, et décalé, atypique, dans la production littéraire africaine, essentiellement politisée ou sociale, encore aujourd'hui il faut bien le dire.

Ténèbres à midi est plus fort encore, d'une certaine manière. Il s'agit d'un récit en deux parties : le narrateur, Togolais vivant en Allemagne (et double ambigu de l'auteur), rencontre un conseiller du président avec qui il sympathise le temps d'une soirée parce que, contre toute attente, cet Eric Bamezon, fraîchement rentré d'Europe lui aussi, se confie à lui, et tient des propos pleins d'amertume sur la mauvaise gestion politique d'une Afrique qu'il qualifie de "dégueulasse". Dans la nuit qui suit, Eric Bamezon se suicide, et la deuxième partie consiste, non en une enquête, mais en un approfondissement, par le narrateur, de la figure du suicidé -- notamment lors d'une visite impromptue et magnifiquement décrite à la cour du roi Béhanzin.

Ce bref roman laisse une impression de malaise, car il met les lecteurs européens habitués à lire des textes postcoloniaux face à leurs contradictions en insistant sur le désir de fuite et de migration des Africains, lié à l'incapacité gestionnaire des élites post-coloniales ; le discours impliqué n'est pas loin de redorer le blason de l'époque coloniale, tout en faisant porter la culpabilité principale de l'ère esclavagiste sur les rois africains eux-mêmes... On est donc à cent lieues des discours habituels ou convenus sur la responsabilité de l'Europe, sur les demandes de réparations financières, ou sur les peuples colonisateurs qui ont entravé l'accès à l'indépendance... Selon toute vraisemblance, Théo Ananissoh, à qui demeure la possibilité de se draper derrière le fait que les avis égrénant le roman sont des propositions idéologiques portées par des personnages, n'a pas que des amis dans le milieu littéraire (et au-delà) des expatriés.

Lorsque le narrateur rend visite à la veuve, il demande à voir la bibliothèque d'Eric Bamezon, où deux rayonnages entiers sont consacrés aux oeuvres de Naipaul (cf supra). Pour qui avait déjà lu Lisahohé (cf supra, re), cela n'a rien d'étonnant. Et c'est peut-être dans la volonté affichée, mais pourtant à peine esquissée dans Ténèbres à midi, d'écrire les paysages que l'ombre du grand V.S. Naipaul porte le plus :

Au temps de Guezo ou de Glèlè, il n'y avait pas d'écrivain pour regarder la nature -- les hommes et les paysages ; j'écris donc ce récit avec le désir conscient de suppléer un peu  à l'exceptionnelle indigence des ancêtres. (p. 110)

 

Que penser alors, du point de vue des stratégies narratives et de leur sens, de ce texte qui reste si allusif sur les lieux et les paysages, dans leur chair même ?

 

Théo Ananissoh. Ténèbres à midi. Paris : Gallimard, "Continents noirs", 2010.

 

mercredi, 09 janvier 2008

Ben Okri / Starbook

Sans doute ai-je tenté pour la dernière fois de lire un roman de Ben Okri. Depuis la polylogie inachevée consacrée aux « aventures » – je place ce terme entre guillemets, car rien, au sens propre, n’advient – de l’abiku Azaro, son œuvre a pris une tournure par trop déroutante. Le précédent opus, In Arcadia, mêlait maladroitement mysticisme animiste et histoire de l’art européen, mais d’une façon qui renouvelait le genre romanesque. Cette fois-ci, le modèle du conte yorouba délayé sur 420 pages ennuie profondément.


D’une grande patience (ou conscience professionnelle ?), j’ai tout de même lu Starbook en entier – j’avoue toutefois avoir lu les 120 dernières pages en diagonale et donc en moins d’une heure. Dans Starbook, Ben Okri ne parvient pas à retrouver le fragile mais splendide équilibre qui faisait le succès de The Famished Road, et, dans une moindre mesure déjà, des deux romans qui en constituaient la suite (Songs of Enchantment et Infinite Riches).


Sur la technique, rien à redire : la structure du roman est très riche et très complexe (200 chapitres répartis en quatre parties d’inégale longueur, selon des multiples de 11 ou de 13 (26 + 78 + 74 + 22 = (8 x 13) + (4 x 13) + (4 x 11) = 200), la manière dont l’histoire du prince malade se noue à la jeune fille de la tribu des artistes est efficacement mené, et les différents ressorts possibles des mythes – ainsi que leurs paradoxes et leurs contradictions – savamment explorés. Toutefois, la sauce ne prend pas, et Okri s’embourbe dans une litanie d’abstractions mystico-kitsch qui le rapprochent plus de Paulo Coelho, hélas, que d’Amos Tutuola. Le long développement sur le vent blanc et les « trous » (gaps) appuie pesamment sur les aspects historiques du mythe (traite négrière), sans pour autant en approfondir les enjeux.


Comme je commençais à avoir quelques réticences à propos de l’œuvre de Ben Okri, j’ai abordé ce livre avec circonspection, mais désireux de voir « ce que ça donnait », « où il en était », car, jusqu’à présent, chaque livre d’Okri recelait de très belles pages, des trouvailles stylistiques, voire des questions irrésolues. Dans Starbook, encore, il y a de belles pages (par exemple, la vision du héron et de la mascarade, pp. 33-43), quelques belles phrases (par exemple, le redoublement de l’emprunt lassitude/malaise dans la description du vent blanc, p. 242), et même des énigmes narratives (comme le rôle du je rare), mais tout cela noyé dans un tel fatras allégorique qu’il n’y a pas grand-chose à espérer des livres suivants.


On peut retenir, comme l’un des thèmes essentiels de Starbook, le lien entre créativité et oubli (qui m’a longtemps taraudé, cf mes années oxoniennes) : “They believed it was important to forget for a civilization to be quantumly creative.” (p. 311)


Okri propose aussi, dans certains chapitres, une vision très puissante de l’art, notamment dans le chapitre II. 46, dans lequel les manque(ment)s de l’art du Mamba permettent de définir en creux l’esthétique des Maîtres :

“It did not have what they called shadow, or dark life, or hidden light. It was substantial, but it did not have the lightness of that which can writhe, coil and move effortlessly. It had power, but not simplicity, or sadness. It had strength, but not weakness, the weakness that all living things have. It had glory, but not heart. It amazed the eye, but not the vision. It did not set the masters dreaming.” (p. 170)



 

Autrement qu’en creux, et au sujet du Maître, le père de l’héroïne, Okri a défini, dans le chapitre II. 42, sa conception du geste artistique :

“The master conceals his work even when the work is evident. The master reveals only that which is the least of him. That which is taken for the works of the master are often his cast-offs, his rejects, his second thoughts, his diversions, his red herrings, his false trails, meant to mislead those who seek only the normal, the evident, the superficial power, the material power, the form and structure of the world, those who seek worldly mastery and fame. These the master traps in the labyrinths of false achievements.” (pp. 162-3)



 

Quoique l’on puisse – autant que dans le reste du livre – s’agacer des tonalités magiques et du style tout en paradoxes et antithèses, il me semble que l’on trouve, dans la conception de l’art proposée dans ces pages, ce qu’il y a de plus intéressant dans l’œuvre d’Okri – ce mélange de retour à l’animisme et d’universalisme déconstruit. Malheureusement, dans Starbook, contrairement à ce qu’il était parvenu à accomplir dans la polylogie inachevée (ou trilogie sans dénouement ?), Okri n’a pas trouvé la juste mesure.

mardi, 04 décembre 2007

No blamocracy, please...

L'hebdomadaire Courrier international propose, cette semaine, à la page 33, deux articles d'opinion relatifs à la situation actuelle du Liban. L'un, signé Ghassan Charbel, a été publié dans al-Hayat et s'intitule, dans cette version française, "La honte d'être libanais". L'autre, signé Pierre Akel, a été publié dans Shahaf, et s'intitule "L'incompétence du French Doctor". Tandis que Ghassan Charbel se livre à une attaque en règle contre Michel Aoun, Pierre Akel impute, lui, une part non négligeable des problèmes actuels à la médiation ratée de Bernard Kouchner.

Comme, de ces deux articles, je me livrais à une "lecture flottante", pour reprendre l'expression du psychanalyste et critique André Green, j'ai été frappé par l'absence de toute critique un peu constructive, ou, à tout le moins, englobante. Quand je traduisais Yesterday, Tomorrow. Voices from the Somali Diaspora de Nuruddin Farah (Hier, demain. Serpent à plumes, 2001), je me rappelle m'être arraché les cheveux pour traduire blamocracy, dans le dernier chapitre. Après avoir été tenté par un semblable néologissme (reprochocratie ? pas très beau), j'ai fini par opter par une périphrase qui étoffait blamocrats en "rois de la réprimande", ou quelque chose dans ce style-là.

Dans ce très beau passage, Nuruddin explore en effet la responsabilité collective de tous les Somalis dans le naufrage de la nation au cours des années 1990. Il écrit en substance que, dès que l'on écoute les discours des uns et des autres, on s'aperçoit qu'il n'y a jamais d'autocritique : "the self is never to blame". J'ai songé qu'on pourrait transposer cette idée aux deux articles d'opinion que je cite plus haut, et qui, si fins soient-ils par ailleurs, évitent d'évoquer l'idée de responsabilité partagée : c'est toujours la faute des Syriens, de Michel Aoun (qui, de fait, n'a pas un bilan très glorieux) ou de Kouchner (que je n'estime pas beaucoup)...

Je me souviens des Moi volatils des guerres perdues et de Sous le ciel d'Occident, deux romans de Ghassan Fawaz, excellent romancier libanais francophone, dont on peut dire, pour le coup, que sa matière littéraire est pétrie de ces ambiguïtés, se nourrit du jeu complexe des responsabilités partagées. D'où il ressort que la littérature est, comme souvent, tellement supérieure au journalisme...

dimanche, 02 décembre 2007

Aux flammes sombres de Djibouti

Nouvelle écoute, après des mois d'abandon, de Dark Flame, le disque d'Uri Caine inspiré de compositions et lieder de Mahler. Toujours pas convaincu. Il faudrait réussir à oublier qu'il y a Mahler derrière, et ne l'écouter que comme un disque de Caine... et encore, serait-ce suffisant ?

Pourtant, j'avais adoré le double album inspiré des Variations Goldberg : c'était en 2002 ; on me l'avait prêté. Si ça se trouve, j'aimerais moins aujourd'hui.

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La conférence que je dois prononcer cet après-midi à l'Espace Vinci, dans le cadre du Festival des Langues et des Cultures, est prête. Il s'agit d'une sorte de déblayage pour néophytes, de quoi donner envie au public (sans doute peu nombreux) de découvrir certains écrivains djiboutiens. Je vais surtout lire des extraits d'Abdourahman Waberi. J'ai (pompeusement) intitulé cela Djibouti, l'écrit abouti.

lundi, 15 octobre 2007

La Tour de bambou

Dans la cosmogonie des Madi, en Ouganda, Ori est le dieu créateur de toutes choses. Doué d'ubiquité et d'omniscience, il ne se préoccupe guère de ce que font les hommes. Il vit dans les cieux ; c'est là que vivait aussi l'homme, autrefois.

Un jour, pour une raison obscure, l'homme et la femme furent expulsés du ciel. (Selon certaines versions du mythe, ils ont trébuché.) Une fois sur la terre, ils se sont mis à engendrer une nombreuse descendance. Les dieux ont alors fabriqué une corde en cuir de vache pour maintenir les liens ; de temps à autre, les dieux venaient festoyer et danser chez les hommes, et vice-versa.

Cela dura jusqu'au jour où l'hyène coupa la corde avec ses dents.

Les hommes tentèrent alors de retrouver le chemin des cieux en construisant une tour en bambou, mais la tour, trop haute et trop fragile, s'effondra.

 

(Adapté de : "Ori and the Rope of Cows' Hide" .

In Harold Scheub. A Dictionary of African Mythology. Oxford University Press, 2000.)

jeudi, 19 avril 2007

Avènement ou rémanence des nationalismes ?

The Novel and the Politics of Nation Building in East Africa, publié par le critique et essayiste Tirop Peter Simatei il y a déjà quelque six années, trace un parcours rigoureux des littératures post-coloniales est-africaines. Après un premier chapitre, assez classique, qui remet la question du nationalisme et de ses expressions littéraires dans le contexte spécifique des pays étudiés (Kenya, Ouganda) et d’un fanonisme revisité, Tirop Peter Simatei aborde plusieurs auteurs essentiels, en particulier Leonard Kibera, dont le très beau roman Voices in the Dark méritait bien cette réhabilitation. Simatei montre bien comment les désillusions de la génération de l’Indépendance viennent hanter le texte fictionnel : œuvre nourrie de paradoxes, d’oxymores et de multiples messages ironiques ou ambivalents, Voices in the Dark vaut surtout par l’impossible conciliation d’une critique des nouvelles élites nationales et du point de vue élitaire adopté par le romancier : est-il possible de persister à vouloir construire l’identité nationale si l’on livre par ailleurs un portrait subversif de la nation kenyane des années 1960 ?

De ce point de vue, le cas de Ngugi wa Thiong’o est exemplaire. Si l’étude des symboles politiques est fouillée, elle n’apporte pas un éclairage très neuf sur le grand romancier. Matigari reste, de fait, l’un des textes qui souligne le mieux la confiscation du pouvoir par des autorités néo-coloniales issues des luttes anti-coloniales. Sans doute le « monologisme » et le manichéisme de Ngugi  – des traits caractéristiques de son esthétique et de son idéologie –  ne correspondent-ils pas tout à fait à la libération esthétique que Tirop Peter Simatei appelle de ses vœux : on sent l’auteur de cet essai plus à l’aise avec des auteurs tels que M. G. Vassanji ou Peter Nazareth, qui constituent des figures intermédiaires.

Le chapitre 4, qui est consacré à Vassanji, « l’Asiatique », et le chapitre 5, intitulé « The Multiracial Project », sont certainement les meilleurs de l’ouvrage. Simatei livre plusieurs analyses d’une grande finesse, en particulier dans sa lecture de The Gunny Sack, le premier roman de Vassanji. Déracinés, sans identité stable, sans « africanité » immédiatement reconnaissable ou indéniable, les Asiatiques furent les oubliés de la décolonisation. En n’évitant pas les sujets sensibles, comme la participation de certains Asiatiques au commerce négrier, Vassanji propose un modèle nécessairement complexe et dynamique de la construction nationale. Il faudrait que les jeunes générations admettent les erreurs du passé sans y revenir incessamment : vœu utopique ?

Si Vassanji s’intéresse aux trajets individuels (ce que confirme partiellement son dernier roman publié, Amriika), Peter Nazareth et David Rubadiri insistent surtout sur la corruption politique des années 1970, ce qui leur permet d’expliquer les violences, les exactions, et même les expulsions prononcées à l’encontre des Asiatiques. Une fois encore, la faute en revient au modèle colonial, qui est resté la référence majeure des nouvelles élites.

Le chapitre 6 s’intéresse (tardivement ?) à la question des revendications féminines et aux problèmes spécifiques d’une vision féministe des constructions identitaires nationales. Simatei se situe dans la lignée idéologique « douce » de théoriciennes telles qu’Obioma Nnaemeka, qui parient sur l’interaction, le dialogue, et une « politisation » modérée. Les trois romans sur lesquels il appuie l’essentiel de ses analyses sont Coming to Birth et The Present Moment d’Oludhe MacGoye, ainsi que The Invisible Weevil de Mary Okurut. Dans ces trois textes, la libération nationale passe par une prise en compte polyphonique de multiples points de vue : le bilan est tout à fait amer, dans la mesure où les conflits de pouvoir de l’époque post-coloniale semblent avoir accru les inégalités et multiplié les fractures psychologiques.

En fin de compte, ce que proposent la plupart des textes étudiés par Simatei, c’est une pluralité d’angles d’approche de l’idée de construction nationale, à rebours des modèles hégémoniques néo-coloniaux des années 1970 et 1980. Il est certainement regrettable que l’auteur ne livre cette piste bakhtinienne qu’en dernier lieu, au détour d’une conclusion sommaire (deux pages !) : les concepts de dialogisme et d’hétérogénéité, si hâtivement lancés, auraient sans nul doute permis d’approfondir encore la réflexion. Autre regret : que la Corne de l’Afrique et la Tanzanie n’aient pas été conviées à cette étude des littératures est-africaines.

 

SIMATEI, Tirop Peter. The Novel and the Politics of Nation Building in East Africa.

Bayreuth: Bayreuth African Studies 55, 2001. 186 pp.

mardi, 20 mars 2007

Nuruddin Farah on PBS

Bien sûr, il faut lire Nuruddin Farah.

Pour ceux que je bassine depuis si longtemps avec ce remarquable écrivain somalien de langue anglaise, voici un petit lien vers une interview récente. En cliquant sur le lien Streaming Video, juste en haut de l'article et à côté de la photo de Nuruddin, vous pourrez le voir & l'entendre en action.

mardi, 21 novembre 2006

Against the Day / Wizard of the Crow

Aujourd'hui paraît aux Etats-Unis le nouveau roman de Thomas Pynchon, Against the Day, un gros pavé très alléchant de plus de mille pages. Le titre, à lui seul, est au confluent de nombreuses références poétiques et philosophiques, sans même évoquer l'influence possible de Seize the Day, à la fois traduction anglaise du carpe diem horatien et titre d'un roman de Saul Bellow.

Je vais le commander, tout en sachant que j'ai d'autres colosses qui peuplent ma table de chevet, dont Wizard of the Crow, le dernier roman de Ngugi wa Thiong'o, dont j'ai commencé la lecture hier soir avant de m'effondrer entre les draps, et qui démarre très fort. J'avais quelques appréhensions, pour diverses raisons, mais il semblerait que les échos mitigés que le roman a reçus, tant auprès de l'éditeur américain, dans un premier temps, que des critiques, par la suite, aient été peu fondés... à moins que le texte ne s'effondre aussi après quelques pages (ou centaines de pages, car Wizard of the Crow avoisine les 800 pages, et l'essoufflement est un risque).

 

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Entre autres chantiers laissés en plan (ou plans laissés en chantier), il y a Le Livre des mines. (You're making a note of it just for yourself, lad !)

lundi, 09 octobre 2006

Exposition Henri Gaden

Vendredi s'achèvera, à la Bibliothèque d'Anglais-L.E.A. de l'Université François-Rabelais (site Tanneurs) la très belle (mais trop brève) exposition de 30 photographies de Henri Gaden. Il s'agit d'une partie de l'exposition qui avait été présentée en 2001 au Salon du Livre de Bordeaux.

(Nota, pour plus d'informations sur Henri Gaden : le texte de préface d'Anne-Laure Jégo se trouve en ligne ici.)

 

Des 335 clichés sur plaque de verre stéréoscopique légués par les héritiers de Henri Gaden à la ville de Bordeaux dans les années 70, trente sont ici présentés. La plupart sont d'une très grande beauté : le photographe, administrateur colonial en Afrique de l'Ouest, a saisi des fragments de cérémonies, de conversations, des visages solitaires (vire solaires), des groupes d'enfants, sans parler de la capture de Samory Touré, à laquelle il a participé, selon ses fonctions d'alors. J'aime beaucoup les portraits d'individus seuls, et notamment une très belle Africaine saisie au vol d'un sourire. Le Portrait de Samory Touré après sa capture (n° 3056-57) est très impressionnant, pour ne rien dire de l'image intitulée Colon français et Africaine (Beyla) (n° 3066-67), où se lisent toutes les ambiguïtés de ce qu'il est convenu d'appeler, par un bel euphémisme, "l'aventure coloniale".

La rencontre de ces deux personnes n'a rien d'improbable : le cadrage, qui centre le regard sur l'Africaine, semble témoigner de la joie de cette femme, mais, comme il ne faut pas oublier que le photographe est un officier colonial, toutes les hypothèses sont permises. Rencontre mi-joyeuse mi-gênée ? Signe d'une vie quotidienne assumée, où la ligne de partage entre Blancs et Africains n'est jamais absolument fixe ou figée ? Simple moment d'harmonie ? Savant calcul idéologique du photographe ? Bien entendu, cette image nous renvoie à nos propres fantasmes, nos propres jugés ou préjugés.

 

Caverne et jeu d'ombres (n° 2976-77) est trop esthétisant, d'une certaine manière. Je lui préfère, et de très loin, ce petit bijou de photographie narrative qu'est l'image (références non notées, silly me!) de quatre hommes dans une salle vide : l'un est debout, un autre assis sur une chaise, un assis à l'arrière sur une sorte d'estrade, un enfin, torse nu, au premier plan, le dos tourné au photographe. Trois chapeaux coloniaux sont posés sur le sol. Que font-ils là ? Qu'ont-ils l'air d'attendre ? La différence entre le nombre de chapeaux et celui des sujets photographiés ne laisse pas d'intriguer : j'ai cru voir que le personnage au fond, assis sur l'estrade, avait une casquette à visière. On pourrait aussi imaginer, à l'extrême rigueur, que le personnage vu de dos, torse nu, soit une femme... Laissons dériver l'imagination...

 

lundi, 18 septembre 2006

Du Niger au golfe de Guinée, 18 septembre 1888

Il y a deux ans bientôt, une correspondante (que j'ai rencontrée depuis) m’avait offert, pour mes trente ans et à mon immense émotion, le récit de voyage du capitaine Binger, Du Niger au golfe de Guinée par le pays de Kong et le Mossi. Il s’agissait de la réédition en un seul volume (Société des Africanistes, 1980) des deux tomes parus à l’origine en 1892, et marquée d'une longue dédicace à l'encre rouge sombre. Je me suis plongé illico, mais en plusieurs séances, dans cet ouvrage finalement savoureux et passionnant, malgré un très grand nombre de réticences que, pour faire bref, je qualifierai d’idéologiques et qui, loin d’être formulées a priori dans ma petite tête, naissaient surtout au fur et à mesure de la lecture. Toutefois, il faut reconnaître que, pour un militaire entreprenant un voyage d’exploration dans le contexte de la France coloniale de la fin du 19ème siècle, Binger est relativement subtil, et même qu’il parvient souvent à une étonnante neutralité.

Alain Ricard m’avait dit un jour que les récits de voyage écrits par les premiers explorateurs, et, dirons-nous, singulièrement au 18ème siècle, étaient nettement plus justeset moins obscurantistes, à l’égard des peuples visités, que ceux du 19ème siècle.

 

Aujourd’hui, c’est sans doute l’heure de citer – car il n’est jamais trop tard, et les chiffres ronds pèsent trop lourd – le premier paragraphe de l’entrée du 18 septembre 1888, qui témoigne d’un désir d’observation aussi neutre que possible, et sur un point très intéressant :

 

Ce matin de bonne heure nous sommes réveillés par une violente tornade, la première de cette année ; elle fut accueillie avec joie par tout mon personnel, car c’est un indice certain de la prochaine fin des pluies d’hivernage. (Chapitre XI, tome 2, p. 61)

 

À Tours, pourtant, nulle tornade.

lundi, 11 septembre 2006

Abdourahman Waberi...

... fait son entrée dans le Petit Robert ! Félicitations, mon ami !

(À Berlin, où il se trouve, il a dû fêter ça dignement.)

lundi, 28 août 2006

Dire qu'il y a une semaine je me demandais sérieusement si j'avais encore le goût des carnétoiles...

Hier, je vous signalais l'existence du nouveau blog (photographique) de Tinou. J'en remets une couche en vous signalant que la manière la plus séduisante, à mon avis, de découvrir l'ensemble de ces images est de passer par le module des archives mensuelles, sinon guette la pléthore.

Par ailleurs, j'ai laissé, sur deux de ses très belles images de Sousse, deux commentaires qui pourraient constituer deux fragments de mon autobiographie africaine : I et II.

Sinon, il faudrait que je toilette la rubrique (ci-contre à droite) des blogs amis, et y ajoute, enfin, celui de Baptiste Coulmont, déjà remarqué dans ces pages, et où je m'excite un tantinet ce jour d'hui.

Regards d'Afrique

Je ne parle pas souvent d'Afrique dans ce carnétoile. Un peu mon jardin secret, et mon terrain professionnel. Aujourd'hui, je voudrais vous signaler l'existence d'un très beau site, Regards d'Afrique : son auteur, Antoine Doyen, est parti, selon ses propres termes, "à la rencontre du cinéma en Afrique". Il y a de très belles photographies, même si on attendrait un peu plus de "reportages" au sens fort (ou ne les ai-je pas trouvés ?).

vendredi, 23 juin 2006

Parisiens premiers

Il y a principalement deux choses qui rendent fous les citoyens des pays "occidentaux" : l'idée qu'un événement culturel est "exceptionnel" et la gratuité. En croisant ces deux choses, on risque de frôler la catastrophe, ou la cohue.

Cohue ?

À en croire la radio, la file d'attente autour du musée du quai Branly atteignait, au début de l'après-midi, les trois heures, par une chaleur que l'on imagine d'autant plus suffocante que l'été est toujours plus insupportable dans les grandes villes.

L'été ?

C'est le premier jour d'ouverture au public du Musée (anciennement des Arts Premiers et prochainement (à ce qu'on dit) Jacques-Chirac), et, pour les trois premiers jours, l'entrée est gratuite.

 

Arts premiers ?

Je me rappelle que, quand nous vivions à Beauvais et que nous nous rendions régulièrement à Paris, fréquemment le dimanche mais pas exclusivement, nous avons souvent décidé de visiter telle ou telle exposition temporaire dont, cette "saison"-là, parlait le Tout-Paris. Devant des files d'attente qui excédaient souvent la demi-heure, nous avons maintes fois tourné les talons pour nous "rabattre" sur les collections permanentes de tel ou tel musée.

Pourquoi cela ?

Premier principe : on ne va pas dans un musée pour attendre, auparavant, au mileu d'une foule compacte, et ce même assez longtemps.

Deuxième principe : on ne va pas dans un musée pour voir des œuvres, si belles fussent-elles, à travers deux ou trois rideaux de spectateurs (dont vous êtes (cf Didier Eribon dans la mémoire vive)).

 

Arts...

Sans être spécialiste des arts dits "premiers", cela fait un certain temps (une petite quinzaine d'années) que je m'y intéresse, à l'art africain en particulier. Dans les années 1990, j'allais souvent au Musée Dapper, avant sa rénovation (décevante). Les pièces étaient le plus souvent vides, alors que les objets exposés présentaient autant d'intérêt que ceux de la collection rassemblée dans le musée du quai Branly.

Pourquoi les pièces étaient-elles vides ?

Parce que le Musée Dapper ne faisait pas la une des journaux, que les expositions temporaires n'étaient pas considérées comme un "événement" exceptionnel, et que, de surcroît, il n'était pas question de gratuité.

 

Quai Branly...

Bien entendu, vu la richesse des collections, j'irai visiter bientôt ce musée. Seulement, je ne pourrai pas dire : "J'y étais ! " (Traduction : j'y étais, à attraper un coup de sang dans la canicule, en attendant trois heures pour ne rien voir au bout du compte.)

mardi, 31 janvier 2006

Pagli d'Ananda Devi

La note qui suit a été écrite en janvier 2002 et publiée sur le site Exigence Littérature. Je la publie dans ce carnet à l'occasion de la parution d'un nouveau roman, non encore lu, d'Ananda Devi.

 

Ce récit brûlant qui se transforme en roman torrentiel, pluie diluvienne autant que lexicale, est avant tout l’histoire d’une affabulation. On pourrait insister ici sur la figure féminine marginale, caractéristique des derniers romans d’Ananda Devi et si représentative de ce que Gilbert et Gubar nomment la folle du grenier (‘the madwoman in the attic’, la femme claustrée et contrainte au silence, version féministe de la “folle du logis”). Mais d’autres l’auront fait, sans doute.

Claustrée, Daya, que tous et toutes nomment “la Pagli” (la Folle), l’est assurément. Dans la première partie, elle ne parvient à nouer une histoire d’amour puissante, idyllique et métaphysique, avec Zil, le pêcheur, qu’en se sauvant de la demeure matrimoniale, “maison de sucre glace” ou, en créole, “gato lamarye”. Dans la deuxième partie, une fois sa relation extra-conjugale et surtout hors-normes éventée, confiée aux rumeurs et aux “mofines” (les commères), elle se voit enfermée dans un poulailler d’où, provoquant rageusement un déluge de pluie, elle attend le retour de Zil. La première page de l’antépénultième chapitre se charge d’ajouter une pierre à l’édifice littéraire des femmes claustrées : “Je suis l’emmurée vivante. […] Je suis entombée, embourbée, incarcérée en moi-même.” (p. 147)


En quoi, donc, la Pagli est-elle une affabulatrice ? C’est une narratrice dont l’idylle semble si magique, et surtout si abstraite, que le lecteur ne manque pas de trouver un deuxième sens au surnom, et au titre du roman : désireuse de s’inventer sa propre histoire en toute liberté, Daya/Pagli est une absolue fiction, car tout, dans ses propos et ses aventures, est fantasmatique. Jamais vraisemblable, quoique toujours saisissante, c’est une “figure”, un “antipersonnage” au sens où l’entend Xavier Garnier dans son récent essai (L’Eclat de la figure. Berne : Peter Lang, 2001).

Le comble de la supercherie intervient au moment où Zil, le pêcheur, projection des fantasmes de la narratrice, et surtout de ses frustrations, prend la parole. Ou plutôt : lorsque Daya fait parler Zil, car, au regard d’une polyphonie bien factice, Zil parle comme Daya, d’une même voix, à l’unisson. Ainsi, Zil, dont le récit soulignait l’attachement à la réalité et le refus des propos métaphysiques chers à la Pagli (voir en particulier pp. 71-72), livre lui aussi des propos emphatiques et abstraits : “Sans le don que tu m’as fait de toi, je ne serais qu’un homme à peu près, un homme à demi qui ne sait pas ce que c’est que d’être homme.” (p. 145).


En ce sens, à l’instar d’une silhouette dans un théâtre d’ombres, Zil est une pure projection d’un récit monologique, clos puisque voué la claustration. Zil, “île” promise, est l’appel du large, de l’extérieur, du Dehors, mais il n’est saisi par le texte qu’au mépris de sa particularité. Toutes les tentatives pour le “dire” (et même pour le faire parler) sont confinées au système intériorisé de la narratrice. Ananda Devi réalise ainsi une prouesse, en prenant à revers des décennies de production romanesque “phallogocentrique” et en faisant du sujet masculin un objet de discours, objet de passion certes mais principalement objet passif, silencieux. Si l’on suit les analyses d’Annie Anzieu, le phallogocentrisme consiste à “ramener tout système de compréhension au sexe masculin” (La femme sans qualité. Paris : Dunod, 1989, p. 74). A l’inverse, Devi fait émaner tout le système d’expression du sexe féminin : du sexe, c’est-à-dire de l’espace intime de Daya.

Annie Anzieu écrit plus loin dans son essai éclairant : “L’écriture féminine remplace pour la femme la gestation, ou la continue. Elle apparaît souvent comme le résultat d’une sublimation de la relation à un être aimé.” (La femme sans qualité, p. 88) Comment mieux expliquer le discours ventriloque mis en place par Daya, mais aussi l’épigraphe de Pagli : “Tout roman est un acte d’amour” (p. 9).


Récit d’une affabulation tout autant que d’un affolement, Pagli se nourrit d’une irrationalité toute théâtrale. Symptomatiquement, d’ailleurs, au “Nous” collectif et anonyme des “autres”, signal de l’exclusion bien-pensante (p. 130), s’oppose le Nous des amants, Je sublimé et porté en quelque sorte à la puissance deux, fausse extériorité : “Cette chose qui m’espace sous ma peau, qui la détend et la respire et y glisse de l’intérieur, c’est toi, Zil.” (p. 79).
Pour dire l’intériorité blessée de sa narratrice, Ananda Devi n’a d’autre recours que de construire un roman expressionniste, dans lequel les couleurs, pour prendre un exemple marquant, témoignent d’une crise brutale de la représentation. Ainsi, lorsque Zil s’adresse à Daya pour raconter leur rencontre : “Tu étais enveloppée de gris. Tu contredisais les couleurs qui t’entouraient.” (p. 143)


Les couleurs sont ce que la voix narrative en dit, sans symbolisme convenu et sans entre-deux. Le “noir véritable” est “un noir qui aveugle comme des larmes de sang et qui est l’annihilation de toute lumière” (p. 51). Même les adjectifs et substantifs usuels peinent à décrire les couleurs : “Le ciel est devenu couleur de violence. Cette teinte violette est rare et reconnaissable entre toutes.” (p. 122) La violence n’a pas de couleur connue, et, en même temps, elle se voit assigner une place particulière dans le spectre coloré : le violet, qui allitère si bien avec elle. La teinte violette est d’ailleurs reprise en fin de roman pour décrire un ciel nocturne : “La nuit se dilate et strie le violet du ciel.” (p. 150)

Affabulation expressionniste, Pagli est, tout autant qu’un roman ou qu’un acte d’amour, un cri, une longue imprécation, savant mélange de violence et de mélancolie. Plus réussi formellement que le roman précédent d’Ananda Devi (Moi, l’interdite. Paris : Dapper, 2000), il constitue une porte d’entrée privilégiée dans l’univers particulier de la jeune romancière mauricienne.


DEVI, Ananda. Pagli. Paris : Gallimard, 2001, 168 pp.

dimanche, 29 janvier 2006

Temps de chien (Nganang)

 Temps de chien s'inscrit dans une tradition africaine clairement balisée : il y est question d'un quartier populaire et misérable, Madagascar, situé dans les faubourgs de Yaoundé, et de la vie de ses habitants. Les thématiques habituelles du roman suburbain s'y trouvent : misère, alcoolisme, mélodrames hauts en couleur, corruption politique. C'est, par ailleurs, un conte philosophique ; on y trouve un narrateur candide et observateur, dont le regard s'affine progressivement jusqu'à devenir cynique. Pris entre ces deux traditions (réalisme social, conte philosophique), Nganang ne tranche jamais, ce qui fait la force de son livre.
   En donnant la parole à un chien, Nganang prenait de nombreux risques, mais le roman évite les écueils en ne sombrant jamais ni dans l'anthropomorphisme, ni dans des jeux linguistiques faciles. Tout en accordant une grande importance à la palabre, Nganang ne multiplie pas les “indigénismes”. Tout, dans l'écriture, est question de dosage : à cet égard, ce livre est un modèle.
   Bref, Temps de chien, qui avait tout, a priori, pour être un roman raté, est un roman merveilleusement réussi.


 

Le narrateur est un être à part, à l'identité indéterminée ; il erre et déambule dans les “sous-quartiers” ; il vit dans un monde où la violence politique fait incessamment irruption… Autant le dire, et malgré les différences majeures séparant ces deux livres, Temps de chien fait penser à La Route de la faim de Ben Okri. Certes, il manque la dimension imaginaire et épique, si caractéristique du romancier nigérian, mais Nganang développe la même approche des questions politiques. Ainsi, dans le premier chapitre, la scène du suicidaire appelle la comparaison : même regard pseudo-objectif, même mythification. Mimi Minor rappelle Madame Koto. Mboudjak est, comme Azaro, partagé entre l'identification au “Nous” de la foule et l'aventure en solitaire : “Mes aboiements embaumaient le chaos des hommes. Je ne savais plus ce que je disais. J'étais pris dans le mouvement, moi aussi.” (p. 64). Ainsi, le texte, vertueux et voltairien, tombe incidemment dans le délire, dans la parole folle, les “étiennements bancals” (p. 71). Le discours policé de Mboudjak, chien philosophe et observateur cynique, est sans cesse gagné par une langue subversive et envahissante.
   Le discours canin se développe alors dans l'interstice périlleux qui sépare, d'un cheveu, la raison de l'exubérance. Romancier, le chien Mboudjak voudrait se garder des mots, notamment de ceux de Panthère, un vieillard palabreur et hâbleur. Pari-paradoxe difficile à tenir :


Je recherchais dans la viande du monde la dureté de l'os, la partie la plus sûre du festin de la vie, et il faisait danser ses hallucinations dans la rue. Réaliste, il me fallait être: réaliste. Et il inventait visiblement la réalité des choses selon sa convenance! Un manipulateur du réel, le petit vieux était. Mais voilà: bia boya alors? Avec ce petit vieux, oui, surtout avec lui, la cour du bar de mon maître devenait une natte de paroles, un entrecroisement de commentaires, un bouillonnement d'emphases, une explosion continuelle de superlatifs, un perpétuel défi de grandeur, oui: une somme de mille folies s'entrechoquant. (p. 110)


 

Réalisme garder : c'est le mot d'ordre. Mais, quand le matériau vire au désordre, ‘on va faire comment, alors?’ (c'est la traduction, proposée en note dans le roman, de “bia boya alors?”).
   Se méfier des discours ne signifie pas, pour autant, abandonner le style. Au contraire. Nganang invente une palette étonnante de variations stylistiques, de l'usage immodéré et savoureux des notes (qui deviennent par instants partie intégrante du récit, cf p. 78) à la construction d'échos secrets :
Des rires fusèrent ci et là. Parfois une voix admiratrice crissait. Je n'y prêtais pas attention. Je me voyais nu dans la rue. Ma maîtresse, elle, devait être aux nues. Elle avait sa vengeance sur tous ceux-là qui jamais n'avaient vu en elle rien d'autre qu'une vendeuse de beignets, me disais-je. (p. 103)
 

   Temps de chien pose, comme tous les grands romans africains, la question de la fiabilité des signifiants. Perdu, au début du livre II, dans les sous-quartiers, Mboudjak cherche son maître, Massa Yo. Un coq lui apprend alors qu'il y a “des milliers de Massa Yo dans Yaoundé, et que lui seul en connaissait déjà six” (p. 189).
   De façon plus intéressante, lors d'une altercation entre une femme et un vendeur d'arachides, les mots du lexique sont réduits (ou élevés?) à un sens performatif, sans aucun rapport avec leur signifié :


“ — Toi, tu es une bordelle de ton état, dit le vendeur d'arachides.
­— Energumène, dit la femme en sevrant son gosse pour mieux répondre.
— Bordelle !  dit encore le vendeur d'arachides.
— Abracadabra !  dit la femme.
— Bordelle ! ” insista le vendeur d'arachides.
Et l'autre sortit le mot du siècle : “Anticonstitutionnellement ! ” (p. 221)


 

Le mot du siècle n'est pas seulement le plus long du dictionnaire : il prend un tout autre écho dans un contexte de dictature…!
   Nganang multiplie ainsi les scènes à mi-chemin du burlesque et de la satire politique, comme lors de la tentative de suicide d'une femme sous un bus à l'arrêt (pp. 204-206), ou du retournement de situation invraisemblable qui permet à un homme pourchassé par tous de devenir “le miraculé du marché” (pp. 228-229). Le roman se termine pourtant sur une note forte, puisque c'est l'assassinat de Takou, gamin des rues et fils du Docta, par le Commissaire, qui donne le signal de l'émeute, “main de rage” (p. 293) et “rumeur régicide de la rue” (p. 295). La dimension mythique, que l'on croyait bannie du récit, prend alors le relais pour s'imposer et donner a posteriori tout leur sens à plusieurs scènes-clefs du livre. Ainsi, les personnages, miteux ou pathétiques, sont transfigurés le temps de l'émeute, en particulier le Docta, devenu père “soudain avec la mort de ce gamin qui lui avait été jadis abandonné” (p. 286).


 

    Temps de chien est un grand roman critique, tant du point de vue de la satire politique — toujours judicieuse, jamais appuyée —  que de la liberté laissée au lecteur : de nombreuses pistes restent ouvertes, et c'est au lecteur, in fine, d'opter pour le point de vue “réaliste” — maintes fois réaffirmé, quoique de façon ambiguë —  ou pour une lecture plus idéologique. En des temps où le roman contemporain s'abîme souvent dans un collage superficiel saluant “la fin des idéologies”, c'est faire œuvre salutaire que de proposer, comme Nganang, un livre de cette trempe, qui n'est ni un pamphlet ni une belle coquille vide.

 

 

NGANANG, Patrice. Temps de chien. Paris, Le Serpent à plumes, 2001, 304 pp.

(Article originalement publié en 2001 sur le site Exigence Littérature.)

jeudi, 26 janvier 2006

Hommage à Richard (Au vent la lettre II)

Namibie...

Algie...

Corolle infinie ?

Encore la Namibie.

 

La nostalgie du balanin.

 

lundi, 23 janvier 2006

Le démon de l’association

De la table du déjeuner, une longue giclée d’orange sanguine atteignit le plancher, en parquet flottant. Peu s’en fallut que les grosses gouttes rosées ne tâchassent mon chandail (qui s’en serait remis) ou l’une des innombrables copies d’examen qui jonchaient la table, hâtivement repoussées pour permettre au tâcheron de se sustenter. L’image de ces gouttes vastes et violentes, que j’essuyai d’un coup de chiffon vigoureux, fit naître devant mes yeux quelques réminiscences de Kill Bill, vu tout récemment. En dépit de l’inévitable distanciation que provoque le mélange grossier d’humour décalé et de parodie propre à Tarantino, la violence de ce film demeure, et m’a choqué, sans doute comme pour C., qui avait pris à cœur certaines scènes de Casino : dans ce cas précis, le génie de Scorcese avait fait, de mon côté, passer la pilule.

 

Ces quatre ou cinq gouttes d’orange sanguine venaient clore, en point d’orgue, un repas fruste mais délicieux qui avait pour charnière trois œufs sur le plat ; il se trouve, pensais-je en faisant la vaisselle et en regardant, pour une énième fois, la reproduction de l’une des versions de la Vierge de Munch qui est collée à l’un des carreaux au-dessus de l’évier, que j’avais écrit, adolescent, un mauvais poème dont l’image principale était l’analogie, pour un prisonnier devenu anorexique et anémique, entre le jaune d’œuf servi à la cantine et le sang de son crime.

 

La carte postale qui représente cette Vierge peinte en 1895, achetée en 1998 à Paris lors de la grande exposition consacrée au Fauvisme en Europe, a longtemps orné l’un des côtés de l’étagère de bois blanc fabriquée par mon grand-père maternel, et qui servit, dans notre appartement puis notre maison de Beauvais, de séparation entre salon et salle à manger.

 

La vaisselle faite, j’écrivis les quelques bribes de phrase qui devaient me rappeler l’essentiel de ce billet à l’encre rouge (celle dont j’usais pour corriger les copies d’examen que n’avaient pas effleuré les gouttes de jus sanguin), puis, la cartouche faisant flic, à l’encre verte.

 

 

………

En écoute (en boucle) : « Rag » de Julien Jacob (album Cotonou. Wrasse Records, 2005. WRASS 138)

samedi, 03 décembre 2005

Shikwati, suite

Je partage les réticences de Livy tant vis-à-vis des simplifications sur le vaste sujet de l'aide au Tiers-Monde, que du messianisme assez explicite de l'article que j'ai copié-collé plus tôt dans la journée, et où l'on célèbre assez étonnamment un seul homme.

De toute évidence, l'auteur de l'article "oublie" de rappeler certains faits essentiels concernant l'aide aux pays africains, en particulier les plus durement financiers. Sur la question de l'Afrique de l'Est, j'ai tendance à trouver que les medias et beaucoup d'Africains eux-mêmes ont tendance à tourner leurs regards vers l'ouest et à oublier certaines zones d'Afrique de l'Est. Un exemple criant est le manque de discussions vraiment profondes et d'actions des structures (pan-)africaines elles-mêmes dans le conflit du Darfour.

So the East African bias does not bother me on that one...

En hommage à James Shikwati

One Kenyan man's mission: free Africa from yoke of aid

By Abraham McLaughlin | Staff writer of The Christian Science Monitor
December 2nd, 2005


KALAWANI, KENYA – With a few radical ideas and a band of scrappy followers armed with hoes and pitchforks, a self-taught economist from Kenya is trying to set Africa free - liberate it from the billions of dollars in aid it receives every year from rich countries.  The US alone spent $3.3 billion on aid to Africa last year. But James Shikwati - along with an increasing number of Africans - argues that rich-nation aid often ends up fostering a welfare mentality that mires Africans in dependence and sloth.

With famine and food aid currently on the rise in Africa, his critique is timely and tough. "We need to grow up," Mr. Shikwati says of Africa. "But if daddy" - the West and its aid groups - "is always helping, when will we?" In this famine-prone area of eastern Kenya, he's begun a hunger-fighting project that involves changing attitudes, not doling out money or food. He's encouraging traditional farmers to think like entrepreneurs and develop their own new methods and tools. And he's persuading agribusiness firms to view residents here not as famine victims but as potential customers. By connecting producers and suppliers, he aims to jump-start new markets, and break dependence on food aid.

And Shikwati isn't alone in challenging the Western aid system. "Donors need to abandon the idea that the solution to Africa's problem is money," argues Andrew Mwenda, a Ugandan economist and radio talk show host. "In fact, money may be Africa's Achilles heel." Shoveling food and money into Africa "makes African governments lose the incentive to invest in long term solutions," he says.

But Shikwati knows his ideas need to be proven. That's where the farmers come in. Driving through the region, past tin-roofed shops with Coke signs everywhere, he muses, "If agriculture companies were as aggressive as Coca-Cola, everyone would eat." Local farmers cultivate tiny plots with ancient methods. He says of them: "We are pushing for people to own the problem - so they can come up with solutions."

Many NGOs operate here - and Kenyan politicians come to hand out Western-provided food in return for votes. Politicians and aid organizations have created a system that "encourages laziness," says Aaron Kitaka, vice-chairman of the Kalawani Mwanzo Self-Help Group, which Shikwati's Inter Region Economic Network helped start. "A farmer knows the government will bring food, so he doesn't work." So group members like David Muthoka are trying new approaches. This year, after joining the self-help group and getting new ideas, for the first time Mr. Muthoka bought hybrid seeds to mix with the cheaper, less-hearty variety he's long used on his two-acre plot. He also plans to buy as much commercial fertilizer as he can afford - to add to the natural fertilizer he gets from his two cows.

He hopes the small investments will bring a better crop, so he can save money to buy more high-quality seeds next year and eventually become a commercial farmer, not just a lone man tending his tiny plot. Indeed, the self-help group aims to leverage its growing bargaining power to extract lower prices from seed sellers next year. The group also aims "to come together to create a bait for the seed companies," explains Shikwati.

"More and more we're diversifying into small-holder areas" like Kalawani, says Peter Veal, head of Syngenta East Africa, a division of a Swiss agribusiness giant. For such firms, adjusting to this market requires flexibility and creativity. One shift: Downsizing seed-pack size. Poor farmers have money, Mr. Veal says, but not enough to buy 10-pound seed bags. Next year he expects to sell one-pound bags, which will enable him "to access the money in people's pockets much better." He and other executives are also brainstorming about how to nurture this market. Unlike NGOs, though, the corporate motive isn't charity but long-term self interest. And that, Shikwati says, makes a difference. Companies are more attentive to locals' needs, he argues, and more committed to a long-term presence. It's a premise many take issue with - saying companies are liable to exploit poor farmers. Either way, Veal knows he'll have to be patient. The move into these areas "is going to really impact on our bottom line," he says confidently, "but maybe not until 2010."

Meanwhile, NGOs in Africa are increasingly scrambling to meet pressing crises that can't be ignored while longer-term programs like Shikwati's take root.

lundi, 17 octobre 2005

Afrique, quand?

Je voudrais, pour donner un tour de vis à ce carnétoile, me contraindre à écrire chaque jour, ou, à défaut, toutes les semaines, une note sur un auteur africain. C'est vrai, quoi! A faforo! Je me prétends africaniste et je ne parle quasiment jamais ici de littérature africaine, ou de politique, d'histoire, d'anthropologie.

Mais c'est que j'ai du retard sur plusieurs pans de mon travail, et même dans mes blogs (Cours 2005 est très incomplet), pour ne rien dire du roman  Avril déjà dérape, qui attend sans doute, pour décoller, les calendres grecques. Avec ma compagne qui ironise sur mes prises d'écriture, c'est le bouquet!

lundi, 10 octobre 2005

Ironie des images

Tandis que je photographiais, samedi, au château de Cinq-Mars la Pile, cette inscription dans les douves, le Cameroun était éliminé de la participation à la Coupe du Monde de football.

medium_cameroun_a_cinq-mars.jpg

Bonne chance quand même au Togo et à l'Angola!

jeudi, 29 septembre 2005

Gueule tapée (2)

Glané, dans LE FRANÇAIS EN AFRIQUE Revue du Réseau des Observatoires du Français Contemporain en Afrique, l'entrée suivante, concernant le mot varan:

varan, n.m. Spéc. V. IGUANE*. (Varanus niloticus et varanus exanthematicus). Reptile saurien. Il en existe deux espèces : le varan du Nil = varan d’eau = gueule* tapée, de plus grande taille et le varan des terres. Medza était une femme d’une quarantaine d’années, velue comme une brosse, la peau rugueuse comme celle d’un varan adulte… (Allogho-Oke, 1985 : 55). Nombreux sont ici les lézards dont l’un est d’importance : c’est un grand saurien, le varan du Nil, qui est de la famille des iguanes et que l’Afrique connaît sous le nom, impropre d’ailleurs, de « gueule-tapée* ». (Briault, 1926 in Merlet, 1990 : 324). Les reptiles tels que les [.] varans [.] sont observés prenant un bain de soleil [.]. (Le Cri du Pangolin, n°11, 1994).
SYN. : gueule* tapée, iguane*

Il existe de nombreux contes africains dont le protagoniste est la gueule-tapée. Pas fichu d'en retrouver sur le Net, mais je vous en dénicherai un ou deux d'ici peu dans ma bibliothèque.

Je signale par ailleurs l'interview de James Gaasch dans laquelle il est, incidemment, question du quartier de la Gueule Tapée.

***

En écoute: la poussière et le vent / et le balayeur passe / jaune phosphorescent (Gérard Manset. "Le coureur arrêté", 2004)

Jeudi, en milieu de matinée

Je suis très content du travail que je viens de faire, à savoir la préparation de la séance de séminaire de demain. J’interviens, pour quatre séances, dans le master 2 de sciences du langage (option B, centrée, dixit la responsable, sur la diffusion du français dans des contextes et auprès de publics "spécifiques"), où j’ai proposé d’étudier le roman d’Ahmadou Kourouma, Allah n’est pas obligé. Le plus amusant, c’est que je trouve ce roman très faible par bien des côtés, nettement moins bon que les autres de l’auteur, et que je l’avais assez sévèrement critiqué lors de sa parution. Mais il se trouve que, pour des étudiants plus intéressés par l’aspect linguistique que par les finesses poétiques, mais aussi à titre d’introduction à certaines caractéristiques du discours littéraire africain (parodie de l’oraliture, jeu sur les différents registres, polyphonie, etc.), ce roman est tout à fait exemplaire. Me voici donc embarqué, pour huit heures, dans cette aventure.

vendredi, 16 septembre 2005

Un épisode, vieux de 34 ans, dans l'histoire de la Françafrique: l'assassinat de Germain Mba

C'est ici.

mercredi, 07 septembre 2005

Jean-Gilles Badaire, le crâne et la glu

 

[A partir d'une première ébauche, vendredi 2 septembre]

 

 

Samedi dernier (27 août), nous avons visité l’exposition rétrospective de Jean-Gilles Badaire, peintre dont je n’avais jamais entendu parler mais qui affirme une œuvre pleine à la fois de constance et de diversité. Je ne sais pas trop si j’ai le droit de mettre en ligne une image, mais je voulais vous donner un aperçu : il me semble que la piètre qualité de mes photos d’amateur ne viole pas la loi sur les droits, et, dans tous les cas, peut susciter le désir, chez mes rares lecteurs, de mieux connaître cet artiste, voire d’acheter certains de ses livres ou des nombreux ceux (dits livres d’artistes, ce phénomène de mode qui participe, chez lui, d’une vraie conviction esthétique et d’un réel dialogue avec les écrivains) auxquels il a participé. Quoi qu’il en soit, c’est de ce désir de partage et cette volonté de faire connaître son œuvre que naîtra, sur l’écran, à partir de demain, une série de reproductions photographiques d'oeuvres. Si M. Badaire vient à passer par ici, et qu’il souhaite le retrait des images, je m’exécuterai aussitôt, bien évidemment.

 

Ce préambule procédurier passé, voici le vif. L’exposition présentait, dans l’ensemble des salles du premier et du deuxième étages du château de Tours (soit une dizaine de grandes pièces (non, vraiment il faut que vous visitiez ce lieu superbe!)), des œuvres représentatives des différentes séries picturales ou phases de l’œuvre, sans compter, bien entendu, maintes vitrines où étaient exposées des livres d’artistes.

 

La salle que C. a préférée est celle où sont présentées les « pages de carnet », qui comptent certes d’indéniables réussites, mais auxquelles je préfère les grandes toiles achevées, surtout celles que travaille le motif de l’ossature, du squelette, du crâne. Grands et lumineux lambeaux, vertigineux vestiges qui disent la cruauté du corps, ces peintures s’attaquent à un aspect passablement rebattu et connu de l’art contemporain, mais avec une fraîcheur qui m’a donné une sensation de véritable nouveauté. Voir une image de squelette avec le sentiment d’une expérience entièrement nouvelle, ce n’est pas évident.

 

Par exemple, la toile carrée Pot, piment et tête de mort est d’une fort belle facture, composition très juste, très resserrée, le crâne exorbité semblant se fondre dans le vase comme en un effroyable sablier noir sur la gauche et d’un blanc tavelé sur la droite. Le fond, ocre et gris, souligne le passage du temps, avec cette inimitable ligne noire diffractée qui parcourt ce fond de gauche à droite, se divisant en deux à droite du crâne et constituant une ébauche de récit.

 

Des portraits de femmes, je retiendrai la sublime Fille qui se branle, beaucoup plus proche de Klimt ou Soulages, en un sens, que de Schiele (peintre que je n’aime pas) — ou aussi cette énigmatique Louttre, mystérieuse par son titre, bien sûr, avec ce redoublement du t, mais aussi par sa posture, son visage dérobé, obscur, ténébreux et d’où sourd pourtant une force presque joyeuse.

 

Un pan entier de cette exposition est consacrée à ce que je suis tenté de nommer la période africaine de Badaire, où, sans sombrer dans l’exotisme, ou la référence convenue à certains mythes de l’esthétique occidentale (masques, scènes rurales), Badaire réinvente l’ocre, le gris, la matité des peaux, des contours, des cieux. Bien entendu, cela me parle, comme on dit si vilainement, et je signale aussi que la collaboration continue et plurielle du peintre avec l’écrivain Joël Vernet est liée à ce désir d’Afrique.

Il a aussi signé, chez Fata Morgana, une édition illustrée du texte célèbre de Marcel Griaule, Greniers dogons

 

 

..................... Autant dire que c’était une belle exposition, et que je vous conseille de guetter de prochaines apparitions de cet artiste. Prolongement possible : le "catalogue", qui est un véritable livre - Marc Blanchet. Jean-Gilles Badaire. Le temps qu'il fait, 2005.