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vendredi, 27 janvier 2006

Arroumégueur

Que dis-je ? j’arroumègue…

Arrouméguer (orthographe non garantie puisque non fixée) est un verbe gascon, qui mériterait de figurer, en tant que régionalisme, avec les helvétismes et belgicismes des dictionnaires de langue française. Je ne connais rien de plus réussi, du point de vue de Cratyle et de la concordance entre le signifiant (rythme et sonorités) et le signifié, que ce verbe, qui ne se traduit pas réellement en langue d’oïl, n’a pas d’équivalent strict : quand on arroumègue, on râle, on rumine, on rouspète, on fulmine, on fait preuve de mauvaise volonté – un peu tout cela en même temps… que ne désigne que le verbe arrouméguer.

 

Le gascon est le parent pauvre des dictionnaires de langue française. Les rares mots dont les lexicographes précisent qu’ils viennent du « Sud-Ouest » (ce qui, du point de vue de l’étude des différents dialectes occitans, n’a aucun sens) sont en fait franchement languedociens ou tolosans, et totalement inconnus de par mes contrées natales.

 

Alors, j’arroumègue, j’arroumègue… contre les lexicographes.

jeudi, 26 janvier 2006

Lit 1101

Ne nous méprenons pas. Le texte publié hier dans ce même livre de comptes, ce louvre de contes, ce havre de lave, n’était pas pur jeu d’égotisme. Il est bon, je pense, de lire Le Livre des mines comme un tout. Après l’échec du carnet dédié à l’écriture de fictions interactives, je procède par mélange et alternance. Tous les jours, à l’heure du dîner filial, se publie, toujours programmé à l’avance, un billet qui ajoute son sédiment de phrases au Livre.

 

Il est, imberbe, défiant les cieux, prêt à livrer, pour chacune des images de son adolescence, un poème en prose. Il reste au lit ; ce lit est à moi.

 

mercredi, 25 janvier 2006

Compte de mots

[14 h 40. Ce billet est le premier, du Livre des mines, que j’écrive ailleurs qu’à la table du salon ; je suis au bureau baigné de soleil. Il fait chaud derrière les vitres. La plupart de ces textes ont été conçus en déplacement, déambulant. Puis écrits au salon.]

 

 

Ce livre est à moi, cette sale mine est à moi, ce style est à moi, cette énumération longue, lourde et laborieuse, est à moi, ce stylo et ce clavier sont à moi, avec lesquels j’écris des masses de mots. Ce livre est à moi, cette voix est à moi, et dans le miroir le matin cette mine est à moi. Ces lèvres sont à moi, se fendillent légèrement, s’ourlent ou rentrent dans la carapace ; c’est alors que j’ai l’air d’une cistude. Ces lèvres sont à moi, et ce livre est à moi. Ce carnet est à moi, cette plage est à moi, noyée par le soleil, baignée par les embruns. Ce silence est à moi, ce tapotis clapotant des doigts dictant les dix ou cent dix lignes à l’écran est à moi, oui, ce livre est à moi, il ne fait que commencer.

 

Cette danse est à moi, cette abondance est mienne. Cette voix est à moi, ces mélopées, ces vélocités, ces dégueulandos sont à moi. Ces plaintes sont à moi, ces rayons de soleil me transperçant la joue sont à moi de toute éternité, et si la voix vitreuse est à moi, je survis.

 

Ce diable est à moi, ce diable c’est moi, ce monologue est à moi, cette furieuse envie d’écrire n’est à personne d’autre. Cette danse est mienne, abondance de moi roulant mon abdomen dans les draps. Ce lit est à moi, ce lieu est à moi, ce regard de vampire et d’amant posé sur toutes choses.

Je lève, vainqueur, la conque au-dessus de ma tête. Plein dans le mille, ce livre est à moi, à nul autre.

mardi, 24 janvier 2006

Ni amble ni trot...

Pauv’ minable !

Si l’on cherchait à retranscrire l’accentuation de cette exclamation lâchée, parfois, par gros temps, entre deux ennemis de misère, cela donnerait sans doute

pAUV – miNAble

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le mi disparaissant sans bémol dans l’ombre du pauvre, à moins que l’on ne préfère, pour plus d’emphase, ne pas amuïr le e final de pauvre, ce qui permet à la voix courroucée de rebondir sur le début de minable :

Pauvre – MInable

.

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Ni trot ni amble, est-il possible d’envisager d’autres situations, d’autres accrocs, d’autres accents ? [Il est, en ces lieux, des spécialistes de phonologie. Ce n’est pas mon cas.]

lundi, 23 janvier 2006

Les Trois Glorieuses

« Nos trois jours, c’est une horreur… »

 

En 1830, Pierre-François Lacenaire tournait, en sa tête, sa conversion ironique.

Je crois aux dieux du Nil et de l’Euphrate,
Ciboule, oignon, dieux qu’on mangeait tout crus ;
Je crois aux Dieux de Platon, de Socrate ;
Je crois encore aux dieux de Mélitus ;
Je crois aux Dieux du bonhomme Tibère,
A tous les Dieux du vieux pays latin,
A tous les Dieux qui ravagent la tere,
Je crois au Dieu de Constantin.

 

.

 

Je me nourrissais, pour ma part, d’abats jetés aux chiens, emplissant mes bajoues à la manière de la grenouille du fabuliste.

 

 

Comme un mauvais moine, en 1830, je dépérissais. Mais le glas, au clocher de la collégiale, me retrouva, vagabond, nu comme un ver.

dimanche, 22 janvier 2006

… le miracle de la transsubstantiation…

 

Je parle ici des mines classiques, de celles faites de graphite qui sont la moelle épinière des crayons courants. Mais il y a aussi celles des crayons de couleur, d’une pâte plus tendre et plus grasse et quasi argileuse ; celles des crayons Conté, rêches, bruyantes sur le papier, et qui sont d’authentiques charbons ; celles enfin de cette répugnante invention qu’on appelle « crayon-encre », qu’il faut humecter avant de s’en servir, et qui laissent sur la langue un petit goût amer, sur les lèvres des traces violacées, teinte chimique entre toutes, emblématique des évêques, en raison peut-être des étranges réactions qu’opèrent entre terre et ciel les grands princes de l’église, chefs de ces immenses laboratoires de pierre où est censé s’accomplir tous les jours le miracle de la transsubstantiation.

 

 

Michel Leiris. “Perséphone”. In Biffures (La Règle du jeu I). Paris : Gallimard, 1948. Réédité en « L’Imaginaire », 1975, pp. 107-108.

samedi, 21 janvier 2006

Envers et contre

Jeudi 19, trois heures de l’après-midi.

 

Ce stylo, à la mine verte, un peu ébréchée, distillant son encre verte, m’accompagne depuis le lycée – disons, depuis la fin du collège, presque vingt ans.

Je le reprends aujourd’hui, pendant une réunion houleuse, longtemps attendue.
Il est d’encre verte aujourd’hui – mais la partie la plus prolifique de son activité (lycéenne puis durant les trois années de classes préparatoires) se fit à l’encre bleue effaçable. D’ailleurs, la mine est encore incrustée (piquetée, pectinée, mouchetée) de bleu roi.

Je n’écris plus très souvent à la main – à la plume. Souvent, je corrige à la plume (d’encre rouge, verte ou noire, mais le plus souvent verte, à la surprise, parfois exprimée, des étudiants).

Le comble, c’est de passer au laminoir des mots ce stylo ; le comble, qui est à creuser ; le comble enfin débrouillé, on y voit plus clair.

vendredi, 20 janvier 2006

Ainsi parlait Sara Thoustra

 

« Dis, c’est quoi ? c’est n’importe quoi, ces textes… »

 

 

jeudi, 19 janvier 2006

Souvenirs de Salamine

Maudit soit ton nom, Salamine !

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Sitôt l’exclamation proférée, l’image qui me revient, c’est le visage hilare ou goguenard de ce camarade d’hypokhâgne (lui en HK1, moi en HK2), avec qui, au mois de mai 1992, nous échangions, d’une extrémité à l’autre de la cour du lycée Montaigne (à Bordeaux), de telles répliques en imitant l’intonation ô combien grandiloquente de la première (et dernière sûrement) version télévisée des Perses d’Eschyle, que nous avait montré notre professeur d’histoire ancienne, Mme N*.

Au cours des trois années qu’il passa, comme moi, en classes préparatoires dans ce lycée bordelais, Loïc défraya quelque peu la chronique. Il y a cinq ou six ans, ayant retrouvé ma trace via l’un de mes premiers balbutiements sur la Toile, il m’avait envoyé un courriel, et nous avions échangé quelques nouvelles, mais, n’ayant jamais été proches, et lui se trouvant au Royaume-Uni, la discussion électronique tourna court.

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Frappez-vous la poitrine !

mercredi, 18 janvier 2006

Colloque – senti – mental

– Vous n’aimez rien tant que les chiffres.

– Les nombres, les extases. Et surtout les excuses.

– Le cul, quand même, ce n’est pas rien…

– Le verbe s’est fait chair, dit-on par plagiat ou blasphème, mais c’est d’une facilité…

– Par ennui, dirais-je.

– …

– J’en reviens à ma question : vous n’aimez rien tant que les chiffres, n’est-ce pas ?

– Ah… c’était une question ?

 

mardi, 17 janvier 2006

J’ai mauvaise mine

La dessinatrice – Je vais rendre mes planches en retard.

Le mineur – Ma détresse est un puits sans fond.

Le démineur – Je ne sauterai pas de joie.

La starlette – Si mon agent me voyait dans cet état…

 

Le blogueur – Passe un corbeau, je reprends un verre.