Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mercredi, 05 septembre 2007

Un sang d’encre

2 septembre.

   Je me rase avec une de ces lames qui enfin ne me coupent pas la peau, un rasoir à lames jetables (mais terriblement durables) que m’a offert en mai Alexis (je sais qu’il avait, à un moment donné, un pseudonyme dans ces carnets, mais au diable…), je me rase sans le moins du monde me prendre pour Thierry Woods ni Roger Henry ni Tiger Federer, et je pense aux coupures du passé qui plus jamais ne se produisent : je ne me coupe plus jamais, pensé-je en songeant aussitôt ou presque à l’expression petites coupures qu’un instant je confonds avec coupures de presse (et si pressé alors je me coupais je n’appliquais pas de pierre d’alun achetée cher en petites coupures), et, me dévisageant dans le miroir de la salle de bains après avoir entraperçu mon reflet dans la bonde je vois deux menues éraflures de sang au niveau de la moustache (absente puisque le rasage a pris fin) ; ainsi, je pensais, en me rasant, à ce texte que j’allais écrire, et je me suis coupé ! même je ne me suis pas loupé ! short cuts, ce qui s’appelle se faire un sang d’encre. L’encre coula, puis le sang.

   Il faut toujours tout reprendre par le menu, surtout ici dans ces pages, et en reprenant fatalement je reprise, ravaude, et le texte qui s’imprime sur l’écran blanc face à moi n’est plus guère celui que je jetai tout à trac ce matin au dos d’une carte postale TER Pour être bien bougeons mieux, en brèves phrases, brefs fragments. Il faut reprendre par le menu, car le sang d’encre je le retrouve aussi ce soir dans la lecture que je poursuis du tome 2 de Ton visage demain, et je ne sais plus trop comment je me l’étais formulé à moi-même ce matin dans la salle de bains avant de jeter ces quelques bribes avant oubli sur la carte postale qui représente une sorte d’hybride entre l’oryx et la girafe (image de synthèse) contempler du haut d’une colline (on imagine) un véritable embouteillage de voitures dans le désert. On oublie tout, dit-on (d’ailleurs, c’est l’une des lignes de force qui traversent tant Mantra de Rodrigo Fresan que ce tome de Ton visage demain, mais aussi la première phrase, si je me la remémore correctement, de Frasques, ce bref roman que j’écrivis à Oxford début 1996), et même la girafe est éberluée. Tout ça pour dire, écrire que le sang coule quand on pense s’être prémuni des coupures et tirer de ce détail pitoyable et anodin quelque short cut d’écriture dans la panique, une coupure à la hâte, un mot à la va-vite, un billet à la hussarde.

   (Au demeurant, écrivit le critique pompeux, ces histoires de lames de rasoir sont un motif récurrent de son œuvre.)

   Ce qui est sûr, c’est que la moustache (ou son emplacement virtuel) en deux points même menus ébréchée, et le reste du visage lisse, je tire une drôle de tronche. L'après-midi même, au château de Gizeux, j'appris, pour mon malheur, qu'on peignait jadis les portes des écuries au sang-de-boeuf mêlé de vinaigre, pour éloigner mouches, taons et autres insectes. À un texte comme celui-ci, rouge ou pas, on peut toujours ajouter, comme une ode en do. Quand on se coupe, on dit merde ou aïe ou zut en ut, ou on ne dit rien, trop occupé à constater les éraflures ou petites coupures qui repeignent notre façade sans chasser les insectes.

dimanche, 02 septembre 2007

Doublure minée

« sa crise de minauderie durait un moment »

 

: je n’ai lu cette phrase – traduite de l’espagnol – que peu avant minuit, et pourtant j’avais eu, me trottant dans la tête, les vers d’une vieille chanson à peu près oubliée de tous, je pense

Coucou, c’est moi la bavure

J’ai d’ la minerie dans ma doublure

Et je suis au regret de vous annoncer

Que je s’rai pas tout seul ce soir

 

J’avais neuf ou dix ans quand j’écoutais Des lourdeurs dans les erreurs, et justement je m’aperçois ce matin, au terme d’une brève recherche, que j’avais toujours compris les paroles de travers. Il semblerait que le deuxième vers soit : « J’ai d’la nitrite dans ma doublure ». C’est nettement plus satisfaisant, d’un point de vue sémantique… et pourtant… L’internaute qui  transcrit les paroles hésite au moins une fois et laisse un blanc, comprend joue au lieu de fous (« J’ fous des serpents dans les plumards »), orthographie dérisoire sans –e : ces menues erreurs (sans lourdeur) incitent à douter du reste, même si, hélas, trois fois hélas, dans le cas du doublon minerie/nitrite, je suis persuadé, désormais, qu’il a raison.

Cette histoire dure un moment. Dans le Robert culturel, il n’y a pas de minerie entre minéralurgie et minerval. La sagesse voudrait qu’on s’en tînt là, et ne publiât pas même ces quelques phrases ; enfin, c’est du matériau, du minerai, de l’engrais rêvé pour Le Livre des mines. (Le jour où on l’écrira vraiment, celui-là !...)

dimanche, 26 août 2007

(ça va ...)

Entrevue, une voiture de sport rouge qui passe à 70 dans une zone 30. Pour un peu, elle serait doublée par les Supercinq et les mobylettes. Il est des quartiers où jamais vous ne verrez le bout de la queue de la casquette d'un gendarme. Trop paisibles, jusqu'au jour où quelques gamins se feront sauvagement écraser.

L'attente : le temps d'apprendre à vivre... Sur l'île d'Yeu, je me fie aux dieux. Sur l'île d'Ys, je me fie aux lys. Sur l'île d'Ouessant, j'ai vu couler enfin, tel quel, mon sang. Il restait cette énigme éternelle, de sorte qu'on ne pût en rien rattacher ce texte aux autres de même eau (de même farine, de même genre, du même ordre, de la même fournée), et le Sphinx refusait de formuler la question.

On n'est guère avancés, lança l'homme sportif et moderne amateur de goûts naturels en réclamant un Bartissol.

Il a englouti la quiche en cinq sec. Sa fille a donné la langue au chat et vendu la terre précaire, environnée d'eau, à un gentil monsieur biscornu. Il a englouti la quiche en cinq sec.

Ne me parlez pas de kouign amann maintenant. (Reste-t-il du Bartissol au fond de la bouteille de Rivesaltes ? Pauvres orphelins, on prie par habitude.)

 

J'imagine vos bouilles.

C'était en 1963. Pas la peine de vous procurer ce nectar ; vous n'aurez jamais, à dîner, que des rustauds se contentant des apéritifs qui traînent et sévissent partout. (Du Bartissol !)

samedi, 18 août 2007

(.. .. mal)

Tu as petite mine. Est-ce d'avoir lu, toute la nuit, en prenant des notes, Crayonné au théâtre ? Chaque jour un croquis sert de dépôt à tes pensées, tes tourments, tes affres de la nuit blanche. Sur papier bible jamais même tu ne pourrais te passer de ce gros crayon à pointe grasse, presque un crayon de charpentier ou de boucher. Si, au réveil, épuisé des cauchemars où tu ne vois qu'alignements de corps calcinés ou de disjecta membra, passant au ralenti sur une autoroute, tu saisis, avant même la poêle pour le bacon et les oeufs sur le plat, ou la tasse de café d'Ethiopie, ce crayon et ses acolytes, tu sais aussi que tu as, indéniablement, petite mine.

Stan Laferrière simplement devrait se dispenser de chanter.

(ça va mal)

lundi, 18 juin 2007

Au Nuage

Il est temps de laisser sécher, sur le rivage mûr comme les pages d'un roman, les algues qui fermentent. Il avait vu, dans les zébrures nocturnes d'un ciel vrillé par l'orage, apparaître ce qui devait devenir la devise de son blason, de sinople à trois bandes sur camaïeu de gueules :

CE QUI EST MIEN

POINT

NE ME MINE

.

 

C'est reparti comme au 14 : La vie est variable aussi bien que l'Euripe. Dans le sable où j'ai crayonné tant de pages fugaces pour toi, dans les plis de ce rivage où ensemble toujours nous nous abîmerons, je sais qu'une quinzaine n'est encore rien.

lundi, 28 mai 2007

Le Principe de ruine, p. 78

Pierre, Melchior et Le traversin : chants d'amour tendre.

Quand elle évoque "l'homme qui a faim et qui ne mange rien, l'homme miné", il ne peut s'empêcher de penser au graphite, et aussi aux graffiti, à l'indécence veule ou laide de clamer béatement.

Fabriquez des pelisses à la centaine, vous verrez toujours. (Ce sont des signes en aveugle dans la nuit, des panneaux sans armature et même, dans le chant retrouvé des merleaux échappés du nid, une poignée de fantassins sans armure.) Le fou de Chaillot, dont le père est un porc.

dimanche, 20 mai 2007

Lu dans le marc

Je m'étire sans fin (fatigue).

"Mai tire à sa fin." (Abbés, p. 19)

 

Le 19 mai passé, sûr qu'on affine.

samedi, 19 mai 2007

Lèvres miennes

Il ne faut pas trop s'arrêter à l'érudition. Pourtant, tout se mêle en un maelström, et surtout ce polylogue :

Tu n'avais quand même pas l'intention de... ?

Si, dès le principe, janvier 2006.

Mais alors...

Il y a eu cette interruption dans la parution, donc aussi l'écriture en a pâti.

Donc, c'était tout ce réseau ?

Mein, mine, mien, tous les mots qui riment en -mine, tout ça ?

Oh, et bien plus encore.

Et bien pire encore.

Comme quoi ?

Des anagrammes, des boustrophédons, des étirements, des interpolations. Va savoir. Suffit de relire ce qu'il y avait déjà courant janvier 2006.

Ah ?

Le pluriel n'était pas du projet, seulement le mot mine lui-même.

Ah ?

 

Le grand prieur de Cluny en personne les accueille, il est grave. Il accueille Adémar de Chabannes arrivé en même temps qu'eux, Adémar reprend le fil de son récit à sa façon romanesque et rusée. Le grand prieur les réunit dans la basilique, etc.

(Pierre Michon, Abbés, Verdier, 2002, p. 69)

vendredi, 18 mai 2007

Minuscules, 1

Il faut beaucoup de résolution, c’est-à-dire aussi un œil résistant aux pixels en pagaille. Quitte à tout considérer comme réservoir, répertoire, bassin d’orage même – et même (surtout) ces revues, ces milliers de pages qui s’entassent en tous recoins et dont on pourrait, à chaque page ouverte, faire son miel – pourquoi ne pas prendre la tangente, comme le veut un stupide cliché contemporain, ou tracer en virant à l’oblique. (J’aime tant le vol des hirondelles.)

Ainsi, veux-je citer les premières phrases de l’article que Marie-Laure Delorme consacra il y a deux ans à Jean Rolin dans le Magazine littéraire, je me trouve à vouloir décrire le sourire qu’arbore l’écrivain sur la photographie (et qui, lèvres plissées vers le bas, est néanmoins un sourire de joie douce, nullement un rictus), à chercher dans ma mémoire si j’ai lu, de Jean Rolin, autre chose que La Frontière belge (à quinze ans, et alors n’y ayant pas compris grand-chose), mais aussi à tourner en tous sens ce mot-là, magazine.

Que les centaines de fascicules entassés me soient un réservoir, une cuve, gisement, carrière abysse, est-ce encore l'affaire ?

Qu’importe :

     Le style dit tout. Les phrases de Jean Rolin, remplies d’une multitude de « peut-être », de « ou », de « à tort ou à raison », charrient un monde miné de l’intérieur. Minuscules bouts d’humanité comme tombés de la marche du temps. Entrez donc dans un univers incertain.

 

Il y avait là, dans le choix de ces clonages (ou plutôt, de ces boutures), l’envie d’en revenir à ce qui me possède (et non à ce qui m’appartient), renversement éminent de tout désir du possessif. Faire mien ne m’intéresse pas.

mercredi, 16 mai 2007

M qui signifie les Mines

Déjà, quand elle descend la rue de l'Église, les mères font hâtivement rentrer leurs enfants, avec des mines sombres et inquiètes.

Dans la glaise je descends.

 

Réinventant la roue, je me vautre.

 

Le M qui signifie les Mères (heeeeeeein ?).

 

Du moment que j'ai toujours, à mon casque, son plumet, je resterai fermement sédentaire dans le territoire du crayon.

mardi, 15 mai 2007

Toupet d'étoupe

Il est surprenant qu'une expression aussi fréquente que le livre des mines (qui donne son titre à ce fil) ne soit quasiment jamais employée. Naguère, j'ai pourtant vu, sous son apparente simplicité, se dessiner d'innombrables polysémies. Peut-être était-ce aussi sous l'influence du sonnet de Baudelaire, Le mauvais moine ? Non, je dois être en train de reconstruire à partir des virages récents qu'a pris ce projet d'écriture.

On s'interrogera sur les enluminures du mal. Il rejette le capuchon, elle voit la tête d'étoupe.

---------------------------

Il peint les signes du sutra en trempant dans l'encre la queue du chat, placide, puis le disciple furieux, de la pointe du couteau dont la lame lui entaille la paume, grave les signes dans les planches du ponton, avant que, plus apaisés encore que le chat à la queue irrémédiablement noircie, les deux policiers n'aident le maître à peindre le creux des lettres de multiples couleurs (orangé, mauve, bleu, vert), en contournant délicatement le corps endormi du disciple épuisé.

---------------------------

Vingt-sept tirets froissés, le temps de compter les billets. La guichetière prend son temps, et dans la file d'attente on s'impatiente. Guillaume est trop blond et sa colère galope comme le feu.

Ah, vous rédigez intégralement vos exposés ? C'est une très mauvaise habitude ! (Mais c'est un très bon travail.)

"Le roi prie, déjeune, termine sa toilette et est habillé." : celle-là, je vous la piquerai pour mon Livre des mines (auquel il est question que je me remette sérieusement).

Louis XIV. Abbés, p. 20 et p. 10.

 

C'était griffonné au dos de la fiche d'identification d'une certaine Camille Dugenoud. Demain est un autre jour. On comptera les saisons, et surtout on en reparlera, puisque la question même des sept âges de l'homme, des quatre saisons de l'existence, et autres fariboles ejusdem farinae, est au creux du corps du projet.

En âge

(15 mai 2007) Le Président de la Fédération Française de Natation est attendu aujourd'hui à Rome, où il doit essayer de déminer les bassins italiens. Je suis en nage. À la brasse j'ai des yeux de braise. Un papillon ne fait pas le printemps, mais ça nous fera quand même tout drôle, ce froid revenu. Pour essayer de déminer le terrain et faire en sorte que la réunion du groupe ne se transforme pas en vaste pugilat, Bernard Accoyer, très remonté contre Jean-Louis Debré, a passé sa soirée de lundi au téléphone avec Dominique de Villepin, Nicolas Sarkozy et même Jacques Chirac. (17 octobre 2006)

-------------- Dernier jour de Jacques Chirac aux affaires.

vendredi, 11 mai 2007

Maldonne

Tu es têtu, Malamine ; écoute ton père, Malamine...

Dans son boubou blanc, il trouve encore le monde trop compliqué. Trouver mon cadavre en travers de la porte.

Malamine est devenu fou.

 

Aller frapper à la porte de la muette, mettre la case à feu. Le corps à sang se repose sur des charbons ardents. Vous n'avez qu'à retrousser vos pensées, et que la pierre traverse aussi le fleuve.

C'était le 13 avril, à quatre heures de l'après-midi.

Maudit soit le nom de celle qui fut violée. (Also sprach...)

-------------------

... billet qui devait (ap)paraître ce matin à cinq heures, mais le 31, non le 11, avait été (malencontreusement) coché. Pour ne rien dire des diverses mauvaises, bonnes ou tristes mines que je ne cesse de rencontrer, d'origine ou en traduction (mais une traduction est un texte original), depuis que j'ai commencé d'écrire Le Livre des mines, il faudrait s'aligner sur ces zooms avant trop brusques et (dis)paraître de l'écran.

mercredi, 09 mai 2007

Embrassades

Le bouquet apporté il y a dix jours par G. et P. tient encore le coup. La grisaille toujours domine. Hier, au retour de Talcy (où il n'est jamais question de Ronsard, mais de l'un des premiers traducteurs du Faust de Goethe, Albert Stapfer, également pionnier de la photographie*), nous avons admiré un clocher d'église, mais ce n'était ni à Villexanton ni à Epiez. Je suis enseveli sous les copies (entre autres d'agrégation) et plus généralement par le travail, et je n'ai pas eu le temps de vous entretenir (ici ou ailleurs) de la piste Trakl. Il pleuviote (ou pluviote, ou pleuvote) toujours ce matin. Le temps passe et la grisaille domine.

 

* On ne sait si le double portrait des jeunes filles qui date de 1849 est de lui, mais cela donne envie d'en savoir plus. Hélas, sur cette partie de son activité, Dame Google demeure désespérément muette.

mardi, 01 mai 2007

Memini

Il y a un an, il était question, dans un échange épistolaire entre ma mère et moi, de La Buveuse de Pietr de Hooch. La table de la cuisine est recouverte de trente-deux carreaux bleus (selon un schéma classique de huit sur quatre), et bordée de bois. Les carreaux répondent à ceux de la paillasse, à droite de l'évier. C'est une cuisine où j'ai vécu mon enfance. Il y a un an, il était question, dans un échange épistolaire entre ma mère et moi, de La Buveuse de Pietr de Hooch. Dans la caravane, à l'été 1986, quelque part entre la Bavière et le Baden-Würtemberg, j'avais photographié ma mère avec, à la main, cette colossale chope. Je me rappelle aussi des palais et folies en coquillages, théâtres de pierre, d'eau et de verdure et surtout pas du meilleur goût. Il y eut aussi quelques parties de badminton avec de jeunes Néerlandais et des adolescents allemands, toujours roux, peu ou prou. Il y a un an, il était question, dans un échange épistolaire entre ma mère et moi, de La Buveuse de Pietr de Hooch. Nous avons parcouru, à longues enjambées, par un soleil printanier, les allées poussiéreuses du Parc de la Haute Touche, où il était question d'installer les pauvres ours du Jardin botanique de Tours. Nous avions passé la matinée à nous promener près des étangs de la Brenne, dont celui de la Mer rouge. Nous nous étions cassé le nez au château de Nailhac. Il y a un an, il était question, dans un échange épistolaire entre ma mère et moi, de La Buveuse de Pietr de Hooch. Cela, je me le dis sans cesse, il ne sert à rien de le ruminer, même en flânant dans les abbayes vidées de leurs moines, les rues grises ou sales où l'on ne voit rien d'autre que chats dépenaillés ou chiens abandonnés...

dimanche, 22 avril 2007

Minérales, 1

En Allemagne, en 1985, ce qui me surprit le plus, ce fut le goût de la Mineralwasser, qui n’avait rien de commun avec l’eau minérale ni avec l’eau du robinet. Homme déjà âgé, le père de Lenz, l’ancien « correspondant » de mon père – et que nous appellions Opa – nous avait expliqué qu’il ne fallait pas boire l’eau du robinet car elle était pleine de chlore : das ist amerikanisches Wasser, was Ihr müßt trinken ist echtes Wasser. Pour lui, la vraie eau, l’eau-thentique (sataniquement poussé par la Dame au Sablier, je ne résiste pas à ce jeu de mots foireux (minable) pour traduire echtes Wasser), était l’espèce d’Aspirine salée et imbuvable qu’il nous tendait, et que je m’efforçai, par politesse, d’avaler.

Deux étés plus tard, quand, devenu ami du fils de Lenz, Tim, je passai quatre semaines à Francfort sans ma famille, je trouvai toutes les stratégies possibles et imaginables pour ne pas boire de Mineralwasser. Cela m’était d’autant plus difficile que, n’ayant jamais été un enfant difficile quant à la nourriture, je n’avais ni l’habitude de gruger ni celle de refuser : on m’avait appris à ne jamais refuser d’aliments, et à toujours goûter, voire, dans l’idéal, à finir l’assiette, ce que je faisais généralement. Alors, en lieu et place de Mineralwasser, je buvais du lait, du jus d’orange, toutes sortes de jus de fruit et même de l’eau du robinet, au risque de paraître affreusement pro-américain dans cette ville traumatisée par la présence durable d’une base américaine. (C’était l’année, à moins que je ne confonde, du grand conflit politique et citoyen autour de l’installation de missiles Persching en Allemagne de l’Ouest (mais je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans, etc.).)

 

--------------

Les palindromophiles apprendront avec plaisir que ce billet est le 1551ème de Touraine sereine, mais aussi le 22ème du Livre des mines.

jeudi, 15 mars 2007

Nouveau bâtiment des Tanneurs

Voici quelques images volées, ce matin, dans le nouveau bâtiment du site principal de l'université, rue des Tanneurs. Voyant l'accès, jusque là en travaux, enfin ouvert, je n'ai pu résister à l'appel de la curiosité. Heureusement que cette aile du site reste encore déserte, car je devais avoir une drôle de mine, à traquer les ombres dans ce lieu où ne manque qu'une ultime couche de ripolin, et quelques derniers coups de balai (à suivre je suppose d'ici après-demain, pour la Journée Portes Ouvertes).

medium_15_mars_2007_001.jpg
medium_15_mars_2007_004.jpg
medium_15_mars_2007_002.jpg
medium_15_mars_2007_005.jpg
medium_15_mars_2007_003.jpg

mardi, 06 mars 2007

Eh non, c’est faux

Au petit jeu des neuf énoncés vrais, seul le seigneur Chieuvrou – ainsi que je l’ai annoncé avant-hier – a tiré son épingle du jeu.

En effet, seule la phrase n° 2 était fausse. Il s’agissait d’un énoncé farci de petits détails qui pouvaient être autant de chausse-trapes, mais qui, du coup, donnèrent l’illusion du réel. Terrain miné, ce qui est anecdotique et loufoque paraît toujours vrai, n’est-ce pas ?

Quel est donc l’élément du deuxième énoncé qui le rend faux ? Récemment : exact ; ce dont il est question dans cette phrase a eu lieu le 27 février dernier. Hôtel du Mail à Angers : c’est bien là que nous nous trouvions. Sécher un chien en peluche : grotesque mais vrai. Sami est le nom du chien : oui (même si le taulier a lancé, assez énigmatiquement, à mon fils : « eh bien, tu ne risques pas de le perdre, ton Chonchon »). Ce qui est faux donc n’est ni le prédicat ni les compléments, ni la relative, mais le sujet : c’est ma compagne qui – le ridicule ne tuant pas et le chien s’étant mouillé sous la pluie – entreprit, mardi dernier, de sécher Sami dans la salle de bains de l’hôtel du Mail. J’ajoute que, si j’avais bien ruminé ce projet de billet depuis douze jours au moment de sa publication réelle, c’est cet incident absurde qui m’a donné l’idée de l’énoncé erroné à glisser au milieu des véritables.

Voilà. Je rappelle au seigneur Chieuvrou que je lui offrirai un livre et l’invite à boire un bon verre somewhere. Des internautes à qui j’ai demandé de faire ce jeu, certains se sont défilés ; je ne dénonce personne, mais bon… Allez, du nerf, comme aurait dit Robert Pinget ! Je signale aussi qu’Aurélie m’a envoyé ses 10 phrases, qu’elle me demande de ne publier qu’après le 23 mars. Rendez-vous pris donc, dans deux semaines et demie.

jeudi, 25 janvier 2007

Ce que dit le pagure Kenny Craig

Cavere, par le Zeena Parkins Pan-Acousticon, ça déménage ; méfiez-vous des cabots et plus encore des demoiselles qui les promènent. Il y a des livres à un euro à la Boîte à Livres de l'Etranger ; des livres qui valent le coup. Harpe et violoncelle, piano qui se disloque. Il doit faire moins cinq à Tours demain matin. Après une matinée passée à régler des subtilités d'emploi du temps, je vais aller faire le guignol au lycée Jean-Monnet, pour un déjeuner de travail (comme je crois qu'on dit). En revenant de la Poste, j'ai croisé une étudiante qui, me voyant le nez coulant, les yeux injectés, les mains violacées*, m'a souhaité bon courage pour mon rhume, ce qui était très gentil (mais l'hiver seul est coupable). Maudit soit ton nom, Salamine ! Un ami m'a écrit qu'il aurait bientôt, peut-être, un poste à Tours. * On se croirait dans Dracula, ou, allez savoir, dans les Récits de la Kolyma (où les crachats gèlent en vol). Formons des souhaits. À huit heures, sur le pont Mirabeau, la vitre côté conducteur a finalement accepté de se baisser**. Peasant Boy par le trio de Bob James, ce n'est pas mal non plus ; on est sur la route, maintenant, à regarder le rideau de pluie, les affaires empilées à l'arrière du camion (bâché, bien sûr). Dormez tous, je le veux. ** Je sais, il ne faudrait jamais démarrer sans avoir conscieusement raclé les vitres et dégelé l'ensemble des points de vision. Look into my eyes, not around the eyes, look into my eyes. Vous repartez au charbon, mais c'est l'engrais qui ici culmine.

lundi, 11 décembre 2006

Vitraux de Truyes, 2

medium_Truyes_9_decembre_2006_056.jpg

 

 

 

 

Trois mauvais moines contemplaient, avec une tendresse de parade, le vitrail où dansait l'hostie, un ovale presque imperceptible que désirait ardemment effacer le cercle de feu. Face au calice, Saint Martin, de profil, semblait moins les menacer que ces trois scrutateurs austères, drapés de rouge et coincés entre la chasuble bleue du saint et la crosse d'or de l'évêque, une sorte d'image-miroir de leurs propres faux-semblants. La grisaille de la pierre n'est pas plus funeste que le fond de mon coeur.

dimanche, 10 septembre 2006

Mais je fais mine...

Dense, tout de même, plus lourd que le plomb.

 

“Le public apprécie leurs gracieux ébats. Moi, je m’ennuie plutôt. Mais je fais mine, plus ou moins. Bien articulé, le bâillement est un soupir béat.” (E. Chevillard. Au spectacle.)

 

Cela fait des plombes, aussi, que je poireaute.

mardi, 29 août 2006

Hébétude

medium_Statues_menhirs_2.JPG

 

 

Labrit, village où dorment les huppes, offre ses arceaux et ses fureurs au passant, pélerin désabusé qui poursuit son ombre enfuie. Qu'une vache rumine, il s'éveille, sort de ses pensées et voit voler la huppe, apeurée, elle qui fouaillait le sol de son long bec, laissant voir les zébrures hardies de son plumage rutilant.

 

 

 

 

 

 

 

Moulage de statue menhir.

Le Grand Pressigny, 21 juin 2006.

mardi, 31 janvier 2006

Miné

Je ne pensais pas céder un soir à la tentation de ce calembour, mais voilà – le mal est fait.

 

Des jours comme ça…

 

Le matin, une belle baffe ailleurs sur le réseau, & tout le jour un végétatif qui a posé ses crottes dans les commentaires de ce carnétoile, sans compter  le Vidal qui médicalement propose son terrorisme intellectuel.

 

À l’université, journée désastreuse. Au premier chef, lutte contre des ragots diffamants (histoire compliquée, dont on n’a pas vu le bout). Puis, dans l'ordre et en beauté...:

Une sombre histoire de devoir statutairement inscrit dans le livret et qu’un collègue n’a pas fait faire à ses étudiants ; c’est moi qui rattrape le coup et organise tout (téléphonages, entrevues, course après les salles).

Un T.D. de 45 étudiants placé dans une salle ne comptant que dix-huit places.

Enfin, une collègue qui me fait une scène à propos d’une prétendue confusion entre les deux centres de recherche. Il se trouve qu’elle affabule, comme d’habitude d’ailleurs.

 

Heureusement, les miens sont là. Je rêvasse en douceur en regardant mon fils. Et, ce matin, tout de même, j’ai consacré deux heures et demie à recevoir des étudiants, à qui je donnais des conseils individualisés sur leur travail : cela, c’est un vrai bonheur. (D'ailleurs, tous les entretiens que j'ai eus avec des étudiants aujourd'hui ont illuminé ma journée.)

 

Journée quand même affreuse. Je vais virer

[tiens, c’est le 31 janvier : le temps idéal pour cesser de remettre tout au lendemain et tenir ses promesses]

le Net de mon existence :

c’est-à-dire (bémol) préprogrammer une note par jour, et basta pour l’instant !

lundi, 30 janvier 2006

Eric Meunié, 7 : Meure ciné I

[443]

Tous les nombres sont beaux. Tous sont tressés de merveilles.

Du 16, puissance qui clôt le recueil, au 919, palindrome, qui l’ouvre, comment ne pas lire, surinscrire un sens ?

919 est un nombre extraordinaire de beauté. J’y vois, par-delà le palindrome, mon fétiche 91 multiplié par dix, auquel encore s’ajoute 9.

Tous les nombres sont beaux.

Les mots aussi, mais moins : il leur faut la parole, et le travail si incroyablement vain d’un écrivain.

dimanche, 29 janvier 2006

Diary, 11 juin 2002 (derniers extraits)

[...]

Vers cinq heures.

 

 

La journée pourrait s’écouler ainsi, à vaquer au quotidien oisivement et à écrire, reprenant le vieux lien entre écriture et oisiveté, entre texte et paresse. Pourtant, qu’il faut de volonté et d’énergie pour écrire un roman, même court. Paradoxes toujours.

 

A., de nouveau à plat ventre, pleurote. Joyeux dès que je lui lance une grimace. Attrape ! Attrape sa tortue-tambour, qui tinte du grelot. Essaie d’attraper en fait le socle violet de la pyramide de soucoupes (je me comprends). La pyramide de soucoupes est au premier étage de la maison (je me comprends), laissant le socle seul, au rez-de-chaussée, dans le parc.

 

Il fait exprès de s’espalaser, de s’affaler de tout son long sur le ventre, pour que j’aille m’occuper de lui. Rien que de très normal. A. est un enfant très sage. S’il ne l’était pas, vous croyez que, pendant qu’il joue, à onze mois, son père aurait le temps d’écrire autant ?

 

 

 

 

Des voitures s’arrêtent, se garent, repartent. Je guette C. d’une oreille, son retour du travail, du collège où elle enseigne le français. Collège dit sensible, et ce n’est pas un vain mot ; c’est même un euphémisme.

 

Les jours où C. travaille, vers l’heure du retour, je guette son retour. A., lui, se penchant puis se redressant, continue de balancer les inserts ronds (le rose et le jaune) à travers les barreaux du parc, tout ça d’un air canaille.

 

 Cela avance vite, un journal, mine de rien, cela avance.

 

Mine de rien, se pose alors la question du style.

samedi, 28 janvier 2006

Cure de mots (1111)

Le Livre, cette librairie pas vraiment curieuse – ce serait curieux d’écrire cela ; qu’elle est curieux. Les deux libraires forment un couple intrigant, curieusement assorti – peut-être. Mais la librairie est, tout simplement, une vraie librairie. C’est peut-être cela, le plus curieux : que cela existe encore.

Ici, on ne veut pas de curieux.

Cette formule ambiguë, pourraient se l’approprier, en des sens différents, Laurent, le libraire sec du Livre, et ses inverses, les marchands de soupe des supermarchés et des FNAC. En des sens différents.