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dimanche, 15 janvier 2017

ǝésɹǝʌuı ǝɥɔèןɟ

Tellement corrigé de copies, de TP etc., encore depuis trois jours que je suis à peu près incapable de faire un travail sérieux, un peu soutenu, d'écriture par exemple. En effet, l'écriture dans ces carnets verts ou gris me demande un peu d'énergie qui n'ait pas été préalablement consommée par tâches administratives ou ingrates à haute dose. 2017 ne commence pas si bien que ça, alors. En tout cas, je maugrée. C'est plutôt bon signe : vient toujours, régulièrement, un moment où je maugrée.

Dans les carnets gris je tente de reprendre un peu le chantier des Élugubrations, qui est un des projets que je verrais bien aboutir en volume.

Ici, peut-être qu'il faudrait que je m'en tienne, faute de mieux, à un côté plus journal, à moins de me contraindre à continuer le bilan rubrique par rubrique. Même le recyclage de billets pondus à l'emporte-pièce sur Facebook — habituellement une des ressources de ma fainéantise —, je n'ai pu y consacrer de temps. Il y a notamment deux séries de quatramways écrits la semaine dernière et qui se sont déjà enfoncées dans les limbes de mon mur (voilà une métaphore hardie, que permet seule la métaphore du mur sur FB). Faudra attendre l'année prochaine, que la fonction On This Day, si décriée mais que j'aime beaucoup en ce qu'elle supplée mieux que bien ma pauvre mémoire (en faisant resurgir l'autre et le même), les fasse remonter à la surface.

D'ici là, quoi, et tant d'interrogations.

Je me suis aperçu en cours de billet que j'allais écrire un texte complètement creux, tournant à vide sur lui-même, et dont la rédaction prendrait moins de temps que la création des liens. Il y a une semaine aussi (déjà) que je promettais de m'atteler aux sonnets perroquets — rien de fait — tout défait ——— ça

y est : je maugrée : faut fermer boutique !

 

(Billet écrit en écoutant certains des Préludes pour piano de Sulkhan Tsintsadze par Roman Golerashvili.)

 

dimanche, 06 novembre 2016

Détresse des tresses

Ce matin, je me suis rendu compte que, dans la boulangerie où j'ai mes habitudes, la pâtisserie le plus souvent nommée tresse au chocolat (encore qu'elle connaisse quelques variations d'appellation) était baptisée (c'est le cas de le dire) « saint-christin ».

tresse.jpg

Une rapide recherche sur le Web a achevé de m'empêcher d'y voir goutte.

En effet, il semblerait que le saint-christin (ou sacristain ? quel est le bon terme ?) soit une tresse, mais aux amandes.

dimanche, 16 octobre 2016

De rouille & d'os Sur mes lèvres

Hier soir, nous avons regardé en famille — ou presque : Oméga ayant neuf ans, il est encore un peu jeune — De rouille et d'os. Il se trouve que, plus tôt dans la semaine, C* et moi avions regardé Sur mes lèvres, du même Audiard, et que nous ne connaissions pas non plus.

Une première chose m'avait frappé avec Sur mes lèvres : deuxième partie longuette, scénario tirant trop vers l'histoire criminelle poussive (au lieu d'exploiter toute la relation des deux protagonistes au travail, qui donne les meilleures scènes du film). Bien aimé quand même, mais je me suis fait la réflexion que, alors que j'avais beaucoup aimé Regarde les hommes tomber, adoré De battre mon cœur s'est arrêté, et été très impressionné par Un prophète, ce film d'Audiard ne me faisait, au fond, ni chaud ni froid.

Hier soir, plus âpre déception encore. De rouille et d'os succombe, non seulement à l'incapacité de son auteur à faire court, à couper au montage afin que son film ne s'englue pas dans des considérations de deuxième ordre, mais aussi à un story-telling tout à fait hollywoodien : tout, dans la façon dont les itinéraires de Marie et d'Ali se déroulent en parallèle avant de se croiser, puis leurs aventures (et surtout leurs mésaventures), est raconté de façon conventionnelle, conformiste. On sait à chaque instant ce qu'il va se passer ensuite : ils vont baiser, le gosse va se noyer etc. Et du coup, bien sûr, on s'en contrefout. Ajoutez à cela l'invraisemblance totale des trois scènes d'accident (dans la scène de l'accident qui vaut à Marie d'être amputée, les orques auraient attaqué la dresseuse et elle serait carrément morte (fin du film)) ; dans la scène où Ali dérouille* salement, il ne peut suffire que Marie se pointe avec ses jambes en métal pour qu'il prenne le dessus et achève la scène sans même une plaie ; dans la scène de la noyade, eh bien, le temps seulement que le père coure jusqu'au trou d'eau dans la glace, l'enfant est déjà mort normalement, donc NON, il ne peut pas être à peine vaguement mal en point le lendemain...), et comprenez pourquoi on ne s'interroge même plus : on regarde passer le temps en regardant un film...

Si j'écris ce billet, c'est surtout parce que je ne sais pas, compte tenu de ce que je viens de noter, si mes enthousiasmes passés pour les films d'Audiard viennent d'une différence réelle dans la qualité de ces différentes œuvres, ou si c'est moi qui me suis blasé, ou si j'avais surévalué De battre mon cœur... à l'époque — je me rappelle l'avoir vu au cinéma, et, en en discutant après, un ami m'avait dit qu'il trouvait ça trop long, tirant sur la corde, hystérique.

Donc, seule façon de clore ce billet ——— ?

 

 

* Ah tiens, je n'avais pas compris le titre du film, qu'Alpha a dû m'expliquer (oui, ça s'arrange tous les jours...)... mais en écrivant cette phrase, je me demande si le jeu de mots n'est pas sous-entendu par Audiard. (Après tout, c'est quand même le fils Audiard** !)

** Faut pas confondre les Michel Audiard (avec des canards sauvages).

samedi, 01 octobre 2016

Pour saluer un objet fidèle

     Hier matin, en achevant de préparer mon cartable, je me suis rendu compte que je l’avais depuis vingt ans, à quelques jours près. En effet, à mon retour d’Oxford, en juin 1996, l’attaché-case que ma mère m’avait passé en 1991 pour les années de classe préparatoire s’était – sous les sollicitations des trop nombreux livres ramenés – cassé en deux, dans l’avion ou ailleurs en chemin je ne m’en souviens plus précisément.

     Pour la rentrée de 1996, je m’étais donc acheté une serviette selon mes modestes moyens de l’époque, un machin fonctionnel probablement en plastique mais vaguement recouvert de cuir, et ce pour la somme, crois-je me rappeler, de 120 ou 130 francs (oui, 18 ou 19 euros). Eh bien, non seulement ce machin a tenu toute l’année d’agrégation, mais il est encore là vingt ans plus tard. Bien sûr, je dois admettre que je ne l’utilise pas cinq jours par semaine, qu’il m’est souvent arrivé d’utiliser d’autres sacoches ou cartables, tel le cartable de cuir que la tante de mon épouse m’a donné quand elle a pris sa retraite, lequel, plus précieux pourtant et mieux fini, n’a pas résisté plus de deux ou trois ans à ma légendaire gahoyerie. Toutefois, il est là, et, bourré de chemises cartonnées et de bouquins, ce vendredi, il m’a encore accompagné au travail.

     J’ai écrit ce billet pour le saluer.

jeudi, 29 septembre 2016

Pythonisse

Ça doive été France 4 et pas Marmiton

Si la télé on vermifugit un python.

(distique du 29 septembre 2015)

 

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(photo du 29 septembre 2012)

 

 ———▓———

 

Il me revient, à moi qui ai bientôt quarante-deux ans (est-ce possible), de poser la question : dans quelle mesure les distiques ribéryens sont autobiographiques ?

Non, pas ce soir. Je suis affligé, atterré, distrait, déboussolé.

Impossible de se changer les idées.

lundi, 26 septembre 2016

Quelques commentaires au fil de la vue, de la plume, de quoi d'ailleurs.

Déjà, être une casserole, ça me surprend. Je pensais qu'on traînait des casseroles, mais découvrir que François se dit casserole en se coiffant d'une casserole, ça me lave la scarole (pour le dire poliment).

La pézize est un champignon !

La pézize orangée est un champignon ! (Je me suis exclamé ça en entendant “je ne sais pas du tout ce que c'est la pézize”, avec l'odeur des sous-bois qui remonte dans les narines de la mémoire.)

 

Élisée, pour Reclus, m'intrigue, vu que j'ai lu L'homme des bois en 2015, et que — « il cause toujours, l'inaudible ? » — à Hagetmau on a un énorme volume de la Géographie universelle, que je me suis colleté à ce terme si gênant de francophonie forgé par Onésime, etc. Donc on va lire ce livre de Giraud, sûr.

Puis, tout ce passage du film où l'audible parle à côté de l'image de l'inaudible, c'est drôle et profond, ça frôle la discrépance (oui, celle d'Isou). L'apparition du livre, la réapparition de l'improvisation. Dans la foulée de la présentation du livre de David Le Breton, la citation de mémoire de Baudelaire est impressionnante, le surtitre a tort d'en regretter la non-abstention. Si on enlève le sujet, qu'est-ce qui parle ? Je n'ai jamais lu David Le Breton, mais y a-t-il un lien avec l'anthropologie type Jean-Thierry Maertens (sur l'inscription, l'incision, la masquilinité etc. — oui, je parle donc ici de mes obsessions, je renvoie un écho à la voix audible que j'entends — en notant cela, je marque durablement ce que je veux creuser de ce que cette vidéo palimpseste m'a suggéré).

................................ il y a vraiment un éditeur qui s'appelle Monty-Petons ??? .............

Alors, comme ça je pourrais fractionner mon commentaire pour atteindre directement les 50 commentaires. Non, je ne fais pas ça. Comme pendant qu'il y a deux livres dans la main de François Bon, il y a trois François Bon, démultiplication à l'écran.

[Loti : je n'ai lu que Ramuntcho et je n'ai toujours pas visité sa maison à Rochefort.]

▓▒░░▒ Pour se lancer dans l'édition, ça se lance ! L'oiseau d'orage, c'est un titre magnifique. Voilà, je vais vouloir emprunter La maison du péché et acheter cet Oiseau — François, il ne faut pas faire acheter des livres comme ça, c'est dangereux pour la damnation.

 

Les Petits traités de Quignard, que je n'ai pas du tout lus (décidément), je me rappelle l'avoir vu les présenter au tout début des années 90 dans une émission de télévision présentée par Bernard Rapp, avec un roman qui s'intitule Albucius.

La pézize orangée est un champignon !

La pézize est un champignon !

 

Les tricheurs qui ne cliquent que sur la fin, pour le cadeau, tu les repères avec le nombre moyen de minutes par visionnage, c'est ça qui m'a découragé de poursuivre les traductions sans filet en vidéo, car j'avais 15 vues au bout d'une semaine, avec une moyenne de 2 minutes par visionnage pour des vidéos de 11 à 15 minutes.

Donc voilà même avant le tirage au sort j'ai mérité Perrine Rouillon mais je ne triche pas du tout bien entendu.

 

dimanche, 03 juillet 2016

Chouettes abstruses

Comme il y a quelques oulipiens fort doués parmi mes lecteurs (et surtout -rices d'ailleurs), je m'ouvre ici d'une véritable question, au fil de ma lecture — discontinue — du dernier livre de Roubaud, Poétique. Remarques.

Rien à redire à la structure par accumulation, au côté parfois incompréhensible des aphorismes (mes connaissances en arithmétique et en logique sont souvent prises en faute) ni au bénéfice que tirerait cet ouvrage capital d'être publié sous un format hypertextuel (avec rappel systématique de la signification des sigles et abréviations, mais aussi liens vers les remarques connexes).

Peut-être ai-je mal lu (j'ai pourtant reparcouru plusieurs pages en amont), mais le sens profond de la remarque 1655 m'échappe entièrement :

1655. (old rem.) Le sonnet baroque est lui-même ruine, ruine formelle. Ce n'est donc pas seulement qu'il y a des chouettes.

(Poétique. Remarques. Seuil, 2016, p. 161)

 

Pas certain, déjà, de comprendre, en quoi le sonnet de l'âge baroque est en déchéance, ruine de forme... Surtout, la deuxième phrase, sur les chouettes, me demeure absolument énigmatique.

dimanche, 19 juin 2016

Fata Morgana 1966/1976

Ce matin, j'ai écrit rapidement un billet pour évoquer le texte que Bonnefoy vient de donner aux éditions Fata Morgana, avec (et au sujet) des gravures d'Alechinsky.

Hasard (moitié de hasard, en fait), nous nous sommes promenés cette après-midi après le déjeuner rue Colbert, pour la foire aux livres, et j'y ai dégotté, entre autres, un petit livre de poche dont j'ignorais l'existence, un 10/18 anthologique paru en 1976 pour commémorer les dix ans d'existence des éditions Fata Morgana, et qui contient, entre autres, une non-préface géniale de Butor et – en épilogue – un entretien entre Bernard Noël et l'éditeur, Bruno Roy. L'anthologie s'intitule sobrement Fata Morgana 1966/1976.

Mon épouse a aussi déniché, pour sa mince et débutante collection d'ouvrages de conseils aux maîtresses de maison, La bonne maîtresse de maison de la comtesse de Lennery, exemplaire assez abîmé d'un ouvrage dont le vendeur lui a garanti qu'il était antérieur à la guerre de 14. Les recherches sur Google se sont avérées assez peu fructueuses (il faudra que je mette en marche des outils bibliographiques plus scrupuleux), que ce soit sur la date exacte du livre ou sur son auteur, mais j'ai ainsi découvert que mon collègue historien Robert Beck, dont je ne croise plus le chemin que très épisodiquement, était l'auteur d'une Histoire du dimanche de 1700 à nos jours dont le sujet est très intéressant, et qui recense, dans sa bibliographie, cet ouvrage de l'énigmatique (sans doute est-ce un pseudonyme) comtesse de Lennery.

J'ai aussi acheté le recueil d'essais de Henri Lopes, Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois, paru en 2003 et dont j'ai le plaisir de voir qu'il a été réédité ; cet exemplaire date de 2009. J'y trouve le sujet de ma prochaine traduction vidéo, le texte autobiographique qui s'intitule “Métis”.

dimanche, 08 mai 2016

Sur le

Comment puis-je encore m'illusionner à penser qu'en voyage, en famille, il me sera possible d'écrire dans ces carnets, et même de décrire un site sur le motif ? Ce n'est tout simplement pas possible car je n'en ai pas envie. Une chose à la fois, ce qui me définit assez mal mais s'avère pourtant exact, sur ce point.

Deux journées dans la Brenne, d'une grande richesse, et qu'il faudrait raconter, tout comme je peine à remettre tout ce qui est narratif sur le métier. Ainsi, le séjour wallon, qui s'est achevé il y a à peine un an, j'avais tenté d'en donner une version a posteriori, mais qui n'a cessé de se ramifier sur le tard, et qui est, pour l'instant interrompue.

Il me semble que je n'ai plus envie d'écrire que des poèmes, en revenant par là à mes débuts, à l'enfance de l'art sur papier brouillon. Si je devais me fier à la mémoire et tenter de circonscrire l'essentiel de ce que j'ai retenu des 48 heures passées en Brenne, j'en aurais pour des semaines, et ça finirait, là encore, par déraper, de sorte que je m'en tiens à quelques strophes sur le fil du rasoir, qui paraissent en dire plus long (c'est une illusion).

dimanche, 24 avril 2016

Hâtes de Hasenclever

Dubillard.jpgCe dimanche, la promenade — par un temps très frais, pas du tout aprilien (à moins de décider, une fois pour toutes, qu'avril est le mois le plus cruel) — aux jardins des Prébendes, pour le marché des bouquinistes, a donné sa moisson, restreinte mais curieuse :

  • un livre de Roland Dubillard en collaboration avec Philippe de Cherisey (acheté pour Dubillard, et pour sa quatrième de couverture)
  • un roman de Pirandello, Feu Mathias Pascal (je ne savais même pas qu'il avait écrit des romans, c'est vous dire mon inculture)
  • une mince plaquette de vers allemands, qui m'a intriguée, dans un bac dépenaillé de bouquins abîmés à 1 euro pièce, Der Jüngling de Walter Hasenclever, éditée à Leipzig en 1913

IMG_20160424_220316.jpgCe dernier volume s'avère sans doute le plus marquant, non seulement car trouver ce genre de rareté pour un euro à Tours n'est pas chose courante, mais surtout parce que, si j'ai choisi de l'acheter en partie pour montrer à mon fils aîné la graphie gothique et aussi en dépit du caractère plutôt académique — à ce qu'il m'avait semblé — des poèmes, j'apprends en fin de compte que son auteur est un poète et dramaturge certes du second rayon mais tout de même compté parmi les figures de l'expressionnisme allemand.

Né en 1890, il a connu un itinéraire assez proche de celui d'Apollinaire au début de la Première Guerre mondiale, avant d'enchaîner plusieurs pièces théâtres (dont une adaptation en 5 actes du Gobseck de Balzac !). Considéré comme “dégénéré” par les nazis, il fuit l'Allemagne en 1934 après avoir vu ses livres arrachés aux bibliothèques et brûlés publiquement (comme tant d'autres). Réfugié en France, du côté de Nice, il finit par se suicider en juin 1940, après la victoire de l'Allemagne sur l'armée française et l'annonce de la capitulation française.

À première vue, je l'ai dit, les poèmes brefs de la plaquette achetée aujourd'hui n'ont rien de très révolutionnaire... rien qui rappelle Trakl ou Heym, par exemple. Toutefois, il y a d'étranges poèmes de treize vers, de forme non fixe mais presque systématiquement dérivés de la forme sonnet. J'essaierai peut-être d'en traduire un ou deux, et, à coup sûr, d'écrire des sonnets-Jüngling (comme j'ai publié, ces derniers jours, trois sonnets-grands-lièvres*) : faut-il cependant les nommer sonnets ou treizains ?

Le nom de Hasenclever, aussi, est plutôt singulier, ou me semble tel. En tout cas, il pourrait donner lieu à un onzain de la série des Zézaiements.

Je me sens plutôt déprimé, en friche, ces temps-ci... On peut se raccrocher à peu, hein...

 

 

* Pas le temps d'expliquer ce qu'est la forme du sonnet-grand-lièvre. Voici en tout cas la liste des trois publiés à ce jour (seuls les deux derniers sont techniquement de véritables “grands lièvres”) :

  1. Qu'est-ce que ça veut dire 1
  2. Ta/Fou
  3. VCV

 

mardi, 12 avril 2016

Je n'ai pas de “sa-langue”

Après huit jours d'interruption pour cause de séjour parisien — et pourtant, comme je l'ai brièvement évoqué au début de la vidéo publiée avant-hier, j'avais envisagé divers tournages possibles dans la capitale (il n'en a rien été) —, j'ai repris le rythme quotidien d'enregistrement et de publication de traductions filmées improvisées.

Après deux poèmes de Ted Joans, ce qui m'a fait penser que lui, comme Red Shuttleworth et Tatamkhulu Afrika, mériterait sa pierre en France, je viens de traduire en anglais un poème très simple du poète belge Jean-Luc Wauthier. Comme l'objectif était que cette vidéo fût la plus brève possible, je ne suis pas entré dans les détails, mais :

* suite à une discussion avec François Bon, qui m'a dit il y a une dizaine de jours que mes vidéos français → anglais étaient moins intéressantes, j'ai beaucoup réfléchi, et maintiens qu'il ne s'agit pas seulement (et, en l'espèce, pas du tout (je montre plutôt mes failles)) de montrer que je suis fort en thème, mais de montrer une autre facette de l'exercice, de proposer une réflexion la plus complète possible, à ma modeste échelle, de ce que peut être une telle pratique quotidienne de la traduction littéraire improvisée

* pour cette raison, j'ai déjà fait une incursion dans le territoire allemand, et essaierai peut-être prochainement d'autres territoires (latin, italien, espagnol, portugais — soyons fous)

* dans la brève vidéo consacrée au poème de Wauthier, je parle de gymnastique, et c'est de cela qu'il s'agit : filmer le mécanisme, le fonctionnement d'un atelier parmi tant d'autres... et donc, cet atelier n'est pas uniquement, comme l'institution (universitaire autant qu'éditoriale) voudrait nous y réduire, celui d'un quidam qui traduit dans sa langue.

Pas du tout...

“Sa langue”... Quel non-sens...

Les éditeurs du monde entier n'admettent généralement de travailler avec un traducteur qu'à condition qu'il traduise dans sa langue maternelle. Je mets de côté le cas des personnes qui ont plusieurs langues maternelles, des vrais bilingues ou trilingues ; ce n'est pas mon cas, et je l'assume ; l'anglais ne sera jamais une langue que je maîtrise aussi exhaustivement que le français, et pourtant, si je lis un poème en français et si se met en branle, en moi, le passage dans cette autre langue qu'est l'anglais, je suis certain que ma langue, à ce moment-là, est l'anglais. Je peux penser et écrire en plusieurs langues, et je sais pouvoir passer de plusieurs manières d'une langue à une autre.  

Pour le dire autrement, et même si ça va sembler arrogant (or, ça ne l'est pas : je postule que cela est vrai de centaines de millions de personnes qui en font l'expérience quotidiennement ou presque) : quand je lis un texte, quel qu'il soit, et quand me vient progressivement ou par bribes la traduction de ce texte en anglais, la langue anglaise m'appartient plus qu'à bien de ceux dont elle est la langue, ou dont on voudrait fixer immuablement le fait qu'elle est “leur langue”, leur sa-langue.

Phallacieux podomètre

(J'hésite à écrire et publier ce qui suit — mais enfin, si le ridicule tuait, la moitié au moins des chroniques de ce blog et les trois-quarts de mes cours m'auraient déjà valu un foudroiement en bonne et due forme, donc autant ne pas s'arrêter en si bon chemin.)

Je signalais hier que je m'étais lancé dans un nouveau chantier d'écriture, les Élugubrations, série de textes parlécrits, c'est-à-dire dictés en marchant au smartphone (parlés en vue de les publier sous forme écrite). Comme je compte trouver un moyen de relier ces textes aux trajets qui les ont, non pas inspirés, mais encadrés, pour ainsi dire, j'ai également recours, depuis avant-hier, à un podomètre, dont j'ai voulu vérifier l'exactitude ce matin en allant acheter pains aux raisins, tresses chocolatées et palmiers à la boulangerie.

À l'aller, le smartphone était dans la poche de mon blouson, et il a calculé un trajet de 830 mètres. Au retour, j'ai dicté quelques paragraphes, sur une grosse moitié du chemin, et il en a conclu que l'itinéraire était de 1070 mètres. Or, il s'agit du même trajet, au pas près. J'en conclus que, selon que je laisse le smartphone au repos dans la poche du blouson ou que je l'agite plus ou moins en dictant un texte, l'application Pedometer ajoute ou retranche des pas. Après vérification dans Google Maps (et à supposer que ce site-là ne se trompe pas lui aussi), l'itinéraire fait 950 mètres... soit une distance exactement intermédiaire entre les deux calculées par l'application Pedometer !

Reste, le désir d'exactitude étant définitivement enterré, à régler la vraie question qui se pose à moi : comment faire aussi du podomètre un outil d'écriture ?

jeudi, 07 avril 2016

Doliprane 3000

« Je crois qu'il existe un centre droit, mais qu'il n'existe pas de centre gauche, ce qui ne veut pas dire qu'il n'existe pas des gens de gauche qui sont centristes.»

(J.-C. Lagarde, le meilleur ami des vendeurs d'aspirine)

mardi, 22 mars 2016

Bruxelles

La seule riposte, la seule réponse dont j'aurai été capable, ce matin, fut de me filmer à chaud en train de traduire au débotté un poème de Paul Nougé. Il y a encore quelques mois, mon père était toujours fourré à Bruxelles, et ma mère souvent avec lui, alors que je n'y ai pas mis les pieds, moi, depuis dix-huit ans. Tout cela est curieux, étrange, résonne curieusement.

Aujourd'hui, pas parvenir à tirer tout cela vers autre chose que le journal personnel.

Les traductions au débotté deviennent une sorte de journal filmé. Lors de la séquence consacrée à deux pages de Barrett Watten, j'avais commencé par pérorer un peu au sujet de Roubaud et de son Traduire, journal ; c'était tellement médiocre que j'ai coupé au montage. (Je fais beaucoup ça, désormais, couper au montage, afin que l'exercice soit plus nerveux, moins pénible à suivre... déjà que j'ai quatre téléspectateurs à tout casser...*)

 

Depuis quelques jours, je lis le dernier volume paru du journal de Bergounioux, qui n'occupe, cette fois-ci, qu'une demi-décennie, une lustre. Quand je me suis aperçu que — alors que j'avais lu les années 1980-1990 et 1990-2000 avec des années de retard, quelque temps après leur parution — ce volume-ci s'achevait le 31 décembre dernier, je me suis précipité, c'est bête, sur les entrées du 7 janvier 2015 et suivantes, ainsi que sur celle du 13 novembre. (Je savais que Bergounioux avait perdu sa mère et que cela constituait le grand point noir final de cette demi-décennie, mais ne savais pas que c'était le 12 novembre.) Sinon, je lis chronologiquement, et j'en suis à l'automne 2011 : les notations continuelles et successives sur l'état de son cœur et de sa tension montrent combien il s'agit d'un homme exceptionnel de continuer à se forger pareille discipline de travail et de vie, et de poursuivre comme il le fait, au gré des innombrables tracas du RER, ses déplacements professionnels ; ces notations sont aussi son fil conducteur, malheureusement pour lui.

 

 

* Même les dédicataires ne savent pas, pour la majorité, qu'un film leur est signé.

samedi, 12 mars 2016

Grand vingtième & terne système

Demain, cela fera un an que je commençais le projet Prison des tempos, un peu moins de deux ans après une autre série de textes visant à subvertir l'idée même de Printemps de poètes, Prime Time of Poesy. — Cette année, la manifestation officielle du Printemps des poètes célèbre « le grand XXe siècle, d'Apollinaire à Bonnefoy ». Tout dans ce titre est à côté de la plaque : l'idée de grandeur poétique ; l'idée que le vingtième siècle seul aurait agrandi l'univers poétique (que serait Apollinaire sans Baudelaire et Rimbaud ?) ; surtout, la primauté du lyrisme et de la poésie versifiée.

Qu'on ne se méprenne pas : j'admire beaucoup Apollinaire et Bonnefoy, que je lis assidument. Le problème n'est pas là, mais dans leur capture — leur embrigadement — leur embastillement par ces forcenés de la mignardise que sont, année après année, les organisateurs du Printemps des poètes.

Dès demain, je proposerai, sur l'autre blog, une série de sizains à métrique variable, antilyriques, dont le titre général sera Le terne XXIe (pour me moquer).

J'essaierai d'en écrire par jour jusqu'au 21 juin.

 

lundi, 07 mars 2016

▓ undotted ▓

Nasser reluctantly took his seat. He felt a question surge to his throat, a question about Samater, about the maid, about Idil and, naturally, about Medina, too. Undotted in its unutterability, the question stayed in his throat and tickled the nerves of his larynx like a two-day-old stubble of a beard. (Sardines [1981], Grawolf Press, 1992, p. 106)

Dans ce chapitre 5 — qui s'ouvre par une scène extraordinaire de volupté et de bonheur formel, le frère massant la sœur — Nasser se trouve face au conflit voulu par Medina, conflit ouvert contre le régime dictatorial de Siyad Barre, rupture avec la famille de son mari, rupture avec les codes, rupture avec ce que même son statut d'“intellectuelle” lui permettrait d'endosser. Dans ces trois phrases, Nuruddin Farah se concentre sur ce sentiment grandissant de mal-être éprouvé par Nasser, en faisant alterner les notations abstraites (reluctantly, unutterability) et les précisions physiques (surge, tickled).

La réticence est ici prédominante au point d'inverser les données de la biologie : l'homme (le frère) sent sa barbe pousser à rebours et lui chatouiller le larynx. La magnifique formule duelle et allitérative, undotted in its unutterability, prend alors toute sa valeur en restituant l'accent sur le premier mot : undotted. s'agit-il-il des brins de barbe, des points sur les i d'une question virtuelle imprononçable (ou du point sur le i de sardines, sur le double i de colin-maillard), ou des points de suspension qui ne servent jamais qu'à manifester le plein du vide, entre questions insistantes et omissions ?

 

[De Sardines, aussi, il faudrait tout citer. J'ai perdu une heure à chercher une phrase.]

 

dimanche, 28 février 2016

“avec encore des puzzles, et un géranium indifférent”

François Bon a publié aujourd'hui une vidéo, tournée en Auvergne, où il se trouve pour une quinzaine.

Dans cette vidéo, il lit le premier état d'un texte en cours sur les livres perdus ; le film, de neuf minutes, s'intitule Récrire un fichier perdu.

 

 

Comme toujours dans son vidéo-journal, il ajoute des surtitres, brèves notations expliquant ce que l'on voit à l'image, ou commentaires subjectifs. Ici, le caractère discrépant m'a particulièrement frappé. Sans doute y suis-je très attentif car la rencontre du concept de discrépance, quand j'ai dévoré les œuvres théâtrales et théoriques d'Isidore Isou, en 1995, m'a durablement marqué. 

Ce qui me frappe, c'est qu'il devient difficile — au fur et à mesure que François Bon filme les pièces du gîte, tel ou tel objet insolite, telle porte ouvrant sur le vide, et qu'il y ajoute ses lapidaires légendes — de se concentrer sur le texte qu'il lit, pourtant essai sur un sujet qui m'intéresse. L'esprit n'est pas seulement partagé, divisé entre l'image et le son, qui sont en décalage (discrépance), mais aussi entre la forme de l'essai lu (prose théorique) et les légendes, qui s'apparentent souvent à des sortes de haïkus en vers libres. Le mien, d'esprit, a fini, au premier visionnage, par n'être plus happé que par le gîte et les notations en légende.

Heureusement, on peut relancer la vidéo...

Deux autres éléments, plus personnels, peuvent expliquer ma distraction :

  • souvenirs (excellents) de notre séjour dans le Cantal, à Pâques 2014, dans le château de Jussac
  • quand je regarde les vidéos de François (toutes), je me retrouve vite à tenter la traduction simultanée des légendes... ce qui n'est pas gênant quand le vlog ne propose que les images animées et les légendes [Je vais sans doute donner prochainement un extrait d'une des vidéos de François à traduire dans la partie “improvisation” de mon cours de thème de troisième année.]

 

▓▒░░▒▓▓▒░ Plusieurs fois, depuis un an et demi j'ai tenté de faire des billets de vlog, mais, outre que je ne prends pas le temps de travailler tout ça dans WMM, ma connexion est si lente qu'une mise en ligne sur youTube prend deux plombes pour un fichier de 8 minutes. ▓▒░░▒▓▓▒░

samedi, 27 février 2016

Blousés

“un spécialiste peut se blouser comme un autre homme”

(Gide, Journal, 1933, cité dans le Robert)

 

Au détour d'une page sur Kafka – que je n'ai pas assez relu depuis que je me suis fait offrir les Sämtliche Werke – Christian Garcin évoque Epépé de Ferenc Karinthy, et c'est un nouveau livre qui s'ajoute à la pile virtuelle.

 

Dans Labyrinthes et Cie, Garcin évoque aussi son travail de recherches sur la figure de labyrinthe chez Borges et déclare avoir « eu le sentiment d'avoir été proprement blousé, “promené” comme on dit dans le Sud, par un Borges infiniment trop malicieux pour moi » (p. 69).

Là où Garcin voit un méridionalisme (je suppose — je suis, comme on le sait, très réticent à une telle absence de nuance, ayant grandi en trouvant les Provençaux beaucoup plus étranges, dans leur parler et leurs habitudes de pensée, que les “Parisiens”), le Robert parle d'une locution figurée et vieillie : « promener quelqu'un, le mener en bateau, le lanterner ». Et cite le Dictionnaire de l'Académie : “voilà six mois qu'il me promène”.

En ce sens, la promenade prend le sens de déroute organisée, de désorganisation, de dédale interprétatif. (Et de mon remords de ne pas avoir assez lu Kafka depuis 2012 j'en viens au regret de ne pas avoir encore lu Der Spaziergang de Walser.)

 

J'en termine avec un fait brut, anecdotique : dans l'exemplaire du livre emprunté à la B.U. Se trouvait, outre ma fiche de réservation, une précédente fiche d'emprunt au nom d'Élodie Buttieu (“retour le 29/03/2006”).

jeudi, 04 février 2016

Dissidence dans le classement

Quel plaisir de perdre cinq minutes, parfois plus, à chercher un livre sur mes étagères “africaines”, parce que le classement est totalement anarchique, ni alphabétique ni par pays ni même par auteur, pas vraiment par format... Je m'y retrouve à peu près, et quand je ne m'y retrouve pas, c'est l'occasion de s'arrêter sur un titre, d'ouvrir un ouvrage qui avait été un peu délaissé...

 

(De vieilles velléités de dissidence.)

dimanche, 31 janvier 2016

Dernier jour du mois, mise au moindre

Heureusement que je tiens ces carnets pour moi-même — il y aurait, ces temps-ci, de quoi se décourager.

D'une part, je peux être satisfait d'avoir encore, ce mois de janvier, tenu le rythme de publication quotidien dans les deux blogs, d'avoir embrayé plusieurs nouveaux projets, et ce malgré des semaines de boulot absolument démentes. D'autre part, je vois que février s'annonce plus retors, comme souvent, avec les “vacances” (en partie déconnectées (à chaque fois que j'écris des textes en vue d'une publication ultérieure, ça m'ennuie de les publier une fois que je suis revenu à Tours, avec une connexion, et que je les relis)) et le risque de l'enlisement. En effet, les nouveaux projets exigent tous une certaine régularité, doublée d'un peu de pugnacité.

tsjanvier2016.pngIl y a toutes les formes singulières, mais je crois que, pour cela, je n'arriverai jamais à me contraindre à écrire un ou deux poèmes par jour en alternant les formes fixes. Plus sérieusement, il y a le projet Nuruddin, le projet Christian Garcin, le chantier 16 en 16, Par les lettres, le centenaire Ferré, sans compter la remise sur le métier d'Artois, à moi, des textes croisés Ping-pong-Pong-ping, et de l'inflexion apportée à Aujourd'automne. Quand je suis en “vacances” hors connexion, il faudrait que j'écrive pour ces projets-là, justement, sans quoi ce sont ces phases d'intermittence qui font patiner l'ensemble.

De toute façon, j'ai toujours avancé en me dispersant. Déjà, là, alors que je n'ai pas fini la lecture de Dépressions, ni de Centurie (qu'il faut lire par bribes, donc pas grave), que j'amorce à peine la découverte du continent Garcin, je me lance dans la lecture de Männer Phantasien de Klaus Theweleit. (Au moins, je lis en allemand...)

Pffffffff, pfff.

mardi, 05 janvier 2016

La boucloucle va boucler

Un moment comme tant d'autres.

Ce matin, dans le tramway, je lis la très belle nouvelle de Christian Garcin, “Les muets” (dans La neige gelée ne permettait que de tout petits pas). J'ai décidé de découvrir Christian Garcin suite à une vidéo enthousiaste de François Bon. Presque simultanément, notre ami lillois — à qui nous avons rendu visite début mai — nous envoie ses vœux électroniques. Or, la nouvelle se passe à Lille, se nourrit de la ville.

Plus tard, je lis, sur Facebook, la belle chronique d'André Markowicz sur la neige tombée dans la nuit du 3 janvier à  Petersbourg. Comme cela me fait penser au célèbre “Souvenir de la nuit du 4”, je cherche, comme ça, au hasard, une traduction anglaise.

Après avoir trouvé une paraphrase d'une étonnante platitude, je trouve, sur Wikisource, une magnifique traduction. Elle est de Toru Dutt... Toru Dutt, je la connais, sous un autre versant, grâce au travail de Chandani Lokugé, autre écrivaine que j'ai pu côtoyer — comme André Markowicz et François Bon — lors de son séjour de travail à l'université de Tours.

 

mercredi, 30 décembre 2015

Méthanes

23 décembre 2015 / 7 h 15

 

Ce matin, levé plus tard que les trois matins précédents, cette fois-ci réveillé par la chatte (mais enfin, j'étais à moitié réveillé), après l'avoir menée au garage et lui avoir ouverte le portail, après avoir écrit le sonnet quotidien, j'allume exceptionnellement cet ordinateur – celui de mon fils aîné, que l'on fait suivre, pour qu'il serve plus ou que le mien serve moins, se repose à Tours – avec dans l'idée de noter deux ou trois choses.

Il fait très doux, ce Noël. On sait qu'une énorme fuite de méthane s'échappe d'un gouffre, hors de tout contrôle, en Californie, tandis que les incendies indonésiens auront été (et dont encore) une des pires catastrophes environnementales de ces dernières décennies. Tandis que tout le monde semble s'en désabuser, je suis, impuissant, de plus en plus convaincu qu'on va vraiment voir tout périr, nous, notre génération... mes premiers – exécrables – poèmes, quand j'avais douze ans, ne parlaient presque que de ça.

Il fait une douceur terrible, donc.

 

samedi, 12 décembre 2015

Comment traduire les distiques ribéryens ?

Le ribéryen, on le sait, est un idiolecte. Langue tout à fait singulière, avec ses règles propres, ses associations apparemment arbitraires d’auxiliaires et d’adjectifs (on a dur) ou ses redondances fulgurantes à base de savants amalgames (la routourne va tourner).

 

Hier, en cours de traductologie, on travaillait sur trois traductions de “Matinée d’ivresse”. Ce qui pose le plus de problèmes aux étudiants, au fond, c’est la langue de Rimbaud, ce que dit sa prose. Une étudiante très fine, qui participe bien, venait, juste avant la fin du cours (vendredi, 17 h 55, permettez qu’on se déboutonne), d’expliquer qu’elle préférait la façon dont John Ashbery évitait la répétition de « cela finit », répétition qu’elle trouvait, pour sa part, trop lourde (ou trop grandiloquente peut-être ?).

Je lui ai fait remarquer que c’est la langue de Rimbaud qui la gênait mais que, bien sûr, si on traduisait Rimbaud, on traduisait sa langue. On a le droit de ne pas aimer les Illuminations, mais si on les traduit, ce n’est pas dans l’idée de les améliorer. Rendre, sur tel point, Rimbaud moins emphatique ou moins lyrique, ou moins obscur, ce n’est pas le traduire.

J’ai alors pris – cela ne surprendra personne ici, depuis des années que je vous saoule avec les distiques – l’exemple du ribéryen : Rimbaud, c’est comme Ribéry, en un sens ; si vous décidez de traduire Ribéry en anglais, vous ne pouvez pas faire comme s’il s’exprimait dans une langue banale. Et me suis aperçu que, toutes ces années, je n’ai jamais cherché, je crois, à traduire “la routourne va tourner”.

 

Ribéry, ça fait toujours rire les étudiants. (Ça faisait moins rire quand, pour corriger les devoirs de version, il y a quelques années, je m’étais fait confectionner un tampon « Franckophone ! ») Mais Ribéry pose un véritable problème de traduction. On a dur, comment traduire ? We have tough ? We are hardness ? We finding hard ?

Et la fameuse phrase de la routourne ? There’ll be a wheelturn of the wheel ? Fortune will wheel ? The wheel of fortune is bound to turnbound ?

 

Si je choisissais de traduire mes distiques, je me trouverais à traduire un ribéryen fictif, outrancier, dont je suis l’auteur, donc j’aurais peut-être plus de facilité à adapter… mais c’est tricher, un peu…

vendredi, 04 décembre 2015

Gib's auf

Un très beau texte publié ce matin par François Bon me remet en mémoire — ou sur le chemin du — bref texte de Kafka, Gib's auf (dont voici la version allemande et, grâce à une autre partie du site de François, la version française).

 

Pour le plaisir de retrouver inactifs (“cassés”), dans quelques années, la quasi totalité de ces liens intégrés, je mets en ligne ci-dessous quelques films inspirés de cette micro-nouvelle, et dans lesquels on peut aussi (pas toujours) entendre le texte allemand.

 

...

(Il n'existe pas de coïncidence : aujourd'hui, dans l'un de mes cinq cours, celui de traductologie pour les étudiants de troisième année, nous allons plancher sur trois traductions anglaises de Matinée d'ivresse.)

 

samedi, 28 novembre 2015

Par les lettres, 1

Il faisait froid, ce soir-là, sur le quai de la gare, à Dijon.

Était-ce en 2000 ? Avec le baladeur CD (oui, oui), j'écoutais Pression, le premier album de Kartet, acheté quasi par hasard un ou deux ans plus tôt, d'occasion, à Paris.

Que de découvertes capitales faites à l'époque des razzias chez Gibert, tiens c'est 30 francs, pourquoi ne pas tenter ? (Ainsi, tout de même, Julien Jacob, en 2000, justement.)

Ne nous éloignons pas du sujet.

Pression. Album fondamental, s'ouvrant et s'achevant sur deux versions différentes de “High Steak”. Guillaume Orti, l'ai-je déjà écrit, est un des saxophonistes les plus sous-estimés ou méconnus de sa génération. Les trois autres compères ont aussi suivi leur chemin.

Ligne interrompue.

Lignes coupées.

Décision d'écouter, dès que je le pourrai, certains de mes disques par genre et par lettre de l'alphabet, histoire de refaire le tour de mes étagères (question que l'on ne se pose pas, ou frustration que l'on n'a que plus temporairement pour les livres : est-ce l'effet des contraintes temporelles ? pourtant, il m'arrive de me dire que je relirais volontiers Les Géorgiques de Claude Simon, par exemple, ou Look Homeward, Angel — et je ne le fais jamais).

Tout proche de Pression, il y a la réédition de deux albums de Roland Kirk, Domino et Reeds and Deeds. Au moment où j'écris ce §, j'écoute la version de “Get Out of Town” (avec un phrasé déboulé étonnant de Wynton Kelly au piano). Kirk, bien sûr, on l'imagine toujours en train de siffler/parler tout en tenant en bouche quatre instruments différents, mais l'émotion ne passe pas par ces prouesses, mais par la teneur particulière du souffle. (Note to self : réécouter “A Stritch in Time”, composition symptomatique.)

Après cela...

Après que le soleil aura séché la minuscule flaque au centre de la table noire...

[Stéphane Kerecki Trio]

jeudi, 19 novembre 2015

État d'urgence

« Les mesures d’exception qui vont à l’encontre des libertés publiques ne permettent pas de lutter efficacement contre le terrorisme. Les états d’exception qui se pérennisent, c’est l’Etat de droit qui est mis à mal. » (Nicolas Krameyer)

 

Facile à dire, mais je pense que, député, j'aurais fait partie des cinq qui ont voté contre la prolongation — et non la prorogation — de l'état d'urgence.

Nous avons, malgré tout, besoin de plus de liberté et de moins de flicaille.

 

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