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jeudi, 17 janvier 2013

Du bol

Un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui mains interrompues par le blanc du bol donne l'impression de vouloir attraper l'anse laquelle anse donne dans les bordures pour voir surgir un bon fragment de Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu) qui court après un Mickey en antique tenue de sport (chaussures bleues pantalon blanc maillot bleu)

lundi, 07 janvier 2013

Hautes résolutions

“La liberté de l'art est un mythe. Certes il est permis à l'artiste de chercher, comme idéal, à donner l'impression de cette liberté, comme Nijinsky, à la fin du Spectre de la rose, donnait au public l'impression de s'envoler librement dans l'espace tandis que dans la coulisse ses deux soigneurs le recevaient sans bruit, l'entouraient d'une couverture et l'aidaient à reprendre haleine. Dans tous les arts, le triomphe est de forcer la matière à témoigner pour l'esprit. Mais la matière, violentée spirituellement, ne l'est pas physiquement. Et les contraintes combinatoires sont tout aussi inviolables. Quel que soit le purisme esthétique dont on veut construire le mythe, l'art n'est pas de chercher l'impossible, mais d'user des lois du possible.” (Etienne Souriau. Clefs pour l'esthétique. Seghers, 1970, p. 165)

lundi, 31 décembre 2012

Carillons, vrais sauniers

Pour l'intelligence de ce qui va suivre, quelques explications au sujet de la Saunerie sont nécessaires sur ce qu'on appelait la gabelle et les faux-sauniers.

Ce nom de gabelle fut d'abord commun à plusieurs taxes. Plus tard, il fut uniquement appliqué à la taxe du sel, dont le monopole constituait un des plus gros revenus de la monarchie. «Autrefois, dit Boullet, qui nous fournit ces renseignements, le roi avait seul le droit de fabriquer et de vendre le sel, ainsi que d'en fixer le prix. On était, en outre, obligé d'acheter au roi une quantité déterminée de sel, avec défense de revendre ce qu'on avait de trop; de là l'impopularité qui, tant qu'elle dura, s'était attachée à cette taxe inique et vexatoire.

Et il tenait ferme à son monopole, ce bon roi de France, tant et si bien qu'il faisait pendre tout pauvre diable qui se laissait pincer en contrebande de sel. C'était le procédé dont usait la monarchie pour attaquer son monde en concurrence déloyale.

Voilà pourquoi le grand-père de Pancrace, faux-saunier qui était jadis tombé entre les mains des gens du roi, avait été accroché à la maîtresse branche de l'arbre qui abritait la maisonnette où il cachait son sel de contrebande.

En 1800, époque du présent récit, il y avait dix ans déjà que le monstrueux impôt avait été aboli.

Tout en parlant de la mort du grand-père de Pancrace, le policier n'avait pas quitté des yeux la branche qui avait jadis servi de potence à l'infortuné faux-saunier. Que voyait-il?

 

(Eugène Chavette. Le saucisson à pattes, 1884)

lundi, 15 octobre 2012

Lac, II

 

soc le

 

          bœuf la charrue

 

          sillonner le champ remonter la rue

 

          prendre le vent de plein

 

          e face efface

 

          r le sang au fond du r

 

          avin

 

                   La brute avin

 

          ée a jeté le cadavre là san

 

          s ambages, traces de sang san

 

          s pleins ni déliés ni

 

          jambages — et la brute appelle ses copains

 

          comme lui (elle?) fin

 

          s pleins pour efface

 

                                               r le sang au fond du r

 

                            avin écrire le mot de l

 

                            a fin, sur le

 

socle.

 

vendredi, 12 octobre 2012

Sonnet d’octobre

 

la c

 

hat

 

te allongée au sol

eil d’oc

tobre attend sobre

 

ment d’un œil verm

eil—doc

tement hier

 

o

 

glyphi-

que—que le c

iel d’Oc

 

citanie devienne un

 

lac

 

 

 

vendredi, 23 mars 2012

Cock & Bull (Will Self)

Lu il y a déjà deux semaines et demie, dans le train, entre Tours et Bordeaux. En fait, je n’ai lu que le premier des deux récits, Cock : A Novelette. Dans le train, c’était l’idéal, puisque la scène du récit (pas l’histoire, mais l’endroit où elle est racontée et se dénoue – tragicomiquement) est un compartiment de train. Dans la mesure où il s’agit évidemment d’un diptyque, je ne devrais pas rendre ce livre à la B.U. (ah, que deviendrais-je sans la B.U. ? quand je pense aux centaines (peut-être va-t-on jusqu’au millier, en comptant les années oxoniennes et nanterroises) de livres que j’ai lus depuis des années sans les acheter et sans en encombrer mes étagères !) sans avoir également lu Bull : A Farce. Mais si jamais je devais manquer de temps, eh bien, je prends au moins quelques minutes pour noter ici, en vrac (après tout, plus personne ne me lit et je peux mettre le oaï dans mes propres carnets), les bribes manuscrites issues du voyage ferroviaire.

 * Le genre de la novelette, inventé par Will Self dans ce qui doit être un geste de titrage parodique, trouve tout son sens dans le sujet de ce récit, l’hermaphrodisme (plus français qu’italien, plus novelette que novella). Autre jeu sur les signifiants : l’épouse de Dan, Carol, est – en tant que narrateur – « the Don ». Outre le côté très « vieille Angleterre » de la dénomination, il y a sans doute un jeu sur le sous-texte mafieux, voire quelque chose à creuser du côté de Cholokhov (dont le pavé a pour titre, en anglais, And Peaceful Flows the Don), ou du boustrophédon Don/Nod (le pays de Nod > refuge et punition de Caïn (l’errance)).

 * Le récit consiste en fait en un viol du narrataire (le narrateur est tout autant pro- qu’anta-goniste, hybride aussi en cela). L’antisémitisme de l’hermaphrodite (complexe, ambivalent).

 * Le pénis de Carol : « Was it just her imagination, or could she, with her probing digit, actually feel some kind of structure to the frond ; some internal viscosities of its own that suggested that it was not simply a raggle-taggle end of gristle, but something sensate ? » (p. 30)

 * Sexualité et quasi-redoublements: «I doubt your ability to endure the trufflings and mufflings beneath the patterned cover. […] He nuzzled and snuffled, little bleatings issued from his lips. » (p. 65)

 * La bière mauritanienne: “Black Mambo” (p. 85). (Il semble que ce soit une pure invention de Will Self.)

  * Couleurs et allitérations : « Carol did her best to blush, but all it really amounted to was a beige tinge at the edges of her foundation. ‘Oh, oh, that.’ Dan was far better at it, he went puce to the roots. » (p. 102)

 * Viol et quasi-redoublement: « Defiled me insofar that as he raped me he screamed and ranted, gibbered and incanted the most awful mish-mash. » (p. 125)

vendredi, 06 janvier 2012

Markson à Marissel

Camille Corot - L'Eglise de Marissel (1866).Corot painted approximately two thousand pictures. Three thousand of these are in American collections.

Springer's Progress. [1977], 1999, p. 9.

 

L'heure à laquelle j'achève ma lecture du premier texte nonpolar de Markson. Marquant. En germe, tout. Et tout un pan joycien, assez nabokovien aussi, dont il se sera ensuite, progressivement défait. Corot, pour moi, c'est Marissel, mes heures à cadrer d'un regard gris l'étendue des pierrailles et bétons qui ont remplacé les étangs. Et ce soir aussi, les faussaires en Egypte. Fuite.

mardi, 13 décembre 2011

Jugements de valeur (De la Pacotille)

Comme je suis affalé dans le sofa, comme je suis loin d’avoir fait le tour des textes de David Markson, comme il fait cette après-midi un soleil splendide après une matinée de déluge et de boue, comme je suis fatigué et affalé dans le canapé, comme j’écoute la Symphonie en trois mouvements de Stravinsky, comme je ne sais pas dans quelle « rubrique » je publierai les stupides remarques qui suivent, et comme j’ai, outre le bas du pantalon souillé de boue séchée, des bouloches de tissu vert plein le nombril (c’est un t-shirt quasi neuf), comme je ne sais pas par quel bout commencer, par quel angle attaquer, comme j’ai dû me redresser car affalé dans le sofa est décidément une position trop inconfortable pour écrire (même en écoutant Stravinsky), comme je vais devoir de toute façon m’interrompre pour me lever et aller me servir une énième, non, quatrième, mug d’English Breakfast, comme je suis intrépidement intrigué et désespérément désabusé, je pense que je vais me contenter de dire qu’apparemment (ou du moins, après de rapides recherches), le paragraphe dans lequel se trouve une critique acerbe de Vladimir Nabokov est bien de Markson himself, n’est pas une citation, un fragment ég-logal – non, ce serait de lui, et je ne sais par ailleurs d’où vient cet adjectif, pinchbeck, dont je suppute qu’il s’agit, à l’origine, d’un emprunt au français, et qu’en tout cas  je n’hésiterais aucunement à traduire par « bec pincé », d’autant que je sais désormais – tant pour les rapports étroits entre Pale Fire et les Eglogues de Renaud Camus que pour certaines parentés entre l’écriture de Nabokov et celle de Pynchon – que je publierai ce billet dans au moins deux rubriques, affalé toujours sans doute et coincé et bec furieusement pincé (pynché ?) aussi.

 

The precious, pinchbeck, ultimately often flat prose of Vladimir Nabokov.

The fundamentally uninteresting sum total of his work.

(David Markson. This Is Not A Novel. Counterpoint, 2001, p. 73)

 

Le côté précieux, clinquant cul pincé, et, en fin de compte, souvent bien plat de la prose de Vladimir Nabokov.

Le fait que son œuvre entière est, au fond, tout à fait inintéressante.

 

 

Après vérification, dans l’OED, il s’avère que j’ai tout faux, tant pour l’étymologie que pour le sens. (J’ai donc corrigé ma traduction dans le bon sens, mais en gardant en palimpseste gratté le premier jet, plus rigolo je trouve.)

 

pinchbeck, n.2 and adj.

Etymology:  < the name of Christopher Pinchbeck (c1670–1732), London watchmaker, who developed the alloy.

A. Noun

1. An alloy containing a high proportion of copper and a low proportion of zinc which is used chiefly in making cheap jewellery, on account of its resemblance to gold.

2. fig. A thing that is false, counterfeit, cheap, or worthless; spec. something that appears valuable but is actually cheap or tawdry. Also: the state or condition of being tawdry or worthless.

 

B. Adj

1. Made or consisting of pinchbeck.

2. fig. False, counterfeit, substitute; cheap, tawdry.

1845    N. P. Willis Dashes at Life 109   She had, beside, a kind of pinchbeck smartness, and these two gifts, and perhaps the name of Corinna, had inspired her with the idea that she was an improvisatrice.

1910    Chambers's Jrnl. Aug. 544/1   The man was a very pinchbeck brigand, or he was telling the truth for once in his desperate straits for money.

1987    J. A. McArdle Sin Embargo 629   The contrast between the glitter of the gilded calves that had been foisted on the masses and the pinchbeck reality.


-------------------- Je me suis contenté de recopier éhontément, ci-dessus, les citations proposées dans l'OED, mais on trouve sur Internet des citations beaucoup plus belles, et captivantes, par Joseph Conrad, H.L. Mencken, Charlotte Brontë, Mark Twain, Montague Summers (le préfacier de l'édition des oeuvres d'Aphra Behn), dans une traduction anglaise des Grenouilles d'Aristophane, mais aussi dans Apollinaire (il y a une Lady Pinchbeck dans Les Trois Don Juan), dans Pierre de Melville, dans les Ballades de Thackeray, et dans une traduction de L'Elixir de longue vie de Balzac, etc. etc. etc. -------------------

jeudi, 08 décembre 2011

This Is (Not) Iris Clert

(Il faut cliquer sur Robert Rauschenberg. Portrait of Iris Clert (1961). l'image pour comprendre de quoi il retourne ici.)

Quand on tombe sur les deux lignes constituées de la citation de Rauschenberg en italiques et de l'"explication" proposée par l'auteur (Writer ? David Markson ?) dans This Is Not A Novel, on (le lecteur) succombe encore à l'illusion référentielle, car si on ne connaît pas l'oeuvre de Rauschenberg, on s'imagine aisément qu'il y a une oeuvre que Rauschenberg qualifie de "portrait d'Iris Clert". Rauschenberg aurait dû s'expliquer dans un télégramme et confirmer que le tableau (sans doute peu figuratif, ou peu figuratif d'Iris Clert) était bien ce qu'il était censé être. Mais pas du tout. Le masque tombe, tout en s'épaississant si j'ose ainsi croiser les métaphores, après une recherche sur Internet : l'oeuvre, c'est le télégramme. (Et d'ailleurs, il semble qu'il existe plusieurs télégrammes, donc plusieurs oeuvres, avec des dispositions différentes sur la page.)

L'oeuvre, c'est le télégramme, et le télégramme est un portrait d'Iris Clert par pur acte performatif de l'artiste ("if I say so"). L'oeuvre, c'est le télégramme, un peu comme le père, dans Eraserhead de David Lynch, s'aperçoit, en découpant les langes emmaillottant l'étrange bébé hurleur, que les linges étaient la peau du bébé.

Question qui n'est ni triviale ni secondaire : les olibrius dans mon genre bousillent-ils l'effet-texte du roman-non-roman de Markson ? En effet, on peut considérer qu'en publiant une reproduction du télégramme-portrait sur Flickr et en la légendant avec la citation de Markson, je court-circuite la stratégie déceptive de Markson, qui égrène des anecdotes et des citations en les tirant de leur contexte. Toutefois, j'arguerai volontiers que cette stratégie, par l'énumération, justement, appelle un lecteur qui, intrigué, s'interroge, et va chercher à y regarder de plus près. Les stratégies trompeuses sont faites pour être détournées ; les assassins des romans policiers laissent exprès des traces car ce sont des assassins de fiction.

 

Deux autres remarques, que je ne sais pas où mettre alors je les mets n'importe où (après tout, l'auteur, ici, c'est moi) : - la présentation du texte dans le télégramme que j'ai choisi pour illustrer les deux phrases de Markson est un hommage évident à e.e. cummings (le double "IS", la dernière lettre qui se trouve en fait avant le début de la phrase, les mots formant le nom de la rue collés les uns aux autres). On pourrait sous-entendre : this is so evidently a pastiche of e.e. cummings I need not say so.

--- L'acte performatif de désignation qui constitue le télégramme en portrait d'Iris Clert est à mettre en rapport avec le titre du roman-non-roman de Markson (le lien est (trop) appuyé à la page suivante).

lundi, 05 décembre 2011

La signature, de sang peint

Beheading of Saint John the Baptist, by Caravaggio (1608) - approx. 12 x 17 feet.Aujourd'hui, c'est-à-dire dimanche après-midi (il est minuit passé), j'ai écrit une phrase sur Caracas, et je n'ai pas su continuer. Puis, plus tard, bien plus tard, j'ai dû me replonger dans le Caravage, dans le sang-signature. De proche en proche, ça a donné beaucoup de n'importe quoi (surtout grâce à Goodman).

Spell = spill.

In DM's words.

 

(Mais ça m'a tout de même ramené à Sandra Belloni.)

lundi, 13 juin 2011

Lundi de Pentecôte

Après un tourbillon Bergounioux, venu lui-même interrompre un long cycle (à peine ébauché) consacré à Philip Roth, j’ai repris le Voyage au pays des Ze-Ka de Julius Margolin, tout en finissant par me lancer à l’assaut d’Only Revolutions de Mark S. Danielewski qu’E* m’a prêté il y a plus de trois mois, et qui, par son aspect de livre bricolé par un savant fou ayant trouvé le moyen de mixer Finnegans Wake et Gyroscope en y ajoutant une pincée de Tristram Shandy et la levure David Lynch, a tout de même de quoi désarçonner et décourager un qui a un peu beaucoup dix mille autres choses à faire. (Mais ça m’exalte, j’avoue, encore plus que House of Leaves.)

Cependant, C., elle-même tirée à hue et à dia entre tant de tentations, relit Madame Bovary – elle en est ravie, à sa quasi surprise.

 

 

Samedi après-midi, j'ai acheté, au Livre, les opus 5 et 6 du Labyrinthe magique (dont les troisième et quatrième tomes, à la couverture jaune, aux éditions des Fondeurs de brique, attendent encore dans mes piles) et une traduction récente de Sergio Chejfec. Il me reste, aujourd'hui, à refaire des recherches (avant de jeter de vieux exemplaires cornés et poussiéreux de Courrier international) pour savoir si Miguel Syjuco a été enfin traduit. [Recherche faite, il s'avère - mais est-ce sûr ? - qu'Ilustrado, publié en français chez Bourgois, est écrit en anglais. En dépit de son titre aux consonances hispaniques, je n'avais donc pas du tout besoin d'attendre toutes ces années pour le lire...!]

dimanche, 12 décembre 2010

Summertime / L’été de la vie

 

Il ne m’est pas possible de revenir ici en détail sur les raisons qui font que je lis chaque nouveau livre de Coetzee, alors que cet auteur me laisse généralement sur ma faim, voire qu’il m’agace (son côté scalpel, sa forme froide et quelque peu osseuse (voire en arêtes), son éloignement de tout dérapage). Peut-être y reviendrai-je, si tant est que j’en éprouve le besoin (ici, ce me semble, je suis un peu mon seul lecteur).

Plus que les précédents, ce qui n’est pas peu dire, le troisième volet de l’autobiographie du Prix-Nobel-sud-africain-exilé-en-Australie me semble fade, bien peu de chose. Ça ne démarre pas mal, en un sens. Il nous est donné de lire quelques fragments de carnets avant les transcriptions de cinq entretiens entre un biographe fictionnel et des personn(ag)es ayant compté dans la phase 1972-77 de la vie de John Coetzee, le grand écrivain désormais décédé (double ou décalque morbide de J.M. Coetzee). C’est là une très bonne idée, dans la perspective de distanciation autobiographique (soit = pas du tout l’autofiction) qui est celle de Coetzee. Ce qui est regrettable, c’est que Coetzee n’en fait rien. Il reste à mi-chemin de tout. Aucune envolée, ou alors pas assez de sécheresse. Bizarrement, on frôle l’autocomplaisance, peut-être le seul reproche qu’on n’eût pu jusqu’alors formuler.

J’avais commencé à griffonner quelques bribes dans les marges de mon exemplaire de Summertime, tandis que C. en lisait la traduction (L’été de la vie. Seuil, 2010, traduction de Catherine Lauga du Plessis). Et je n’ai pas envie d’en faire quoi que ce soit. D’autres, beaucoup, écriront au sujet de ce petit texte bien terne. Aussi ai-je décidé de reprendre certains des passages que j’avais annotés, et de voir comment Catherine Lauga du Plessis les a traduits. Après tout, Coetzee est un fabricant de petits mécanismes textuels tellement rôdés qu’on n’y sent plus la moindre fibre ; autant le prendre à son jeu, et décortiquer des micro-fragments dans une perspective ultra-décorticante (la traductologie, dira-t-on pompeusement).

 

Agenbite of inwit. (Summertime. Vintage, p. 4).

Agenbite of inwit, remords de conscience. (L’Eté de la vie, p. 10).

Je ne savais pas du tout ce que c’était que cette expression ; je constate que la traductrice choisit de la garder telle quelle. Il doit s’agir d’une citation. La Wikipedia me permet prestement de combler mes lacunes : il s’agit en effet du titre d’un texte en prose en moyen anglais, de genre confessionnel. La traduction en anglais contemporain que propose la WP (Prick of Conscience) me confirme ce que je pensais : il doit y avoir, dans l’allusion de Coetzee, un jeu sur les connotations sexuelles (bite, wit = morsure, bite, vit). Pour lui, aussi, ce doit être une reprise de Joyce, puisque, comme nous en informe doctement la WP : « In the 20th century, the work gained some recognition when its title was adopted by James Joyce, who used it numerous times in his novel, Ulysses. In Joyce's spelling, agenbite of inwit, the title has gained a limited foothold in the English language. » On peut supposer que la traductrice française est allée fouiner du côté des traductions du texte médiéval, et des traductions d’Ulysse. Passons.

 

As for the fate of Christian civilization in Africa, they have never given two hoots about it. (Summertime, p. 6)

Quant au sort de la civilisation chrétienne en Afrique, ils s’en sont toujours moqués comme de l’an quarante. (L’été de la vie, p. 12)

L’équivalence trouvée est judicieuse – on aurait pu songer aussi à « leur première chemise », mais l’an 40 est bien vu, dans le contexte. Pouvait-on conserver une tournure négative ? Ils n’en ont jamais eu cure. Jeu de mots assez fin, mais niveau de langue trop soutenu.

 

Breytenbach […] queered his pitch… (Summertime, p. 8)

il a brûlé ses vaisseaux… (L’été de la vie, p. 15)

Elle n’a pas beaucoup cherché, là. Equivalence, oui, mais d’un autre niveau de langue. L’idée est légèrement différente : en anglais, il s’agit plutôt de quelqu’un qui met à mal une situation idéale par irréflexion, sans les connotations bravaches du français (jeter son bonnet par-dessus les moulins ?). Souvent, d’ailleurs, l’expression ne s’emploie pas de façon réflexive. On pourrait envisager : il s’est mis dans le rouge / il a franchi la ligne jaune / il s’est tiré une balle dans le pied / il a scié la branche sur laquelle il était assis. En quelque sorte, dans le texte français, Coetzee-le-narrateur est beaucoup plus admiratif du geste de Breytenbach que dans le texte anglais. En anglais, Coetzee-le-narrateur intègre le point de vue raciste de l’opinion afrikaner officielle. C’est beaucoup plus intéressant.

 

… he swarthily handsome, she delicately beautiful… (Summertime, p. 8)

… lui séduisant et basané, elle d’une beauté délicate… (L’été de la vie, p. 15)

Un cas d’école. Adverbes qu’il est impossible de calquer, qui appellent des transpositions. La traduction est un modèle.

 

… the muzak… (Summertime, p. 21)

la musique d’ambiance… (L’été de la vie, p. 29)

Pas d’autre choix, sans doute, que cet étoffement. Quoi d’autre ? La musiquette ? La soupe ? NON. C’est frustrant, quand même.

 

Mister Prod (Summertime, p. 22)

Il est trop long d’expliquer pourquoi l’interlocutrice du biographe surnomme ainsi John Coetzee. Toujours est-il que la traduction

… ce picador à la manque… (L’été de la vie, p. 31)

est absolument enthousiasmante. Coetzee tiendrait-il, en Catherine Lauga du Plessis, une traductrice si bonne qu’il ne la mérite pas ?

 

… nothing but a clumsy accident, the act of a Schlemiel (Summertime, p. 25)

… rien d’autre qu’un accident, une maladresse de Schlemiel (L’été de la vie, p. 34)

Pas d’autre choix que de conserver le xénisme, le terme yiddish. Contre ce choix, il y aurait l’argument suivant : la littérature en langue française n’est pas traversée par le yiddish dans les mêmes proportions que la littérature en langue anglaise (surtout avec les textes américains). Mais cet argument ne tient pas, pour deux raisons clairement repérées :

  1. Le texte français est une traduction, ce qui est connu du lecteur.
  2. Le yiddish est une des langues de référence possible de tout texte littéraire, quelle qu’en soit la langue.

Il y a une autre raison, plus spécifique : --- 3. Il y a un écho sémiotique évident avec le célèbre conte (ou bref roman) d’Adalbert von Chamisso, Peter Schlemihl (une histoire de double).

Aussi, sur un plan linguistique : --- 4. Coetzee fait dire ce mot à Julia car il s’agit aussi d’un terme afrikaans (et même néerlandais).

“Only something that, being a schlemihl, he'd known for years: inanimate objects and he could not live in peace.” (Thomas Pynchon. V. 1963, p. 37)

 

Excitement all around, an envelope of libidinous excitement. From which I purposely excised myself. (Summertime,pp. 26-7)

Tous baignaient dans l’excitation, tous pris dans une excitation libidineuse. Quant à moi, je me tenais à l’écart. (L’été de la vie, p. 36)

Dans la première phrase, l’étoffement au moyen d’un verbe conjugué n’était peut-être pas évitable. Il était possible de risquer une dilution, plus proche stylistiquement du texte-source : Partout tout n’était qu’excitation, la gangue libidineuse impudique de l’excitation.

L’adjectif impudique serait bien meilleur ici, d’un point de vue rythmique. Mais le rythme n’est pas tout.

 

Ce qui est regrettable, c’est d’avoir effacé, dans la deuxième phrase, l’adverbe purposely (qui n’est pas purposefully), mais surtout de n’avoir pas conservé la paronomase excite/excise. Quand c’est une femme qui dit s’être tenue à l’écart d’un système social proche de l’échangisme, le recours au verbe excise myself (« m’exciser ») n’est pas banal. Il s’agit d’ailleurs d’un emploi très « limite » par rapport à l’usage en anglais.

 

‘Once,’ he repeated, cementing the lie. (Summertime, p. 29)

« Une fois », a-t-il répété, s’enferrant dans son mensonge. (L’Eté de la vie, p. 39)

Outre mon obsession très récente pour le ciment – qui est un motif agissant de ce chapitre, la 1ère interview – je m’étais demandé comment traduire cela. Il s’agit d’une parole qui scelle un mensonge : le mensonge est en béton, au moins pour celui qui le profère (et, d’une manière performative assez habituelle chez Coetzee, pour son interlocutrice aussi). L’expression française s’enferrer dans son mensonge (modulation avec changement d’image : ciment è fer) a d’autres connotations, me semble-t-il. A tout prendre, j’aurais opté, moi, pour scellant ainsi son mensonge.

(Remarque tout à fait annexe : a-t-on oublié, aux éditions du Seuil, les règles typographiques de base pour la présentation des dialogues en français ??? Il semble que tout le roman soit imprimé selon les conventions typographiques anglo-saxonnes, avec multitude de guillemets ouvrants et fermants en tous sens. Du grand n’importe quoi. Mais il est vrai que je cherche peut-être la petite bête, vu que j’ai de bonnes raisons d’en vouloir au Seuil, et notamment à la grande chamane et brasseuse de vent Anne Freyer.)

 

[Je me suis arrêté là, pour le moment, de l'exploitation traductologique de mes annotations. Il y a moins de petits ticks dans les pages qui suivent, de toute façon. J'ai lu pour lire, pour finir, pour voir, pour m'agacer encore de cette médiocrité froide.]

 

lundi, 22 novembre 2010

Vitesse de croisière en plein air et sans muse

Couché. Salon, fenêtre ouverte. Couché, au salon, la fenêtre ouverte, j'écris ; l'air frais ne me rafraîchit rien. Ouais, facile, facile d'écrire, de ne rien dire. Force. Pas la. Pas la force [était-ce cela : Palafox ? un jeu de mots approximatif que j'aurai mis vingt ans à comprendre ?] d'articuler une notule, sur le concert de jazz de samedi soir, sur le langage de Mia Couto, sur ma vie palpitante de candidat (you bet - je devrai écrire un roman, ou tenir un blog alternatif). Pas la force de confondre torchons et fourchettes, chiffons et assiettes, whatever. Des cannelés (y en a plus : je suis PUNI, they are my nemesis now). J'entends les draps d'Allemagne (Sparks, 1973, plage 1) s'agiter, avec le corridor polonais (et non le plombier, notez).

Des aubades au crépuscule ? Des cornichons dans le yaourt ? Va te faire lanlère, le monde muet ne répond qu'avec des miracles. M'en fous pas mal, Bernadotte. (Don't you step on my blue.)

Enfin on s'asphyxie. Rue Emile-Zola : des clous. Les gazelles s'enflamment au rythme des cerceaux abrupts que manient d'habiles routiers.

Portninwak, as always. 

dimanche, 13 mai 2007

Ces “enveloppes datées” semblent avoir été perdues

Journal de Travers. Le filet horizontal de la page 1421 sépare le récit de la journée du 4 septembre 1976 de la date du mercredi 2 février 1977, soit cinq mois d’une rupture en grande partie compensée par les multiples crochets qui ont permis, sur près de 700 pages, de raconter les journées « intercalaires » (entre le 5 septembre et le 19 décembre).

En ce sens, le Journal de Travers est à la fois semblable à (et, dans son économie même, très différent de) ce volume de journal dont le titre m’échappe désespérément, et qui doit bien être Graal Plieux, tout de même (non ?) : dans le volume auquel je pense, il y a, au milieu du volume, une béance de deux mois (ou plus ?), en raison de l’exposition estivale au château de Plieux, qui avait accaparé toute l’énergie du diariste.

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      Diary/diarrhea (pour une petite histoire de la merde (et de l'adhérence)) :

W. m'a lu l'autre jour une phrase de Sollers (en italien, Dieu sait pourquoi, peut-être était-ce au sujet de Pasolini) où il était question de la merde. Je ne me souviens plus très bien - quelque chose du genre: il y a deux sortes d'écrivains, ceux qui parlent de la merde et ceux qui n'en parlent pas. Enfin, toujours est-il que la merde, et son apparition dans l'écriture, aurait représenté le fin du fin. Voilà le genre d'idées auquel il n'importe en aucune façon de croire ou de ne pas croire, d'adhérer ou de ne pas adhérer. Leur vérité éventuelle est tout à fait secondaire. Mais elles sillonnent péremptoirement la modernité, elles la signent et la modèlent. Leur valeur est de structure, et plus précisément de structuration. Accessoirement elles fonctionnent comme signes de reconnaissance, passeport, gage d'appartenance. Je suis moderne, on chie entre mes pages.

(Renaud Camus. Journal de Travers, pp. 1424-6.)

 

... ou imaginer comment traduire ici adhérer, sillonner, modeler (et la paronomase gage/pages).

mercredi, 31 janvier 2007

Coupage de canards en quatre

J’ai bientôt fini de lire la thèse que mon ami Gilles Chamerois a consacrée à Mason & Dixon, le roman pénultièmement publié de Pynchon (dont j’avais interrompu la lecture après 200 pages, faute de temps et d’envie, mauvaise période aussi). Or, dans sa thèse, outre la géométrie & tant d’autres analyses, j’ai été frappé par l’analyse du motif (leitmotiv ?) du canard (sémiotiquement translinguistique : duck + canard). Du coup je vois des canards partout ; mais c’est qu’ils sont partout.

Hier, je vous parlais de rasage. (Vous allez voir que ce n’est pas sans lien, sans ligne avec ce qui suit.)

Avant-hier soir, je me suis appesanti sur le bas de la page 623 d’Against the Day. Cette phrase étonnante :

Kit woke to see looming over him the face of a Dr. Willi Dingkopf, framed by a haircut in violation of more than one law of physics, and a vivid necktie in fuchsia, heliotrope, and duck green, a gift from one of the patients, as the Doc presently explained in a voice hoarse from too much cigarette-smoking.

 

La ligne mélodique principale, portée par l’homophonie entre l’abréviation Doc et l’adjectivation de duck, se prolonge, de manière moins évidente dans haircut, anagrammophonable en duck-hair, et encore dans le substantif necktie. En effet, neck et duck, mieux connus comme noms, sont aussi des verbes, dont le premier peut signifier « caresser » ou « décapiter une volaille » (neck a fowl), et le second « esquiver un coup », ou « baisser la tête ». Ainsi, le double motif docteur/canard rejoint l’autre motif, qui est celui de la tête et de la décapitation : la coupe de cheveux (haircut) et le patronyme même du docteur (Dingkopf : tête de chose en allemand – et, pourquoi pas, comme le suggère le naissant wiki consacré au roman, thing-head euphémisme de dick-head… tête de nœud (ð necktie encore : nœud de cravate, et strangulation plutôt que décapitation) ð décapitation / émasculation (willie)).

… tout ça de sorte que, si on veut représenter ces lignes de sens par des variations de police, on se retrouve avec la phrase comme suit :

Kit woke to see looming over him the face of a Dr. Willi Dingkopf, framed by a haircut in violation of more than one law of physics, and a vivid necktie in fuchsia, heliotrope, and duck green, a gift from one of the patients, as the Doc presently explained in a voice hoarse from too much cigarette-smoking.

 

Il me reste à signaler, que, cherchant la présence éventuelle de cette citation sur la Toile (elle n'y est pas encore, mais y apparaît grâce à moi), je suis tombé sur cette nouvelle de Greer Gilman, A Crowd of Bone, dont une partie commence comme suit :

Kit woke to see his new-made lover squatting naked in the ashy coat, her shorn hair flickering about her skull. So white, her goblin face. So young. What have I done? he thought. O dark, what is she doing? On the hearth lay the long sheaf of her sundered hair, not fading like shorn grass, but fiery.

11:41 Publié dans Pynchoniana | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : Littérature

dimanche, 28 janvier 2007

Chums of Chance & Motor Boys

Oh oui, sans doute que je débarque trois mois après la bataille (je n'ai pas eu le courage de vérifier si ma découverte avait déjà été éventée ou repérée, ni si c'était une évidence culturelle pour le lecteur américain moyen) mais j'ai trouvé, au hasard de recherches textuelles qui n'avaient aucun rapport avec ma lecture actuelle, poussée mais piétinante d'Against the Day, la source probable des "Chums of Chance" : les Motor Boys de Clarence Young. On trouve le texte intégral de l'une de leurs aventures (sous-titrée Chums through Thick and Thin) ici.

 

En écoute : les 5 versions différentes de Downstairs par Kenny Burrell (Guitar Forms, arrangements de Gil Evans (album ouï en boucle lors de nos années talençaises))

mercredi, 24 janvier 2007

Against the Day, reprise

Le salon est envahi par un zoo. Le cyclamen est sur le rebord de la fenêtre, sous les flocons de neige fondue. Des baffles s'écoule le Blues impérial de Joseph Racaille (disque mal connu, pas écouté depuis des lustres*).

Douze pages d'Against the Day lues, dans le cabriolet Régence (ma chère!). Je m'étais interrompu presque trois semaines, après être parvenu à la moitié du roman (marque-pages bloqué longtemps à la page 525, puis 568) et aussi, d'une autre façon, au point de saturation. Dès que je le reprends, ce roman dense et touffu sollicite plus mes dons scientifiques (bien maigres) que littéraires, mais il s'agit aussi de ces textes qui donnent envie d'écrire (et donc, par paradoxe, d'arrêter de lire).

Durant les vacances**, notamment autour du 29-31 décembre, j'avais bien avancé, griffonnant quelques repères, signes abrégés et numéros de pages, puis je me suis plongé plus dans Michaux, Hubert Selby Jr, Cummings, Cendrars. Là, je voudrais recopier certains passages du chapitre en cours (Venise). Comme, toutefois, je n'ai pas trouvé, sur Internet, de reproduction satisfaisante de l'Enlèvement du corps de Saint Marc du Tintoret, je renonce. (Velléitaire.) Préfère écouter le Duel singulier de Racaille, regarder l'installation du chantier, qui, avec ses engins par dizaines, va remplacer le zoo, dûment rangé (panthères et phoques) dans sa caisse.

 

* Drôle, plein d'un pétillant humour noir... mais les orchestrations sont trop "années cinquante" à mon goût. Les ukuluélés et les rythmes latins y font trop l'effet de clins d'oeil au second degré.

** Une étudiante, hier, au milieu de multiples sollicitations, m'apprenait qu'elle m'avait envoyé un courrier électronique, sans que je lui eusse répondu. Comme je n'avais rien reçu (ce qui arrive parfois, en effet), je lui demandai quand elle avait envoyé le dit message. Réponse : "oh, pendant les vacances, il y a une semaine et demie." Je la repris : "Ah, pas pendant les vacances, alors." Cela en dit long sur ce que la plupart des étudiants inscrits en contrôle continu font des deux semaines entre les vacances de Noël et la reprise des cours du second semestre. (Je sais, je suis un vieux schnock.***)

*** Déjà, si tu n'employais pas le mot schnock, tu le serais moins...

dimanche, 24 décembre 2006

Pynchattemites

Lectures au fauteuil... Je ne connaissais pas le substantif catamite.

Honte à moi, peut-être. Page 154 d'Against the Day, l'énorme roman récemment paru de Thomas Pynchon : "But inwardly, deep inside, "he remained the catamite of Hell, the punk at the disposal of all the denizens thereof, the bitch in men's clothing."

Après une rapide recherche, je découvre que ce terme se traduirait assez bien par giton. Je pense toutefois ne l'avoir jamais rencontré auparavant. D'après la WP anglophone, il viendrait de l'étrusque catmite, qui serait lui-même une déformation du nom grec Ganymède. (Ah, il serait tentant, tout de même, de traduire par "le ganymède des Enfers", avec un g minuscule.)

Les chercheurs spécialisés dans l'histoire de l'homosexualité et de ses perceptions pourront s'informer aussi auprès de Rictor Norton, qui cite un bref article publié dans le Post-Angel (!) en 1701. Pour ma part, je m'interroge sur l'éventuelle parenté entre le latin catamitus et le français chattemite. Pure coïncidence, à en croire le Robert culturel, qui réduit ce substantif (également adjectif ("des manières chattemites")) à la composition par juxtaposition de chatte et de mite, nom ancien du chat.

(Aussi... c'est le terme qu'emploie Brendan Rau, dans sa traduction récente de la 61ème Elégie de Catulle, comme équivalent de concubinus. (L'immarcescible (quoiqu'il doive être mort depuis lurette) Maurice Rat choisit "favori", qui me paraît faible. Non, vraiment, il faut préférer giton.) D'après l'irréprochable Concordance des Oeuvres de Shakespeare, ce mot n'apparaît jamais dans les pièces ni les poèmes du Barde. En revanche, on trouve, à l'acte IV du Sejanus de Ben Jonson, un très beau distique qui se clôt par catamite :

He is, with all his craft, become the ward

To his own vassal, a stale catamite

 

Un giton rassis ? Je vous en donnerai, du quignon, de la flûte...

Dans un ordre d'idées légèrement différent, ce terme se retrouve, assez logiquement, dans maintes traductions de textes fondateurs des Pères de l'Eglise (ouh la, triple génitif, faudrait éviter ça...), comme dans la version que donne C.L. Cornish du De Utilitate Credendi de Saint Augustin. Aussi faudrait-il préciser que Saint Augustin employait lui-même catamitus : "Nonne cernis, ut Catamitum Bucolicorum, cui pastor durus effluxit, conentur homines interpretari, et Alexim puerum, in quem Plato etiam carmen amatorium fecisse dicitur, nescio quid magnum significare, sed imperitorum iudicium fugere affirment; cum sine ullo sacrilegio poeta uberrimus videri possit libidinosas cantiunculas edidisse?".

Bien. Assez de vaine érudition.)

Dans tout cela, je me suis éloigné de Thomas Pynchon, dont le volumineux roman toujours m'attend, sur le fauteuil.