mercredi, 07 janvier 2015
Approche du français courant & correct des années 2030
Je viens de finir de corriger 170 copies rédigées en français par des étudiants de première année. Les copies faisaient une page en moyenne et portaient sur un sujet de méthodologie (comment préparer un exposé sur un sujet précis et quelles ressources employer). Ce panel m'a donc donné, une nouvelle fois, une idée, du niveau normal de français pour des bacheliers appartenant à la génération actuelle. Je dois tout d'abord signaler qu'aucune copie n'était dénuée de faute : toutes présentaient au moins une faute de grammaire et plusieurs fautes d'orthographe ou de ponctuation. Je propose ci-dessous la liste de fautes trouvées dans une (souvent très large) majorité de copies, en tirant la conclusion que nous tenons là le modèle du français standard tel qu'il s'écrira de façon tout à fait acceptable d'ici deux décennies :
- Les "s" indiquant le pluriel sont distribués de manière aléatoire (il est courant de lire des phrases telles que Les livre dont j'ai besoins). → le français écrit sera bientôt dénué de marque de pluriel pour les noms et les adjectifs.
- Chaque, chacun, chacune sont systématiquement pluralisés avec un -s.
- Les "e" muets apparaissent ou disparaissent à l'écrit de manière aléatoire (“à l'orale”).
- La règle d'accord du participe passé est universellement abandonnée.
- À la première personne du singulier, le futur simple est totalement abandonné au profit du conditionnel présent.
- Au présent de l'indicatif, la terminaison -ont a été très majoritairement remplacée par la terminaison -ons.
- Pour une minorité d'étudiants (minorité qui laisse entrevoir l'étape suivante), les formes verbales sont entièrement interchangeables. (Exemple trouvé dans une copie : “remettre les livre où on l'ais a trouvais”.)
- Au subjonctif, les formes sois, soit, soient sont utilisées de façon aléatoire et sans tenir compte de leur sujet grammatical.
- La confusion entre participes passés et infinitifs des verbes du premier groupe est désormais majoritaire → dans le français écrit correct, il sera bientôt admis d'employer indifféremment é ou er.
- La graphie du son /ɑ̃/ est en ou an de manière entièrement aléatoire. → D'ici deux décennies, la phrase Les enfent sons contants sera considérée comme non fautive.
- Des termes figurant dans le sujet sont souvent mal orthographiés : Reagan devient ‘Raegen’, ressources devient ‘resources’ (ad lib.), quatre devient ‘quatres’ (77 copies sur 170, j'ai compté).
Ce relevé est malheureusement indicatif et non exhaustif. Une fois encore, il s'agit là d'étudiants qui viennent d'obtenir leur baccalauréat, et, pour beaucoup d'entre eux, avec mention.
11:34 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 28 décembre 2014
William At Work, version GuillaumeBot
Ribéry, c'était justement pour leur expliquer Vice-Chancellor = Président, et biaus contes C'on dist devant le derby d'Epsom.
Nous sommes trois douzaines, épars dans les rangs de santé, vu que je serai pour trouver collocations et traductions de romans gothiques fantabulous, amalgame de fantastic et des hasards, une même cohérence patiemment et durablement construite, avec, en plus, une curiosité valable L'atmosphère évier / en lui apprendre en classe. Voilà, la coéducation.
“In Patagonia” est un hommage à l'aise. Et en petites doses réitérées. ▬
J'écoute en turbinant la “Ballade pour une Université de la brandade de morue.
05:50 Publié dans Textes robotiques, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 13 décembre 2014
« Je veux acheter un fauteuil. »
J’assure, depuis septembre 2012, un cours magistral de première année, dont le titre est « Documentation » et dans lequel j’essaie de faire passer, sans aucune possibilité de travaux pratiques (ça coûterait trop cher, il vaut mieux déverser des millions dans les “colles” des classes préparatoires), un certain nombre d’informations et de pratiques méthodologiques utiles pour des étudiants abordant l’Université.
J’assure ce cours, trois fois par semaine, pour des étudiants des filières L.E.A., Droit-Langues et L.L.C.E. Anglais. Ce semestre, les deux C.M. ont lieu le mercredi, et le troisième en début d’après-midi, le vendredi. J’y parle d’organisation des études, de plagiat, des catalogues et métacatalogues, des encyclopédies (dont la Wikipedia), de la presse, des bases de données en accès restreint, etc. Dispensé selon le mode du cours magistral, et même avec mes pauvres tentatives pour trouver des exemples distrayants, ce cours est évidemment d’un ennui total pour des néo-bacheliers.
Cette semaine, le cours portait sur les dictionnaires monolingues et bilingues, ainsi que sur les ressources lexicographiques en ligne. J’ai décidé de présenter rapidement, en fin de cours, trois logiciels de traduction automatique gratuits, en l’espèce Bing, Google Translate et Reverso, afin de démontrer notamment la supériorité globale (mais non systématique) de Reverso, mais aussi que ces outils évoluaient rapidement en fonction des requêtes et des données de rectification éventuellement saisies par les usagers. Parmi les phrases-types que j’avais soumises à la moulinette de ces trois logiciels, il y avait : « Je veux acheter un fauteuil. » Eh bien, mercredi, Bing et Google proposaient tous deux : I want to buy a chair [tandis que Reverso suggérait judicieusement armchair]. Hier midi, j’ai pu constater (et faire remarquer aux étudiants du troisième C.M.) que les deux outils avaient fait évoluer leur traduction, pas vraiment dans le bon sens, hélas :
Bing. ║ Je veux acheter un fauteuil. → I want to buy a wheelchair.
Google. ║ Je veux acheter un fauteuil. → I want to buy a seat.
En fin de compte, chair était moins erroné… Sigh.
10:03 Publié dans Translatology Snippets, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 26 novembre 2014
Féminin évanescent
En moins de dix minutes, sur France Info, j’ai entendu la même faute, de la bouche de deux historiens. Le premier historien, qui a découvert un exemplaire du First Folio dans les réserves de la bibliothèque de Saint-Omer, a déclaré que l’exemplaire en question se trouvait actuellement dans une salle « à taux d’hygrométrie constant, à température constant ». L’historienne interrogée ultérieurement, auteure d’un ouvrage sur le mont-de-piété, a parlé d’une « banque qui est soumis aux règlements financiers ».
Il y a longtemps que les masculinisations de forme féminines sont courantes dans le cas de la fameuse (fameusement ignorée) règle de l’accord du participe passé. Il me semble que le surgissement de ces masculins erronés pour des épithètes ou dans des relatives est beaucoup plus récent. Ce genre d’exemple fait dire à un de mes collègues que la forme féminine du participe passé, voire de la plupart des adjectifs, aura disparu d’ici un demi-siècle. Rien à déplorer — à noter toutefois que cette disparition est concomitante de la réglementation qui contraint tout un chacun à parler d’auteure et de maîtresse de conférences, alors que ces formes sont loin d’être apparues spontanément.
Ferai-je ici également remarquer qu’il n’y avait rien de surprenant à entendre ceci dans la bouche d’historiens. Avec de très remarquables exceptions, les historiens écrivent généralement un français lourd, voire fautif (sans même parler des contresens qu’ils font sur la littérature, quand ils s’en piquent (mais eux renverraient le compliment : que de contresens historiques sous la plume de littéraires !)), ce qui me rappelle notre professeur d’histoire d’hypokhâgne et de khâgne, agrégé et tout le tremblement, devenu depuis éminent professeur d’université et tout le tremblement, que nous avions fini par nous amuser à piéger. En effet, on pouvait être sûr, en écrivant, dans un devoir, « les décisions qu’ils ont laissé prendre », que ce brave (?) homme encerclerait le tout de rouge, avec un beau « grammaire » en marge, et la phrase ainsi corrigée :
« les décisions qu’ils ont laisséES prendre »
Ah, le charmant exemple d'hypercorrection !
10:11 Publié dans Autoportraiture, Blême mêmoire, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 20 novembre 2014
D'une irruption
Au-delà des considérations triviales sur la communication électronique “formelle” (ou censée être telle) en 2014, ou encore sur les possesseurs d'iPhone, je trouve que l'expression née de l'incompétence, « forme à signe » , serait un excellent sujet de traité philosophique en trois tomes (avec une légère préférence pour Galilée ou Fata Morgana).
13:06 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto), WAW, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 17 novembre 2014
De Gadsby à Perec
Gutenberg vient de publier la version numérisée de Gadsby, roman écrit entièrement sans "e", plus de vingt ans avant La Disparition de Perec. Je l'avais acheté et lu il y a quelques années, et trouvé ça tout de même très inférieur à Perec.
Christine Brooke-Rose's novels have been on my list for eons, but I still haven't made up my mind.
Il paraît qu'il y a quatre traductions anglaises de La Disparition — je n'avais eu vent, jusqu'ici que de deux. (En attendant, je faux à abattre les différents taillis dans lesquels je me suis fourré.)
Jeudi, je m'en allais mitonner une soupe de la dernière pluie.
Il n'est rien arrivé, pas même dans les branches. ▬·▬ Je n'ai rien encouru.
21:15 Publié dans Chèvre, aucun risque, Translatology Snippets, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
Who, indeed
08:22 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto), WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 15 novembre 2014
Un vendredi midi, face à la Deuvalière, en lisant Doppelt
Debout, en lisant, regarder régulièrement de part et d'autre pour voir si le trio ne se pointe pas.
La boxe ou le grec ?
Pourcentages.
Un Gracq inédit en vitrine.
Pas âme.
16:47 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto), Moments de Tours, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 13 novembre 2014
Specul-ose
— Les meilleurs Speculoos sont ceux qui ont le même nom qu'une marque de PQ.
— Ouais, Lotus !
Mesdames et Messieurs les féru-e-s de poési-e, vous arrivez à l'UFR Lettres et Langues, terminus du train.
10:47 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 10 novembre 2014
Freddy Malins
Test de L1 sur Dubliners (ou plutôt sur “The Dead”).
À la question "What is Freddy Malins's usual bad habit?", j'ai donc eu les deux témoignages émouvants ci-après :
- Freddy Malins is usual bad habit because he is an always drunk.
- The usual bad habits are clothes for everyday instead of greats habits for important moments.
17:45 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 24 octobre 2014
Le fleuve Tana
28 septembre
Préparer des cours, et s'égarer plaisamment entre une double tradition Andrew Jackson / Abraham Lincoln, des questions culturelles spécifiques à la Tasmanie, et surtout de vétilleuses vérifications relatives aux ethnies agĩkũyũ et wakamba, à tel passage de Facing Mount Kenya, pour ne rien dire de la géographie du fleuve Tana, le tout au dos de pages arborant “whining bread for his brat”.
11:13 Publié dans Affres extatiques, Chèvre, aucun risque, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 17 octobre 2014
Vitrines sur les Joulins
Depuis bientôt dix ans que je tiens, irrégulièrement, ces carnets, j'ai déjà eu l'occasion d'écrire à quel point la place des Joulins m'inspirait, et combien je pourrais en faire, si j'avais le temps d'y traîner plus souvent et plus longtemps mes guêtres, un chronotope tourangeau fondamental. Depuis un mois, j'ai adopté, pour ma pause déjeuner du vendredi, le bistrot qui a remplacé les précédents avatars situés là (dont les Joulins, tout simplement). J'écris « bistrot », mais il s'agit tout à fait d'un café à la française, côté terrasse, et, à l'intérieur, d'un pub au sens le plus cosy et sombre feutré du terme.
Au Kaa, donc, j'expie mes heures de frénésie laborieuse du vendredi matin, et me prépare à mes heures de cours de l'après-midi — au cours desquelles, hier, j'ai tout de même dû préciser, pour la majorité des étudiants de première année, qu'un texte pouvait être “poétique” et évoquer des sujets terre-à-terre, et même des coucheries entre un maître et sa servante...
13:23 Publié dans Ce qui m'advient, Résidence avec Laloux, Sites et lieux d'Indre-et-Loire, Tographe, WAW, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 09 octobre 2014
Commitment in Toulon.
La Société des Anglicistes de l'Enseignement Supérieur vient de publier son texte de cadrage pour le prochain Congrès, qui aura lieu à Toulon.
Le moins que l'on puisse dire est que c'est laborieux.
18:10 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 02 juin 2014
Un lundi, midi (un peu plus)
Ѯ
Tout à l'heure, à la B.U.. Troisième étage. Immense salle presque entièrement déserte. Désertée par les humains, veux-je dire. On eût dit que les pages de Wittgenstein's Mistress, merveilleux volumen discret planqué sur les étagères 818.5, avaient colonisé les lieux.
Désert, qu'est-ce à dire ? Il était une heure et demie de l'après-midi, le 2 juin, donc. Deux conservateurs ou bibliothécaires dans la cage de verre, à droite, une jeune fille (étudiante) assise avec son ordinateur à une des tables centrales, et un autre (étudiant) entre les rayonnages de poésie britannique et ceux de littérature américaine, justement. Sinon, pas âme qui vive, un 2 juin.
Ѯ
14:02 Publié dans Moments de Tours, Pynchoniana, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 13 mai 2014
L’autoclave Lequeux, et le régime des inégalités
Une collègue de l’U.F.R. de Médecine vient d’envoyer le mail suivant à l’ensemble des personnels de l’Université, et même, il semble, aux étudiants :
Nous souhaitons céder notre ancien autoclave, qui est bien sûr en état de marche.
Il s'agit d'un autoclave vertical Lequeux de 165 L, de diamètre 500 et hauteur 700 mm. Il a été fabriqué en 1998 mais n'a été utilisé que pendant la période 2005-2012.
Nous avons en notre possession tout [sic] les compte-rendus d'inspection périodique ainsi que le registre de maintenance.
N'hésitez pas à me contacter si vous avez besoin de plus amples renseignements.
Si vous êtes intéressés, nous vous remercions de nous en informer avant la fin de la semaine, le transport du matériel restant à votre charge.
Son message a, semble-t-il, été diffusé sans difficulté, même auprès des 90% qui ne savent pas ce qu’est un autoclave et des 99% qui, n’ayant pas besoin de faire cuire dix kilos de choux-fleurs le même jour, n’envisagent pas d’en acquérir un. On pourrait aisément mettre cela sur le coup de l’information overload si des événements pédagogiques ou culturels organisés par l’U.F.R. Lettres et Langues ne se voyaient pas interdits, le plus souvent, de diffusion à ces mêmes listes.
Voyons… le Président de l’Université est… dermatologue, c’est ça ?
Coïncidence ?
14:02 Publié dans Indignations, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 12 mai 2014
L'Échange
Je suis donc quelqu’un qui travaille et écrit soit dans un bureau où on se caille (ressorti le gros pull irlandais rose de l’hiver) soit chez lui, face à une vitre entièrement masquée par un néflier pléthorique, en écoutant le concerto pour hautbois de Cimarosa, en se désespérant d’avoir perdu près d’une demi-heure ce matin pour faire une photocopie, mais plus encore de la folie humaine.
(Et qu'une partie du travail se passe dans le dialogue, l'échange, l'exploration sans certitude, c'est ce qui semble échapper même à certains collègues.)
15:23 Publié dans Moments de Tours, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 07 janvier 2014
Théorèmes
L'étudiant qui était arrivé, le bec enfariné, avec un quart d'heure de retard, a quitté la salle d'examen avec une demi-heure d'avance.
Cela n'est pas sans m'évoquer la célèbre théorie de ma mère au sujet des automobilistes, et énoncée par mon père sous la forme suivante, en distique élégiaque inversé :
Le Théorème de Mylène :
J' te prends la route au nez, je tourne à la prochaine.
.
16:08 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto), WAW | Lien permanent | Commentaires (2)
lundi, 06 janvier 2014
ris le ciel
ris
de cette fable
lourde
qu'engendra un
enfant tendre
sûr
de son talent
persuadé même
d'être tenu de
dire la
belle aube —
cette fable t'étonne
envisage une
autre rebelle Est-ce entre
le poulailler du
cerveau et le fu mier
des paroles — ton
étonnement gla cial
qui stupéfie même le ciel
16:22 Publié dans Factotum, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 11 décembre 2013
À la recherche du Dialogue intérieur
Chercher à se procurer des ouvrages de Claude Mauriac par les sites marchands est une expérience troublante. Tel de ses livres, pourtant dûment répertorié suite à une requête “Claude Mauriac”, est attribué à André Gide ; tel autre porte la mention “1er janvier 1500” comme date de publication (cela aurait plu à l'auteur du Temps immobile, je pense).
Chercher, pour corser le tout, à se procurer les traductions anglaises des romans du Dialogue intérieur, c'est véritablement la quadrature du cercle. Par exemple, je n'ai toujours pas réussi à savoir si le quatrième tome, L'agrandissement était tout bonnement le seul à n'avoir jamais été traduit, ou si c'était difficilement dénichable (moi, j'ai provisoirement renoncé, en tout cas). De même, il existe, apparemment, deux traductions différentes de Toutes les femmes sont fatales, sauf que je subodore que les deux titres distincts correspondent à une seule et même traduction, commercialisée sous un titre au Royaume-Uni, et sous un autre aux Etats-Unis... Le doute demeure toutefois, car l’une semble être de Richard Howard, et l’autre d’un certain H. Wolff… L’enquête continue.
08:51 Publié dans La Marquise marquée, WAW | Lien permanent | Commentaires (2)
dimanche, 01 décembre 2013
Tiret bas, trait d'union, cadratins...
Dans le cadre du cours magistral de Documentation que je dispense depuis l'année dernière aux étudiants de première année, j'explique, très entre autres choses, au sujet de la syntaxe des requêtes dans Google, que le signe de ponctuation qui se forme en appuyant sur la touche 6 sans majuscule se nomme un trait d'union.
C'est l'occasion de lutter, à ma modeste échelle, contre la confusion entre le trait d'union (qui se situe toujours à l'intérieur d'un mot composé – hyphen an anglais) et le tiret (qui sert à introduire des répliques au discours direct, ou à séparer des éléments au sein d'une phrase, voire remplace les parenthèses, comme chez Gracq par exemple – dash en anglais). J'en profite aussi pour préciser que le signe de ponctuation communément appelé "tiret du 8" se nomme underscore en anglais et tiret bas en français. Le plus important, bien sûr, est de rappeler comment et quand on doit utiliser le trait d'union ou le tiret.
J'ai précisé ce point pas plus tard que vendredi matin, avec les L1 de Langues Étrangères Appliquées.
Vlà-t-y-pas que ce matin, je cherche à appeler le Grand Théâtre de Tours, institution culturelle censément de prestige. Et qu'entends-je sur le répondeur ? L'adresse électronique communiquée au moyen de l'expression "tiret du 6". Les administrateurs du Grand Théâtre de Tours ne savent donc pas ce qu'est un trait d'union.
11:17 Publié dans Indignations, WAW | Lien permanent | Commentaires (2)
mercredi, 19 juin 2013
La surnotation au bac (épisode Orléans-Tours)
Pour ceux qui n'ont pas suivi le film, voici l'“affaire” dont la presse nationale fait ses choux gras depuis hier :
En raison des piètres résultats de leurs élèves au bac 2012, les professeurs de lettres de l’académie d’Orléans-Tours sont appelés à surnoter l’édition 2013… Quitte à trafiquer le barème en notant l’épreuve orale de français sur vingt-quatre points au lieu de vingt.
Des enseignants ne décolèrent pas à ce sujet, leur agacement se ravivant à l’approche de l’épreuve de français de première programmée mercredi. Dûment chapitrés dans leurs lycées par leurs inspecteurs pédagogiques régionaux entre octobre et novembre, ils se voient reprocher leurs notes de l’année précédente jugées «trop mauvaises»: «Vous allez devoir faire preuve de davantage d’indulgence pour le bac 2013» et votre «attitude de notation est négative» leur lance-t-on.
Pour les inspecteurs, c’est un problème de correcteurs qui expliquerait - au moins en partie - les «piètres» résultats au bac de l’académie d’Orléans-Tours. En 2012, avec 83,3 % de réussite à l’examen, elle se classe 22e académie de France, juste avant Nancy-Metz, Amiens et Créteil, un point et demi en dessous de la moyenne nationale.
(Source : Le Figaro)
Plusieurs remarques (copiées-collées de mes interventions sur Facebook) :
1) Je suis surpris que la presse nationale monte cette histoire en épingle, étant donné que cela fait 20 ans que tous les instructions, consignes et barèmes vont dans ce même sens. Les profs de maths ont des barèmes sur 23 ou 25 depuis des années. Les profs d'histoire sont tenus de mettre 4 points sur 10 à une question préparée en 2 heures même si la réponse fait 3 lignes et contient 1 des 5 concepts censés être maîtrisés. En LV, on met la moyenne à des lycéens qui ne savent pas construire une phrase de niveau 5ème. Etc., etc.
2) La réunion d'harmonisation de l'académie d'Orléans-Tours dont toute la presse nationale fait ses choux gras n'est qu'une des centaines de réunions annuelles dont le seul objectif est de donner le bac ou la Licence à tous ceux qui la passent.
3) Tout est question de moyenne. La seule chose qui importe, pour le système, c'est qu'il n'y ait pas plus de tant de % en-dessous de 10, qu'il y ait bien tant de % au-dessus de 14 etc. Si un nombre suffisant de correcteurs se mettaient d'accord pour respecter, à l'excès même, les barèmes, mais en inversant totalement (c'est-à-dire en mettant 6 aux copies qui méritent 16, et 18 aux copies qui méritent 4), on aurait un beau foutoir, avec tous les gentils fils de nantis collés au bac et tous les bolosses avec mention TB. Franchement, ça vaut le coup d'essayer.
Je garde pour la bonne bouche le commentaire d'un « fils d'inspecteur académique » anonyme sur le site du Point :
« Que de la gueule
Arrêter de faire vos indignés. Le Bac n'est plus comme il y a 10 ans, de nouveaux programmes font leur apparition. Des lois de probabilité qui il y a 10 ans encore n'existaient pas. Mais cela est dans l'éthique et dans la conscience propre du professeur à critiquer tout le temps. Vous critiquez même vos supérieurs hiérarchiques. Vous critiquez tout de A à Z. Vous critiquez tantôt le bon fonctionnement de notre ministère de l'éducation nationale, tantôt les programmes, les élèves etc. , cela n'en finit jamais. Vous déballez votre désarrois et tout ce qui en passe, or devant les inspecteurs académiques vous ne ferez rien, vous ne direz rien, car vous n'aurez jamais le dernier mots car vous devez appliquerez ce que l'on vous demande. On ne discute pas les ordres d'un supérieur hiérarchiques, car vous votre mission n'est encore une fois QU'APPLIQUER ce que l’on vous demande. Il faudrait parfois vous remettre chères professeurs à votre place mais des gens qui eux font leur travail correctement comme mon père qui lui-même est inspecteur académique a d'autre chats à fouetter et lui au moins fais ce qu'on lui demande et cela correctement. Merci.
Un fils d'inspecteur académique. »
C'est cohérent. À force d'appliquer les règles de la déculturation généralisée, les IPR et les IA ont des fils qui confondent infinitif et indicatif, et qui peuvent écrire "vous devez appliquerez".
En résumé, il faut arrêter de feindre la surprise. J'enseigne à l'Université depuis 1997, et cela fait au moins quinze ans que l'on attribue le diplôme de Licence d'Anglais à des étudiants incapables d'aligner trois phrases en anglais, et pas seulement pour parler de la Guerre de sécession ou d'un roman de Dickens: la plupart d'entre eux ne parviendraient pas à demander leur chemin dans une ville du Royaume-Uni. Pourquoi ? parce que la compensation totale entre les matières (et entre les semestres) a été imposée ; parce qu'il est interdit d'avoir des notes éliminatoires ; parce que les autorités de tutelle ne cessent de faire pression sur les équipes pédagogiques pour augmenter le taux de réussite. Au bilan, seuls les étudiants qui ont une mention à leur Licence ont un diplôme qui signifie quoi que ce soit ; les autres ont un joli chiffon de papier dont seuls leurs parents ou les journalistes de la presse nationale pensent qu'il a une quelconque valeur.
09:47 Publié dans Chèvre, aucun risque, WAW | Lien permanent | Commentaires (4)
lundi, 13 mai 2013
La Sainte Trinité
En bas : immense radiateur, signalant un système de chauffage éteint depuis début avril (or, il fait 15° dans certaines salles).
En haut à droite : « toile » de Nico Nu.
En haut à gauche : ancien logo de l'Université, qu'il nous est interdit d'utiliser depuis 2007 (au point que nous avons dû jeter des milliers de feuilles à en-tête) mais qui est peint sur ce mur, dans un lieu très fréquenté, sans que personne ne s'en émeuve (et sans aucune espèce de sens, au demeurant).
14:15 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto), Indignations, Moments de Tours, WAW, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 25 avril 2013
Encore encre de bruine
Pour poursuivre sur drizzles and mizzles (billet publié le 21).
********************************
Une recherche dans les ressources du Projet Gutenberg m'a permis de glaner quelques citations dignes d'intérêt. Tout d'abord, un passage au tout début de Bleak House, dans une veine onomastique très dickensienne (variante sur l'expression “any Tom, Dick and Harry”, mais en lugubre/pluvieux) : « Chizzle, Mizzle, and otherwise have lapsed into a habit of vaguely promising themselves that they will look into that outstanding little matter and see what can be done for Drizzle—who was not well used—when Jarndyce and Jarndyce shall be got out of the office. »
Ensuite, je ne résiste pas à citer in extenso un passage savoureux et très vivant des carnets de Byron :
January 16. 1821.
Read–rode–fired pistols—returned—dined–wrote–visited–heard music–talked nonsense–and went home.
Wrote part of a Tragedy–advanced in Act 1st with “all deliberate speed.” Bought a blanket. The weather is still muggy as a London May–mist, mizzle, the air replete with Scotticisms, which, though fine in the descriptions of Ossian, are somewhat tiresome in real, prosaic perspective. Politics still mysterious.
Enfin, dans la traduction du Feu de Barbusse (due à un certain Fitzwater Wray – nom assez ironique – traduction publiée en 1917 d'après la WP anglophone), voici notre réduplication du 21 avril, mais sous forme verbale :
"A damned country!" says Fouillade. In truth this Northern climate is not worth much. It drizzles and mizzles, reeks and rains. And when there is any sun it soon disappears in the middle of this great damp sky.
Dans le chapitre XII, grâce à Wikisource, j'ai retrouvé l'original :
– Sacré pays, milédi ! dit Fouillade.
Le fait est que ce climat du Nord ne vaut pas grand-chose. Ça bruine, ça brouillasse, ça fume, ça pleut. Et, quand il y a du soleil, le soleil s’éteint vite au milieu de ce grand ciel humide.
Voilà une allitération que la langue anglaise n'a pas manquée ! Le Feu a été retraduit, récemment, par un certain Robin Buss. Sur ce seul passage (glané grâce à Google Books), on ne peut pas dire que sa version s'impose : “The truth is that this northern climate is not much to write home about. You get mist, fog, drizzle and rain. And when there is a bit of sun it gets swallowed up in this great damp sky.”
.
10:36 Publié dans Translatology Snippets, WAW, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 25 mars 2013
Version d'Agrégation 2013 (Jon McGregor)
La version d'agrégation externe 2013 (texte de Jon McGregor) m'a donné plus de fil à retordre que le thème. Manquant de temps, je livre ICI ma proposition, quasi brute de décoffrage.
Par ailleurs, vous trouverez dans le billet publié hier le lien vers le sujet et la proposition d'un commentateur.
11:07 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 24 mars 2013
Thème d'Agrégation (Djian)
Je viens de traduire en 33 minutes le sujet de thème proposé aux agrégatifs de la session 2013 avant-hier. (Non, pas trouvé mieux pour me gâcher le dimanche.)
Vous trouverez ICI le sujet, et LÀ ma proposition. Comme le thème n'est pas mon point fort, et comme je n'ai pas fait de vérification (à part pour confirmer qu'il n'y avait pas de solution miracle inconnue pour des éléments lexicaux comme pruneau d'Agen ou tomate cœur-de-bœuf – je m'en suis donc tenu à mes quelques approximations de départ), il va de soi que cette proposition ne me vaudrait pas nécessairement une excellente note.
Par ailleurs, je ne suis plus membre du jury.
Ce n'est donc aucunement un corrigé officiel. Disons que c'est une proposition vraisemblable de ce que peut faire un (plutôt bon, on l'espère) candidat.
10:30 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (2)
jeudi, 21 mars 2013
La poésie ferroviaire : Ortlieb, McGuinness, Romer (Tours, 21 mars 2013)
[Notes prises à la volée, l’absence de lien entre les sujets est le fait exclusif du transcripteur.]
En guise d’accueil et de remerciements aux différents organisateurs qui ont rendu possible cette rencontre entre Stephen Romer, Gilles Ortlieb et Patrick McGuinness – notamment, et comme déjà précédemment, les collègues de la B.U., Alice Lucchese en tête –, Trevor Harris évoque le mot de craft (la poésie comme praxis).
Dans son intervention liminaire, Stephen Romer évoque sa traduction de L’Arrière-pays, notamment la raison du choix de titre anglais (Bonnefoy ne voulait d’aucun des termes proposés, et surtout pas de The Hinterland, trop germanique). Il lit les premières pages de L’Arrière-pays et lance la discussion en présentant les poètes invités du jour, Gilles Ortlieb et Patrick McGuinness, tous deux grands « poètes ferroviaires », dont Stephen dit que leur attention aux lieux de passage, aux espaces apparemment banals, aux fragments entrevus, aux localités abandonnées, relève d’une poétique de l’arrière-pays.
Gilles Ortlieb cite la phrase de Bonnefoy (« pour que l’être se clive et que je sois en exil »). Ce qui se joue, dans l’attention au détail, à l’insignifiant, comme avec l’arrosoir de la Lettre de Lord Chandos de Hofmannstahl, c’est de cheminer sur la crête entre le mouvement et l’immobilité. Pour Patrick McGuinness, la poésie ferroviaire consiste à se demander à quoi ressembleraient les choses si on n’y faisait pas attention ? Depuis Auden, les poèmes ferroviaires sont négatifs en Grande-Bretagne, il n’y a plus de positivisme, alors qu’en Europe, comme les trains fonctionnent bien et arrivent à l’heure, on garde une tradition d’optimisme. Il cite le poème de Donald Davie, ‘In the Stopping Train’, en fait écrit à Tours.
Gilles Ortlieb rappelle que, pour voir, dans un train, il faut être assis dans le sens inverse de la marche, ce qui est vrai de tout regard ; regarder ce qui nous abandonne.
Un des points communs entre Gilles Ortlieb et Patrick McGuinness est le peintre anglais Thomas Jones, dans son versant de réaliste miniaturiste. Sans concertation, ils ont tous deux consacré une série de poèmes à la même ligne de chemin de fer entre Bruxelles et Bouillon, fascination toponymique notamment. Pour Gilles Ortlieb, les toiles réalistes de Thomas Jones portant sur des détails visibles du quotidien sont porteuses d’une très grande beauté, à l’encontre de tout « spectaculaire ». Patrick McGuinness, qui a aussi écrit deux poèmes sur Jones, raconte avoir rencontré l’œuvre peint de Thomas Jones à la National Gallery of Wales, à Cardiff, et n’avoir pas trouvé grand intérêt aux immenses tableaux épiques sur la fin du monde celte ; en revanche, l’œil moderne, contemporain, est fasciné par les esquisses, les petits tableaux qui n’avaient aucune espèce de valeur pour Jones lui-même.
Depuis plusieurs années, Gilles Ortlieb et Patrick McGuinness se traduisent l’un l’autre.
Patrick McGuinness insiste sur le fait que Rimbaud est, non le poète des départs, mais le poète du retour perpétuel. Il lit son poème sur l’ancienne gare de Bouillon (traduction de Gilles Ortlieb). Stephen Romer lit le texte de Gilles Ortlieb sur Morange (in Tombeau des anges), puis un extrait de L’Arrière-pays. Gilles Ortlieb insiste sur le fait que, du Luxembourg à la Lorraine, en vingt minutes, on passe d’un monde (la finance) à son contraire (la misère, l’abandon). De façon quasiment épigraphique, on voit encore les signes de la vie disparue, remonter des rues qui sont de vrais cimetières de boutiques. Patrick McGuinness fait remarquer que le français a le mot vétusté, qui correspond exactement à l’impression ressentie. Il évoque aussi le terme high water mark (échelle de crue – Gilles Ortlieb, plus tard, dans une traduction lue, aura choisi « jauge d’inondation », jauge correspondant de fait mieux à mark).
Gilles Ortlieb lit “Neige à Thionville”.
Stephen Romer suggère la formule de Réda, « le désespoir n’existe pas pour un homme qui marche ». Il songe aussi à Sebald. Patrick McGuinness rétorque qu’on peut marcher parce qu’on est désespéré en se disant que le désespoir n’existe pas pour un homme qui marche, mais que le mouvement n’est pas un remède. Gilles Ortlieb pense que cette formule rapproche la poésie plus de l’homme des foules de Poe, mais que la locomotion est quelque chose d’autre. Il trouve que, notamment dans des écrits récents, Bonnefoy est délibérément intimidant. Patrick McGuinness trouve par exemple plus intime – et donc moins intimidant – le chapitre sur les souvenirs d’Arménie. En général, la littérature française perd trop de temps sur les questions d’absence et de présence, alors que l’essentiel se passe entre les deux, entre A et B.
La rencontre s’achève, après quelques questions, par une lecture à deux voix. (Je note un seul vers d’un beau quatrain de Marcel Thiry cité en épigraphe par Gilles Ortlieb dans un de ses poèmes : « la Lorraine accomplit sa tristesse inutile ».)
La rencontre m’a évoqué
- ce qu’Auster dit dans son dernier livre de la marche
- la différence fondamentale entre la vision ferroviaire et la composition en marchant (exercice radicalement différent du corps)
- le rapport entre promenade (au sens de Walser) et graphomanie (Breytenbach aussi est un grand poète du déplacement)
- l’attention (sur un axe Rilke-Guillevic) au regard et à la poésie objectale
- les pages de François Bon dans Tumulte
- enfin, bien entendu (et Patrick McGuinness a confirmé en marge, après la rencontre, son absence totale de goût pour la poésie de Roubaud) le choix tout à fait parallèle, sur un autre rail, des oulipiens (la toute récente Ode à la ligne 29).
18:10 Publié dans Pynchoniana, Résidence avec Laloux, WAW | Lien permanent | Commentaires (2)