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vendredi, 18 novembre 2005

Atelier Markowicz III

Hier après-midi, lors de l'atelier de traduction, André Markowicz était présent. C'était une séance très instructive, n'était-ce que nous nous trouvions dans l'une des salles pleinement ensoleillées qui donnent directement sur le chantier, d'où un inconfort tant sonore qu'atmosphérique. Nous avons pu déménager, pour les quarante dernières minutes de ces trois pleines heures, et gagner le calme et la fraîcheur agréable de la salle 221, sorte d'amphithéâtre miniature avec vue sur la Loire.

André Markowicz a demandé aux étudiants de lire, par groupe, un passage de leur traduction. Chaque groupe traduit un acte de la pièce, et certains ont déjà bien avancé, non pas nécessairement du point de vue de la quantité, mais pour ce qui est de l'approche du texte théâtral et des difficultés qui lui sont spécifiques. Il y avait de vraies trouvailles, et souvent un souffle convaincant.

Cette expérience, quoiqu'elle s'ajoute à un emploi du temps déjà calamiteusement épuisant, me passionne de plus en plus.

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jeudi, 10 novembre 2005

Atelier Markowicz

Jeudi, 14 h 15.

Je viens de me promener dans le vieux Tours, pour un aller-retour inutile - mais toutefois agréable - entre le site Tanneurs et le Centre d'Etudes Supérieures de la Renaissance (C.E.S.R.), rue Rapin. C'est dans les locaux du C.E.S.R. qu'ont lieu, tous les jeudis de deux à cinq, les séances de l'atelier de traduction animé par André Markowicz.  Toutefois, il y a, ce jeudi, relâche, comme vient de me l'apprendre l'attachée culturelle. Cela m'apprendra à consulter les plannings qui me sont envoyés!

Je n'ai pas encore parlé de cet atelier, et c'est peut-être l'occasion de le faire, brièvement. L'objectif est, sur l'année, de faire traduire à un groupe d'étudiants, collectivement mais sous la direction de Markowicz, The Merry Wives of Windsor de Shakespeare. C'est une gageure, certainement, d'autant que la majorité des étudiants ne sont pas anglicistes.

 Jeudi dernier, c'était la quatrième séance, que j'ai manquée pour cause de colloque (à Montpellier, on le saura). Sinon, les trois premières séances furent absolument passionnantes. Lors de la première, Markowicz a expliqué un peu la méthode et le fonctionnement de l'atelier. Il y a environ vingt étudiants (en fait, un seul garçon; sinon, des filles), qu'il a répartis en cinq groupes, un pour chaque acte. L. A.-F., ma collègue spécialiste de littérature comparée, et moi-même sommes présents à chaque séance pour encadrer le travail; lors des séances auxquelles Markowicz himself ne peut participer, nous assurons le relais. Chaque semaine, les étudiants de chaque groupe doivent traduire 70 lignes de "leur" acte (dix lignes par jour, tous les jours, sans exception, c'est la consigne markowiczienne).

Lors de la première séance, Markowicz nous a fait traduire l'incipit de Crime et châtiment. Il faut savoir qu'à l'exception de lui et d'une étudiante russophone, personne ne parle un traître mot de russe dans cet atelier. Il nous a donc dicté une version mot à mot des dix premières lignes, et chacun devait proposer une traduction. On a ferraillé, bataillé ferme. C'était fascinant, et cela a surtout permis à Markowicz un grand nombre d'idées sur la pratique de la traduction, la langue française, etc.

Lors des séances suivantes, le groupe a procédé à l'examen des "débuts d'acte": en d'autres termes, le groupe chargé de l'acte I a lu ses propositions de traduction pour les premières répliques de l'acte I; on en a discuté, débattu; on a modifié, médité, laissé en suspens... Et ainsi de suite pour chaque acte.

Malentendus et incivilités

La scène se passe à l'université, sur le site Tanneurs. Deux étudiants, inconnus de moi, occupent toute la largeur du couloir, et marchent à une vitesse approximative de 500 mètres à l'heure. Celui de gauche porte, à la main gauche (de manière, je suppose, à ne pas gêner son camarade, qui lui raconte quelque chose d'essentiel avec force gestes et force cris), un skate-board.

Pour essayer de passer à gauche de ce couple insolite, je dis alors, comme on le fait habituellement: "Pardon..." Au moment même où je prononce ce mot, l'étudiant me balance, involontairement bien sûr, son skate-board dans le genou. Et, comme je le dépasse, il me lâche:

"C'est pas grave..."

Que mon "Pardon..." ait pu impliquer que c'était lui qui obstruait le passage ne lui a pas effleuré l'esprit. Qu'il ait pu me faire mal en me donnant un coup, moins encore... Quant à déambuler nonchalamment dans les couloirs bondés d'une université avec un skate-board, ça...

Enfin, l'éventualité de s'adresser autrement à un professeur qu'avec ce ton désabusé et mollasson semble reléguée, à tout jamais, aux oubliettes.

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mercredi, 09 novembre 2005

Thèse, 2001

Mercredi 9 novembre, 13 h 50.

Au moment de coucher mon fils pour sa prétendue « sieste » (en fait, il ne dort plus, l’après-midi, depuis un an maintenant), il m’est revenu en mémoire qu’il y a tout juste quatre ans, je m’apprêtais à soutenir ma thèse de doctorat à Dijon. A. avait alors quatre mois et avait d’ailleurs assez tôt perturbé le déroulement de la dite soutenance. (Ma compagne et mes parents s’étaient relayés, pour s’occuper de lui, dans le couloir. 

C’est un excellent souvenir. 

Je me rends compte qu’en quatre ans j’ai parcouru du chemin et j’ai stagné ; l’un n’empêche pas l’autre.

 

La soutenance est un grand moment, évidemment, dans la vie d’un universitaire. Voilà donc une célébration hautement probable (pour nous changer des invraisemblables).

 

 

En écoute : Arthur H. « Le Jardin des délices ». In Négresse blanche, 2003.

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mardi, 01 novembre 2005

Transport(s)

Mardi, 23 h 40

Je me relève  – interrompant ma lecture de Roderick Hudson au milieu du chapitre 19 –  pour peaufiner certains détails, vérifier quelques références pour mon article, quasiment achevé pourtant. En deux heures dimanche soir, une heure cet après-midi, et deux heures de nouveau ce soir, soit à peine six heures (ce qui me stupéfait moi-même), j’ai mis au propre et écrit cet article, sous le coup d’une forme d’inspiration qu’il m’est nécessaire d’attribuer – un peu d’irrationnel ne me fera pas de mal, une fois n’est pas coutume – au sujet même du transport, de l’extase, de cette forme d’échappée hors de soi que propose le roman de Jamal Mahjoub, Travelling with Djinns.

(Bien sûr, je ne compte pas, dans les six heures, la relecture minutieuse du roman stylo et feuilles de brouillon en main, ni l’heure que je vais maintenant, une fois refermé ce carnet, consacrer à un certain nombre de vérifications bibliographiques.)

La pluie bat contre le carreau, une voiture passe, à toute allure, et je referme ce carnet.

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lundi, 31 octobre 2005

Halo, oui

Deux étudiantes, ce matin en cours de grammaire, grimées, maquillées et cheveux teints.

Plus tôt, une dame d'allure tout à fait respectable manque de me faire tomber, pilotant fièrement sa bicyclette sur le trottoir. Il ne se passe pas de journée sans que l'on voie des vélos empiéter sur l'espace pourtant réduit des piétons. Il paraît que les cyclistes ont beaucoup à se plaindre des automobilistes; les piétons, eux, doivent s'écraser, je suppose.

Hier soir, j'ai bien avancé le texte de ma communication sur Travelling with Djinns. Je ne tousse plus beaucoup. J'ai achevé la lecture de L'Amant bilingue, livre fou et fort de Juan Marsé. Ce matin, entre 7 h 30 et 9 h, dans mon bureau rue des Tanneurs, j'ai préparé les documents pour le cours sur l'humour britannique de lundi prochain. Où il sera question de limericks.

Un halo de ferveur laborieuse accompagne mes pas. Je réinvente la roue.

samedi, 29 octobre 2005

Voyage avec les djinns

Mardi, huit heures vingt.

 

Tout dort dans la maisonnée. Les angines, la claustration, ont-elles abattu tout le monde ?

 

Avant-hier soir, je voulus furtivement me relever pour écrire une (sans doute longue) note sur mes lectures du moment, Wasabi que j’avais fini la veille, et surtout les trois autres livres que je mène de front. Soucieux de me reposer un peu, je ne l’ai pas fait, et me suis contenté d’éteindre la lampe sur les minuit*. Hier soir, je voulais passer la soirée avec ma compagne, à l’issue d’une semaine éprouvante pour elle et épuisante pour moi.

La lecture de Roderick Hudson, qui m’enchante comme à chaque fois que je reprends le fil dénoué de mes fréquentations jamesiennes, m’a, presque à elle seule, convaincu de redonner du lustre à la catégorie Words Words Words, d’où l’essai infructueux (pour cause d’incurie informatique) d’une note consacrée au mot anglais (nom et verbe) mollycoddle, hier vers neuf heures et demie à Fromont.

Ce n’est pourtant pas de ce livre-là, ni de son compagnon baroque et de fortune, L’Amant bilingue de Juan Marsé, que je voulais surtout parler**, mais de ma relecture (pour la quatrième fois) de Travelling with Djinns, le dernier roman paru (en 2003) de Jamal Mahjoub.

 

Il est rare, pour moi, qu’un livre distille ses charmes de manière toujours plus audacieuse, plus insidieuse, à chaque nouvelle lecture – pourtant, tel est le cas de celui-là, que je trouvai, lors de ma première lecture il y a deux ans et d’un certain point de vue, plus « facile » que les précédents***. Entre-temps, j’ai co-organisé un colloque dont Jamal était l’invité d’honneur (“Fantasmes d’Afrique/Fantasizing Africa”, 18 et 19 novembre 2005), j’ai étudié le roman dans le cadre d’un cours de troisième année (en parallèle avec The God of Small Things d’Arundhati Roy), je l’ai relu aussi dans la perspective d’un article de bilan sur mon travail en littérature comparée... bref, ce qui n’aurait pu, comme dans bien des cas, n’être que relecture de circonstance (car, une fois encore, je le relis car je dois intervenir la semaine prochaine à son sujet dans un colloque), s’avère être plus foudroyant, ou plus fascinant que je ne l’aurais pensé.

J’ai découvert l’œuvre de Jamal en 1999, je crois, sur les conseils de son traducteur, qui est aussi un éminent collègue à présent retraité, Jean Sevry. Jean a traduit, avec sa femme, les cinq romans de Mahjoub, sauf le premier, qui a paru aussi chez Actes Sud, pourtant, et le second, à ma connaissance inédit en français (et l’un de mes préférés pourtant : Wings of Dust). Bien ; je m’aperçois que cette phrase est fort mal construite, car il vaudrait mieux dire que Jean a co-traduit les trois derniers romans de Mahjoub ; cela semblerait moins ridicule. Je ne connais pas la traduction de Travelling with Djinns, parue en 2004 sous le titre Là d’où je viens. Pour cette note, il m’a paru préférable de traduire plus littéralement, d’autant que l’image de la hantise (des djinns persans ou nisses danois, créatures qui, comme les soucis, accompagnent le voyageur) est essentielle, et, surtout, plus distinctive, plus originale que le choix du thème des origines. Mais ce doit être là, encore, l’influence de l’éditeur, donc je ne me permettrai pas de critiquer Jean, ni son épouse. Ce sont, d’ailleurs, de très bons traducteurs.

L’an dernier, lors d’un mémorable dîner de fin de colloque à la Rôtisserie tourangelle, Jamal nous avait confié qu’il avait presque achevé le tapuscrit de deux romans, l’un qu’il devait soumettre à son éditeur anglais, l’autre qu’il voulait essayer de faire paraître d’abord en traduction française, afin de profiter du succès de ses livres en France, et d’aiguillonner un peu, justement, son éditeur anglais. A ma connaissance, rien depuis – mais je n’ai pas osé le recontacter par courrier électronique. Peut-être devrais-je.

 

Travelling with Djinns (dont Livy, qui l’a lu sur mon conseil, a fort bien parlé) est un livre extrêmement émouvant, très bien écrit, souvent drôle ou grinçant, mélancolique et mordant, une forme de bilan en point d’interrogation, et, assurément, le plus autobiographique des romans de Jamal Mahjoub. L’intrigue n’est pas si simple que cela. Le roman raconte le voyage, du Danemark vers l’Espagne, de Yasin, un homme qui approche la quarantaine, avec son fils de sept ans, Leo. Yasin vient d’apprendre que sa femme veut divorcer, et sait qu’il ne verra plus son fils chaque jour. Il décide, à l’improviste, de prendre son fils sous son aile (ou plutôt, dans sa vieille Peugeot 504 déglinguée) et de partir à l’aventure (they hit the road, in a way that is not dissimilar from Kerouac’s On the Road or road movies from the 1970s). Le récit fait alterner la succession des étapes de ce voyage sans but apparent et les réminiscences de Yasin : vie conjugale avec Ellen, discussions avec son beau-père, petite enfance de Leo, voyage à Khartoum pour présenter femme et fils à ses parents, découverte du cancer de sa mère, décès de ses parents à Londres, détérioration de sa relation avec Ellen…

Le voyage n’a pas de but apparent, mais il les conduit toutefois (non sans qu’ils aient passé auparavant plusieurs jours en Provence, chez Dru, l’ex-maîtresse de Yasin, et son compagnon, Lucien) sur la côte méditerranéenne, en Espagne, à la rencontre du frère de Yasin, Muk, que celui-ci avait perdu de vue depuis des années. Le plus étonnant, dans ce roman qui regorge de scènes pathétiques et de situations douloureuses, c’est combien Mahjoub évite de tomber dans le pathos. En ce sens, ce roman est quasiment sans exemple, d’après moi.

De même, Mahjoub n’évite pas (et c’est même l’un des thèmes principaux du roman) les réflexions sur l’origine, sur le déracinement, les identités métisses, la rencontre des cultures européennes et non-européennes, le fanatisme, et le concept si galvaudé (et si ironiquement remis en perspective) de l’Autre (avec un A majuscule). Eh bien, il parvient à proposer un récit qui n’est pas seulement subtil, mais qui est également marqué au coin de la sincérité et du bon sens, sans raccourcis idéologiques ni envasements bien-pensants.

Bref, la grande qualité de cet écrivain, c’est sa justesse : belles phrases qui ne sont jamais gratuites, infinie perspicacité dans le portrait qu’il brosse de ses personnages, choix de détails extrêmement parlants…

 

* Le correcteur de grammaire refuse les minuit, mais c’est faute je pense de connaître l’expression « sur les minuit », que je ne me verrais, pour autant, pas accorder au pluriel. Bon. Je vérifierai.

** L’autre jour, à la radio : « c’est de cela dont il va être question ». Mais la langue française, enfin, ce n’est pas leur métier ???

 

*** J’anticipe d’emblée sur les réserves des uns ou des autres. J’ai mis l’adjectif facile entre guillemets, afin de signaler que je n’ai rien contre les œuvres abordables. Ce que je veux dire ici est très différent : le cinquième roman de Mahjoub m’avait semblé, à première lecture, plus conventionnel, plus adapté à un lectorat déjà existant, oui, en un sens, plus démagogique. (Et là encore, le plus ne veut pas dire qu’il m’a semblé, à aucun moment, démagogique. Plus démagogique que les autres romans, oui. Mais voilà tout.)

jeudi, 27 octobre 2005

Treacherous teachers ?

Jeudi, dix heures vingt.

Je viens d’écrire une nouvelle note pour mon carnet de toile consacré au roman de Ford Madox Ford, The Good Soldier. J’essaie de le tenir, autant que faire se peut, à jour, me contraignant à faire, chaque semaine, une synthèse en français des points abordés dans le cours anglais, voire à prolonger telle ou telle question, comme, actuellement, le cas de la fiabilité du narrateur, grand sujet de débat s’il en est. Or, je me désole quelque peu de savoir, d’une part, que la plupart de mes étudiants lisent ce blog, et de voir, d’autre part, que (pour de très louables raisons : ils ont d’autres chats à fouetter (other fish to fry…)) ce site est perçu par tous, non comme un espace de débat entre eux, mais comme une source d’informations supplémentaires.

Evidemment, je n’ai, pour l’instant, dispensé que des cours magistraux. Mardi, j’avais affreusement mal à la gorge, 38°5 de fièvre et étais presque aphone. (Ce n’est guère mieux aujourd’hui, d’ailleurs, alors que mon fils, lui, commence à aller mieux.) Cela pour dire que mon enseignement lui-même n’appelle peut-être pas le débat. Mais enfin, c’est, depuis longtemps, la principale réserve que j’émets au sujet de la grande majorité des étudiants : ils n’interviennent pas, ou très peu, ou seulement s’ils y sont obligés, et prennent véritablement (à l’exception de ceux d’entre eux, minoritaires, qui ne participent pas parce que cela les ennuie ou les dépasse) le professeur pour une forme de dispensateur absolu d’un savoir gravé dans le marbre. Je ne suis, pour ma part, jamais si content que lorsque un étudiant ou une étudiante me contredit, me demande de retrouver un mot qui m’échappe, etc. J’ai toujours envie de paraphraser la maxime (ironique, certes) de Lautréamont à propos de la poésie : Le cours doit être fait par tous, non par un.

Dans le cas du cours de CAPES-agrégation dont je parlais au début de cette note, ce qui m’étonne le plus, outre (me semble-t-il) une baisse des effectifs (que l’on pourra, selon le bilan des semaines suivantes, imputer à mon peu de succès pédagogique, ou à la même première épidémie d’angines et laryngites qui me cloue moi-même au lit (mais pas tout à fait le bec)), c’est que, pour les quatre explications de texte en classe qui auront lieu les 29 novembre, 6 et 13 décembre, 3 janvier, et qui sont l’occasion rêvée de s’entraîner tant au commentaire écrit qu’aux épreuves orales, je n’ai à ce jour, pour les deux groupes (soit huit créneaux possibles) que quatre volontaires ! Ce n’est pas moi qui passe le concours !

Enfin, la solution est simple, sans doute, et ce sont le livre, le cours ou le professeur qui leur déplaisent ou les désorientent.

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lundi, 24 octobre 2005

Malédiction

Ce doit être une joyeuse malédiction. M'apprêtant à rendre, à la bibliothèque d'anglais sise au troisième étage de la tour du S.C.D. (Service Commun de Documentation), un volume de The Library of America reprenant les trois premiers romans publiés de Paul Bowles, écrivain dont je n'ai jamais lu une ligne et dont j'avais emprunté ces textes à l'intention de ma mère, qui les a d'ailleurs lus tous trois au cours de l'été, j'ouvre une page presque au hasard (en fait, il s'agit du début de The Spider's House) et, lisant ce prologue, je me sens attrapé, capturé, apprivoisé déjà par les phrases de l'écrivain... et j'aimerais maintenant garder le livre pour le lire. Oui, ce doit être une forme de malédiction, l'épuisant désir de ces choses.

dimanche, 23 octobre 2005

Spirales

Dans son journal 1943-1945, Green, citant un extrait des Varieties of Religious Experience de William James, le traduit, et la dernière phrase de la traduction me pose plusieurs problèmes, car je me demande si ce qui me paraît être un faux-sens ne relève pas d’une tournure déjà un peu archaïque en 1944 et, du coup, ambiguë. L’excellence de la langue de Green et son réel bilinguisme plaident naturellement en faveur d’une bonne traduction devenue, avec le temps, plus opaque… mais comment en être certain ?

(Et j’ajoute à l’opacité en refusant de citer le texte de William James et le texte français proposé par Julien Green.)

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jeudi, 20 octobre 2005

Peter Bowler, lexicographomane

Depuis six mois, je fais mes délices infinies de la lecture des trois volumes du dictionnaire de Peter Bowler, dont le prmeier tome s'intitule The Superior Person's Book of Words, et les suivants de même manière, avec adjonction des adjectifs second et third avant l'adjectif superior. Jamais un auteur ne m'a fait autant rire, et avec quel savant dosage!

Je me suis donc mis en quête de quelques pages Web où il serait question de ces ouvrages. J'ai découvert, à cette occasion, qu'un site universitaire en donnait de très larges extraits, au mépris (je pense) des droits d'auteur.

L'excellent site World Wide Words de Michael Quinion, ressource presque inépuisable, propose une recension du troisième tome.

L'un des éditeurs, Bloomsbury, présente le premier tome avec deux sample entries.

Peter Bowler est australien, ce qui se ressent, de manière fort plaisante d'ailleurs, dans le premier tome, et moins dans les deux autres. L'expression "Superior Person", qui sert de fil conducteur et qui repose sur l'idée que l'emploi de mots rares ou inconnus des interlocuteurs met le locuteur en position de force, est une reprise très ironique de certaines formulations victoriennes. Ainsi, dans un roman peu connu, My Flirtations, de Ella Heptworth Dixon (1893), cette expression se retrouve, dans un extrait très savoureux:

Of course there were lots of people, even when he was at Cambridge, who knew nothing of the Deodoriser. But it always hung, like a modern sword of Damocles, over poor Gilbert's head. It made him diffident where he should have been at ease; it made him malicious when it would have been to his social advantage to appear kindly. But even at Cambridge he had given unmistakable signs of being a Superior Person. He could repeat, to a nicety, the shibboleth of Superior People. He knew when to let fall a damaging phrase about the poetical fame of Mr. Lewis Morris, and when to insinuate a paradox about the great and only Stendhal. In art, he generally spoke of Velasquez and Degas; in music, only the tetralogies at Bayreuth were worth discussion.

On peut aussi songer au poème de Francis Bret Harte, Lines to a Portrait, by a Superior Person. C'est aussi le titre de la biographie que Kenneth Rose consacre à George Curzon, qui fut, au tournant du siècle, vice-roi d'Inde. (Le sous-titre de la biographie est très éclairant: "A Portrait of Curzon and His Circle in Late Victorian England".)

Il ne fait aucun doute que Bowler, lexicographe-humoriste australien publié principalement aux Etats-Unis, a choisi cette expression en connaissance de cause: sa trilogie émane d'une conception intentionnellement et hyperboliquement réactionnaire de la langue. Il est souvent, dans son désir de ne pas être politiquement correct, d'une mauvaise foi tout à fait hilarante.

Deux strophes sur la lassitude face aux tâches et la joie face au futur

Matinée passée
A paperasser
(Pas à paresser)
A administrer
(Zone sinistrée)

Cet après-midi
(Retour du jeudi)
Joie du mot traduit
André Markowicz

vendredi, 07 octobre 2005

André Markowicz, traducteur en résidence

Vendredi, 15 h 30.

Hier soir, dans l’amphithéâtre Thélème, avait lieu la première intervention d’André Markowicz, qui est invité toute l’année à l’Université François-Rabelais comme artiste en résidence. C’est la première fois, apparemment, toutes collectivités ou initiatives privées confondues, qu’un traducteur est choisi pour une résidence d’artiste.

Je connais le travail d’André Markowicz depuis belle lurette, depuis 1993 exactement, date à laquelle je lus L’Idiot dans sa traduction, ce qui fut, pour moi, un coup de tonnerre. (Il a parlé des “grands chocs” de sa vie, et, dans mon itinéraire littéraire, cette découverte a certainement été l’un des “grands chocs”.) Je ne connais pas son travail sur Shakespeare, mais je suis appelé à participer, dès jeudi prochain, à l’atelier de traduction qu’il va animer à destination d’un groupe d’étudiants non nécessairement anglicistes. Je ne serai là, d’ailleurs, ni pour encadrer, ni pour aider à la traduction, car l’atelier s’adresse aux étudiants. Je ne sais pas trop encore comment Markowicz va m’employer, nous verrons ; en tout cas, j’ai bien décidé d’être as unobtrusive as possible, dans mon petit trou de souris, disponible voilà tout. Cet atelier va consister en une traduction des Merry Wives of Windsor. (Je ne sais pourquoi, il a eu beau employer, au cours de la conférence, le titre français habituel des Joyeuses commères, j’ai comme une intuition qu’il va proposer un autre titre…)

Bref… hier, c’était l’ouverture de cette résidence, en amphithéâtre Thélème, à 18 h 30, en présence de deux cent cinquante personnes environ, dont pas mal d’étudiants, finalement, en dépit de l’heure tardive et du sujet, propre à rebuter beaucoup, même parmi les littéraires.

Françoise Morvan, sa compagne, et lui ont donné une sorte de dialogue à moitié théâtralisé mais sans histrionisme, derrière la minuscule table placée au centre de la grande scène. C’est peu dire qu’il a captivé son auditoire. J’avais beau connaître un certain nombre de ses théories (sur l’invention propre au travail de traduction, sur les motifs, etc.), et une partie non négligeable de son parcours (Pouchkine, la poésie russe, Tchekhov, Dostoïevski, Shakespeare), j’étais moi-même sous le charme.

Une étudiante avec qui j’en parlais ce matin m’a dit qu’elle avait été très touchée par la manière dont ils avaient construit leur intervention de manière à faire entrer le public dans leur dialogue, à dédramatiser ou dépiédestaliser (my words) le phénomène conférence.

Il y a eu quelques questions, sur la fin ; je leur ai demandé s’ils ne pensaient pas que, comme dans le cas de Dostoïevski, s’imposerait pas un semblable travail de dépoussiérage de l’œuvre de Dickens (victime, depuis un siècle et demi, d’un total malentendu “naturaliste” en France), et également si la « traduction sur le motif » a meilleure presse, finalement, dans le cas d’œuvres contemporaines comme celle de Lobo Antunes (ma lecture actuelle de Bonsoir les choses d’ici-bas a dû un peu influencer le cours de mes divagations mentales).

J’aurai l’occasion de reparler de cette résidence, d’André Markowicz, j’avais songé à constituer un répertoire de quelques liens vers des sites à son sujet, mais, comme dirait, mutatis mutandis, Birahima, le narrateur d’Allah n’est pas obligé, là je n’en ai pas envie, j’en ai marre, et j’arrête d’écrire pour aujourd’hui. Mon thé m’attend, je vais aller chercher mon fils à l’école, a faforo!

lundi, 03 octobre 2005

Pause travail...?

Tu vois, ça coûte 620 euros un brevet industriel, avant c'était dix mille balles, c'est moins cher.

Je discute avec Guillaume, le jeune patron et cuisinier du Cap-Ouest, et il y a aussi, là, une dame qui s'avère être la mère d'une des mes étudiantes de première année L.E.A., et avec qui j'échange quelques paroles.

Non, j'ai repris de fumer depuis août, les vacances ça c'est la galère.

La matinée s'est bien passée, sans pas superflus puisque mes deux cours du matin sont dans le même bâtiment maintenant.

Je ne peux pas exposer, je n'ai pas de voiture, tu me vois me trimbalant avec mes toiles?

Le boeuf bourguignon n'est pas mauvais, ici j'ai la certitude de pouvoir manger tranquillement et en une demi-heure, ce qui me laisse le temps de vaquer à mes occupations juste après (et juste avant la reprise de mes cours, à deux heures de l'après-midi).

Mon ex, elle s'est retrouvée avec un Marocain sur internet... elle est allée là-bas... et maintenant elle est revenue... enceinte de trois mois... enfin, chacun sa vie...

Le trio à ma droite mériterait le tableau. The one who does most of the talking moins encore que son comparse et la dame un peu plus âgée qu'eux deux.

Enfin, j'ai trouvé cette solution pour faire mes tableaux en laminé, ça permet de faire des copies plus vite et de répondre à la demande.

Je ne prends pas de dessert, finalement, car ni l'île flottante ni la charlotte aux poires ne me tentent.

Mon père va m'aider... avec ce brevet, tous les peintres vont acheter ça... ça fait deux ans que je travaille dessus... c'est un super projet...

jeudi, 29 septembre 2005

Fin de journée

A une minute près, je publiais la note précédente à 22 heures 22... Raaaah...

Content de ma journée, d'autant que j'ai bien avancé les travaux de préparation du séminaire sur les formes de l'humour britannique qui commence lundi prochain.

Pas lu encore ce soir, mais je me suis offert, dans l'après-midi, une petite pause consacrée à parcourir les blogs habituels.

Irène (qui ne s'appelle pas ainsi, mais c'est le pseudonyme que je lui ai attribué et qu'elle semble assumer) se décide à écrire des commentaires ici, et VS a rédigé une longue réponse au test.

Jeudi, en milieu de matinée

Je suis très content du travail que je viens de faire, à savoir la préparation de la séance de séminaire de demain. J’interviens, pour quatre séances, dans le master 2 de sciences du langage (option B, centrée, dixit la responsable, sur la diffusion du français dans des contextes et auprès de publics "spécifiques"), où j’ai proposé d’étudier le roman d’Ahmadou Kourouma, Allah n’est pas obligé. Le plus amusant, c’est que je trouve ce roman très faible par bien des côtés, nettement moins bon que les autres de l’auteur, et que je l’avais assez sévèrement critiqué lors de sa parution. Mais il se trouve que, pour des étudiants plus intéressés par l’aspect linguistique que par les finesses poétiques, mais aussi à titre d’introduction à certaines caractéristiques du discours littéraire africain (parodie de l’oraliture, jeu sur les différents registres, polyphonie, etc.), ce roman est tout à fait exemplaire. Me voici donc embarqué, pour huit heures, dans cette aventure.

lundi, 26 septembre 2005

William at Work, again & again

No blogging William anymore. Il va falloir lui laisser le temps de se retourner, et de se re-tourner les pouces aussi, ce qu'il ne fait pas trop, en général, mais là moins que jamais, car n'a-t-il pas, le bougre qui de lui-même à la troisième personne (de majesté) parle et qui, outre sept heures de cours, une heure et demie à recevoir des étudiants pour des problèmes administratifs (again and again), et quelques autres menues tâches, qui, donc, s'est attablé ce soir pour décortiquer un peu u texte de Divakaruni qu'il étudie demain dans un T.D. d'analyse de textes de troisième année, n'a-t-il pas (j'y viens!) dû faire face au genre d'incident pour lequel il est le moins préparé, le plus sinistrement incompétent, à savoir une crise d'épilepsie d'une étudiante, dès le premier quart d'heure de cours, ce matin à neuf heures, d'où SAMU and the whole caboodle? J'espère que la jeune fille se sera remise, qu'elle n'est pas gravement épileptique et que je pourrai lui dire deux mots en aparté lundi prochain, afin de la mettre à l'aise.

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vendredi, 23 septembre 2005

Moins que jamais serein

Les trois dernières journées ont vu la culmination de ces trois dernières semaines de folie, à l’université, où j’ai passé mon temps à des tâches aussi multiples que minutieuses et, comment dirais-je, marquées du sceau de la matérialité la plus quotidienne. C’était mercredi la réunion de rentrée des différentes composantes et années, et, en tant que responsable de deux cycles distincts, je n’ai pas cessé d’éteindre le feu ici et là… Depuis avant-hier après-midi, où je présidais à la remise des emplois du temps de L3 Anglais, j’ai rencontré au moins soixante-dix étudiants en entretien privé pour x demandes aussi variées qu’inextricables. J’en passe et des meilleures.

Pendant ce quasi-mois à me démener pour que la rentrée ait lieu dans les meilleures conditions possibles, ma recherche n’a évidemment pas avancé (j’avais deux articles à rendre, et baste…) et je ne dis rien des préparations de cours, lesquels seront pourtant assurés dès lundi avec verve et, je l’espère, brio ; en tout cas, ils seront prêts. J’ai tout de même créé, hier, en quelques minutes, un blog pour ces cours du premier semestre 2005 : il s’appelle Cours 2005, tout simplement.

Ce soir, je me rends à la réunion des parents de l’école maternelle.

 

********

 

Je m’interroge souvent sur le titre Touraine sereine, qui désigne un carnet de toile dans lequel il n’est pas toujours (souvent) question de Touraine, et dont l’auteur est aux antipodes de la sérénité. J’aime les moments sereins, les instants de sérénité, mais mon tempérament ne les facilite pas.

 

lundi, 19 septembre 2005

Vais me coucher...

... après plusieurs préparations de textes pour le cours d'"analyse de textes littéraires" de troisième année que je vais enseigner à partir de mardi en huit.

Bonne nuit,

22:03 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (2)

WABW : panique, panade, pépins, pizza

Encore une journée harassante de travail principalement administratif, outre la préparation, pour la reprographie, des différents dossiers à distribuer aux étudiants lors des premiers cours. J’ai sué sang et eau sur de nouvelles paniques liées aux emplois du temps : il va falloir ouvrir de nouveaux groupes, de traduction notamment, en troisième année, ce qui, dans la mesure où nous devons remettre les emplois du temps aux étudiants dès mercredi, ne va pas être de la tarte, puisque P***, la directrice du département, n’était pas là aujourd’hui, et qu’elle n’a pu contacter les collègues susceptibles de prendre en charge ces enseignements. Autre panique, la panade des UE libres (unités d’enseignement libres), dont certaines sont confirmées, d’autres annulées pour cause de trop faibles effectifs, mais surtout… dont certaines vont peut-être ouvrir, mais peut-être pas, et les cours commencent lundi prochain, et ni le professeur ni les étudiants ne savent s’ils auront lieu…

Du coup, comme la mienne, sur les "formes de l’humour britannique", qui doit avoir lieu tous les lundis du premier semestre de six à huit, fait partie des cas tangents, j’ai déjà annoncé que les cours, si elle était ouverte, commenceraient le 3 octobre, et que le cours du 26 septembre serait remplacé à une date ultérieure. J’en passe et des meilleures.

J’ai un peu discuté avec AA, qui me dit que l’adaptation de son fils, âgé de dix mois, à la crèche, se passe comme ci comme ça, et que les premiers pépins du style rhinite commencent déjà à pointer le bout du nez (c’est le cas de le dire), ce qui m’a rappelé l’année d’A. en crèche ici, au Hallebardier, qui ne fut qu’une longue, onéreuse et confuse année de fièvres soudaines, de rhinopharyngites inexpliquées, et de débats avec la directrice de la crèche, qui ne voulait pas admettre que 25° en plein hiver, dans un établissement comme le sien, c’était au moins quatre degrés de trop. Finalement, j’avais fini, fort peu fier de moi mais à bout, par signaler le problème à la mairie, qui avait fait passer une entreprise de chauffage, qui avait confirmé qu’il y avait un problème, installé des thermomètres dans toutes les salles d’accueil et procédé aux réparations ; dès lors (après février), A. n’avait plus été malade. Il faisait entre 19° et 21° dans la crèche, et plus de microbes et virus en tous sens !

Le seul agrément de cette journée de travail fut le déjeuner, avec Irène, au nouveau restaurant italien de la Place du Grand Marché, Coco Mario je crois, où nous avons été servis par une jeune fille que je pensais connaître de vue, et qui, effectivement, nous a demandés au moment de l’addition si nous travaillions à la fac d’anglais, car elle avait dû m’avoir comme examinateur (la pauvre!) lors d’un oral, et qui, cette année, va préparer le CAPES. Je la verrai donc dès mardi prochain.

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samedi, 17 septembre 2005

Si d'un mal naissait un bien...

... ce serait peut-être que cette sombre manipulation politique autour de sujets du baccalauréat nous débarrasse des sujets d'invention et autres argumentations, qui ont dévoyé l'enseignement des lettres en lycée au profit d'un méli-mélo sociologique pas toujours très "littéraire".

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mercredi, 14 septembre 2005

Réponse à Claire (du Collectif de soutien aux demandeurs d’asile)

Il semble y avoir un malentendu, à en croire le commentaire récent de Claire : je n’ai jamais remis en cause le bien-fondé des demandes d’asile spécifiques de chacune des familles « accueillies » sur le site Tanneurs. En revanche, oui, dans ce billet d’humeur pas très mesuré, parfois excessif, j’émets des doutes sur la stratégie du collectif (et non du comité, c’est noté, même si ce “collectif”-là a paru, à nombre de collègues et d’étudiants, bien sectaire et peu enclin à s’ouvrir à la collectivité de ceux qui auraient voulu soutenir les demandeurs d’asile) et sur le rôle réel des vrais étudiants de l’université dans cette instance.

J’ai eu l’occasion, entre début avril et la mi-mai, de discuter à trois reprises avec des membres du dit collectif. La première discussion a eu lieu le lendemain du concert de clôture de Marc Ducret, en lever de rideau duquel nous, les spectateurs, avions applaudi le petit laïus de l’un des responsables du collectif, qui avait fort bien parlé, et dans la plus grande justesse. Ce premier entretien, avec le responsable en question et une jeune fille qui n’avait pas l’air très bien renseignée* sur le statut des demandeurs d’asile et la Convention de Genève, mais pleine de bonne volonté et de détermination. Discussion intéressante.

Plus tard, tout début mai, passant près de l’amphithéâtre Thélème, dans la rue, me rendant directement au département d’anglais par l’extérieur, je fus interpellé par un des membres du collectif, qui, me voyant en cravate, ce qui apparemment, était un crime, me lança « Eh toi, le PDG, t’arrêtes pas surtout pour t’informer ». Vous l’avouerai-je ? je ne fus pas surpris du tutoiement ni de cet amalgame entre mon habit et l’idéologie que l’on me supposait**, mais j’allai vers le “jeune” en question (de cinq ans, au bas mot, plus âgé que moi), à qui j’expliquai ma position très modérée sur le sujet, à qui je racontai que j’avais déjà eu une longue discussion avec deux de ses acolytes, et à qui je déclarai aussi qu’il me semblait qu’avec le blocage des négociations, il y avait peut-être moyen de passer à d’autres modes d’action, au lieu de poursuivre une occupation qui avait pour principale conséquence d’irriter et de s’aliéner des personnes (agents, professeurs et étudiants) qui soutenaient au départ, pour la majorité,  la cause des demandeurs d’asile et dont la patience s’effritait. Le vociférateur n’eut rien à me dire, qu’un espèce de bafouillement assez incohérent que j’interprétai comme un laissez-passer (ou un refus de discuter?) ; je vaquai donc à mes occupations.

La troisième discussion eut lieu quelques jours plus tard, car je voulais m’informer directement de l’évolution de la situation, assurer le collectif de mon soutien, à quelques restrictions que j’ai ensuite (plus d’un mois plus tard) explicitées et aggravées dans la note qui a provoqué votre courroux.

Pas d’incident cette fois-là, mais, si vous y tenez, je vous signalerai qu’une étudiante que je connais depuis deux ans et qui avait voulu s’informer semblablement, avait été (je cite) « branchée par un type qui puait le shit » (moi, je ne pourrais pas confirmer, c’est une odeur que je ne parviens pas  identifier) et qu’elle « n’avait rien pu lui tirer d’autre » et « avait filé vite fait ». Comme le collectif me semble avoir vécu isolé dans sa bulle pendant deux mois, plus ou moins contraint (et je le regrette, et en veux, de ce point de vue-là aussi, à la préfecture***) à une radicalisation des discours et des actes, je pourrais vous citer de nombreux autres exemples, pour ne rien vous dire de certains propos que m’ont tenu certains agents, qui étaient excédés par la situation.

Enfin, si je comprends votre indignation à la lecture de ma note, sachez que, contrairement à ce que vous affirmez :

1)      je ne me suis pas tenu à l’écart de ces “événements”

2)      je ne suis pas ignorant en matière de droits des demandeurs d’asile*

3)      je n’ai pas de leçon de civisme, d’humanisme ni de morale, ni surtout de militantisme, à recevoir de vous

4)      je n’ai jamais douté que les étudiants du collectif étaient capables d’être admis à leurs examens, et je ne vois pas où vous êtes allée pêcher une idée pareille

Je conçois que votre erreur et votre véhémence viennent en grande partie d’un malentendu ou d’une mauvaise interprétation de mes propos, qui, très partiels et partiaux, se prêtaient effectivement à cette mauvaise interprétation. J’espère que c’est plus clair maintenant.

 

* contrairement à moi, si vous me permettez un peu d'orgueil (et je pourrai vous expliquer en long, en large et en travers, pourquoi je maîtrise assez bien le sujet)…

** Non seulement il est interdit d’exprimer le moindre désaccord avec les dogmes le plus radicaux d’un mouvement d’extrême-gauche, sous peine d’être aussitôt soupçonné de fascisme, mais ne pas être en jeans troué revenait, de même, à être aussitôt étiqueté «anti-collectif».

*** La seule (mais importante) rectification que j’aimerais apporter à la note En quoi se perdre est relative à ma trop grande véhémence, qui est d’ailleurs directement responsable de la vôtre : évidemment, je pense que la préfecture a laissé pourrir la situation, selon une stratégie bien connue, en profitant d’ailleurs de la perche que lui a tendu le collectif. Une fois que presque tous les personnels et les étudiants, exaspérés par l’escalade des provocations du collectif, furent d’avis que cette occupation avait perdu une bonne part de sa légitimité, l’évacuation devenait possible.

lundi, 12 septembre 2005

Saignements

Aujourd’hui, j’ai saigné trois fois du nez. Saignements subits de la narine gauche – comme aux grandes fatigues d’hypokhâgne – qu’il avait fallu cautériser, chez ce vieil oto-rhino dacquois féru de latin et de grec. Un jour de version latine – ces épreuves qui avaient lieu sur quatre heures un mercredi après-midi sur deux –, un saignement violent m’avait saisi, et j’avais dû, dans une posture incroyablement inconfortable, aller chercher le lavabo le plus proche, où le professeur était venu me chercher, plein d’une inquiète sollicitude, ayant suivi la trace des flaques de raisiné*.

Ce jour-ci, j’ai saigné à midi, dans mon bureau, à l’université, peu après avoir reçu un énième étudiant, seul heureusement et ne perdant pas la face, puis au restaurant, avec Irène, Arbor et F.F., enfin de retour à la maison, m’essuyant précipitamment avec le mouchoir vert vif de mon fils, que je venais de raccompagner de l’école maternelle, où la journée s’était bien passée, alors que la mienne, entre les diverses menues mais pénibles tâches et ces saignements, avait été, non consternante, mais terne, agréablement illuminée par le déjeuner avec trio d’amis.

 

 

* Souvenir peu exact de la tirade de Vautrin dans Le Père Goriot : « …aller verser mon raisiné sur le plancher de Maman Vauquer…»

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jeudi, 08 septembre 2005

Premier texte dicté

Oui je viens dans son temple adorer l'éternel.

C'est le premier vers qui m'est venu à l’esprit, ou plutôt la première phrase. Je découvre à l'instant le fonctionnement et les modalités d'utilisation du logiciel de dictée que m'a gentiment copié Arbor. L'installation n'a pris que deux minutes et l'enregistrement de ma voix, ainsi que sa mise en conformité avec le logiciel, dix minutes tout au plus. C'est très étonnant. Le fait de travailler dans un logiciel de traitement de texte est extrêmement pratique, dans la mesure où il est possible de corriger au clavier quand cette procédure est plus rapide que par la voix. Je pense d'ores et déjà que le texte que je suis en train d’improviser au micro prendra place dans le carnet de toile intitulé Touraine sereine. Je suis tout à fait ravi de constater, au montrer chair, mon adorable logiciel de dictée, que tu connais sans faillir le titre de mon blog, même si le mot blog t'est apparemment inconnu et même si je dois me déclarer surpris que l'apostrophe montrer chair devienne mon très cher. Dans la phrase qui précède, j'ai gardé volontairement l'erreur afin de montrer qu’elle venait tout autant de moi que du logiciel. Évidemment, c'était l'inverse : c'était mon très cher qui était devenu montrer chair, car j'avais syncopé sans doute les trois mots en deux, au point d’aboutir à cette confusion entre, d'une part, un pronom et un adjectif, et d'autre part, un verbe.

Pour l'instant, je ne suis pas convaincu que ce système soit plus rapide que la saisie manuelle par l'intermédiaire du clavier, mais il est beaucoup plus reposant pour les mains et les yeux. J'aimerais ici dire toute mon admiration pour les cinq informaticiens capables de mettre au point ce genre de technique, ce type d'outil d'une infinie utilité même si, dans l'immédiat, j'en use de manière quelque peu futile. J'aimerais aussi, et c'est peut-être là plus important encore, exprimer de vive voix, et presque aussitôt sur l'écran, mon amitié et ma sincère gratitude à Arbor, dont c'est ici le pseudonyme mais dont le vrai nom mériterait d'apparaître.

Je n’ai pour l'instant que des stupidités à écrire, ou des choses banales, mais bientôt ce sera une autre paire de manches. La seule chose qui ne soit pas banale dans ce que je viens de dicter, et qui constitue d'ores et déjà une note destinée à être publiée dans mon carnet de toile, c'est cet hommage à un véritable ami.

En effet, pour mon travail, je vais pouvoir dicter mes ébauches de cours, qui me serviront de trame, ou encore pouvoir passer outre le pénible exercice consistant à recopier un texte ou à le scanner, ce qui n'est jamais un gain de temps, loin s'en faut. Il y a aussi l'aspect de mon travail qui touche à la recherche, et Dieu sait que j'ai toujours de grandes difficultés à passer au stade de l'écriture, me contentant généralement pour les communications de versions incomplètes, d’ébauches, de plans détaillés que je me charge d’oraliser en une conférence, mais qui me redemandent un nouveau surcroît de travail quand il s'agit décrire l'article. Avec ce logiciel, je pourrai enfin gribouiller au brouillon, puis faire face à l'ordinateur ce que je fais dans les colloques : une improvisation maîtrisée et appuyée sur des notes.

Relisant l'ensemble de ce qui vient d'être écrit sous la dictée de ma voix numérisée, je corrige quelques menues inexactitudes syntaxiques ou graphiques, et m'interroge également sur le hiatus entre ma voix est le modèle standard de français oral qui doit servir de soubassement à ce remarquable logiciel. Je sais que ce logiciel est évolutif, que plus je prendrai le soin de lui faire corriger les erreurs qui ponctuent notre parcours commun, plus il s'améliorera et s'adaptera à ma voix. Mais je m'amuse en découvrant que le groupe nominal « les informaticiens » devient ici « les cinq informaticiens ». C'est sans doute que je marque une pause trop importante entre in et for. J'ai laissé cette scorie à sa place, car je trouvais cela comique, et je pense que les lecteurs de ce texte seront surpris de ce cinq énigmatique, sibyllin, car, que je sache, il n'y a pas moyen de connaître avec suffisamment de détail l'équipe qui a présidé à la création de ce logiciel. Donc, cher lecteur, plus chère encore lectrice, ce cinq finit par trouver son explication.

Je viens de passer vingt minutes à écrire ce texte, en incluant les corrections apportées par l'intermédiaire du clavier. Il me reste à programmer ma voix pour la langue anglaise, si cela est possible, et à publier cette note presque instantanément dans mon carnétoile.

samedi, 03 septembre 2005

Chantiers

Six heures dix, parfaite obscurité: pas de doute, on est en septembre. Entre 6 h 05 et 6 h 20, pas moins de sept tentatives pour démarrer la connexion Internet de ce --- de Macintosh. Pas la panacée, ces bécanes... Hier, avant de me pieuter presto pour poursuivre la lecture de The Wild Palms et avancer celle de Marelle, j'ai commencé d'écrire la note relative à l'exposition Badaire. Le chantier avance.

Le chantier de construction du nouveau bâtiment du site Tanneurs, qui va entraîner (et entraîne déjà) un énorme chaos dans le travail universitaire, lui, en est au creusement des fondations. C'est à peine si quelques géomètres semblent s'agiter, de temps à autre. Ils doivent attendre que les cours reprennent pour faire jouer du marteau-piqueur de huit heures du matin à sept heures du soir. Dépêchons, la rentrée des étudiants est dans trois semaines, quand même.

vendredi, 02 septembre 2005

Contrée sauve

Vendredi soir, huit heures et demie.

J’écris ces lignes sans avoir encore pris connaissance de ce qui a pu s’écrire sur mon carnet de toile. La rentrée en moyenne section s’est bien passée pour A. Journée presque torride, ce qui fut très agréable.

Un peu avant midi, sur France Info, j’ai entendu la journaliste qui annonçait les titres puis développait les informations, parler, à propos d’un système de cartes à puces électronique testé dans un canton de l’Ardèche, des “cinq-z-écoles du canton”. Une camarade de promo de Sylvain Cottin, certainement.

Tout, dans la presse, ne bruit que des syndicats d’enseignants, qui s’apprêteraient à faire passer une sale rentrée à Gilles de Robien, le ministre de l’Education nationale. Pourtant, aucun spécialiste (et pas même, ce matin sur la même antenne, l’immarcescible Emmanuel Davidenkoff, que j’ai connu plus inspiré) ne relève que le gouvernement a fait promulguer, durant les vacances, une loi tout à fait douteuse, qui permettra, à partir du 1er janvier, aux chefs d’établissements du secondaire de demander à des collègues de remplacer, quasiment au pied levé, des collègues absents, et ce même dans une autre matière.

Collèges et lycées se transforment définitivement en garderies, cela ne gêne personne, et pas trop, je pense, cet éditorialiste des Dernières Nouvelles d’Alsace, je crois, dont je n’ai pas retenu le nom, et qui cosigne avec son épouse un ouvrage, fort polémique nous assure-t-on, sur les dysfonctionnements de l’école primaire. Interrogé, toujours sur France Info (j’ai pris aujourd’hui ma dose de radiophonie casse-pieds pour quelques semaines), il ne parle que de toilettes malpropres, de petits détails qui ont certes leur importance et peuvent gâcher quelque peu la vie des élèves, mais enfin, moi qui m’imaginais (naïvement) qu’il allait enfin se trouver un représentant médiatique des surpuissants « parents d’élèves » pour déplorer la faible transmission des savoirs, la surenchère dans la pédagogie différenciée la plus inepte, la profusion d’activités sans doute attrayantes (poterie, journal d’école, venue de conteurs et autres charlatans musicaux, sorties incessantes) mais qui n’ont lieu qu’au détriment de l’apprentissage de savoirs, et surtout, au détriment de l’habitude d’horaires de travail fixes, eh bien, je m’imaginais cela et j’ai dû me fourrer le doigt dans l’œil… Enfin, je n’ai pas retenu le nom de ce monsieur, ni le titre de son ouvrage, mais je vais vérifier mes sources, d’autant plus qu’il a pu être entraîné sur une voie de garage par son interlocuteur et qu’ils parlent donc peut-être tout de même, son épouse et lui, du grand charcutage auquel on se livre depuis deux ou trois décennies sur l’école publique.

Des moyens pour des projets insensés, ça, il y en a : le cartable électronique par exemple (un portable offert à chaque élève de 3ème dans le cadre de sa scolarité, expérience-pilote tentée par Henri Emmanuelli dans les Landes il y a quelques années et démagogiquement reprise en chœur par tant d’édiles parce que ça plaît aux électeurs, aux parents, ou peut-être même parce que ces élus qui vantent cette idée idiote y croient vraiment (et c’est ce que je souhaite vivement, car j’ai lu que M. Romero, que j’admire, la reprenait à son compte)). Je lisais récemment, sur un blog au demeurant très intéressant, que l’école publique était décrochée des réalités sociales, ou quelque chose d’approchant : eh bien, je n’en suis pas si sûr, et je le déplore. Plus on cherche à faire correspondre le contenu des formations à la réalité sociale, plus on évacue les savoirs et plus on renforce cette satanée « fracture sociale » dont notre bien-aimé Président avait fait son petit slogan avant d’oublier même le sens de l’expression, si tant est qu’il l’ait jamais connu…

Bon, j’arrête là mes salades… ou de vider mon panier…