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samedi, 22 octobre 2011

Faudrait-il

10 h --- publié à 12 h 30.

Il y a de plus en plus souvent des bugs ou des pannes d’affichage sur les blogs Haut&Fort. Cette semaine, je suis allé cinq jours à l’université, comme à l’époque où j’étais directeur. Pannes d’affichage. Il faudrait. Cela m’inquiète, et je me dis que je devrais faire des sauvegardes par rubriques. Il faudrait. Avant de partir, je voudrais aussi achever la mise en fiches de Patrimony et Letting Go. Et il faudrait anticiper encore un peu sur l’autobiographie. Il y a du soleil. Parties de Cocotaki ™ et de Croque-Carotte ®. Soleil, vétérinaire. Il faudrait. Il faudrait. Il faudrait.

vendredi, 21 octobre 2011

W.M. 22 : from the English WP, and in English

A great fellow was Henry Wood,

Conduct symph'nies, indeed he could :

When faced with Tchaikovsky

He would never offski

Or sing carols by Will'm Horwood.

Exister est un plagiat : 15 et 58

15

 

Sur ma calculatrice Texas Instruments (une vraie poubelle, nous dirait l’année d’après le professeur de mathématiques, qui exigea une Casio), il y avait un jeu d’échecs. Le mois de juin 1989, j’alterne entre ce jeu et les chansons de Brel.

 

En juillet, je passe trois semaines à Malvern, chez Stuart.

Je deviens dingue de cricket – ça ne m’est jamais vraiment passé.

 

En septembre, Christoph et moi nous passionnons pour la langue de Montaigne.

 

Janvier et février d’avant, j’écris, je ne sais quoi.

 

 

58

 

Ada de Nabokov.

——— Oxford, Londres, Cambridge, allers-retours incessants.

————— (Mes amis se nomment Jean-Pascal, Rob, Ted, Julie, et Gavin (Gavin Best).)

——————— Trois gigantesques cuites.

————————— Des heures et des heures de cricket.

——————————— Une folle virée au Portugal (par Tordesillas et Salamanque).

————————————— 24 heures dans la vie d’un faune.

——————————————— Le goût du pain beurré, au réfectoire, à Ulm.

————————————————— Années insensées.

jeudi, 20 octobre 2011

Exister est un plagiat : 14 et 59

14

 

La seule fois de ma vie où j’ai fait du canoë, c’était avec mon père, à Escource, lors d’une réunion estivale des Verts. Etait-ce vraiment en juin 1988 ? je crois que oui, car, si j’ai souvent confondu ces deux événements, c’est bien en juillet 1989, après mon année de seconde, que mon père et moi avons passé un week-end dans les Pyrénées, sous la tente, après avoir gravi le chemin de la Mâture, pour une réunion de la SEPANSO.

En juin 1988, j’ai sauvé un petit merle tombé du nid, que j’ai nourri avec de la pâtée pour chat et des lombrics que j’allais chercher à la pelle dans le tas de fumier. Je l’ai surnommé Grandgousier, et, un matin, après deux semaines, peut-être, de ce régime fortifiant, il a quitté sa cage à tire d’ailes, profitant du moment où j’ouvrais la porte.

C’est juste avant, ou juste après, qu’il y avait eu cette journée à Escource.

 

Je pense que c’est à treize ans, aussi, que j’ai écrit, sur des feuilles à carreaux de petit format, une sorte de roman d’anticipation inspiré autant par Giono que par Robert Merle, et que j’avais intitulé Une rose au jardin de la mort. Même à l’époque, je trouvais ce titre très cucul-la-praline, mais il me semblait ne pas pouvoir en choisir un autre. C’est dans ce texte-là, je crois (mais ne peux vérifier – le manuscrit a dû en être perdu), que j’ai changé le nom de l’héroïne pour la rebaptiser Lirena. Je me revois en train d’écrire les divers chapitres de ce roman inachevé, à mon bureau. Je revois très bien aussi les blocs de papier brouillon que mon père avait ramenés de je ne sais où et sur lesquels j’avais commencé à écrire une autre œuvre, assez utopique également, vaguement robinsonienne, et tout autant passée depuis longtemps à la trappe, Voyage en Cétonie.

 (L’été suivant, à presque quinze ans donc, juste après le fameux week-end en vallée d’Aspe, j’avais entrepris un autre roman, très vite avorté celui-là : Les Lagopèdes. Pour le coup, j’en suis certain, il y avait un personnage féminin qui se prénommait Lirena. --- Je m'en avise à présent, c'est lors du week-end en vallée d'Aspe que j'ai entendu pour la première fois la plaisanterie sur le fromage de l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'homme qui a vu l'ours. Pagaie.)

Pour en revenir à l’autre roman, Une rose au jardin de la mort, je sais qu’il m’est arrivé, pour l'écrire, de m’isoler même le dimanche, quand mes grands-parents maternels nous rendaient visite avec mon arrière-grand-mère. C’est cette année-là, aussi, je pense, que j’ai enregistré, à son insu, une conversation avec mon arrière-grand-mère, qui était une extraordinaire raconteuse. Elle tricotait, assise dans un fauteuil, sur la terrasse, une belle après-midi ensoleillée d’automne, et je l’écoutais, lui posais des questions.

 

 

 

59

Aujourd’hui, 20 octobre 2011, Frédéric a trente-cinq ans.

Même les jeunes vieillissent. Nous nous perdons de vue. C’est triste.

 

En 1997, j’ai joué le rôle du jeune homme dans Lorsque cinq ans seront passés de Lorca, mis en scène par mon autre ami Frédéric (que je perds un peu moins de vue).

J’ai préparé le concours de l’agrégation, ai été reçu deuxième (et mon beau-père de m'appeler Poulidor pendant des mois après ça).

Le 26 juin, C*** et moi étions à Beauvais, pour chercher un appartement – nous avons emménagé, aidés par mes beaux-parents, aux alentours du 15 août.

Les deux Frédéric ont été les premiers hôtes, l’un après l’autre, puis très régulièrement, dans notre F4 de la rue du 51ème Régiment d’Infanterie. Ce nom de rue claquait assez bien, au vu de la situation, car je n’ai dû mon passage du statut d’élève de l’Ecole Normale Supérieure à celui de doctorant et d’allocataire moniteur (et donc la possibilité de vivre avec C*** à Beauvais, où elle avait été nommée titulaire dans un collège pourri) qu’à des prorogations incessantes de mon service militaire, tandis que le plus âgé des deux Frédéric (le metteur en scène de Lorca, pas celui du 20 octobre) venait souvent nous voir car il était, à cette époque-là, objecteur de conscience au Mans, et, pour le dire sans ambages, sans un rond.

Je pense que je pourrais raconter avec une infinité de détails nos premiers mois à Beauvais, septembre par exemple : nos visites dans la région le week-end, les premières semaines de cours de C*** avec les banlieusards déchaînés, les promenades, l’achat de la Fiat Punto, mes voyages hebdomadaires à Paris (le mardi ou le jeudi, je crois) par la ligne ultra-lente qui permettait, au départ de Beauvais, de rallier la gare du Nord en  1 h 15 en moyenne, le séjour du Frédéric manceau au moment du Festival des Cathédrales, etc. Il y aurait là tout un livre. La fixation photographique ferait un chapitre à elle seule, la vie dans l’appartement un autre, et les textes que j’écrivais sur le Macintosh Performa 475 (la suite de Féerie, la traduction de Spicer, les premières recherches pour mon DEA) encore un autre chapitre.

mercredi, 19 octobre 2011

Exister est un plagiat : 13 et 60

13

 

Il m’est impossible de me rappeler si j’ai eu la scarlatine avant ou après mon douzième anniversaire. Il m’est impossible de raconter les souvenirs précis de mon séjour d’un mois à Francfort, en août 1987, chez Tim, ni sa venue en juin dans les Landes.

 

 

60

 

Il m’est impossible de raconter comment, le 12 juillet au soir, chez Frédéric, à Douai, nous avons pris la Fiat Punto et sommes allés célébrer le titre de champion du monde dans des embouteillages monstres, et au milieu des concerts de klaxon.

W.M. 21 : from the French WP, but in English

The man yclept Barnaby Rudge

'S overly fond of chocolate fudge.

Cries out  : -- What the dickens !

If you count my chickens

Before they're hatched, I won't budge.

mardi, 18 octobre 2011

D'ici peu

Quand je serai venu à bout d'Exister est un plagiat, je soufflerai mes 37 bougies, et je pourrai,  non seulement me consacrer à la mise en forme du livre, mais aussi revenir à Dubuffet, aux mines, sans me mettre la rate au court-bouillon pour les perroquets. (Oyez, oyez, goupil !)

Même caché par un platane

Tours, 18 octobre 2011

Bords de Loire - Tours, mardi 18 octobre 2011

W.M. 20

Une dame d'Albi

(Où l'on joue au rugby)

Aime Les Hauts de Hur-

levent, aussi Ben Hur,

Et también Nicholas Nickleby.

Exister est un plagiat : 12 et 61

12

 

En classe de cinquième, je me suis mis à écouter avec passion, tous les soirs, le hit-parade de la station de radio locale Acqs 95. L’émission se nommait Star Max et était présentée par le dénommé Yohann (Johan ? Yoan ? il aurait fallu que je demande à mes grands-parents maternels à l’époque, car l’un d’eux l’avait eu comme élève à Saint-Pierre-du-Mont). L’essentiel des chansons ou des tubes qui étaient diffusés étaient, comme il se doit, de la plus pure variétoche, ou du post-disco synthétisé comme il en fleurissait dans ces années-là (milieu des années 80). Je crois que cette passion agaçait mes parents, qui ont été assez gentils pour ne pas le montrer, et surtout assez habiles pour ne pas s’y opposer – la métaphore du lâchage de lest est, à mon avis, la meilleure pour désigner l’équilibre précaire entre principes pédagogiques, autoritarisme et permissivité démagogique. De fait, cela ne dura que deux ans ; il me semble qu’à la fin de la quatrième, déjà, j’étais passé à autre chose.

Si mes souvenirs sont bons, l’émission du lundi était consacrée aux entrées et aux meilleures progressions de la semaine, ainsi qu’à un jeu grâce auquel je remportai un jour quinze maxi 45 tours (c’est la seule fois que j’ai gagné quoi que ce soit dans un jeu). Les émissions du mardi au vendredi étaient consacrées à la diffusion des chansons dans l’ordre inverse du classement : de la 61e à la 80e place le mardi, et ainsi de suite jusqu’aux vingt premières places le vendredi, de sorte que j’essayais de noter, sur des feuilles de papier, le classement, au fur et à mesure qu’il était annoncé. Ma principale difficulté consistait à comprendre les noms des artistes et les titres des chansons, pour une bonne majorité anglophones. Je n’ai commencé à apprendre l’anglais qu’en classe de quatrième (en LV2), ce qui, associé à la prononciation (je m’en rends compte rétrospectivement) approximative du susnommé Yohann, ne me rendait pas la tâche très facile. Il se trouve que le jeu du lundi se déroulait par téléphone, mais qu’il y avait un autre jeu, par voie postale, qui consistait à tenter de deviner les 5 premières places : pour ce faire, il fallait orthographier les noms des artistes de manière à peu près compréhensible. Je ne peux m’empêcher de songer que, dans la mesure où je n’étais certainement pas le seul à envoyer des propositions de classement truffées de fautes, l’animateur devait, en lisant ces tombereaux, se dire soit qu’il avait un anglais pourri, soit que les auditeurs étaient à côté de la plaque. (Et, avec un anglais impeccable, il aurait sûrement été plus mal compris encore, de moi tout le premier.)

Peut-être certains ne se trompaient-ils guère, dans la mesure où, en cette époque brontosaurienne d’avant Internet, il y avait des magazines spécialisés – comme Top 50, je crois – dans lesquels on devait pouvoir suivre plus précisément les « artistes ».

L’exemple qui me revient en mémoire est celui d’un Britannique (là, c’est moi qui reconstruis, car j’ai encore la chanson en tête et l’accent est probablement gallois ou irlandais – peut-être mancunien, mais j’en doute), dont, à entendre Yohann, j’avais reconstruit le nom de la façon suivante : Fibol Sharky. (Le tube était A Good Heart, un sirop pas permis.) L’année d’après, je crois, mes parents ramenèrent de Bristol une compilation de tubes : il y avait, dans l’une des cassettes, une autre chanson de cet artiste, et je pus alors lire le nom du chanteur : Feargal Sharkey. Je ne sais absolument pas comment se prononce ce que je pense, depuis lors (mais pas depuis ce moment de mon adolescence – ma compétence en anglais n’en était pas là), être un pseudonyme (feargal : gamine, faut avoir peur ou avoir peur de la fille / sharkey = dragueur), mais ce qui est sûr, c’est que, si j’avais entendu Fibol, l’animateur de radio devait insister trop sur la deuxième syllabe. Feargal, cela doit rimer avec une version affaiblie de Cingal, voire avec le goéland (seagull) – non ?

 

 

61

 

Déménagement. Camionnette que je manœuvre.

Mai. La maison que nous avons achetée, entre la signature du compromis de vente et la vente proprement dite, se trouve ouverte à tous les vents, un jour que ma sœur, de passage, avait voulu la voir. (À l’agence, je fais un esclandre contre la propriétaire – un autre agent immobilier a oublié de refermer la maison. Le directeur de l’agence, qui était quelqu’un de très bien – une exception dans le métier –, téléphone devant moi à la vendeuse, à qui il doit expliquer (fermement) que, le compromis signé, elle ne peut pas continuer à faire visiter dans l’espoir d’obtenir un meilleur prix.) Juillet.

Déménagement. Juillet. Début juillet.

Pelures d’oignon oubliées dans un tiroir de la cuisine de l’appartement.

Pelures d’oignon n’empêche point reversement de la caution.

De la camionnette sortent nos meubles. Je manœuvre. Pour les encombrants, notre ami F., perdu de vue depuis que nous vivons à Tours, me donne un sacré coup de main.

Robinetterie à refaire. Cumulus à changer.

Maison d’ouvrier, mitoyenne, petites briques picardes. Nid. Tout le monde s’imagine qu’on a acheté un taudis. Nid.

Tout le monde. (Quand mes parents découvrent la maison, plus tard, s’avouent agréablement surpris.) Le couple qui tenait l’agence s’appelait Paillette. Leur fils avait pris un pet au casque (accident de moto). Tout le monde. Briquettes picardes.

Je manœuvre. Nid. Déménagement.

Manège. Odeur si particulière, douce, de cette maison. Odeur que nous retrouvons à chacun de nos retours.

La chambre avec ses placards immenses.

Nid. La chambre.

Beauvais, juillet.

Villette, Dhaenens, Baillière, Jolivier, tout un passé enfoui, fait de visages, de noms et de discussions. Tout un passé enfoui. Ne peut pas remonter.

C’est à nous de creuser.

(Tout un passé enfoui. Nid.)

C’est à nous de creuser.

Je manœuvre.

lundi, 17 octobre 2011

Exister est un plagiat : 11 et 62

11

 

Curieux comme cette partie de mes souvenirs d’enfance ne fait guère appel à des souvenirs d’écolier, alors qu’à cette époque-là (et cela même avant de lire Pagnol (ce devait être l’été 85)) je voyais constamment la vie d’écolier comme le centre d’intérêt principal de mon existence. (Je crois avoir, plus tard ou même cette année-là (je n’en suis plus sûr à cause de la mort de mon arrière-grand-mère paternelle, dont je ne sais plus si elle intervint après cette « œuvre »), commencé d’écrire une autobiographie dont l’essentiel était constitué par mes journées/années d’écolier.)

 

Et, pour ma onzième année, encore, j’aurais envie de raconter les soirées passées – en juillet – à jouer au badminton avec Tim, à Francfort. En quelques heures, en ne parlant que peu l’allemand (j’allais entrer en cinquième et n’avais donc commencé que depuis un an), j’étais devenu très ami avec Tim, de deux ans mon aîné et le fils du l’ex-correspondant de mon père. Cette amitié devait sans doute beaucoup à la soudaine possibilité de jouer longtemps, durablement, avec un camarade : badminton, jeux de société, tout y passa. (Une qui a bien dû s’emmerder, lors de ce séjour allemand, ou plutôt lors de la petite semaine à Francfort, c’est ma mère.)

 

Alors, pourquoi ne pas raconter la vie d’écolier, ou les longues après-midi d’automne ou d’hiver dans le bois à Cagnotte ? L’Allemagne ou la Tunisie apportent-elles plus d’exotisme narratif, plus de variété ? N’y a-t-il pas un risque, dont je m’aperçois depuis quelques jours, de céder au contraire, en choisissant de tels épisodes saillants, à la monotonie stylistique d’un album de photographies feuilleté nonchalamment, d’un œil distrait, le menton semi-somnolent, sans se fouler ?

Puisque l’objectif est de publier à terme les textes de ce projet dans l’ordre arithmétique – alors que leur ordre d’écriture aura épousé des cercles concentriques de plus en plus rapprochés du centre (à l’inverse du galet jeté dans l’étang) – il sera amusant de voir quel effet ces éventuels soubresauts stylistiques, souvent dus à la fatigue et à la précipitation (je n’ai qu’une dizaine de minutes à consacrer à l’écriture du double fragment quotidien), feront dans la trame globale de l’ouvrage.

Il n’en demeure pas moins que les notes en miroir se répondent bizarrement, un peu comme les coups mal emmanchés d’une partie de badminton ficelée de traviole, ou se dressent chichement, comme des tiges dans un toit.

 

 

62

 

Je me rappelle ce toit dans lequel étaient fichées, lancées vers le haut, des tiges de fer dont la fonction principale était, comme sur tous les autres toits de cette ville tunisienne, d’éviter la taxation puisque, si tige il y avait, la maison n’était pas achevée (et, de fait, aucune maison, ou presque, n’était, du coup, achevée, toutes attendant, assez babéliennement, une troisième ou un quatrième étage), ce toit sur lequel, tous ces jours d’août brûlants, nous déjeunions et dînions, et où nous côtoyâmes, pas longtemps, un mouton bien gras et bien laineux qui fut égorgé puis mangé le soir du mariage de notre ami M., dont les noces nous avaient conduits dans cette ville de Tunisie dont on a, à l’hiver dernier, beaucoup entendu parler lors de la révolution qui a mis à bas le régime du dictateur Ben Ali, lui qu’en cet été 2000 nous voyions, photographié ou peint, sur tous les murs, dans le moindre recoin du moindre souk populaire – pas trop dans le souk du centre ville, destiné aux touristes (à qui, sans doute il serait malséant de donner à voir le culte de la personnalité dans toute sa triste hideur), mais partout ailleurs – et donc, dans cette ville, dans ce quartier aux rues non bituminées de cette ville tunisienne, sur ce toit qu’alternativement je serais tenté de nommer le toit du mouton, ou le toit de la tante (car M. avait une tante d’onze ans plus jeune que lui, dix-sept ans, très belle (comment tu parles de ma tante, toi ? avait-il dit en rigolant (mais pas seulement)), qui, invitée avec sa mère, branche pauvre de la famille, pour trimer lors du mariage, résidait donc, si mes souvenirs sont bons, dans une piécette attenante à ce fameux toit), lieu qui a la particularité de m’évoquer des souvenirs très précis (trous d’aération, étente à linge, repas de demi-thon très pimenté) tout en n’ayant plus, in my mind’s eye, de topographie aisément descriptible, puisque, comme la longue parenthèse relative à la très jeune et très belle tante de M. me l’a montré, je ne vois plus bien comment s’y accrochait la cahute des deux demi-esclaves (la tante et sa mère). Sur ce toit, un soir, tu as hasardé le rituel du henné. Et es tombée enceinte moins de deux mois après.

Malchanceux

13 octobre 2011

Nous en avons vu, des oiseaux pliés en plein vol. Icare encore. Gouache, aquarelle, brûlure et cendre, le regard des marcheurs se tournait du côté du moulin -- du moulin sur la rivière Floss, au moins, et au mois d'avril (le plus cruel mois). Sa manie de clore des phrases emberlificotées par des parenthèses ne l'a pas quitté, je renonce, dit la correctrice, à ce que je crois savoir. Au moins, et au mois d'avril. Avril, le plus cruel mois, je me rengorge, moulin, battre des ailes ce n'est pas rien... phrases brutes, emberlificotées, je m'embrouille, n'avance à rien. Oiseaux, donc, et vagues.

Oiseaux imprécis, écrasés, au vol brisé brutalement, oiseaux pliés en plein élan. On revoit le volatile plus tard, toujours de façon fugitive, au bord de la Loire, et même plus à l'abri du vent, en échappant aux bourrasques, se réfugier dans les salles vastes du Château de Tours (que l'on a saisi combien de fois par une imagination mécanique ?), bref se réfugier et revoir là aussi le volatile... mais plié en plein élan, pilé. Elle, donc, elle (pas Christelle, Anne, encore une nouvelle figure, encore un énième ectoplasme (qu'est devenu Bernard ?)) revoit, après avoir cherché à effacer de sa mémoire, et même de son passé, les explosions, les événements traumatisants, elle revoit le volatile, capté en miroir, prisé en relief, pris dans son regard, c'est terrible. Phrases embrouillées. Qu'est devenu Bernard ? Qu'est devenu Bernard ?

Anne (ce n'est que la première partie de son prénom composé, elle a le regard sûr, elle a marché longtemps avec les autres, leur périple le long du fleuve n'est pas rien, on pourrait s'y perdre, s'égarer (qu'est devenu Bernard ?)) revoit, car elle vit une longue file d'oiseaux qui volaient haut dans le ciel, en un vol rassemblés, un vol d'oiseaux traversant le ciel. Oiseaux, donc, regard sûr, vision précise, aucun flou, et vagues. Près de ce gouffre qui s'ouvre dans le sol (et qui ne rappelle pas le moulin sur la Floss, plutôt une bouche de métro - Charing Cross ?), elle voit cette file d'oiseaux, qui lui rappelle encore le mythe d'Icare. Icare encore. Elle évoque Bernard, et s'aperçoit qu'il est près d'elle, était-il aussi dans le château, près de la bouche de métro ? Bernard ne sourit pas, il a l'air figé dans son élan, et, comme il n'a pas levé le regard, il devient progressivement évident (pour Anne, pour personne d'autre) que c'est le colonel Sanders qu'il remarque.

Oiseaux pliés en plein élan. Revoir le volatile. Il sauta par la fenêtre au risque de se rompre les os. Au tableau noir (vert sombre, en fait, comme tous les tableaux noirs), la main a tracé les mots Icarus et Icarean, ainsi que les mots Zero at the bone et, plus mystérieusement : OS > OISEAU. Anne ajoute, dans ses notes : What's in a bird ?. Sachez-le, le tableau n'était pas noir, c'était un tableau blanc, et les mots avaient été, non tracés, mais inscrits au feutre rouge. (J'avais même plaisanté : out of the blue écrit en rouge.) Icare, tombé du ciel, out of the blue, écrasé par une bagnole. Remythification ? Qu'est devenu Bernard ? Il a disparu, encore, de sorte qu'Anne se demande si ce n'était pas une hallucination. Elle revoit le volatile, sa rétine le porte. Peut-être s'est-il brûlé à votre rétine, il faudrait ajouter les mots oeuf et oeil, toujours en rouge, puis effacer le tableau, et avec les inscriptions effacer le passé, les événements traumatisants, les tragédies, les incendies, les explosions. Faire qu'Icare atterrisse. (Utopie.) Faire qu'Icare vole. Icare, Icare. Icare encore. Icare (son vol achevé, ailes pas brûlées, intactes) est seul sans être à l'écart. Oh, arrête...

Oh, arrête. Oh, arrête ? Non, reprenons, plutôt. Reprenons mieux, de plus haut. De plus haut ? De haut ? (Au moment où Icare, splosh, flop, plouf, n'atterrit pas, amerrit, trouve sa tombe.) Anne se dit qu'elle a failli tomber de haut en voyant le diptyque dérangeant de Sacha Ketoff. Un malaise larvé. Tout a failli tomber à l'eau, dit-elle à Bernard qui la regarde, plus près qu'elle de la sorte de gouffre, bouche de métro, croix sans partage. Une angoisse larvée. Avec le nom de Sacha Ketoff, se dit Bernard (ectoplasme, nouveau masque du scripteur ?, s'interroge en marge la correctrice lassée de corriger les agaçantes parenthèses emboîtées et passant à l'ennemi (à la place du tableau noir gras de sueur il faudra fixer des couleurs, tel mot en rouge par exemple), participant elle-même de l'embrouillamini (phrases emberlificotées)), on pourrait commencer une série de poèmes acrostiches, 11 vers pour 11 lettres à l'initiale. Et si c'était des hendécasyllabes... Comme si elle lisait dans ses pensées, pense-t-il, Anne lui parle alors de carrés. Il comprend vite qu'il s'agit des oiseaux de Ketoff, pas de son projet. La chute dans la mer, dit-elle, ajoute-t-elle, entend-il, est comme une petite carie douloureuse mais marginale, dans le coin inférieur droit du tableau.

Reprenons (en avril, mois cruel, prends la file). Elle a une dent contre moi, pense Bernard. Reprenons de plus haut. Le volatile fugitif n'est pas l'oiseau plié en plein élan et fixé par Sacha Ketoff, qui n'est pas non plus Icare. D'Icare, il faudrait (acrostiche ou pas) étendre, s'interroger sur les prophéties, le labyrinthe. La bouche de métro n'est pas la bouche d'ombre n'est pas l'écume des vagues (ni des jours). L'un des onze styles (le onzième) est même qualifié de « sibyllin ». Oiseaux, et vagues. Vision précise, regard sûr, etc. (qu'est devenu Bernard, pense Bernard). La correctrice n'en peut plus. Anne, désorientée, constate que les oiseaux meurent, sont écrasés (on entend le craquement atroce de leurs os), pliés en plein élan, fouettés en plein vol (et pour la danse, j'ai mis «pirouettes» (c'est mauvais)), que l'homme-oiseau, l'enfant-oiseau, s'est brûlé les ailes trop près du soleil, que l'utopie est impossible, le retour en arrière illusoire. Meredith (qui doit son prénom à un autre George romancier de l'ère victorienne, un homme-plume) ne sera pas the highest high flier, l'apogée, la prunelle de leurs yeux, l'échelon le plus abouti de la reproduction des élites.

Bernard s'intéresse beaucoup au théâtre et nous recommande vivement une première de Gilles Bouillon. Il faut être fou. Anne passe outre. Envoie un pigeon ou un SMS. Anne s'intéresse beaucoup au théâtre et nous recommande vivement une première de Claire Diterzi. Pourquoi pas. Mais le message n'est pas passé, la Sibylle était aphone, le pigeon n'était rien d'autre, finalement, qu'un oiseau urbain malchanceux.

dimanche, 16 octobre 2011

Exister est un plagiat : 10 et 63

10

 

Au début de l’été 1984, marqué par la première victoire (que je ne vis pas) de l’équipe de France de football dans une compétition internationale (l’Euro), mes grands-parents maternels m’emmenèrent à Paris, via Loches et Versailles (& étape à Fontainebleau au retour). Nous avons passé une semaine dans le petit appartement qu’occupait alors, à Vincennes, avec son compagnon, ma tante. J’ai de nombreux souvenirs précis de ce séjour, et notamment d’avoir été ébloui, fasciné par l’univers du métro : les noms des gares en grandes lettres blanches sur fond bleu, le compostage, les lignes dont le trajet est en partie à ciel ouvert, les escalators… Avec mes grands-parents, nous déjeunions chaque jour au restaurant, ce qui était tout à fait nouveau pour moi.

Je me souviens très bien du musée Grévin – absolument pas de Carnavalet (que j’ai revu en 2009 – rien ne m’a rien rappelé).

Au mois d’août – ma sœur se trouvait près de Hambourg dans la famille de sa correspondante – mes parents ont hébergé une prof de français américaine qui encadrait (de très loin) un groupe de lycéens américains résidant chez des hôtes payants. Originaire de l’Iowa et maîtrisant assez moyennement le français, elle se prénommait L’Louise (je n’invente rien), et, malgré son patronyme, n’avait aucune espèce de rapport avec Isabella Archer. Son séjour, qui a laissé un souvenir assez ambigu car, quoique souvent exaspérante par sa sottise, L’Louise était très gentille, a essaimé en une multitude de souvenirs, phrases, situations, mimiques. (Ce fut, au demeurant, un très bel été.)

 

 

63

 

Ce n’est pas à Paris, mais à la maternité de Beauvais, le 11 juillet 2001, à dix heures moins dix, en soirée, qu’est né Alpha.

Le 11 août, ce n’est pas à Paris, mais à Dax, lors du concours landais des fêtes, que Jean-Pierre Rachou est mort en piste.

Ce n’est pas à Paris, mais à New York, le 11 septembre… [compléter la phrase à votre guise]

 

Ce n’est pas à Paris que j’ai soutenu ma thèse, le 9 novembre, mais à Dijon.

 

(Je garde le reste pour moi, ou pour plus tard – le deuxième récit de cette même année.)

W.M. 19 : Georgios le diadoque

dédié à Sébastien Doubinsky et à ses non-haïkus

 

A vingt-cinq ans Georges de Grèce

N'était encor que diadoque :

Si ce non-limerick vous strèce

Retournez fissa au padoque !

 

Bien que le titre de ce quatrain d'inspiration wikimerickienne puisse faire penser à un nom de Gormiti, je vous garantis qu'il n'en est rien.

samedi, 15 octobre 2011

Exister est un plagiat : 9 et 64

9

 

Au mois d’avril, notre classe de CM1 s’est rendue, pour une quinzaine, en classe de neige à Jézeau, dans les Pyrénées. Ce n’était pas la première fois que j’allais à la montagne, où mes parents nous emmenaient chaque année, pendant une semaine, aux vacances de février. En revanche, c’était la première fois que j’allais passer aussi longtemps loin de ma famille. Je me rappelle l’angoisse de ne pas savoir faire mes lacets (mon grand-père maternel m’a appris peu avant le séjour, au pied du mur en quelque sorte), et je me souviens que ma mère, dans sa première lettre, m’écrivit, entre autres recommandations : « essaie de mettre ton pantalon à l’endroit ; c’est plus confortable, comme ça, tu sais ». (J’avais huit ans, et en raison de mon année d’avance, il s’agissait certes d’une exagération, mais d’une inquiétude vaguement légitime.)

Lors de cette quinzaine, qui s’est transformée, par la force des choses (du temps), en classe verte, j’ai appris le mot mortadelle – et j’en ai goûté pour la première fois.

Lors de cette quinzaine, nous vivions dans un centre d’hébergement spécialisé dans l’accueil des classes. Il y avait, avec nous, une classe de CM2 de Villeneuve-de-Marsan, et une dizaine de trisomiques que l’on nous apprit, par euphémisme métonymique, à nommer enfants de Lourdes.

Un soir, lors d’une des nombreuses parties de football que nous avons disputées au fil de la quinzaine, j’ai failli marquer un but. (Cela était suffisamment rare pour mériter d’être souligné.) ―――Pas mal de coupures de courant…

 

 

64

 

Au mois d’avril, Alpha, âgé de neuf mois, avait appris à se déplacer en trotteur, ce qui était, pour lui, source d’extase et d’hilarité. Des photographies de la même époque le montrent aussi en train de jouer avec la télécommande du magnétoscope, ou en train de chercher à enfoncer joyeusement la chaînette en plastique de sa tétine dans le nez de mon grand-père paternel (à Saintes). Nous avons commencé à nous rendre avec lui à la médiathèque de Beauvais, avec arrêt (prolongé, souvent) à l’espace réservé aux (petits) enfants.

Peu après, il apprenait à se mettre debout tout seul.

Il y avait, non loin de chez nous, à Beauvais, une grande place de terre battue, la Place du Jeu-de-Paume (où un de nos amis, languedocien d’origine, jouait, avec des « collègues », à la balle au tambourin), et un parc arboré assez vaste, le Parc Kennedy.

Pas mal de journées sont passées… Pas mal de journaux sont parus…

Un trou d'air

               "C'est énorme. On est nuls, on est mauvais jusqu'à la moelle, et on est en finale ! "

(Alpha, 10 ans)

vendredi, 14 octobre 2011

Exister est un plagiat : 8 et 65

8

 

J’ai une fâcheuse tendance, dans les chapitres déjà écrits de cette autobiographie en 74 fragments (0, 73, 1, 72, 2, 71, 3, 70, 4, 69, 5, 68, 6, 67, 7, 66 et 65), à me fixer sur des moments très particuliers, notamment des voyages, ou à partir de photographies. Faut-il éviter ce qui peut s’apparenter à de la facilité ? Comment raconter, autrement qu’en saisissant un ou deux éclats, toute une année ? L’autobiographie rétrospective est à des années-lumière du journal intime.

Pour ma huitième année, j’étais tenté de raconter un nombre non négligeable de souvenirs du voyage en Angleterre et en Ecosse de l’été 82. Tout se bouscule, et la tentation est grande, soit d’ouvrir un nouveau projet d’écriture et de tenter de faire une liste exhaustive de tous mes souvenirs de ce voyage qui a duré six bonnes semaines (en caravane), voire ensuite de s’appuyer sur le journal de bord que ma sœur et moi avons dû tenir à la demande de nos parents, soit de ne rien dire, de ne rien garder, de repousser tous ces souvenirs et ces mots qui demandent accès.

Alors, je raconterai quelque chose de minuscule, sans rapport avec ce long périple de plusieurs semaines, ni avec mon hospitalisation grotesque à Caen au retour d’Angleterre. Quelque chose de minuscule, et de quasi quotidien. Une fois notre famille bien installée dans la nouvelle maison de Cagnotte – et sans doute ce que je vais narrer à présent avait-il commencé avant mon septième anniversaire – ma sœur et moi allions tous les soirs, juste avant l’heure du dîner, chercher le lait à la ferme de Sarraillot. Nous portions un pot à lait en… en quoi… en aluminium ? Il y avait deux cents mètres jusqu’à la ferme où le métayer, Gaston, nous accueillait, trayait les vaches devant nous, nous disait leurs noms, nous invitait à leur donner à manger. Ma préférée était la troisième en partant de l’entrée de l’étable – Poupette, je crois. Gaston (dont le vrai prénom était Jean-Baptiste) nous racontait diverses anecdotes tout en trayant les six (ou sept ?) vaches à la main. Nous ramenions le lait à la maison, et le buvions le lendemain matin, avant d’aller à l’école, avec du chocolat en poudre de la marque Poulain.

 

 

65

 

Ce n’est pas seulement en manifestant tout le printemps contre la réforme des retraites que nous avons célébré nos derniers mois à Beauvais. Nous avons mis notre petite maison de la rue Jean-Baptiste Baillière en vente, multiplié les petites brocantes, les dernières fois – dernier tour à Amiens, dernière visite à la médiathèque, dernière fête de fin d’année au collège de C***, derniers repas dans la minuscule courette, etc. Le Noël précédent avait été le premier vrai Noël d’Alpha. En juin, il jouait, dans la ruelle, au ballon ou avec sa locomotive en plastique (la cocoto).

Quant à la fameuse canicule de l’été 2003, nous l’avons subie dans les Landes, et, pour ma part, à m’envoyer le déménagement entre Cagnotte, Beauvais et Tours. La première soirée dans la nouvelle maison, beaucoup plus spacieuse mais en location, de la rue Guillaume Apollinaire, je la passai seul, chaudement débarqué de Beauvais et à la veille de la livraison de nos meubles et cartons. Je me revois, après pas mal de rangement, pianoter sur mon ordinateur portable d’alors, dans le bureau-placard du séjour. Il faisait chaud. Le lendemain soir, j’étais de retour à Hagetmau.

Lors des premiers mois de notre installation à Tours, le climat assez particulier de la région n’a guère réussi à la famille. (L’automne reste délicat chaque année, d’ailleurs.)

W.M. 18 : Baie d'Or (Goldberry ?)

Je ne suis, c'est sûr, pas cador

En tolkienneries : si Baie d'Or

Etait non su de moi, Ugluk

L'est tout autant, et je n'ai plus qu'

À clumer dans le corridor.

jeudi, 13 octobre 2011

Maison de passe & petites économies

Les bureaux de la Jeune Chambre Economique d'Indre-et-Loire, dans la rue du Champ-de-Mars, se situent dans une ancienne maison close.

Outre la resémantisation intéressante de l'expression ton bureau, c'est vraiment le bordel, on peut songer qu'il y a, dans cette collusion chronotopique entre chambre économique et maison de passe, une sorte de plagiat par anticipation de l'affaire DSK.

(Merci à Lionel F. d'avoir attiré mon attention sur cette information insolite.)

« Musty ». Une intrigue.

En faisant le lit de la chambre à coucher, mais aussi en ouvrant les portes de l’armoire du couloir (que nous avons récupérée chez la grand-mère de C*** et que nous cherchons à aérer avant d’y entreposer draps brodés et mouchoirs de linon, comme dans la chanson de Thomas Fersen), je me suis demandé quelle était l’étymologie de l’adjectif anglais musty. Je le note ici, pour vérifier tout cela au moment où je m’apprêterai à publier ces textes. (Sans doute ajouterai-je alors quelques paragraphes, ou quelques phrases.)

 

à Ce bref billet du 12 juillet, je le complète en effet, trois mois après, avec un copié-collé de la rubrique « étymologie » de l’OED :

Etymology:  Origin uncertain; compare the related must v.2 and must n.4 Probably related to moisty adj. and moist adj. (compare sense 1b), although the nature of the relationship is not clear: perhaps < Anglo-Norman muste , moste , variants of moiste ,muiste moist adj. (compare also French regional forms in sense ‘mouldy’: seeFranzösisches Etymol. Wörterbuch s.v. mūcĭdus); or perhaps < one of its Romance cognates: compare Old Occitan moste (13th cent.; Occitan moste , mosti , Occitan regional (Gascon) musti , all in sense ‘wet, damp’), Spanish mustio wilting, discouraged (1250), Spanish (Galician) murcho , mucho withered, faded, sad, discouraged, Catalanmusti faded, wilted, sad, discouraged (late 14th cent.), Portuguese murcho withered, faded, sad, discouraged; or perhaps a variant of moisty adj. (perhaps by association with must n.1; compare musty adj.1). On semantic grounds at least, perhaps compare also Middle French, French moisir and its past participle moisi mouldy, musty (ultimately < a variant of classical Latin mūcēre : see mucor n.), with which Palsgrave equates the word (see quot. 1530 at sense 1a). 

 

Je n’ai pas réellement envie d’ajouter paragraphes ni phrases, mais plutôt un dizain tiré du recueil assez drôle de C.J. Dennis, The Glugs of Gosh, qui date de 1917 :

In Gosh, sad Gosh, where the Lord Swank lives,
   He holds high rank, and he has much pelf;
And all the well-paid posts he gives
Unto his fawning relatives,
        As foolish as himself.
In offices and courts and boards
   Are Swanks, and Swanks, ten dozen Swanks,
        And cousin Swanks in hordes--
Inept and musty, dry and dusty,
        Rusty Swanks in hordes.

 

On reconnaît bien, dans ce choix, tout mon amour de la paronomase.

W.M. 17 : On Hemingway's "Indian Camp"

True, impressive is Indian Camp,

With style there's no need to revamp.

Its author, Ernest,

Was not always earnest.

(That pun's really threadbare and damp.)

Exister est un plagiat : 7 et 66

7

 

En 1980, mes parents ont acheté un terrain d’un bon demi-hectare, à la campagne, à douze kilomètres au sud de Dax. Les travaux ont commencé à l’automne, et je me rappelle qu’au début nous y allions le dimanche. Mes parents arrachaient les ronces qui avaient, depuis des années d’abandon, envahi le bois. Ma sœur et moi jouions. Il ne passait presque jamais de voiture sur la petite route.

Au cours de l’hiver, comme la construction du sous-sol semi-enterré était achevée, et comme – je suppose – mes parents avaient déjà trouvé acquéreur pour la maison de Saint-Paul-lès-Dax, nous avons déménagé, et vécu pendant quatre mois au sous-sol : dans la pièce qui deviendrait ultérieurement salle de jeux, salle de musique, deuxième bureau de mon père, mes parents avaient installé trois lits et un radiateur à bain d’huile. Dans la partie du sous-sol où l’on installerait après la table de ping-pong, se trouvait la caravane, où mes parents cuisinaient et où nous prenions nos repas. Tous les dimanches, nous allions chez mes grands-parents, à Saint-Pierre-du-Mont, afin d’y prendre un vrai bain.

C’est à la fin juin (ou début juillet ? je ne sais pourquoi, dans mon premier vrai souvenir de ma chambre d’enfant, je me revois ouvrant les volets le matin du 7 juillet), nous avons emménagé pour de bon dans la maison. Au cours de l’été, et ce en dépit de finances un peu serrées, nous sommes allés en voyage, pendant une quinzaine de jours, et en caravane, dans le Massif Central. Je me rappelle les Puys, La Bourboule, le camping de Millau avec sa piscine biscornue en petits carreaux verdâtres, et Chaudes-Aigues (où un monsieur m’a donné une pièce de vingt centimes parce que je notais sur un petit carnet son n° de plaque d’immatriculation et qu’il a fait semblant de croire que je lui mettais une contravention).

Contrairement à mes nombreux souvenirs très précis des premiers mois en CE1, je n’ai aucun souvenir de la rentrée de CE2.

 

 

 

66

 

De notre première année à Tours, j’ai surtout gardé le souvenir de promenades au Jardin botanique avec Alpha le mercredi matin (nous ramassions les feuilles de paulownia), des embouteillages sur le chemin de la crèche, des pleurs le matin à l’école maternelle, des lectures au salon ou dans le petit salon attenant à la chambre d’Alpha, à l’étage. Le garçon adorait passer des heures à jouer dans le tout petit cagibi (que, tout jeune, il nommait le cajagibi) où se trouvait l’accès à la cave.

 

C’est au début de l’automne que le père de C*** a appris que lui aussi avait un cancer (de la plèvre).

 

Le 11 novembre 2004, jour de mes trente ans, C*** m’a fait une surprise, et plusieurs amis que nous n’avions pas vus depuis un certain temps sont arrivés pour le déjeuner. Il y avait aussi mes parents, ma sœur et son compagnon de l’époque. Outre le Haut-Médoc, le vin blanc moelleux (Pacherenc, bien entendu) coule à flots.

mercredi, 12 octobre 2011

Exister est un plagiat : 6 et 67

6

 

Le jour de mes cinq ans (ou était-ce au passage de la petite souris pour une dent perdue ? si c’était l’anniversaire, il y avait autre chose comme cadeau – si c’était une dent perdue au cours de ma sixième année, il serait facile de le vérifier avec les dates de sortie des disques), mes parents m’ont offert trois 45 tours : Aux armes etc. de Gainsbourg, Des ailes dans le dos de Michel Fugain et Sentimentale-moi de Plastic Bertrand. Je note cela afin de me tendre un miroir à moi-même et de bien continuer à ne pas en vouloir à mes fils quand ils m’imposent René ou Rihanna la taupe.

La même année, apprenant à lire en catimini grâce à ma sœur aînée qui jouait à la maîtresse d’école, j’achevai aussi de me passionner pour les chiffres et les nombres, en particulier grâce aux plaques minéralogiques et aux numéros des départements français. Sans doute est-ce sous le poids de cette obsession que je chantais alors, à ma façon, le refrain (ou plutôt la litanie finale, car ce n'est pas un refrain) de Message in a bottle, une chanson que l’on entendait sans arrêt et que mes parents aimaient beaucoup ; ainsi « Sendin’ out an SOS », tel que je l’ai compris depuis, devenait dans ma bouche

Seine-et-Marne un S.O.S. !

Seine-et-Marne un S.O.S. !

Seine-et-Marne un S.O.S. !

Seine-et-Marne un S.O.S. !

 

(Cet exemple plaide à lui seul pour l'apprentissage oral des langues. Un enfant qui ne voit pas écrit le mot sending mais l'entend dans une chanson n'a pas même l'idée de former une dentale, ou d'aller pêcher le son vocalique /i/. Sendin' out se dit en fait senène a-out, donc un enfant francophone peut comprendre Seine-et-Marne.)

 

À l’automne 1980, ayant fait ma rentrée directement en CE1 après avoir appris à lire et compter, mais aussi, plus sommairement, à écrire, au cours de ma dernière année d’école maternelle, j’en ai un peu bavé. Je me souviens d’être rentré un soir, en voiture, ma mère au volant, et que nous nous sommes retrouvés dans un énorme bouchon dont l’origine fut bientôt connue : le grand magasin du centre ville de Dax, Le Friand, était en flammes. On voyait d’ailleurs de gigantesques volutes noires dans le ciel. Pour des raisons essentiellement métonymiques, le souvenir de cet incendie est lié, pour moi, à la chanson L’Encre de tes yeux, de Francis Cabrel, et à Babooshka de Kate Bush. Je me revois aussi, le lendemain matin de cet incendie, en train de faire un exercice de grammaire dans le Bled, sur la table de la cuisine chez mes grands-parents, à Saint-Pierre-du-Mont, et lire (ou tenter de déchiffrer, dans mon peu de familiarité avec les codes de la presse écrite) ensuite l’article du quotidien Sud-Ouest relatif à cet événement.

 

 

67

 

C’est en juin 2005 que m’a saisi la frénésie des blogs, qui continue jusqu’à ce jour.

Ecrire dans un blog a été pour moi le moyen de me mettre vraiment à l’écriture, alors que je n’avais plus écrit que très occasionnellement, par secousses, depuis la fin de mon adolescence. Par exemple, en décembre 2004 et janvier 2005, je m’étais lancé dans une entreprise baptisée Multijournal, et qui n’a avorté, ou capoté, qu’en raison de l’impossibilité de faire foisonner le texte simplement : c’est la simplicité technique qu’a apporté le recours au blog. Depuis 2005, j’ai lancé, au sein de ces sites personnels utilisant le format blog, des projets d’écriture nombreux, dont certains portent la marque, heureuse ou malheureuse, de leur nature webmatique.

Il m’arrive de me dire que ces séries de textes, une fois parachevées, pourront faire l’objet de recueils ou d’ouvrages que je devrais tout de même tenter de placer auprès d’éditeurs.

 

En juin 2005, également, nous avons acheté, tardivement si l’on compare la date de cet achat à la plupart des gens de notre entourage, un appareil photo numérique. Il s’est développé depuis, là aussi, une forme de folie.

 

J’ai intitulé mon premier blog, comme plus tard mon site de photos, Touraine sereine. Tout aussi topographiquement, ma sœur a baptisé son propre blog Au Four et à Melun. (Elle vit en Seine-et-Marne.)

mardi, 11 octobre 2011

Quasi cristaux

Boiseries de la sacristie, 1576. Cathédrale Saint-Julien, Le Mans, dimanche 16 janvier 2011.11 octobre 2011

Je suis sujet à des évanouissements, à des éblouissements. Un grand cri dans la nuit, un grand Christ étoilé dans le noir, un grand crucifix au mur de la chambre, et un Christ humble, vivant et splendide accompagnant notre périple. Il n'y a pas de cheikh, ni de shaker. Personne abandonné, on écrase une larme. Eau et fer sont fréquents, offert se rencontreen tous lieux, dans les entrailles d'un poulet. C'est un voyage de mots. C'est un voyage de phrases.

On célèbre... quoi...? les quasi-cristaux ? on célèbre... est-on vraiment emballé ? ce n'est pas dit. Qui confond jeu de mots et calembour s'évertue à avoir raison. Une phrase compliquée, c'est un voyage de mots. C'est un voyage de phrases ! Tout de même, c'est un voyage, mais dans la pierre. Notre périple nous conduit parmi les promeneurs aux ombres à jamais immobiles. Nous y sommes. Phrases, pages que nous parcourûmes. Ce journal ne peut s'écrire qu'en devenant imaginaire. Les ratures pullulent, ça m'agace. Les ratages s'accumulent, ça dépasse le Suédois, ça surpasse les fourmis, ça fait une impasse. Les ratures pullulent. Les rats pullulent. On ne sera plus bien loin de La Teste.

La Teste ? êtes-vous fous ? nous descendons la Loire.

Exister est un plagiat : 5 et 68

5

 

Au cours de ma cinquième année, je me revois, dans la cuisine de la maison de Saint-Paul-lès-Dax, en train d’écouter la copie sur cassette du dernier album de Brel. Ma chanson préférée était Le Bon Dieu, qui m’a longtemps ému jusqu’aux larmes. (Aujourd’hui, je suis un cœur de pierre, et plus rien ne m’émeut.) Comme ma sœur l’a déjà raconté avant-hier, les dames pipi de l’école maternelle s’amusaient aussi à me faire chanter Les Remparts de Varsovie, qui n’est pas la chanson la plus enfantine que l’on peut imaginer, que je connaissais par cœur et à laquelle, bien évidemment, je ne comprenais rien. Je ne sais pas très bien comment je pouvais restituer des vers comme Madame promène les gènes de vingt mille officiers de marine.

C’est dans ces eaux-là, aussi, que j’ai commencé à jardiner avec mon père.

Sinon, ma mère a retenu deux images, ou deux souvenirs :

Lors d’une journée à la Mongie en 79 (Pâques) et pendant que ton père et ta sœur skiaient, nous avons arpenté le parking de l'époque, tout en longueur le long de la route menant au col, fermé bien sûr, en regardant les voitures. Tu me donnais leur nom et je te lisais les numéros des départements, ce qui a fait démarrer ta passion des chiffres : grâce à ta mémoire et à ton intérêt pour les voitures, le soir même tu connaissais 40, 64, 65, 33, 31, 32 et quelques autres. Et tu as continué apprenant ainsi de façon très globale !

L'été suivant tu es en photo en train de pagayer sur le lac de Christus à Saint-Paul (avec ton père) tandis que ta sœur est dans un optimiste.

 

(Les souvenirs forment une traînée de poussière.)

 

 

68

 

Fin novembre 2005, je me rappelle m’être promené seul, à Bouchemaine, sur les bords de la Loire la Maine, un matin frisquet. Il y avait un colloque organisé par le centre de recherches angevin spécialisé dans l’étude de la nouvelle et des fictions brèves. Ce n’était que le début d’une longue série de communications enthousiastes donnant lieu à des échanges intellectuels très vifs lors du colloque, et ne débouchant sur aucune publication en raison d’un researcher’s block qui dure encore. J’étais absolument seul à longer la Loire, et à photographier, si mes souvenirs sont bons (car je n’ai retrouvé aucune de ces photographies dans mes archives), la devanture d’un petit restaurant de poissons.

Vers cette même époque, ce même automne, j’ai commencé à écrire plusieurs romans intertextuels dont aucun n’est allé bien loin. L’un d’eux s’intitulait Le Vil Landru à Villandry.

Au cœur de l’hiver, après un très bref séjour à Bagnères-de-Bigorre, j’ai commencé à publier des textes dans un nouveau blog, plus expérimental. Ses teintes grises et noires miroitaient de façon paradoxale le rythme très coloré de ma vie à cette époque. (En fait, c’était juste avant les vacances de février et Bagnères. Mais, je ne sais pourquoi, mes souvenirs persistent à fixer la vraie naissance de ce carnétoile au mois de mars.)

Au printemps 2006, la lutte sociale contre le CPE a donné lieu, non seulement à quelques manifestations auxquelles j’ai participé, avec Alpha, mais aussi au premier blocage de longue durée du site des Tanneurs. Alors que j’avais très peu de cours ce semestre-là, je me suis retrouvé, en tant que responsable des études de Licence 3ème année, à travailler dix fois plus pour répondre aux questions des étudiants démunis, égarés, à participer à des réunions « de crise », à maudire cette forme de lutte sociale qui ne sert qu’à exacerber les positions des uns et des autres sans offrir ne serait-ce qu’une once de début de solution au problème.

Une photographie que j’ai retrouvée de ce printemps montre que je lisais Eric Vuillard, Tariq Goddard, Yémy, Sergio Pitol et Roberto Bolaño (Les Détectives sauvages). À côté de la pile des livres, un flacon de Toplexil. Voilà quelque chose qui n’a pas changé en cinq ans. Autre détail, sur la table de chevet : le réveil rouge, que j’avais acheté en septembre 1994 en arrivant rue d’Ulm, et qui a fini par ne plus fonctionner.

À l’été 2006, après avoir remballé The Good Soldier de Ford Madox Ford, qui n’était plus l’année suivante au programme des concours d’enseignement, j’ai passé une très belle semaine en famille et en Corrèze (est-ce un zeugme ?). Nous avons vu François Hollande à la Fête de l’âne, à Arnac-Pompadour.

En octobre, par une très belle journée, nous avons traîné mes parents au Festival des jardins, à Chaumont-sur-Loire. Ma mère, qui devait finir par se faire opérer de la hanche au printemps suivant, se traînait sans se plaindre. 

lundi, 10 octobre 2011

Exister est un plagiat : 4 et 69

4

 

Au cours de l’année 1978, on m’aura vu me couronner les genoux, vouloir la fève lors de l’Epiphanie, faire du triporteur en plastique, de la voiture à pédales – ramasser les escargots ? Faire de la bouillie de jus de craies colorées, c’était plus tard, car je m’en souviens… à quatre ans… ?

(Peu court.)

 

 

69

 

Bréhémont est un joli village, au bord de la Loire, en aval de Langeais, mais sur la rive gauche. Presque toujours, on y accède en remontant le fleuve, par une route dégagée, sous des ciels crépusculaires d’hiver, ou des nuages mordorés, l’été.

(Une grippe.)

 

Un soir où je suivais l’atelier d’écriture de François Bon, à l’université, j’ai été saisi par une douleur atroce, morale. Je savais que j’avais vu, le 20 janvier, mon beau-père pour la dernière fois. J’ai écrit un texte, qui n’a rien changé, pas même ma douleur.

(Un texte.)

 

Dans les jardins du château de la Chatonnière, il y a une statue représentant un angelot qui tient, enroulé autour de ses cuisses et de son ventre, un serpent inoffensif. La statue est recouverte de lichens jaunâtres qui donnent à l’enfant une expression mélancolique. Il a pu faire, en avril, une chaleur quasi estivale.

(Un peu tôt.)

 

Oméga est né le 20 mai au soir, un dimanche, et presque dans la voiture. Un mois plus tard, quand il lui arrivait d’avoir des crises, des refus de sommeil (ce qui ne lui est presque pas arrivé, de sorte que je peux dater assez précisément ces journées : entre le 20 et le 30 juin), je le berçais en lui chantant Méthode de dissection du pigeon à Zone-la-Ville. En août, en Bretagne (où il ne faisait pas une chaleur estivale), il dormait à poings fermés à Carnac, Josselin, Brasparts, et Locronan. Quand il ne dormait pas, il avait déjà son sourire hilare.

(Une accumulation.)

 

Il n’y aura pas de photographies en regard de ces textes.

(Un refus.) Mais des liens. (Une complication.)