lundi, 07 novembre 2011
Exister est un plagiat : 32 et 41
32
Je ne dois pas me mettre martel en tête. Une tête d’halco, autant dire, un singe en décembre avec un duffle-coat. Pourquoi rien en janvier, et après ça une foison, la main de Balzac, le toit tranquille où marchent des flocons, un balai à gazon sur une épaisse couche de glace. Dynamo se met en marche, un tamarin parisien fait signe, un autre singe encore un autre singe, au printemps celui-là. (Au Salon du livre, si j’ai existé, c’est par le sourire et la main, l’attente dans une cabine de photomaton.) Ensuite, j’enfile la série des Virevoltes (sur fond de bassine à linge, sur fond de radiateur en fonte, sur fond de nappe, sur fond de carrelage, sur fond de miroir avec ma gueule, sur fond de matelas moiré, j’en passe), Chambord, le chambard au jardin d’enfants, Landes-le-Gaulois un toponyme de totale prédestination avec notices pancartes fautives vieille 2 CV des années 50, le chambard encore, la guimbarde au retour de Chambord, Saintes avec une couronne jaune, d’autres Virevoltes, Watt, la fée électricité, le chambard, une vie c’est compliqué, Mammouth dans la courette où enfant je jouais aux petites voitures – avec les joints entre les dalles qui faisaient les meilleures routes de toute mon enfance –, la fontaine d’eau chaude, l’aquarium de Biarritz et le mur(et) d’escalade, Lussac Civaux Montmorillon, une nuit à Saint-Savin, tout ça pour finir par un matin au bord de la Mer rouge. Je ne dois pas me mettre martel en tête mais ça continue de plus belle, et depuis belle lurette. Alors ne rien oublier, ni le banc rouge à Ménil, ni le violon de faïence dans une vitrine à Blois (à quoi m’avait servi de lire Champfleury ?), ombres sur le bleu de ciel, keep me covered, un porc-épic, mes parents peignant des planètes, la rue des Fossés-du-Château. D’un château l’autre, donc, ça continue, de plus belle toujours de plus belle, quand s’arrêtera mes aïeux cette effroyable accélération du temps, dire que ce midi encore on parlait de ça, de l’éternelle jeunesse, je confonds toujours un peu Faust et Dorian Gray, pour ne rien dire de ce mois de jouvence, juin pardon, un panda roux au zoo de Doué, des grimaces, un malaise, une fête avec une danse de rubans, une promenade au château du Rivau avec les Québécois d’adoption (Clément venait de naître), quelques jours dans les Landes car C*** faisait passer les examens d’un quelconque BTS dans un quelconque faubourg de Pau (d’Orthez ?) et son père allait très mal, alors à côté de cela Descartes Preuilly La Guerche le Grand-Pressigny ça n’a pas de poids, c’est le jour de l’été, la fête de la musique, en remontant l’avenue en voiture on double ma collègue Fabienne en vélo qui ne nous voit pas. Ça continue, pourtant, le tintamarre de la mémoire ne connaît pas d’interruption, alors j’enchaîne j’enfile je circonflexise à fond, and here we come André Markowicz au prieuré Saint-Cosme, la mosaïque infernale au Musée Labenche, les travaux à Tulle, je me mets toujours plus Martel en tête, d’immenses dinosaures en béton armé menacent de se casser la gueule sur moi, même pas peur, la religion tue le monde, l’illumination à Souillac, le faux derche à Commarque et le vrai François Hollande à Arnac-Pompadour, à la fête de l’âne je n’invente rien. Le mois de juillet s’est-il achevé sur la guimbarde (encore une guimbarde) 110 Cuites 210 Cuites, il fallait que le mois d’août fût modéré, alors on ne retient que la cible rouge d’Arthous, elle suffit à plonger dans le bain d’un mois à la chaleur modérée, aux pluies modérées, aux dernières joies d’une vie comme un feu vif, je pleure en écrivant cela, ce n’est pas bien de l’écrire mais le bien maintenant… Après la mante religieuse pour de vrai, le scorpion pour de faux de Jean-Luc Goupil, donc Tutuola, ergo des orangs-outangs à Beauval, tout cela se tient, on sait se tenir croyez-moi. Je termine ce calendrier cet almanach façon Jean-Louis Murat (je veux dire par là que c’est obscène et dénué de sens), les chrotomis sont très gentils, ma mère boquillonne, octobre est sobre malgré le décor de carton-pâte rouge, un cornichon géant me salue à Montlouis, décidément me dis-je à la fin du mois en lisant Virginia Woolf, le scorpion n’a qu’à bien se tenir. Au moment de fêter mon anniversaire, je suis totalement épuisé (c’en sera de même cette année je le crois) : « jets de pierre interdits » et statue verte de Vigny (sous peine de poursuites).
On poursuit en 41. (Non, j’aurai 67 ans en 2041, hors de question que j’arrive jusque là.)
41
Coquetterie. Dans l’œil. Pan dans les dents.
Nous revoici à Bristol. Le texte fait mosaïque, ou plutôt kaléidoscope (on en ramène un, motifs du Magic Roundabout à l’extérieur, petits cristaux multicolores dans la lunette).
Cette année-là, je ne sais plus pour quelle raison, mon père avait ramené à la maison, et déversé près du portillon du jardin, un tombereau indistinct dans lequel se trouvaient surtout des myriades de petits carreaux de faïence bleues, vertes et jaunes, ébréchés pour la plupart. Souvenir d’avoir joué avec ces petites merveilles, plus ébloui que si la caverne d’Ali Baba s’était ouverte devant mes yeux.
On passe un temps fou avec les aïeux, ceux de Fadesse ou ceux de Normandie. Bientôt ces derniers ne seront plus qu’à Saintes, ville dont je ne dis rien dans ce livre, mais dont le nom ne cesse de revenir, comme un mantra.
Mater. Anagramme ? Ma terre, celle dans laquelle je fouaille avec les doigts, aussi en jouant avec les petits carreaux de faïence ébréchés, c’est l’image de ma mère, il n’y a qu’elle. (Trop d’images pour en choisir une seule.)
― Tout de même, ce sera étrange, quand j’aurai tout réagencé à la suite, cette convergence vers le centre, et puis ces symétries.
― Tu ne veux tout de même pas dire que tu es allé chercher le souvenir du kaléidoscope pour une satanée, une foutue mise en abyme ?
― Hmmm… non, mais du coup, il se trouve…
― Tu es plus irrécupérable que je ne pensais. Je vais t’apprendre à manier la gomme, moi.
― On verra, je te passerai l’ordinateur. Après.
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Call That A Monday Morning
Je viens d'essayer d'ouvrir la porte de mon bureau de l'université avec trois clefs différentes, puis, ayant enfin choisi la bonne ferraille, de m'apercevoir que je venais de la fermer à double tour en tournant dans le mauvais sens.
Saloperiedelundimatindemerde.
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dimanche, 06 novembre 2011
Exister est un plagiat : 31 et 43
31
Pour la deuxième fois, c'est moi qui me chargeai des emplois du temps. J'ai toujours trouvé fascinant le mélange d'abrutissement répétitif et de complexité intellectuelle de cette tâche.
Pour la première fois, j'utilisai un appareil photo numérique de qualité. La première photographie que je me rappelle avoir faite représente mon fils, Alpha, et ma femme en train de lire la notice de l'appareil. Je crois avoir aussi cadré, depuis le jardin de la maison du 14 rue Guillaume Apollinaire, deux melons dans un sac plastique accroché au volet métallique de notre cuisine.
Pour la première aussi, le 6 juin 2005, je débarquai activement dans ce que l'on nomme, de plus en plus ridiculement, la blogosphère. L'été qui suivit, malgré la connexion modem à bas débit, je publiai tous les jours, dans les Landes, plusieurs textes. J'eus l'idée, en octobre, de rassembler les cent premières journées de ce blog sous le titre général Un bel éténébreux, mais la faiblesse globale des textes, ainsi que leur manque de cohérence, me retint.
Le 7 août, nous avons assisté, C*** et moi, à notre première course landaise depuis belle lurette. Alpha a aussitôt mordu à l'hameçon. Depuis, il est devenu très amateur et expert. Et, ce jour-là, c'était, à Pomarez, l'occasion de voir à l'œuvre pour la dernière fois le cordier Jeannot Dussarat. Et pour la première fois le sauteur Dominique Larié, dont le saut pieds joints capturé par moi ce 7 août montre assez tous les progrès qu'il a accomplis depuis…
42
L'été 80 – n'est-ce pas le titre d'un livre de Marguerite Duras ?
L'hiver 80, je ne sais pas. Dernières journées de pluie à Saint-Paul-lès-Dax. Séances de piscine avec la classe de grande section.
S'il y a effectivement eu des élections cantonales à l'automne 1979 ou au printemps 1980 (vérifier serait tricher), alors c'est bien ici que se place mon souvenir d'être allé coller, avec mon père, des affiches pour le candidat écologiste local. Les villages de Gourbera et de Herm (leurs noms, surtout) sont restés liés, pour moi, à cette journée.
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samedi, 05 novembre 2011
Exister est un plagiat : 30 et 43
30
Tu me devances, sur le chemin de l’école, non sans regimber parfois.
Au Jardin botanique, le plus souvent le mercredi, nous ramassons des feuilles de paulownia. (Sept ans plus tard, en CM2, tu étudies les jungleries du douanier Rousseau.)
Et moi, je n’ai pas su me débarrasser de ce foutu rythme ternaire.
Toi, le tout petit enfant
Qui vois dans la maison
Danser les poussières
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Pour la première fois de ma vie, j’ai pris le train. Bizarrerie, un jour de juin, ma mère nous emmena avec elle, ma sœur et moi, à Saintes, chez nos grands-parents paternels. Mon père nous y rejoignit plus tard, me semble-t-il. Entre Bordeaux et Saintes, la climatisation s’est déréglée ; il faisait une chaleur épouvantable.
Ici s’accrocherait à merveille, comme à une cimaise discrète, les nombreux souvenirs que je conserve des cerises, du cerisier de Saintes, des cueillettes, des dénoyautages, des stérilisations, des dégustations sous l’arbre, des feuilles de cerisier encore attachées aux queues, des cerises des cerises.
Mais le musée a fermé pour la nuit.
Il reste le train du soir.
17:17 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
Aux vingt-et-un boutons dorés
Henri Rousseau. Le maréchal des logis Frumence Biche (1893).
16:15 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)
# 2424 : cinq par cinq
(Cliquer sur chaque image pour agrandir. 2.424ème billet sur ce blog. Joie des zestes.)
11:19 Publié dans Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 04 novembre 2011
Exister est un plagiat : 29 et 44
29
Certains souvenirs persistent à me fuir comme un pestiféré.
Je me souviens d'un lundi soir d'hiver, où je mis un temps infini à m'endormir, dans ma chambre du Régina. Et d'un mardi soir d'été, torride, où je me filmai dans cette même habituelle chambre, afin de faire le point, narrativement, sur les différents logements que j'avais visités ce jour, et notamment sur la maison que je n'avais pu filmer mais avais fini, repartant en course arrière, haletant, alourdi, affolé, par accepter de louer séance tenante, damant le pion, de quelques secondes à peine, et encore, aux visiteurs suivants. (Peut-être n'ai-je damé aucun pion ; peut-être n'auraient-ils pas craqué pour cette maison de la rue Guillaume Apollinaire.)
Me revient un nom, celui d'une étudiante que j'interrogeai un soir au lycée Descartes, mais c'était déjà l'automne suivant, juste avant mes 29 ans : Silithone Photirath.
Je me rappelle les trajets entre Tours et Paris, avec l'ordinateur portable, puis entre Paris et Beauvais, ou encore la gare de Beauvais le lundi matin à 5 h 07 (le train partait à 5 h 07). Commuting, un mot que j'avais appris à ne guère aimer au cours des trois années nanterroises, et que j'ai définitivement détesté après quelques mois à peine à jouer les turboprofs.
Je me rappelle, bien sûr, les promenades à la maladrerie, avec Alpha.
44
Elle m'a écrit des lettres et des lettres et des lettres et des lettres et des lettres…
En Angleterre, dans les jardins circumvoisins de la cathédrale d'Ely, j'ai donné des graines à des pigeons en compagnie d'une petite fille habillée comme une princesse de conte de fées. Un polaroïd que nous a donné illico son père a permis de fixer ce moment dans ma mémoire.
Quelques jours plus tôt, dans un camping sis non loin de Crystal Palace, j'avais trouvé, à demi enfouie dans la terre, une cuillère à café dont le manche était orné d'un motif très complexe et très beau. Je sais que j'avais encore cette cuillère quand nous vivions à Beauvais. Où est-elle passée ?
(Cet objet, qui m'a accompagné pendant vingt ans au bas mot, n'est immortalisé, s'il est bel et bien perdu, que dans mon souvenir. Aucun polaroïd, aucun astronef ne s'y attarde.)
16:54 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (3)
jeudi, 03 novembre 2011
Elbeuf encore
23:30 Publié dans Comme dirait le duc d'Elbeuf | Lien permanent | Commentaires (0)
Exister est un plagiat : 28 et 45
28
Chaussure de Nathalie Quintane, c’était bien avant, en 1998 je dirais. Mais pourquoi Chaussure ? je suis passé du 38 au 44 puis au 49ter, avant de redescendre au 44. Avouez que c’est cocasse. Enfin, cela n’a rien à voir ici.
Pourquoi un tel principe de pointure ?
Pourquoi cette coiffure ? Tronche de ma tante.
ICI INSERER ALBUM ENTIER, ALBUM AUX PAGES NOIRES, COUVERTURE VIOLETTE, EFFET GARANTI.
On n’y comprend rien, c’est bien pour ça qu’on écrit.
À plus d’un titre, le très peu (pourtant) d’heures passées dans la salle des professeurs, à Nanterre, a dû avoir une grande importance. Mais l’année 2002 est celle où, la fleur au fusil, le lendemain du jour où le président Chirac fut réélu avec un score de république bananière, je fus auditionné à Bordeaux et Tours. Je n’ai peut-être dû mon classement en première position à Tours qu’au fait que j’ai déclaré forfait pour Paris-X, et que ça s’est su (et que personne ne donne la priorité à la province). En septembre, je prenais vaillamment mon poste. À quoi tient une vie…
Pourquoi cet hôtel, le Régina ? Et pourquoi ce nom ? Dans le bureau que je partage avec cinq autres collègues, il y a une magnifique tenture représentant les rois d’Abomey avec leurs symboles.
45
J’ai beau chercher, me triturer la matière que l’on dit grise, je ne vois rien d’autre, vraiment que Jézeau. Bon, allez, si : Vaison-la-Romaine, la Suisse, trois jours en carafe à Graz pour la énième panne de cette foutue Renault 16 TL, et la pétanque à Chicheboville.
Chicheboville n’est pas un nom inventé.
Quand elle nous écrivait de là-bas, ma grand-mère paternelle (avec qui j’entretenais une correspondance énergique et volumineuse) abrégeait en Chichebo (qui, rétrospectivement, a un petit côté orateur romain mâtiné de légume sec). En 2009, je suis retourné dans le petit village normand, avec sa rue, son église, ses maisons de pierre, le jardin où je jouais et dont toute une moitié a été saccagée en courette de gravier. J’ai revu aussi la tombe, où mon arrière-grand-mère nous conduisait, ma sœur et moi, en pèlerinage, pour pleurer sur son pauvre homme, sur son gars, dont elle essuyait la photo de son mouchoir trempé de larmes. Sûr, je préférais quand même, dans cette même direction, aller promener le chien Titus.
En carafe à Graz : titre à retenir pour un roman, ou pour un poème en prose.
Matière grise. Titre à ne pas retenir.
La Renault 16 TL. Les guimbardes improbables de mon enfance (c’est-à-dire aussi qui m’entouraient – l’époque de la fascination pour les plaques minéralogiques – l’époque où il n’y avait pas de ceinture de sécurité), non, ça, c’est trop tout un roman. Il faudrait raconter la peluche usée de la vieille 304, le trou dans le plancher de la 4L, non franchement, vous voyez ça, vous ?
Ce n’est pas cet été 1983, pourtant, que nous lisions, ma sœur et moi, un gros florilège de L’Os à moelle à Chicheboville. C’est cet été-là, ma mémoire me le remonte pour ma longue honte, que j’ai composé, aussi à Chichebo, une chanson qui s’intitulait Construire un banc de pierre. (Opération tout à fait fictive, au demeurant.)
Qu’est-ce que j’ai pu trafiquer du reste de ma neuvième année ?
22:00 Publié dans Autoportraiture, Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
W.M. 23 : Bugul-noz
Sais-tu ce qu'est un Bugul-noz ?
Pas endormi, même avec Booz,
Ce lutin de Pierre Dubois,
Loup-garou sorti du bois,
Déteste le Magicien d'Oz.......
......... et même (pas vrai ?!) les fest-noz !!!
18:50 Publié dans Wikimericks | Lien permanent | Commentaires (1)
Funky Fun-Key
Ça y est, à peu près toutes les horloges de la cuisine sont à l’heure, à l’heure d’hiver. Une complainte, tu ne vas tout de même pas passer tes journées à bader ce camping-car en laissant infuser ton thé à la bergamote ? Hier soir, le Château de Tiregand 2008 puis la liqueur de poire, ça faisait peut-être un peu solide sur le cassis.
Des jours, des journées comme ça, pluvieuses, grises, monotones, pas assez de jus pour se décourager en regardant les sandales détrempées sur la terrasse, ou les espadrilles en vrac dans le vestibule (notre ami tire sur la corde, je trouve). Dire que tu avais le cran de critiquer l’autre polardeux pour ses phrases nominales en cascade. Tu abuses, tu t’abuses. Avec les feuilles de néflier qui font un rideau jaune, et quand la pièce commencera-t-elle ?
Vous n’avez pas la clé, tout ça c’est juste pour s’amuser. Tu t’amuses.
Notre ami que voici se donne les gants de tout savoir, même la vie clandestine des flamants roses, et ce jusqu’au sens architectural du mot falbala, mais il est incapable de servir un thé qui n’ait pas, plus ou moins, et jusque dans les chaloupements osés de la contrebasse de Heiri Känzig, un goût de lavasse tombée d’une gouttière.
Le félin se marre, vous salue bien.
―――― Juste un rappel de la contrainte de ces textes, qui n’ont pas de rubrique réservée (et je crois qu’on en trouverait dans les deux blogs) : doivent être écrits, sans retouche ultérieure, pendant l’écoute du morceau qui leur donne titre.
15:40 Publié dans Ecrit(o)ures, Jazeur méridional, Un fouillis de vieilles vieilleries | Lien permanent | Commentaires (0)
Qui va amont voit Fromont
Des averses. Ponctuations : bourrasques. Soudaines giboulées.
Entre deux abats d'eau suis allé chercher fougasse et brownie que j'ai ensuite engloutis avec un verre de Riesling au bar P.M.U.
De retour dans la salle d'examen, je constate que la trousse et la montre de Candice sont assorties, à la perfection, au pull (très) vert d'Antoine.
Ma collègue lit Patrimony, que je lui ai prêté.
Chaque étudiant a une table de cinq places pour lui ; certains, tout à leur aise cependant, sont à deux par table. ----- Quatorze dans chaque rangée. Les tricheries sont impossibles, même si je navigue quand même dans l'allée centrale, plus pour noter ici / A C C A L M I E / que Chloé a une vingtaine de bics de couleurs différentes étalés tout autour de ses feuilles, que j'ai reçu un mail de Capucine, et que Frédéric se dope à l'Actimel. Aussi qu'un groupe d'étudiants vient de sortir, sous des hallebardes, du préfabriqué d'en face.
Qui vole un oeuf vole un boeuf. (J'ai oublié le parapluie dans la Clio.)
Au bar P.M.U., ça parlait fermement Sarkozy et dette grecque.
12:54 Publié dans Moments de Tours, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
Ben Okri - Tales of Freedom (2009)
Il ne faut jamais renoncer.
Après avoir été très déçu, et même exaspéré, par Starbook, j'ai décidé de donner encore une (dernière?) chance à Ben Okri. Give it a go, lad.
J'ai acheté, le mois dernier, ses deux derniers livres, un recueil de brefs essais et d'aphorismes, et un recueil de textes de forme et de format assez hétéroclites, intitulé Tales of Freedom (2009, réédité en 2010 par Rider en édition paperback). J'ai lu, en deux soirées, ce mince volume. Il se compose d'une sorte de novella très fragmentée et théâtralisée, "The Comic Destiny", en quatre parties et un épilogue ('Beyond'), et de treize fictions très brèves dont Okri précise qu'elles appartiennent à un nouveau genre, le stoku (amalgame de story et haïku).
Sans renoncer à une forme de mysticisme vaporeux qui s'est avérée, dans Starbook notamment, la source de véritables couacs esthétiques, "The Comic Destiny", récit filé et saccadé, emprunte un certain nombre de traits à l'écriture dramatique d'un Beckett, tout en la transposant dans un non-contexte très localisablement africain. C'est une vraie réussite, et, à rebours de ce qui aurait pu être une série de tics et de tactiques, le texte parvient à surprendre, de bout en bout, et à susciter une vive admiration. Très simple et très énigmatique, "The Comic Destiny" peut être lu comme une parabole, comme un tableau, ou comme une scène d'écriture.
Les stokus sont un peu moins convaincants, globalement. Certains sont très aboutis, d'une densité magistrale - là encore, l'énigme narrative interroge, y compris sur son mystère : y a-t-il véritablement une énigme ? D'autres flanchent très légèrement, ce qui suffit à diluer quelque peu un charme qui repose sur un équilibre formel et stylistique absolument précaire, et beau de cette précarité même. Moins convaincants, globalement, ces stokus (me) rappellent toutefois Walser, Breytenbach, et les Proses apatrides. Ce n'est pas rien ------- Je dois avouer m'être arrêté au seuil d'un de ces treize textes, "The War Healer" : je me suis, à cette occasion, fait la réflexion que je déteste viscéralement le verbe heal, surtout dans sa version au participe présent, healing - n'est-ce pas dans cette détestation qu'il faut trouver l'origine de mon profond désaccord esthétique avec le précédent livre de Ben Okri, Starbook, tout en promesse de guérisons mystiques et d'harmonieuse suture ? Très attaché à mon mal, je ne veux d'aucune cure. Allez-y donc voir par vous-mêmes.
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Bonus : sur mon autre site, la traduction d'un des 13 "stokus".
11:48 Publié dans Affres extatiques | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 02 novembre 2011
Exister est un plagiat : 27 et 46
27
Au printemps, à chaque chapitre écrit de la thèse (soit, à un moment de production particulièrement poussé, un par semaine), je me récompense en nous invitant au restaurant, C*** et moi. Avant de m’atteler d’arrache-clavier à ces chapitres, entre janvier et mars, j’ai traduit – au rez-de-chaussée de la petite maison de Beauvais, dans ce qui allait être la chambre d’Alpha, et sur le vieil ordinateur Macintosh dont je transférais ensuite les fichiers sur le PC quasi neuf, à l’étage – la totalité de Yesterday, Tomorrow.
Je crois que c’est dans ces eaux-là que nous écoutions Défloration 13 de Thiéfaine.
46
À Vincennes, dans la petite chambre mansardée, encombrée autant que décorée de divers petits objets et cadres, je joue au guide de château, ou de musée. Ce jeu, ou cette manie, m’a accompagné quelque temps, et avait sans doute commencé avant cet été 1984, même si c’est dans ce lieu que je me revois le plus distinctement le pratiquer.
Souvenir sans lien avec le précédent, mais beaucoup plus traumatisant, j’ai décidé, de retour à la maison à la veille de la rentrée en sixième, que le coiffeur n’avait pas bien fait son travail et me suis fait un trou dans la tignasse déjà bien ratiboisée par le vieux coiffeur à l’ancienne de la place du Gond. Peur d’attirer l’attention des camarades, au collège, par cette bizarrerie capillaire. Personne, je crois, ne me fait pourtant de remarque.
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mardi, 01 novembre 2011
Exister est un plagiat : 26 et 47
26
Je lis Anachronisme de Tarkos, qui m’impressionne, auquel je ne comprends rien. Ce mois de mai-là, bien chaud, j’ai pris l’habitude de m’installer sur le toit en zinc de notre maisonnette. Je grimpe là-haut au moyen de l’échelle, en passant par la courette. Là-haut, bien installé en plein soleil (soleil dont nous ressentons cruellement le manque, habituellement, en Picardie), je lis comme un lézard. Comme un forcené je lis, et pas seulement Tarkos.
À Pâques nous avons fait une escapade en Irlande, quatre jours autour de Dublin.
Tout le monde casse les pieds de tout le monde avec l’an 2000.
Même moi, pieds cassés plus que cassés par tout ce cinéma idiot, je me surprends à retrouver, dans ma mémoire, une chanson assez inepte de Jean-Pierre Mader, en effet l’an 2000 n’est plus ce qu’il était (et, écrivant ces lignes onze ans après l’an 2000, je ne vous dis pas).
D’autres questions me taraudent sur cette vingt-sixième année de mon existence. Entre autres. Très entre autres. Est-ce vraiment Huck Finn que Frédéric lisait impassiblement à l’arrière du louage où nous avons failli trouver la mort, entre Nabeul et Sousse ?
47
Cette ville, qui fut un enchantement si profond, n’est aujourd’hui (blême mémoire) quasiment plus qu’un nom.
Argols : avec Gracq bâtir des châteaux d’encre, qui n’existent pas.
Golias (l’air est pointu comme un ciseau) : des catholiques qui ne reconnaissent pas la papauté, voici qui m’intrigua.
Sol râg : musique musique musique.
Tout de même, où est passée mon Allemagne ?
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lundi, 31 octobre 2011
Télégramme du roitelet
Aucune connexion pendant une huitaine. Le vert qui nous entoure, et les feuilles du lagerstroemia (tantôt rouges tantôt d'un vif orangé), tiennent lieu de toile. Retard insensé dans mon travail.
Reprendre, aussi le fouillis.
Demain retour Touraine.
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Exister est un plagiat : 25 et 48
25
The outward trade consists chiefly of coal and lime, in both of which the immediate district abounds.
Tu as souri, moi aussi – au prieuré de Serrabone.
When I turned again, Sherlock Holmes was standing smiling at me across my study table.
48
1986. Mois de juillet parfait, dans le Roussillon, à nous gaver d’abricots par kilos, avant un périple à Font-Romeu, puis un passage en Catalogne.
Peyrepertuse aussi ? Sans doute.
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dimanche, 30 octobre 2011
Exister est un plagiat : 23 et 50
23
J'avais passé les trois années précédentes à lire, avec passion, pas tout Dickens, mais presque. Les premiers me tombaient déjà des mains, mais j'en avais dévoré tant et plus. Cette année-là, étudiant de nouveau David Copperfield, pour l'agrégation désormais, j'ignorais que j'allais, ce faisant, lui faire mes adieux. Après, je n'avais plus la tête à ces gigantesques machines.
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50
Nicolas me tape la tronche contre un pilier. J'ai des crises de colite qui m'obligent à aller à l'infirmerie. Un autre énergumène encore, prénommé crois-je me rappeler Christophe, me fout un coup de boule. Ce n'est pas que j'aie la tête ailleurs, mais je ne suis pas vraiment en phase avec mes camarades.
L'année suivante, je lis Le Don paisible.
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samedi, 29 octobre 2011
Exister est un plagiat : 24 et 49
24
Tous les soirs, tous les soirs veux-je dire où tu rentrais du collège, tu rentrais du collège après une première cellule de décompression en salle des professeurs, puis, jusqu’à l’heure du dîner et souvent aussi pendant le dîner, tu avais encore besoin de raconter par le menu, et d’en discuter avec moi, tout ce qui s’était passé d’anormal, c’est-à-dire d’habituel, et nous savons depuis, toi surtout, ce que veut dire « enseigner en banlieue ».
On écoute 2043, Sclavis, Creil City et Bojan Z. (que nous avons vu et entendu en quintette à Creil).
Malgré le brouillard, le ciel bas et lourd comme un couvercle, le soleil peut briller, et ce n’est pas une année facile.
Lors de la grève, le Courrier picard finit par titrer : « Du baume au cœur de Baumont ». (Sur la photo, je ne vois que toi tenir la banderole.)
Ciel bas et lourd. On écoute Ferré, on visite sillonne en tous sens la région.
En tous sens Senlis Amiens Esquennoy Laon Blérancourt Gerberoy.
Mais le sens nous échappe, c’est une très belle année quand même allez comprendre.
49
Pendant les jours de convalescence de la scarlatine, pendant que les charpentiers construisaient le toit au-dessus de la terrasse côté Campot, j’apprenais les verbes forts, et recopiai dans un cahier de brouillon les paroles d’une bonne quinzaine de chansons de Reinhardt Mey (que je ne connais plus, vingt-cinq ans plus tard, que très partiellement).
Quelques années plus tôt, mes grands-parents maternels m’avaient offert un double album Frédérik Mey à Bobino. Longtemps avant Beckett, peut-être sur un mode mineur, la dyade Frédérik/Reinhardt a constitué ma principale initiation au bilinguisme absolu absolument créatif.
Quelques années plus tard, à Varel, j’ai entendu des chansons du versant allemand que je ne connaissais pas. Je crois que son œuvre en français est plus intense, plus réussie. (Ce n’est pas vrai de Beckett, qui vibre avec autant d’intensité des deux côtés.) Il me semble que, de cet auteur-compositeur-interprète germano-français, je pourrais encore chanter de mémoire certaines chansons : Le politicien ? Le Vieil ours ? Deux kangourous devant la véranda ? Le formulaire ? Daddy Blue ?
Le passé simple est forcément parfait, le futur antérieur parfaitement forcené.
Ne cherchez pas : blême mêmoire.
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vendredi, 28 octobre 2011
Exister est un plagiat : 22 et 51
22
Was there a “secret” at Bly—a mystery of Udolpho or an insane, an unmentionable relative kept in unsuspected confinement?
51
It was not that the young man disliked her; on the contrary, he regarded her with a tender admiration, and he had not forgotten how, when his cousin had brought her home on her marriage, he had seemed to feel the upward sweep of the empty bough from which the golden fruit had been plucked, and had then and there accepted the prospect of bachelorhood.
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jeudi, 27 octobre 2011
Exister est un plagiat : 21 et 52
21
Cet été-là, en visitant le château de Castelnau, nous piquons un fou rire à cause du son & lumière.
52
Dans Cabaret Zap, je joue un rôle muet très secondaire, qui consiste à montrer au public des pancartes Applaudissez et Fermez vos gueules.
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mercredi, 26 octobre 2011
Exister est un plagiat : 20 et 53
20
Un soir, avec Sébastien, nous sommes allés voir Arizona Dream, au cinéma UGC.
Un autre soir, en rentrant aussi du cinéma, un molosse placide nous a barré la route ; nous ne savions que faire, et tout ce que j’ai trouvé à dire, c’est « C’est con, comme situation, ça ».
Je faux. J’ai tout faux. Ces deux anecdotes ont eu lieu pendant la première khâgne.
De même les promenades au Jardin botanique.
Mais alors, que s’est-il passé au cours de ma vingtième année ? Je ne me suis pas contenté, tout de même, à Talence, d’aller le mercredi matin, faire des prises de sang en me faisant un thé, de retour au studio, et en écoutant Le Chant du cygne de Manset ?
On n’a pas tous les jours vingt ans, d’accord, mais tous les jours de cette année-là, banalement, je m’apprêtais à avoir bientôt vingt ans. Et ça n’avait aucune importance. Il m’est arrivé de me projeter dans l’avenir, comme on dit, mais pas comme ça : devoir écrire une autobiographie rétrospective, en racontant deux fois chaque année ? mais ça ne tient pas debout… Pourquoi ce que j’ai écrit dans le §56, il y a trois jours, me semble-t-il suffire amplement (et même déborder) ? Tout cela n’est-il pas casse-berlon, indigeste ?
53
Pendant les premières semaines de cours, en hypokhâgne, je reviens le soir dans le petit studio de la rue Frédéric-Sévène, et j’écoute Je suis une guitare de Moustaki. (En faisant la vaisselle, un soir, le plan de ma première dissert de philo me vient d’un bloc, en écoutant une autre chanson de Moustaki.) Quand je rentre, j’ai souvent, outre mon cartable, un sac plastique rempli de nectarines un peu talées mais très goûteuses, que je me rappelle avoir acheté à des vendeurs du boulevard Victor-Hugo pour dix francs les trois kilos.
—— Fragments autobiographiques. En faisant des choix, même dans les années lointaines, on se rend compte qu’il y a tant de choses qu’on ne racontera pas : la quinzaine à Dungeness, huit jours à Madrid (l’émerveillement devant les Ribera), le séjour au mois de février dans une famille de Frise (à Varel), ou encore les deux méchouis de fin d’année, en terminale, chez le professeur de philosophie, à Saint-Lon-les-Mines. Si on racontait tout, ce serait insupportable, et même comme ça, déjà, on s’inquiète, n’est-ce pas indigeste, inintéressant, casse-pieds ?
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mardi, 25 octobre 2011
Exister est un plagiat : 19 et 54
19
Ce n’est qu’hier, seulement, que j’ai raconté douze journées partiellement imaginaires de ma dix-neuvième année. Qu’attend-on de moi ? que je recommence ? n’en ai-je pas assez fait ? n’ai-je pas déjà assez de paragraphes, de palimpsestes aux basques ?
Hein, que veut-on que je raconte ? Pourquoi tel regard noir me donne-t-il à penser que je n’ai pas assez parlé, dans ces pages, de ma famille ? Dois-je vraiment raconter cette journée du 14 février 1993 où nous avons enterré mon arrière-grand-mère, qui était atteinte depuis deux ans, la pauvre, de sénilité (elle si intensément là tout au long de mon enfance – ce regard absent !) ? Non.
Ou le 21 janvier, quand j’ai appris, par téléphone, la mort de ma grand-tante, Thérèse, la sœur aînée de ma grand-mère paternelle, pieuse et aveugle ? Pour cette fois-là, je me souviens précisément de toute la soirée, car C*** m’a raconté des choses très belles et très dures, sur ses deuils à elle.
La mémoire est une bête curieuse.
Et ce n’est pas un animal.
Ni un supplément d’âme.
Juste un ressort.
54
Novembre 1991. Il y a eu, ce mois-là, un des très rares week-end où je ne suis pas rentré chez mes parents. En un jour, tantôt sur le lit, tantôt dans l’un des confortables fauteuils orange mais recouverts d’un drap blanc, j’ai lu Vous m’avez fait former des fantômes, que mes parents m’avaient offert pour mes dix-sept ans.
Pas sérieux. Décembre. Avant le Nouvel An, j’ai écrit un texte en fragments, La Mort d’Hervé. Décembre. Avant. Un soir, au Jean-Vigo, cinéma avec Laurence (Lady for a Day de Capra).
Janvier et ses ardeurs. Coup de chauffe, malgré l’hiver bordelais : me voilà premier au concours blanc. Quelle blague. — Février. En dix-huit mots, je ne retiendrai rien. Si : L’Inquisitoire. Que je n’ai pas lu en un jour. — Mars. Je vais au cinéma avec Stéphanie, ris bruyamment, comme un gros rustaud (Delicatessen, revu depuis, trouvé mauvais). — Avril. Nos nouveaux cours de philosophie – sur l’esthétique, l’art et les questions de la représentation – sont un choc. — Mai. Tout le mois, je me gave de cerises, entre autres, et j’écris Sempiternel, quand je fus mort. — Juin. Tout est parti d’une passoire et d’un prétexte fallacieux, emprunter un Gaffiot je vous demande un peu. — Juillet. Est-ce fin juin que je lis Fiesta (The Sun Also Rises) de Hemingway – fancy a coupla drinks? — Août. J’écris des textes de chansons, le ridicule ne tue pas, et j’ai toujours très bien survécu. — Septembre. Les deux chansons qui marquent, à tout jamais pour moi, cette rentrée, sont Sacré géranium et L’Antéchrist. — Octobre. Faut l’accepter, c’est pas surprenant, tout de même, la vie, eh bien la vie n’est pas facile.
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lundi, 24 octobre 2011
Exister est un plagiat : 18 et 55
18
Me voici au fragment 18, et à son fragment-miroir, le §55. J’allais avoir – cinq mois plus tard – dix-huit ans. C’était le 18 juin, dans le petit studio de la résidence Coppélia.
Le reste nous appartient.
(J’écris une autobiographie pudique.)
55
Puis-je imaginer douze jours précis de ma dix-neuvième année ? Allons, jouons – on n’est pas si loin de la fiction, après tout.
Le 19 novembre 1992, un jeudi, disons que nous avons, toi et moi, déjeuné au réfectoire du lycée Montaigne, puis discuté avec Cyril autour d’un café (ou d’un chocolat chaud). N’est-ce pas le jeudi que nous travaillions ensemble sur les versions latines, attablés à la planche à tréteaux qui servait de bureau, dans le studio de la résidence Coppélia ?
Le 19 décembre, un samedi, est, d’après certaines sources, le jour où est mort Louis Ducreux. (Une année en creux, douze journées à deux ?) Pour nous deux, c’était le départ pour les vacances en famille, chacun de son côté. (On sortait sans doute d’une semaine de concours blanc. Je me gavais de pralinés bon marché.)
Le 19 janvier 1993, un mardi, nous avons dû avoir, comme chaque mardi, cours de français (et de quoi d’autre ? aucun souvenir), puis le déjeuner, les révisions de vocabulaire latin dans la minuscule et ridicule bibliothèque du lycée Montaigne, puis le cours de latin de M. Robert.
Le 19 février, un vendredi, j’ai beau me creuser l’esprit – quoi ? pas l’once du début d’un quadrillage. N’est-ce pas dans ces eaux-là, juste avant les vacances d’hiver, que nous sommes tombés très malades, moi d’abord, puis toi, la différence étant que tu as traîné cette saloperie pendant toutes les vacances ?
Le 19 mars, aussi un vendredi (not a leap year, my dear), je sais que nous avons acheté Info Matin avant d’aller en cours, pris un café avec Edwige et Stéphanie, profité un peu des premiers rayons féroces du soleil printanier dans la rue Sainte-Catherine. Peut-être avons-nous traîné nos guêtres du côté de chez Aner, avant de prendre le bus.
Le lundi 19 avril, selon que c’étaient les vacances ou pas, nous avons pu nous écrire une longue lettre, chacun de son côté, ou alors, peut-être… quoi… un concours blanc… lectures, révisions… Mais enfin, tu sais très bien ce que nous faisions le lundi.
Le 19 mai, un mercredi, nous étions à Hagetmau. Tu fêtais tes vingt ans, j’étais là. Comment se fait-il que nous fussions en vacances si tard dans l’année ? quelque chose cloche. Est-ce que je confonds ? avec quoi ? Noël ? le 19 mai de l’année suivante (mais ça ne marche pas vraiment non plus) ? y avait-il un pont (Ascension) ? Toujours était-il que, je le sais, nous étions à Hagetmau le 19 mai 1993. Et puis non, suis-je idiot, nous avons fêté ton anniversaire dans le petit studio, avec une dizaine d’amis, nous serrant autour de la table à tréteaux, mangeant des pizzas (nous n’avions pas de quoi faire vraiment la cuisine dans le kitchenette, donc à plus de deux c’était compliqué) et buvant du cidre (sages années). Etaient là Hannelore, Anne-Laurence, Stéphanie et son copain de l’époque (Jérôme ?), Cyril bien sûr, Carine, Sébastien, Laurence. Le voisin d’en face, qui, avec sa pétasse, foutait souvent du barouf (alors que nous nada, niente), est sorti pour gueuler au moment où nos amis s’en allaient, c’était minuit je pense et on riait un peu fort, moment qui n’a pas duré plus de deux minutes – cette « sortie » inattendue (& quite unfair) t’a un peu gâché la fin de journée.
Le 19 juin, lendemain de nos noces de coton (précision pour tout autre lecteur que toi : j’emploie la formule rétrospectivement et au second degré), je ne pense pas que nous soyions restés à Talence (en général, nous rentrions chacun chez soi le week-end – tes parents ont mis du temps, pourrait-on résumer), et j’allais embarquer, à peine quelques jours plus tard, pour Paris, passer les oraux de Normale Sup’. (Je crois que les résultats d’admissibilité sont tombés le lundi 21.)
Le 19 juillet, un lundi, je n’ai évidemment pas la moindre idée d’où je pouvais me trouver. Si j’étais dans les Landes au moment d’écrire ces lignes, je farfouillerais sans vergogne dans notre correspondance amoureuse et j’aurais la réponse. Peut-être étais-je à Paris, pour mon stage à Radio France Internationale. (Mais non, je confonds, ça c’était en août 1992.) Peut-être avions-nous trouvé un moyen d’être, toi à Cagnotte, ou moi à Hagetmau. Ou pas. Ainsi se passaient les vacances, en plans, manigances, prévisions et subtiles programmations – cela nous a bien stimulés pour le permis de conduire. Il n’y avait pas d’internet, et je n’ai jamais été très fou du téléphone. Combien de lettres quotidiennes, longues de surcroît, nous écrivions-nous ? —— Attends, qu’ai-je écrit plus haut : « j’écris une autobiographie pudique ». Mince, un oxymore.
Le 19 août, même jeu.
Le 19 septembre (dimanche), ce devait être – même si, une fois que tu as fait ta rentrée en Licence de Lettres à Bordeaux, nous avons pris la nouvelle et bienheureuse habitude de rester à Talence un week-end sur deux – un dimanche à Cagnotte. Les dimanches d’hypokhâgne et de la première khâgne, je ne travaillais pas beaucoup, mais je me promenais, je lisais énormément, je faisais des bricoles afin de diminuer la masse de travail de la semaine suivante. Les trajets en train, etc., tout cela était indispensable pour rompre ce qui, sans cela, eût été monotone. Avec toi, en revanche, rien de tel, bien sûr.
Le 19 octobre (mardi), peut-être avais-je une khôlle d’allemand, de philosophie ou d’histoire. Cela arrivait. Toi, tu n’avais pas repris les cours. (Depuis quelques années, la rentrée universitaire est calée sur le calendrier de l’enseignement secondaire, mais nous avons connu, nous qui n’avons pourtant pas quarante ans, les rentrées à la fac juste avant et même juste après Toussaint.) Peut-être m’avais-tu rejoint quand même, je me rappelle que tu as fait croire à ton père, assez évasivement car tu n’as jamais aimé mentir, que tu devais y être pour la fac. Cette année-là, nous avons beaucoup déliré à cause de Gadoffre Gilbert (et non Gilbert Gadoffre).
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dimanche, 23 octobre 2011
Exister est un plagiat : 17 et 56
17
Se poursuit une existence banale d’adolescent qui veut se croire à part (et en souffre).
La philosophie est une profonde découverte. (Banal.)
Alors que j’aurais aimé sortir avec telle, telle ou telle, dont aucune même ne m’a jeté un regard, je repousse, certes gentiment, la déclaration courageuse et digne d’une camarade de classe, parce qu’elle ne me plaît pas. (Banal.)
Je fais du théâtre amateur, joue Théramène ultra-maquillé et tout en rose fluo dans une parodie de Phèdre, en fais des tonnes, et ça marche. (Banal.)
J’ai mon bac, échoue à deux doigts de la mention TB, ce qui m’agace. (Banal.)
Une semaine à Madrid. Tombe amoureux sans espoir. (Banal.) Ai oublié la fille en question trois semaines plus tard. (Banal.)
Avant de fêter mon dix-septième anniversaire, je suis pris dans un tourbillon enchanteur – qui s’appelle l’hypokhâgne. (Banal.) Ce n’est pas le défilé en toge avec des Gaffiot en chantant Vara tibi khâgna, mais le travail ; j’adore tout ce qu’on nous apprend. J’essaie d’avoir quelque distance vis-à-vis de mon propre enthousiasme.
(Mince, quoi, je voulais devenir journaliste. (Banal.))
56
Banalités de ma vingtième année : je khûbe, et je boutonne tellement sacrément que la dermato (dont les crèmes grasses et casse-pieds me passent par-dessus la tête) me met sous Roaccutane avec des prises de sang mensuelles, ça ne rigole pas. On ne va quasiment plus jamais passer la nuit dans la chambre de C***. Notre appartement, c’est le studio de Coppélia.
Et puis, du moins banal, peut-être ?
Je sèche tous les cours de philo. Le prof est un vieux dingue totalement irrécupérable. Six heures de gagnées, chaque semaine, pour le reste du travail : comme je passe la Licence d’anglais en parallèle de la préparation du concours de Normale Sup’, mais par télé-enseignement, ce n’est pas du luxe. (Je me souviens qu’indépendamment de la traduction, des cours de linguistique et de civilisation, ainsi que de quatre cours de littérature française des 19e et 20e siècles que j’avais choisis en option, le programme de littérature comportait pas moins de huit œuvres : deux pièces de Shakespeare, 1984, David Copperfield, Frankenstein – le reste devait être américain, curieux que je n’en ai aucun souvenir !)
Chronotope du printemps 1994 : l’après-midi, vers 5 heures, le parc Peixotto.
En juin, par une chaude soirée, alors que nous revenons du cinéma, je mets une pièce de deux francs (c’était ma pièce préférée) dans la fente d’un distributeur de boissons en très net dysfonctionnement, car, au lieu d’une, C*** et moi repartons avec huit ou neuf canettes (Orangina et Cherry Coke). Cette anecdote stupide a été, par la suite, prétexte à de nombreux fous rires.
L’après-midi du jour où j’apprends, par le Minitel, que je suis admis à l’E.N.S., je téléphone à C*** pour lui annoncer la mauvaise nouvelle (nous allons vivre séparés :
toutefois, dès octobre, je réussis à m’arranger, et je rentre une semaine sur deux à Bordeaux pour un week-end prolongé de cinq jours).
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samedi, 22 octobre 2011
Exister est un plagiat : 16 et 57
16
Crise d’appendicite. Le médecin remplaçant met trois jours à comprendre. Opération. (Passé à deux doigts de la péritonite). C’est en novembre, je manque les cours trois semaines, pendant que notre professeur de français n’est pas remplacé. C’est en novembre, il fait beau, je passe six jours à l’hôpital, dont trois à n’avoir droit qu’à des tamponnages de coton humide sur les lèvres (c’est long). C’est en novembre, un ami m’apporte La Montagne magique, que je lis en quatre jours, sans aucune identification (je tiens à le dire) aux tuberculeux. Un autre ami, Christoph, vient me voir et je lui fais découvrir une planche géniale de Gai-Luron. L’infirmière laisse passer une bulle d’air dans la perfusion, la rattrape in extremis ; pendant le très bref incident, Christoph, avec qui je fais du théâtre et qui est très extraverti (plus que moi, au moins à l’époque), mime l’agonie, ou l’épouvante
Crise d’adolescence. Se caractérise par le désir totalement et grotesquement conventionnel d’être différent des autres. J’y arrive assez bien, c’est-à-dire bien grotesquement.
Printemps. Je deviens « le plus jeune juré » du Prix du Livre Inter. Le jour des débats, je défends Guibert – dont je dévorerai ensuite tous les livres (même Les Chiens – vous imaginez, ça, vous, un puceau hétéro qui lit Les Chiens ???) – et Jean Rolin. C’est Pennac qui a le prix, il est très sympa, on discute beaucoup, il est très sympa. (Entrée pour le Dictionnaire des idées reçues : PENNAC (Daniel) – très sympa.)
Eté. Aux Etats-Unis, banlieue de Detroit, chez un couple de retraités, très gentils. Ils ont un chat énorme, Buff. J’apprends l’adjectif declawed, et, par la même occasion, qu’on peut être assez dégénéré pour faire dégriffer son chat. Me rappelle notamment avoir regardé, certains jours, trois épisodes différents de Bewitched sur trois chaînes différentes. Le tube de l’été, c’était Opposites Attract de Paula Abdul. L’odeur de l’année, c’était celle des nouveaux bâtiments de mon lycée, en 1ère et en Terminale – nous y avions cours de français et cours de mathématiques (aussi cours de latin et d’histoire en terminale). Dans l’avion, au retour des Etats-Unis, les autres ados exhibent leurs clichés, étalent le pognon familial. Moi, je vais retrouver mes parents.
57
L’hiver, parties effrénées de tarot dans les turnes du 3ème Rataud. Bonheur infini de ne pas en foutre une rame, après trois années de classes préparatoires. Bonheur, comme l’année d’après à Oxford, de dévaliser les rayonnages de la Bibliothèque, d’acheter et de lire des dizaines de poètes, tout à trac, sans système.
Je n’ai quasiment aucun souvenir du texte des Visionnaires – ni d’Architruc, que j’ai mis en scène pour quatre représentations à la salle Dussane. Axel jouait le rôle de Baga, moi celui du roi. A la demande de Pinget, nous avions supprimé le personnage de la Mort : Architruc succombe à une crise cardiaque. (Plus ou moins.) Odeur du lino de la salle Dussane, et des câbles électriques que j’ai fixés au sol avec des mètres et des mètres de scotch fort.
――――Je sais que j’aurais pu poursuivre dans le théâtre, je suis très heureux de ne pas l’avoir fait. Je lis et je traduis e. e. cummings, j’affiche certaines traductions sur la porte de ma turne, je n’ai conservé aucune de ces traductions, pourtant sous traitement de texte.
Juin, souvenir d’avoir regardé France-Ecosse dans la salle télé rue d’Ulm : le demi d’ouverture écossais ne se prénommait-il pas Gavin ?
Le jour où je quitte Paris, Cyril, qui est dans la capitale pour passer une fois encore les oraux de Normale Sup’, m’aide à trimbaler jusqu’à la gare Montparnasse mes six ou sept valises et sacs remplis de bouquins.
Et, l’été, nous passons, C*** et moi, une semaine formidable, chez Cyril, à Prigonrieux. Il a encore été collé, mais c’est un garçon d’une force morale impressionnante.
Puis il faut reprendre une année, C*** avec l’agrégation de lettres, moi partir pour Oxford, une année. En arpentant les rues, les parcs d’Oxford, le premier jour (un samedi), conviction absolue que ce ne sera pas facile, mais que ce sera une très belle année. (Mes convictions absolues ne m’ont jamais abusé. De même, j’ai toujours su que je ne m’enliserais pas à Paris. Ce n’est pas une ville où vivre.) C*** s’envoie des pages et des pages d’ancien français, et Le Lotissement du ciel.
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