jeudi, 13 octobre 2011
Exister est un plagiat : 7 et 66
7
En 1980, mes parents ont acheté un terrain d’un bon demi-hectare, à la campagne, à douze kilomètres au sud de Dax. Les travaux ont commencé à l’automne, et je me rappelle qu’au début nous y allions le dimanche. Mes parents arrachaient les ronces qui avaient, depuis des années d’abandon, envahi le bois. Ma sœur et moi jouions. Il ne passait presque jamais de voiture sur la petite route.
Au cours de l’hiver, comme la construction du sous-sol semi-enterré était achevée, et comme – je suppose – mes parents avaient déjà trouvé acquéreur pour la maison de Saint-Paul-lès-Dax, nous avons déménagé, et vécu pendant quatre mois au sous-sol : dans la pièce qui deviendrait ultérieurement salle de jeux, salle de musique, deuxième bureau de mon père, mes parents avaient installé trois lits et un radiateur à bain d’huile. Dans la partie du sous-sol où l’on installerait après la table de ping-pong, se trouvait la caravane, où mes parents cuisinaient et où nous prenions nos repas. Tous les dimanches, nous allions chez mes grands-parents, à Saint-Pierre-du-Mont, afin d’y prendre un vrai bain.
C’est à la fin juin (ou début juillet ? je ne sais pourquoi, dans mon premier vrai souvenir de ma chambre d’enfant, je me revois ouvrant les volets le matin du 7 juillet), nous avons emménagé pour de bon dans la maison. Au cours de l’été, et ce en dépit de finances un peu serrées, nous sommes allés en voyage, pendant une quinzaine de jours, et en caravane, dans le Massif Central. Je me rappelle les Puys, La Bourboule, le camping de Millau avec sa piscine biscornue en petits carreaux verdâtres, et Chaudes-Aigues (où un monsieur m’a donné une pièce de vingt centimes parce que je notais sur un petit carnet son n° de plaque d’immatriculation et qu’il a fait semblant de croire que je lui mettais une contravention).
Contrairement à mes nombreux souvenirs très précis des premiers mois en CE1, je n’ai aucun souvenir de la rentrée de CE2.
66
De notre première année à Tours, j’ai surtout gardé le souvenir de promenades au Jardin botanique avec Alpha le mercredi matin (nous ramassions les feuilles de paulownia), des embouteillages sur le chemin de la crèche, des pleurs le matin à l’école maternelle, des lectures au salon ou dans le petit salon attenant à la chambre d’Alpha, à l’étage. Le garçon adorait passer des heures à jouer dans le tout petit cagibi (que, tout jeune, il nommait le cajagibi) où se trouvait l’accès à la cave.
C’est au début de l’automne que le père de C*** a appris que lui aussi avait un cancer (de la plèvre).
Le 11 novembre 2004, jour de mes trente ans, C*** m’a fait une surprise, et plusieurs amis que nous n’avions pas vus depuis un certain temps sont arrivés pour le déjeuner. Il y avait aussi mes parents, ma sœur et son compagnon de l’époque. Outre le Haut-Médoc, le vin blanc moelleux (Pacherenc, bien entendu) coule à flots.
10:01 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
mercredi, 12 octobre 2011
Exister est un plagiat : 6 et 67
6
Le jour de mes cinq ans (ou était-ce au passage de la petite souris pour une dent perdue ? si c’était l’anniversaire, il y avait autre chose comme cadeau – si c’était une dent perdue au cours de ma sixième année, il serait facile de le vérifier avec les dates de sortie des disques), mes parents m’ont offert trois 45 tours : Aux armes etc. de Gainsbourg, Des ailes dans le dos de Michel Fugain et Sentimentale-moi de Plastic Bertrand. Je note cela afin de me tendre un miroir à moi-même et de bien continuer à ne pas en vouloir à mes fils quand ils m’imposent René ou Rihanna la taupe.
La même année, apprenant à lire en catimini grâce à ma sœur aînée qui jouait à la maîtresse d’école, j’achevai aussi de me passionner pour les chiffres et les nombres, en particulier grâce aux plaques minéralogiques et aux numéros des départements français. Sans doute est-ce sous le poids de cette obsession que je chantais alors, à ma façon, le refrain (ou plutôt la litanie finale, car ce n'est pas un refrain) de Message in a bottle, une chanson que l’on entendait sans arrêt et que mes parents aimaient beaucoup ; ainsi « Sendin’ out an SOS », tel que je l’ai compris depuis, devenait dans ma bouche
Seine-et-Marne un S.O.S. !
Seine-et-Marne un S.O.S. !
Seine-et-Marne un S.O.S. !
Seine-et-Marne un S.O.S. !
(Cet exemple plaide à lui seul pour l'apprentissage oral des langues. Un enfant qui ne voit pas écrit le mot sending mais l'entend dans une chanson n'a pas même l'idée de former une dentale, ou d'aller pêcher le son vocalique /i/. Sendin' out se dit en fait senène a-out, donc un enfant francophone peut comprendre Seine-et-Marne.)
À l’automne 1980, ayant fait ma rentrée directement en CE1 après avoir appris à lire et compter, mais aussi, plus sommairement, à écrire, au cours de ma dernière année d’école maternelle, j’en ai un peu bavé. Je me souviens d’être rentré un soir, en voiture, ma mère au volant, et que nous nous sommes retrouvés dans un énorme bouchon dont l’origine fut bientôt connue : le grand magasin du centre ville de Dax, Le Friand, était en flammes. On voyait d’ailleurs de gigantesques volutes noires dans le ciel. Pour des raisons essentiellement métonymiques, le souvenir de cet incendie est lié, pour moi, à la chanson L’Encre de tes yeux, de Francis Cabrel, et à Babooshka de Kate Bush. Je me revois aussi, le lendemain matin de cet incendie, en train de faire un exercice de grammaire dans le Bled, sur la table de la cuisine chez mes grands-parents, à Saint-Pierre-du-Mont, et lire (ou tenter de déchiffrer, dans mon peu de familiarité avec les codes de la presse écrite) ensuite l’article du quotidien Sud-Ouest relatif à cet événement.
67
C’est en juin 2005 que m’a saisi la frénésie des blogs, qui continue jusqu’à ce jour.
Ecrire dans un blog a été pour moi le moyen de me mettre vraiment à l’écriture, alors que je n’avais plus écrit que très occasionnellement, par secousses, depuis la fin de mon adolescence. Par exemple, en décembre 2004 et janvier 2005, je m’étais lancé dans une entreprise baptisée Multijournal, et qui n’a avorté, ou capoté, qu’en raison de l’impossibilité de faire foisonner le texte simplement : c’est la simplicité technique qu’a apporté le recours au blog. Depuis 2005, j’ai lancé, au sein de ces sites personnels utilisant le format blog, des projets d’écriture nombreux, dont certains portent la marque, heureuse ou malheureuse, de leur nature webmatique.
Il m’arrive de me dire que ces séries de textes, une fois parachevées, pourront faire l’objet de recueils ou d’ouvrages que je devrais tout de même tenter de placer auprès d’éditeurs.
En juin 2005, également, nous avons acheté, tardivement si l’on compare la date de cet achat à la plupart des gens de notre entourage, un appareil photo numérique. Il s’est développé depuis, là aussi, une forme de folie.
J’ai intitulé mon premier blog, comme plus tard mon site de photos, Touraine sereine. Tout aussi topographiquement, ma sœur a baptisé son propre blog Au Four et à Melun. (Elle vit en Seine-et-Marne.)
14:17 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (2)
mardi, 11 octobre 2011
Quasi cristaux
Je suis sujet à des évanouissements, à des éblouissements. Un grand cri dans la nuit, un grand Christ étoilé dans le noir, un grand crucifix au mur de la chambre, et un Christ humble, vivant et splendide accompagnant notre périple. Il n'y a pas de cheikh, ni de shaker. Personne abandonné, on écrase une larme. Eau et fer sont fréquents, offert se rencontreen tous lieux, dans les entrailles d'un poulet. C'est un voyage de mots. C'est un voyage de phrases.
On célèbre... quoi...? les quasi-cristaux ? on célèbre... est-on vraiment emballé ? ce n'est pas dit. Qui confond jeu de mots et calembour s'évertue à avoir raison. Une phrase compliquée, c'est un voyage de mots. C'est un voyage de phrases ! Tout de même, c'est un voyage, mais dans la pierre. Notre périple nous conduit parmi les promeneurs aux ombres à jamais immobiles. Nous y sommes. Phrases, pages que nous parcourûmes. Ce journal ne peut s'écrire qu'en devenant imaginaire. Les ratures pullulent, ça m'agace. Les ratages s'accumulent, ça dépasse le Suédois, ça surpasse les fourmis, ça fait une impasse. Les ratures pullulent. Les rats pullulent. On ne sera plus bien loin de La Teste.
La Teste ? êtes-vous fous ? nous descendons la Loire.
23:07 Publié dans Entre Baule et Courbouzon | Lien permanent | Commentaires (0)
Exister est un plagiat : 5 et 68
5
Au cours de ma cinquième année, je me revois, dans la cuisine de la maison de Saint-Paul-lès-Dax, en train d’écouter la copie sur cassette du dernier album de Brel. Ma chanson préférée était Le Bon Dieu, qui m’a longtemps ému jusqu’aux larmes. (Aujourd’hui, je suis un cœur de pierre, et plus rien ne m’émeut.) Comme ma sœur l’a déjà raconté avant-hier, les dames pipi de l’école maternelle s’amusaient aussi à me faire chanter Les Remparts de Varsovie, qui n’est pas la chanson la plus enfantine que l’on peut imaginer, que je connaissais par cœur et à laquelle, bien évidemment, je ne comprenais rien. Je ne sais pas très bien comment je pouvais restituer des vers comme Madame promène les gènes de vingt mille officiers de marine.
C’est dans ces eaux-là, aussi, que j’ai commencé à jardiner avec mon père.
Sinon, ma mère a retenu deux images, ou deux souvenirs :
Lors d’une journée à la Mongie en 79 (Pâques) et pendant que ton père et ta sœur skiaient, nous avons arpenté le parking de l'époque, tout en longueur le long de la route menant au col, fermé bien sûr, en regardant les voitures. Tu me donnais leur nom et je te lisais les numéros des départements, ce qui a fait démarrer ta passion des chiffres : grâce à ta mémoire et à ton intérêt pour les voitures, le soir même tu connaissais 40, 64, 65, 33, 31, 32 et quelques autres. Et tu as continué apprenant ainsi de façon très globale !
L'été suivant tu es en photo en train de pagayer sur le lac de Christus à Saint-Paul (avec ton père) tandis que ta sœur est dans un optimiste.
(Les souvenirs forment une traînée de poussière.)
68
Fin novembre 2005, je me rappelle m’être promené seul, à Bouchemaine, sur les bords de la Loire la Maine, un matin frisquet. Il y avait un colloque organisé par le centre de recherches angevin spécialisé dans l’étude de la nouvelle et des fictions brèves. Ce n’était que le début d’une longue série de communications enthousiastes donnant lieu à des échanges intellectuels très vifs lors du colloque, et ne débouchant sur aucune publication en raison d’un researcher’s block qui dure encore. J’étais absolument seul à longer la Loire, et à photographier, si mes souvenirs sont bons (car je n’ai retrouvé aucune de ces photographies dans mes archives), la devanture d’un petit restaurant de poissons.
Vers cette même époque, ce même automne, j’ai commencé à écrire plusieurs romans intertextuels dont aucun n’est allé bien loin. L’un d’eux s’intitulait Le Vil Landru à Villandry.
Au cœur de l’hiver, après un très bref séjour à Bagnères-de-Bigorre, j’ai commencé à publier des textes dans un nouveau blog, plus expérimental. Ses teintes grises et noires miroitaient de façon paradoxale le rythme très coloré de ma vie à cette époque. (En fait, c’était juste avant les vacances de février et Bagnères. Mais, je ne sais pourquoi, mes souvenirs persistent à fixer la vraie naissance de ce carnétoile au mois de mars.)
Au printemps 2006, la lutte sociale contre le CPE a donné lieu, non seulement à quelques manifestations auxquelles j’ai participé, avec Alpha, mais aussi au premier blocage de longue durée du site des Tanneurs. Alors que j’avais très peu de cours ce semestre-là, je me suis retrouvé, en tant que responsable des études de Licence 3ème année, à travailler dix fois plus pour répondre aux questions des étudiants démunis, égarés, à participer à des réunions « de crise », à maudire cette forme de lutte sociale qui ne sert qu’à exacerber les positions des uns et des autres sans offrir ne serait-ce qu’une once de début de solution au problème.
Une photographie que j’ai retrouvée de ce printemps montre que je lisais Eric Vuillard, Tariq Goddard, Yémy, Sergio Pitol et Roberto Bolaño (Les Détectives sauvages). À côté de la pile des livres, un flacon de Toplexil. Voilà quelque chose qui n’a pas changé en cinq ans. Autre détail, sur la table de chevet : le réveil rouge, que j’avais acheté en septembre 1994 en arrivant rue d’Ulm, et qui a fini par ne plus fonctionner.
À l’été 2006, après avoir remballé The Good Soldier de Ford Madox Ford, qui n’était plus l’année suivante au programme des concours d’enseignement, j’ai passé une très belle semaine en famille et en Corrèze (est-ce un zeugme ?). Nous avons vu François Hollande à la Fête de l’âne, à Arnac-Pompadour.
En octobre, par une très belle journée, nous avons traîné mes parents au Festival des jardins, à Chaumont-sur-Loire. Ma mère, qui devait finir par se faire opérer de la hanche au printemps suivant, se traînait sans se plaindre.
10:29 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 10 octobre 2011
Exister est un plagiat : 4 et 69
4
Au cours de l’année 1978, on m’aura vu me couronner les genoux, vouloir la fève lors de l’Epiphanie, faire du triporteur en plastique, de la voiture à pédales – ramasser les escargots ? Faire de la bouillie de jus de craies colorées, c’était plus tard, car je m’en souviens… à quatre ans… ?
(Peu court.)
69
Bréhémont est un joli village, au bord de la Loire, en aval de Langeais, mais sur la rive gauche. Presque toujours, on y accède en remontant le fleuve, par une route dégagée, sous des ciels crépusculaires d’hiver, ou des nuages mordorés, l’été.
(Une grippe.)
Un soir où je suivais l’atelier d’écriture de François Bon, à l’université, j’ai été saisi par une douleur atroce, morale. Je savais que j’avais vu, le 20 janvier, mon beau-père pour la dernière fois. J’ai écrit un texte, qui n’a rien changé, pas même ma douleur.
(Un texte.)
Dans les jardins du château de la Chatonnière, il y a une statue représentant un angelot qui tient, enroulé autour de ses cuisses et de son ventre, un serpent inoffensif. La statue est recouverte de lichens jaunâtres qui donnent à l’enfant une expression mélancolique. Il a pu faire, en avril, une chaleur quasi estivale.
(Un peu tôt.)
Oméga est né le 20 mai au soir, un dimanche, et presque dans la voiture. Un mois plus tard, quand il lui arrivait d’avoir des crises, des refus de sommeil (ce qui ne lui est presque pas arrivé, de sorte que je peux dater assez précisément ces journées : entre le 20 et le 30 juin), je le berçais en lui chantant Méthode de dissection du pigeon à Zone-la-Ville. En août, en Bretagne (où il ne faisait pas une chaleur estivale), il dormait à poings fermés à Carnac, Josselin, Brasparts, et Locronan. Quand il ne dormait pas, il avait déjà son sourire hilare.
(Une accumulation.)
Il n’y aura pas de photographies en regard de ces textes.
(Un refus.) Mais des liens. (Une complication.)
21:12 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (2)
dimanche, 09 octobre 2011
Exister est un plagiat : 3 et 70
3
S’il le faut, je raconterai la balançoire installée dans le petit carré de gazon devant la maison du 4, rue Jean-Jacques Rousseau. Je raconterai la vieille voisine, en face, qui nous donnait, à ma sœur et moi, des petits beurre dont je mangeais tout d’abord – semblable en cela, je crois, à des millions d’enfants – les quatre coins arrondis puis longeais le périmètre de mes dents grignotantes. Je raconterai la nounou, au bout de la même rue, et des moments d’ennui dans sa cuisine.
Mais tout cela… n’était-ce pas plus tard que 1977 ?
Alors, s’il le faut, je raconterai ma rentrée à l’école maternelle, les dames pipi, les tabliers, la poussière de la cour, et Jamais content (mais pour cela aussi, j’avais au moins trois ans révolus).
Aussi, je tapais sur un tambour.
70
L’été 2008, je suis devenu directeur du département d’anglais de mon université, après quelques années à accumuler de plus en plus de responsabilités administratives. Mon prédécesseur était un vrai modèle, et j’étais le seul candidat.
“It is not sour grapes to say that it is a a finicky scissors-and-paste job after which nobody else on the staff had particularly been whoring.” (Letting Go, I, 4)
Ce même été, nous avons passé une semaine de vacances dans un gîte en Charente-Maritime, et ce fut, dans les Landes, le début de la furia coursayre. Oméga avait un an, et une très belle photographie prise par mon beau-frère le montre avec son frère aîné au pied de la tour Moncade.
Si je cherche à trouver un épisode, une scène, une journée qui donne son sens à cette trente-quatrième année, je n’ai que l’embarras du choix. À l’inverse, pour décrire une époque de ma vie dont je ne peux pas avoir de souvenir, et n’ayant pas sous la main d’album photos de ma petite enfance, je suis contraint d’aller farfouiller dans des souvenirs approximatifs, des dates obligées, des objets ou des lieux peut-être anachroniques (la balançoire, le petit beurre, la cuisine des Barragan).
Faudrait-il décrire par le menu, en détail, les journées allant de novembre 2007 à novembre 2008 ? Ne serait-ce pas fastidieux, déjà pour moi ? Ne faut-il pas, malgré tout, tenter de trier, de précipiter, et par exemple évoquer la journée de pré-rentrée (le 1er septembre 2008, si je ne m’abuse), où, ayant posé Oméga chez sa nounou, Alpha et moi sommes allés, tout d’abord à l’université où je devais régler quelques affaires, puis – histoire de marquer la fin des vacances d’été – à Suèvres, Cléry, Meung et Beauregard.
11:49 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (3)
samedi, 08 octobre 2011
Exister est un plagiat : 2 et 71
2
Au cours de ma deuxième année, dont je n’ai – bien entendu – aucun souvenir personnel, j’ai fait mon premier voyage à l’étranger : en famille, à Bristol. Le seul souvenir d’enfance qu’il me reste de ce voyage de l’été 76 – outre les récits de mes parents (c’est grâce au voyage en avion que tu es devenu propre, etc.) –, c’est d’avoir, plus tard, quand je commençai à écrire des textes « personnels » dans des cahiers de brouillon, tenté d’écrire des fragments autobiographiques en revenant sur mes différents étés. Le chapitre consacré à l’été 76 s’intitulait L’AVION.
Je n’ai pas beaucoup changé depuis l’époque de cette première autobiographie (1982 ? plus tard ?). On se répète. On dit « je ». Ça s’appelle raconter sa vie, aussi au sens vulgaire. Il est difficile de ne pas choisir un événement précis, une image, un souvenir-écran. Je n’avance qu’à peine dans cette entreprise, mais j’espère de plus en plus vivement que ceux qui ont vécu avec moi m’y aideront °.
Faut-il ressortir des fiches cartonnées ? il n’y en a pas.
Faut-il parler d’un modèle d’avion dont je viens seulement d’apprendre l’existence en parcourant l’ouvrage de Charles Vivian, A History of Aeronautics, le Bristol Badger ? Un blaireau furèterait, n’aurait pas tort – fouaillerait — trouverait. Peut-être vaudrait-il mieux se consacrer à autre chose (traduire ?). Ou faire les deux.
En tout cas, ce n’est pas cet été-là, l’été 76, à Bristol, que j’ai entendu Video Killed the Radio Star. Longtemps, je me suis imaginé l’avion du vol Bordeaux-Bristol sous l’aspect du dessin de la couverture d’un livre d’enfant que mes parents m’avaient acheté plus tard en Angleterre, et dont le titre, de mémoire, était Henry’s Aeroplane.
71
La veille de Noël, nous déménageâmes – ma compagne, nos deux fils et moi-même – pour la maison dans laquelle nous vivons actuellement, dans le quartier de la Petite Arche (que je m’amuse à rebaptiser le quartier des sçavans en raison des noms de rues). Mes parents étaient là, nous donnèrent un fier coup de main. Le soir même, le soir du 24, le sapin de Noël était en place. On ne plaisante pas avec la famille.
La soirée du 31 mars 2009, je la passai dans une cellule du commissariat de Tours, en garde à vue.
Le 30 mai, j’épousai C., après déjà dix-sept ans de vie commune. — La mairie n’est pas loin du commissariat, mais il y avait tout de même moins d’invités, à la sauterie qui suivit dans notre jardin, que de manifestants battant le pavé deux mois auparavant pour réclamer qu’on me relâche. — Nos deux fils descendirent les marches avec nous, et avec tous les amis, la famille – nous avons tous posé dans l’escalier d’honneur de l’Hôtel de Ville, devant l’immense et pompeux monument aux morts.
(J’écris ces lignes le 8 octobre 2011, alors que j’ai cassé il y a trois jours mon alliance, que je n’avais jamais enlevée depuis le 30 mai. Il ne faut pas trop prêter garde aux symbolismes objectifs.)
En octobre 2009, nous passâmes deux jours à Paris avec Alpha, et en laissant Oméga à Tours sous la bonne garde de ma mère. Place des Vosges, Carnavalet, Cluny, le Louvre. 3 amis mènent l’enquête. (Mais pas le film.)
° Les autres ont le droit de mettre leur grain de sel, aussi.
19:05 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (5)
vendredi, 07 octobre 2011
Exister est un plagiat: 1 et 72
1
J'ai failli naître dans l'ascenseur de la maternité, non loin du lycée où travaillait ma mère et où j'ai préparé, quelques années plus tard, mon baccalauréat, à Dax. On ne doit pas avoir l'air très malin, la tête en bas.
Accoucher debout, pourtant, reste souvent une image africaine.
(Tout, en fin de compte, s'est passé à l'horizontale.)
Ensuite, quoi ? de nombreux mois paisibles ? ce n'est pas sûr. Je n'ai rien à en raconter, devrais demander à mes parents, à ma sœur.
72
Un des souvenirs les plus marquants de ma trente-sixième année restera mon voyage (déplacement professionnel) en Australie. Première fois que je franchissais l'Equateur, de plus pour me rendre down under.
Dans le vol Paris-Singapour, dans la nuit du 2 au 3 mai, je notais ceci :
J’ai déjà lu, entre l’heure et demie à attendre l’embarquement et le début du vol, la moitié du roman (très bref) de B.S. Johnson que m’a prêté ma mère. Ça date de 1973, c’est très potache, entre Queneau et Flann O’ Brien. Assez amusant, c’est déjà ça. Après avoir jeté un œil à son Petit Fûté Australie, T*** lit Les Croix de bois de Dorgelès (quite an unexpected choice).
L'avion était comme une sorte de grand vaisseau amiral, en zinc.
15:55 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (18)
Giacometti n'attend pas (l'isba albâtre)
Après avoir poursuivi poussivement ma préparation in progress de la communication que je délivre (même s'il est peu probable que j'en sois définitivement délivré) demain matin (non : ce matin -- garçon, il est minuit passé), il me resterait à écrire deux textes pour mes deux carnétoiles, et surtout à noter quelques passages de Call It Sleep, que je dois rendre demain --- le PEB n'attend pas. Pas la force, tant pis, je ferai rapidos des photocopies des quelques pages que je voulais, voudrais archiver.
Call It Sleep, en effet : il faut aller dormir, je n'y tiens plus......... et ce même après une belle soirée # Hôtel de Rive, un spectacle court mais marquant, avec ses défauts même, de Frank Soehnle, l'artiste en résidence cette année à l'Université -/- un spectacle qui gagnait surtout à ce qu'on ne sache pas (et je ne le savais pas) que le texte était de Giacometti (la révélation finale éclairait la forme des figures marionnettes).
N'arrive plus à faire des phrases, doit se pieuter. Planque quand même un lien vers le billet que la publication de celui-ci fait disparaître. (Arrive encore à faire des phrases tordues, doit se pieuter.)
00:38 Publié dans BoozArtz, Comme dirait le duc d'Elbeuf, Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 06 octobre 2011
Exister est un plagiat : 0 et 73
0
Mes parents m’ont raconté comment, devant s’installer de toute urgence dans la région dacquoise, et ma mère enceinte de moi, ils ont trouvé à acquérir la maison du 4, rue Jean-Jacques Rousseau, à Saint-Paul-lès-Dax, non loin de la Pelouse (« ce Saint-Paul-lès-Dax est bien laid, décidément »), et comment les propriétaires, désarmés devant la situation financière du jeune couple et les taux d’intérêt usuraires de l’époque, n’avaient pas voulu de versement de caution, ce en dépit des objurgations du notaire.
(Tout comme dans Balzac, ça commence par se résumer à du pognon.)
Ma sœur avait trois ans, cet été-là. Est-ce à cette époque qu’a été prise d’elle la photographie noir et blanc sur laquelle on la voit – assise au petit bureau que mes parents ont gardé jusqu’à présent pour leurs petits-enfants – en train de téléphoner ?
73
Je forme une entreprise qui a eu quelques exemples.
Exister est un plagiat, dixit Cioran, si j’en crois Lejeune. Seule la forme est de mise.
L’été dernier, à Cagnotte, pendant les flamboiements attardés de ma trente-septième année, ma mère a évoqué, je ne sais plus pourquoi, l’histoire du notaire et de la caution. Si, je sais pourquoi : à cause des rebondissements multiples de l’affaire immobilière de mon oncle paternel.
Immobilier. Mobilité de l’écriture, immobilité – dans la vie – que permet la mémoire. Aller de l’avant, dans ce projet d’écriture, consiste à revenir en arrière. → Les Vases bleues (chanson de 1976). En 2011, bien des questions restent en suspens, et même en suspension : la mer descend, c’est la vie.
Je ne sais pas ce que j’écrirai demain, mais peut-être pourrai-je imaginer la maison de mon enfance au moment de ma naissance.
Nous verrons.
10:07 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (4)
mercredi, 05 octobre 2011
Bourbilly
13 juillet, Hagetmau.
« Le site est magnifique et très bien conservé, au confluent de deux combes où coule pareillement le Serein (qui décrit un angle droit). » (Parti pris, pp. 254-5)
La description est minutieuse, et pourtant, sans doute du fait d’une topographie singulière (ou parce que je ne visualise pas absolument ce que peut être une combe), je n’arrive pas à voir comment ce ruisseau peut avoir son lit dans deux combes convergentes – à moins que l’angle droit formé par le ruisseau (la rivière ?) soit justement ce confluent des combes ? Bref, il en est du Serein comme de la sérénité : il est double, il coule manifestement, mais on ne peut le concevoir.
09:10 Publié dans Corps, elle absente | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 04 octobre 2011
Marche au supplice
Non, non, non, qu'on se rassure. (On, mais qui ? Nul lecteur. Continue de soliloquer, d'aligner, d'archiver, c'est de bonne guerre et pour la bonne cause.)
Non, non, qu'on se rassure, donc. Je ne suis pas très en forme, mais le titre de ce billet, toutefois, signifie simplement que je suis en train d'écouter la Symphonie fantastique, et plus précisément son quatrième mouvement, ainsi nommé, et que j'ai décidé d'écrire, à la manière de MuMM, un texte tant pour ponctuer le début de la journée de travail qu'en respectant la durée du mouvement.
Non, non, en mouvement. Pas en mouvement pour rien. Galop plutôt que marche. Tête chercheuse plutôt que pimbêches à l'arrêt de bus. Coup final que l'on attend, déroulé de tambour, menu déroulant sous les yeux, fenêtres, lettres écaillées, peinture du mardi, point barre.
10:10 Publié dans Autres gammes | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 03 octobre 2011
Flick flick
Mon obsession photographique est si poussée que ma femme vient de m'offrir du shampooing antipelliculaire. *
* Untranslatable. Does anyone have a joke with dandruff ?
00:15 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto) | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 02 octobre 2011
De l'Aude à Vergoignan
(15 juillet 2011 - Hors Touraine)
Dernier jour avant le départ pour l’Aude (aux bras blancs – aux doigts de rose ?). Au fur et à mesure que je lis, la pile de livres sur lesquels je dois faire des fiches à partir de mes prises de notes s’agrandit. Hier après-midi, sur les gradins, à Nogaro, en attendant le début du concours de la Corne d’Or, j’ai lu un bon quart du court roman (il a écrit beaucoup de courts romans) de Roth, le troisième des « Kepesh books », The Dying Animal. Au retour, vers dix heures du soir, un ciel rose et bleuté recouvrait doucement les vallons autour de Vergoignan. (Nulle honte à l’écrire.)
10:51 Publié dans Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 01 octobre 2011
Etat de droit, encore ?
Actualité de la semaine.
#1 Des policiers très haut placés qui fricotent avec des trafiquants de drogue, sans doute pour s'enrichir.
#2 Un ministre qui téléphone à un proche du président de la République pour lui donner des informations sur sa garde à vue.
Cela vous étonne-t-il si je vois un lien entre ces deux entraves fondamentales à ce qui définit un état de droit ?
Par ailleurs, pour avoir passé cinq heures en garde à vue (après dénonciation calomnieuse d'un policier et avant abandon de toute poursuite à mon encontre), je peux confirmer que, quand on est un "simple prévenu" (traduisez : "pas un proche de Sarkozy ou un commissaire"), on ne garde pas son téléphone portable en cellule... on n'a même pas droit de garder ses lunettes ni ses chaussures !
16:55 Publié dans Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 30 septembre 2011
Le spectre et le mourant
(Note écrite le 13 juillet, à Hagetmau)
Le dernier, très court, chapitre d’Indignation apprend au lecteur que le narrateur, qui se présentait comme un spectre, était en fait un mourant qui, sur son lit d’hôpital, se retrouvait, grâce à la morphine, avec la mémoire dopée – d’où son récit. Bien sûr, comme souvent chez Roth, cette révélation finale ne va pas sans poser de nouveaux problèmes narratologico-théologiques, plus complexes encore. Surtout, en substituant un mourant comateux à un spectre, cette fin de roman semblait appeler la lecture que j’ai enchaînée –Malone Dies (je crois avoir lu Malone meurt il y a une éternité – mais je crois aussi ne jamais avoir lu L’Innommable – est-ce possible ?).
Il faudrait réellement qu’un jour :
1. j’achète (au lieu de toujours emprunter tel ou tel volume en bibliothèque) les œuvres complètes de Beckett
2. je me livre sérieusement à l’étude, non du bilinguisme et de l’auto-traduction (cela a été fait vingt fois déjà), mais d’un point précis de comparaison entre le texte français et le texte anglais. (Par exemple, dans Malone Dies, ce pourraient être les substantifs en –lessness ou les comparaisons ou le rythme ternaire.)
Ajout du 29 septembre.
Aujourd'hui, j'ai recopié, dans le fichier Word « Roth », les notes éparses gribouillées lors de ma lecture d'Indignation. Une fois encore, la parenté avec les thèmes constitutifs d'American Pastoral (désir rétrospectif, mais voué à l'échec, de reconstituer ; histoire et récit ; erreur et errements ; incertitude du sens et certitude du désastre) est évidente.
05:55 Publié dans Lect(o)ures, Nathantipastoral (Z.) | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 29 septembre 2011
Affaires transversales, conversation croisée
29.09.2011. 9 h 20.
J'ai reçu ça :
-------------------------------------------
Bonjour,
Au vu de la quantité importante des candidatures à l’Atelier floral, à l’Atelier Bien-être ainsi qu’à l’Atelier Fitness, il ne m’est pas possible de répondre à tous les agents. Par conséquent, seuls les agents dont l’inscription a été validée, recevront un mail de confirmation cette semaine.
Merci de votre compréhension,
La cellule d’Aide et d’Action Sociale
H*** S.-K.
Bureau des Affaires Transversales - SPRH
O. - Pas de pot...
G. - J'adore le "Bureau des affaires Transversales". Pour un peu, ça donnerait presque raison aux salauds qui essaient d'expliquer qu'on ne manque pas de postes dans l'enseignement, mais qu'il y a des postes mal employés...
O. - De mémoire, le BAT dépend du Ministère du Mieux-Vivre-Floralement-Ensemble.
G. - Et le fitness, t'en fais quoi ? De mon côté, je m'entretiens en ouvrant des boutanches.
(Au fait, tu nous parlais de ta vénérable chienne samedi soir... Figure-toi que, depuis dimanche matin, nous avons adopté une petite chatte, ou est-celle qui nous a adoptés : maigrissime, miaulant, réfugiée sous le cèdre du rond-point, elle a fini par nous conquérir, sans qu'on se force trop. Véto samedi. Et les garçons ravis, bien sûr.)
S. - Bureau des Affaires Transversales : c'est l'équivalent du bureau des affaires non classées au FBI !
O. - G., ta médecine me plaît bien.
(Pour le chat, ça te pendait au nez. Dans un sens, tu t'en tires bien : vous auriez pu tomber sur un bébé Terre-Neuve... A-t-elle seulement un nom, cette Cosette ?)
G. - Séhune. (Nom donné par Oméga : "c'est-une", I guess.)
Quant au bébé Terre-Neuve, non merci. On préfère les molosses aux bolosses, quand même.
20:41 Publié dans Chèvre, aucun risque | Lien permanent | Commentaires (2)
Comme une promesse de couperet
29 septembre 2011
Une chaleur furieuse. It was the scar together with the flowers. Christelle, qui a rejoint les autres embringués dans ce périple sans fin, se rappelle la chambre de la maternité. Dans son pays, dans sa contrée, on ne faisait pas tant d'histoires. Vraiment, c'est le bouquet ! Vraiment, c'est le bouquet !
Le bâtiment l'impressionne, rose pastel. Elle ne sait pas ce qu'elle doit encore imaginer, se prouver. Peu s'en faudrait qu'elle ne ressente une saine indignation, quatre syllabes se mêlant. Un ami à moi, sans qu'ils s'en aperçoivent, avait brisé la glace d'une sonnette d'alarme, les nuages roses alors s'éloignaient, buvant le vin des musiciens. De 1972 à 1978 (elle se rappelle la chambre de la maternité), il aura fallu passer des six lettres formant une seule syllabe lourde et voluptueuse aux cinq signes griffés que l'on prononce en deux temps distincts, comme une promesse ou comme un couperet, ou comme une promesse de couperet. Le nom me rompit aux charmes du monde. Et, près du Carrousel, je fus roué de coups. Cela s'appelle, en effet, briser la glace.
Vraiment c'est le bouquet. Alors, toutes les traditions se perdent, même dans les maternités. Nuages roses, envolés... Filer la laine près d'une fenêtre, pfffuittt... Cinq signes griffés, le nom difficile à dire sans y faire porter des siècles de lourdeur théologique, une syllabe fervente. Et peu s'en faudrait que Christelle, en se disant tout cela, en réfléchissant à ce qu'a été, jusqu'à ce périple, son existence, ressente une vive indignation. Pays des cicatrices. Il aura fallu six années pour se défaire d'un signe, gardant la lettrine, l'initiale. Nuages roses, puis je marche jusqu'au fleuve, contemple ce périple fou. Vraiment, c'est le bouquet ! Pays de cicatrices, et donc regarde le fleuve, vide ton verre.
Vraiment, c'est le bouquet. Tu m'as bien compris.
Avec tes amis.
Christelle, avec ses amis mais seule en elle aussi, poursuit le voyage.
15:57 Publié dans Entre Baule et Courbouzon | Lien permanent | Commentaires (0)
ʬ - ᴔ - Ѡ
Au cours de l'été 1991, entre une année de Terminale étincelante et une année d'hypokhâgne qui allait être l'une des plus stimulantes, entre autres intellectuellement, de ma vie, j'écoutais presque chaque jour, et souvent plusieurs fois par jour, à Cagnotte, l'album de Gérard Manset qui date de 1974 et dont ma soeur venait de me "repiquer" un enregistrement sur cassette audio. Je découvrais l'album, un peu plus d'un an après que mon ami Christoph m'eut fait découvrir Manset.
Cet été-là, plus que les albums Lumières et Prisonnier de l'inutile (dont le souvenir est lié, pour moi, aux journées hivernales de mon année de Terminale), c'était donc l'album de 1974. La cassette audio est foutue depuis longtemps, et, selon la stratégie habituelle de Manset, la version remastérisée en CD ne contient pas toutes les chansons d'origine. Même dans les best-of ou coffrets, certaines n'ont toujours pas reparu, condamnées à l'instar de toutes celles du premier album, et du troisième album. Entre autres, Un homme étrange, que j'avais dans la tête presque en permanence cet été-là — et dont je juge encore aujourd'hui que c'est une composition d'une très grande subtilité, qui tient à merveille l'équilibre entre chanson populaire, texte insolite et arrangements ambigus — semble avoir été voué aux oubliettes. Il m'arrive régulièrement de chercher, sur youTube ou autres sites, telle ou telle de ses chansons. Comme l'éditeur de Manset et Manset lui-même sont très vigilants, on ne trouvait, jusqu'à naguère, aucune de ces chansons condamnées (ni les autres d'ailleurs). Or, il semble que le blocus soit levé, ou qu'EMI soit moins vigilant ces temps-ci, puisqu'il y en désormais toute une fournée sur youTube.
Pour plus de sûreté, et dans l'hypothèse d'une prochaine razzia EMI d'autant plus idiote que des vingtaines de chansons ne sont disponibles que par de vieux vinyles, je viens de télécharger Un homme étrange. Outre l'été 1991, la semaine en solitaire à Madrid, ou d'autres moments plus furtifs (fugitifs ?) venus plus tard (ou dont mon souvenir s'accorde à les fixer un peu plus tard dans la chronologie), cette chanson me rappelle combien ma soeur aimait à se moquer des rimes de Manset (dans cette chanson-ci : "fait comme une branche de céleri / mais gare à celle qui rit"), et, sans doute, par ce biais, de moi, de mon goût pour Manset. Cet été-là, aussi, en écoutant Manset, j'ai écrit des brassées de poèmes, à l'Olivetti sur du papier pelure, feuilles qu'ensuite je reliais, minces recueils de douze ou quinze poèmes que je me rappelle partiellement et imparfaitement, mais que je ne renierais aucunement.
(Le vrai punctum, le point absent, la ligne de mine de ce texte, c'est Christoph.)
13:40 Publié dans Autres gammes, Blême mêmoire | Lien permanent | Commentaires (0)
Déchéance d'en haut et d'en bas
D'après ce que j'ai pu lire près des porte-manteaux de grande section, il y a, sur une petite trentaine d'élèves dans cette classe, une Loane, une Louane, une Louna et deux Matyss.
Cependant, on entend parler maintenant de rétrocommissions en provenance d'Arabie saoudite au printemps 1995 : une dizaine de millions de francs versés en liquide pour la campagne d'Edouard Balladur contre des livraisons d'armes. Dans les innombrables épisodes qui jalonnent cette affaire, on a fini par atteindre, et même dépasser le Watergate. Et Sarkozy fanfaronne, ironise, crétinise.
Les parents de Loane, Louane, Louna et des deux Matyss voteront peut-être pour lui. Ou pas. Ou pas du tout.
09:35 Publié dans Indignations | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 28 septembre 2011
Météo, 3 [Hagetmau, 13 juillet 2011]
Hier soir, un orage est tombé, accompagné d’une averse très violente. J’ai saisi l’occasion pour apprendre à Alpha – qui a eu dix ans avant-hier – comment on calculait la distance de la foudre. (Sur la route, que je sache, aucune voiture n’a fait de tonneaux.) Ce matin, il pleut encore, je crois, et il doit faire bien froid. Vais-je pouvoir, comme hier, livrer mes cinq heures de bûcheronnage ?
(Les tas de bûches s’élèvent ; le terrain est encore envahi de grandes branches coupées.)
Quel vieux vilain temps gris ! Je crois déjà avoir raconté, dans Touraine sereine (mais ne peux vérifier, faute de connexion), l’origine de cette phrase exclamative. Toujours est-il que, ce matin, dès huit heures, la journée annonce un vieux vilain temps gris, que ne soulagera que la verdure des arbres.
(Ajout du 28 septembre : paradoxe de la froidure en juillet, et de la chaleur fin septembre. Obsession de la verdure. Liens ajoutés bien sûr aujourd'hui, lors de la publication.)
10:29 Publié dans Comme dirait le duc d'Elbeuf, Ecrits intimes anciens, Hors Touraine, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 27 septembre 2011
Philip Roth – Nemesis (2010)
Dans la perspective de mon cours sur American Pastoral, je m’envoie (ou m’infuse) un certain nombre de romans de Philip Roth, dont les plus récents – la série des quatre brefs récits rassemblés sous le titre général de Nemeses (nemesis au pluriel, en anglais : je n’ai aucune idée du pluriel de némêsis en français, ou plutôt si : je me doute que c’est un substantif emprunté au grec, et donc invariable) – sentent la fatigue. J’ai manqué de temps pour publier mes notes de lecture sur les romans des années 70 et 80 ; elles sont encore sur des fiches bristol, ou dans le ventre de l’ordinateur.
Avant-hier soir, j’ai fini de lire Nemesis, le 4ème et dernier roman de la série des Nemeses (!). Il s’agit d’un roman en trois parties, dont l’action se déroule, pour l’essentiel, en 1945, à Newark, dans le quartier de Weequahic. Le sujet en est l’épidémie de poliomyélite, et les nombreuses victimes qu’elle fit sur la côte Est des Etats-Unis, en particulier parmi les enfants. (Dans le documentaire diffusé la semaine dernière sur Arte, Mia Farrow explique que c’est après avoir discuté avec elle, qui a survécu difficilement à la polio, que Philip Roth a écrit Nemesis.) Le personnage principal est Bucky Cantor, jeune homme de vingt-trois ans qui n’a pu se faire enrôler dans l’armée en raison de ses problèmes de vue et qui, professeur d’éducation physique pendant l’année, s’occupe de diriger les activités sportives des enfants pendant l’été (« playground supervisor » : surveillant de centre aéré ? responsable des activités en plein air ?). Il est nommé ‘Mr. Cantor’ tout au long du roman, car, ainsi que le lecteur l’apprend p. 108, le narrateur est un enfant qui avait douze ans lors de l’épidémie, Arnie Mesnikoff, et qui raconte l’histoire en 1972, après avoir retrouvé la trace de Bucky Cantor et appris, de la bouche même du protagoniste, l’histoire dans tous ses détails.
Les points que je retiens sont les suivants :
* récit en 3 parties – la 3ème, beaucoup plus brève, se passe en 1972, et raconte les circonstances de la rencontre entre Bucky et Arnie, qui ont tous deux survécu, avec de fortes séquelles, à la polio en 1945. Elle s’intitule ‘Reunion’, ce qui est ironique, puisque ces retrouvailles servent surtout à mettre en avant pourquoi Bucky Cantor, convaincu d’avoir infecté involontairement plusieurs garçons de Newark ainsi que plusieurs garçons, s’est condamné à ne plus avoir aucune vie sociale, et surtout à ne pas épouser Marcia Steinberg, à laquelle il venait de se fiancer lorsqu’il est tombé malade. Toute la question de la culpabilité et de la maladie est étroitement mêlée à un débat d’ordre théologique, qu’éclaire principalement le point de vue, explicitement athée, d’Arnie, le narrateur (Nemesis. Jonathan Cape, 2010, pp. 264-5). On peut aussi se référer à la divergence de vues entre Bucky et sa fiancée lorsque l’épidémie de polio prend de l’ampleur : praying vs vision d’un Dieu qui abandonne les humains (forsaking). Le découplage entre un Dieu vétéro-testamentaire et un Dieu néo-testamentaire est, comme toujours chez Roth, systématiquement évité, objet de brouillage.
* le personnage de Bucky Cantor n’est pas sans rappeler celui de Seymour Levov, « the Swede », dans American Pastoral è très sportif, il est perçu comme un modèle et un idéal par les enfants et les adolescents (Arnie et Donald seraient, à cette aune, des versions bis du jeune Nathan Zuckerman dans AP). Surtout, l’analyse que fait Arnie du sentiment de culpabilité de Bucky Cantor permet de nets rapprochements. Our ne citer que deux passages de la fin du roman :
He has to find a necessity for what happens. There is an epidemic and he needs a reason for it. He has to ask why. Why? Why? That it is pointless, contingent, preposterous and tragic will not satisfy him. […] this is nothing more than stupid hubris. (p. 265)
Such a person is condemned. Nothing he does matches the ideal in him. (p. 273)
Lors d’une visite que lui rend Bucky Cantor au début de l’épidémie, son futur beau-père, le docteur Steinberg, insiste sur le fait que, même quand on fait ce qu’il faut (« you do the right thing »), on ne peut s’empêcher de constater l’absurdité de l’existence : « Where is the sense in life ? » (p. 47)
* le statut du narrateur et les conditions d’énonciation originelle du récit sont complexes (cf pp. 244-5). Font l’objet d’une forme de dissimulation subjective/objective. Arnie compare le récit rétrospectif de Bucky comme un voyage impossible qui tourne autour de l’irréversible : « an exile’s painful visit to the irreclaimable homeland » (p. 245). L’image de l’exil et de la demeure suggère autant le Juif errant que le Paradis perdu (rêve d’Eden). / AP
* statut de la Nature et de l’idéologie de la vie sauvage. La 2ème partie, « Indian Hill », se situe dans un centre aéré fondé par un certain Blomback sur les théories d’Ernest Seton, une forme de scoutisme dont le principe fondamental est le respect des coutumes indiennes. La voix narrative semble prendre ses distances avec (voire se moquer implicitement de) ce nativisme, fantasme de retour à une pureté originelle d’autant plus paradoxal que ce sont les anciens colons, ceux qui ont expulsé/exterminé les Amérindiens, qui miment les coutumes indiennes. Il y a, à cet égard, une scène essentielle, juste avant la mort de Donald Kaplow (adolescent très sportif dont Bucky aide à améliorer les techniques de plongée), la cérémonie du Grand Conseil Indien (peintures de guerre, feu de camp, discours en indien). Cette cérémonie s’achève, assez symptomatiquement, par le God Bless America (p. 218). Par ailleurs, Donald Kaplow se moque, à l’oreille de Bucky, de tout ce tralala et du fait que Blomback prenne tout cela au sérieux. Les moqueries de Donald sont qualifiées de kibitzing ° .
Il est difficile d’interpréter la mort brutale de Donald Kaplow après cette scène. Bucky est convaincu de l’avoir contaminé à son insu. Le lecteur ne peut s’empêcher d’envisager l’hypothèse d’une vengeance divine : en se moquant des rites indiens sur un site sacré (Indian Hill), Donald n’a-t-il pas été puni de son outrage (hubris) par la poliomyélite (nemesis) ? Toutefois, cette interprétation est trop simpliste : le Dieu de l’Ancien Testament et les esprits sacrés des Indiens ne sont-ils pas distincts ? Surtout, le récit tend à insister sur le caractère fantasmatique de tout lien de cause à effet. (Elément faussement proleptique, juste avant la catastrophe : le papillon, en qui Bucky voit « an omen of bounteous days to come », p. 179.) Le point de vue développé en filigrane par Arnie, le narrateur, et par le docteur Steinberg, ne doivent-ils pas inciter le lecteur à ne pas faire de lien, à ne voir, dans tout événement, que pure contingence ?
° D’après l’OED, le verbe kibitz est tiré du yiddish, à partir de l’allemand kiebitzen (regarder un jeu de cartes). Le 1er sens du verbe, à valence transitive, est lié aux jeux de carte. Voici un copié-collé du 2ème sens, pour lequel le verbe est intransitif :
To chat, banter, or joke, freq. with a person; to behave in a lighthearted or informal manner, to fool around.
1930 G. Kahn & W. Donaldson My Baby just cares for Me (song) 5 She don't like a voice like Lawrence Tibbett's, She'd rather have me around to kibitz.
1969 P. Roth Portnoy's Complaint 244 Fierce as the competition is, they cannot resist clowning and kibbitzing around.
2002 National Rev. 1 July 27/2, I served coffee, I told bad jokes, and good ones. I kibitzed. I schmoozed.
11:21 Publié dans Nathantipastoral (Z.), WAW, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)
Météo, 2 (souvenir de vacances...)
12 juillet 2011.
C. vient de partir pour l’A.M.I., les enfants regardent la télé (Regards Passion) et je pianote avant d’aller bûcheronner. Il est – déjà – dix heures du matin. Il ne fait pas très chaud, il y a de l’air, et le soleil se montre timidement.
Dans ce bureau, où je me suis photographié « face aux trois ordinateurs », la lumière est tamisée, pour ne pas dire bouffée par l’avant-toit, la poutre mais surtout l’énorme laurier qui est devenu, entre C. et moi, un sujet de plaisanterie récurrent, au point d’imaginer que d’ici peu il pourra, à lui seul, servir de clôture entre notre terrain et celui de la grand-mère de C., dont la maison est, depuis deux mois, mise en vente.
08:22 Publié dans Autoportraiture, Ecrits intimes anciens, Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 26 septembre 2011
In memoriam Wangari Maathai
Comme tout le monde, j'ai appris ce matin, par la presse, le décès de Wangari Maathai, Prix Nobel de la Paix 2004 -- sans doute l'un des choix les plus incontestables et les plus significatifs de ces dernières décennies. Afin de lui rendre hommage, je copie-colle ci-dessous un passage très fort de son allocution lors de la remise du Prix Nobel. (Un extrait de la cérémonie peut être regardé sur le site de la Fondation Nobel.)
Although initially the Green Belt Movement's tree planting activities did not address issues of democracy and peace, it soon became clear that responsible governance of the environment was impossible without democratic space. Therefore, the tree became a symbol for the democratic struggle in Kenya. Citizens were mobilised to challenge widespread abuses of power, corruption and environmental mismanagement. In Nairobi 's Uhuru Park, at Freedom Corner, and in many parts of the country, trees of peace were planted to demand the release of prisoners of conscience and a peaceful transition to democracy.
Through the Green Belt Movement, thousands of ordinary citizens were mobilized and empowered to take action and effect change. They learned to overcome fear and a sense of helplessness and moved to defend democratic rights.
In time, the tree also became a symbol for peace and conflict resolution, especially during ethnic conflicts in Kenya when the Green Belt Movement used peace trees to reconcile disputing communities. During the ongoing re-writing of the Kenyan constitution, similar trees of peace were planted in many parts of the country to promote a culture of peace. Using trees as a symbol of peace is in keeping with a widespread African tradition. For example, the elders of the Kikuyu carried a staff from the thigi tree that, when placed between two disputing sides, caused them to stop fighting and seek reconciliation. Many communities in Africa have these traditions.
Such practises are part of an extensive cultural heritage, which contributes both to the conservation of habitats and to cultures of peace. With the destruction of these cultures and the introduction of new values, local biodiversity is no longer valued or protected and as a result, it is quickly degraded and disappears. For this reason, The Green Belt Movement explores the concept of cultural biodiversity, especially with respect to indigenous seeds and medicinal plants.
As we progressively understood the causes of environmental degradation, we saw the need for good governance. Indeed, the state of any county's environment is a reflection of the kind of governance in place, and without good governance there can be no peace. Many countries, which have poor governance systems, are also likely to have conflicts and poor laws protecting the environment.
In 2002, the courage, resilience, patience and commitment of members of the Green Belt Movement, other civil society organizations, and the Kenyan public culminated in the peaceful transition to a democratic government and laid the foundation for a more stable society.
08:27 Publié dans Affres extatiques | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 25 septembre 2011
"Hitler is informed about the font", Parts 1, 2 and 3
15:08 Publié dans Comme dirait le duc d'Elbeuf | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 22 septembre 2011
19, 22.
Deux heures moins le quart, jeudi.
————— 19 onglets ouverts dans Google Chrome :
- messagerie électronique
- la WP anglophone (entrée « John Burnside »)
- la WP francophone (entrée « Marc Blanchet »)
- poème de Marc Blanchet sur remue.net
- fiche bibliographique de Marc Blanchet sur Poezibao
- Flickr (image affichée : « Le Jour ni l’Heure 5988 »)
- l’Oxford English Dictionary (entrée pinochle)
- Gutenberg News
- recherche Google dans Gutenberg.org (requête pinochle)
- texte intégral de The Aldine, vol. V, dans Gutenberg.org
- l’ENT de l’Université de Tours (onglet Bibliothèques)
- la WP anglophone (entrée Dittrichia viscosa)
- Complete Review (page ‘The Plot Against America’)
- Complete Review (page ‘Some Thing Black’)
- site de la Philip Roth Society (onglet ‘Research’)
- Reuters
- La WP Anglophone, encore (catégorie Free Improvisation)
- youTube (FormaII de Thomas Ankersmit)
Le morceau électroacoustique de Thomas Ankersmit (et Valerio Tricoli) dure neuf minutes pile, soit plus de temps qu’il ne m’en a fallu pour écrire ce billet.
13:54 Publié dans Aphorismes (Ex-exabrupto), Autres gammes | Lien permanent | Commentaires (0)