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vendredi, 23 mars 2012

Le triangle du Douboto

Ouverture dans les fleurs. Un arrosage de pluie, une nuit, aura suffi. Les renoncules éclatent, après les jonquilles – et les primevères, éparses dans la petite butte herbeuse. Le soleil les berce, plus qu’il ne les blesse. On se sentirait de bucoliques pulsions, même si la verdure précaire a, depuis longtemps, perdu contre le bitume et le béton.

Des nuées. Le temps n’est plus à ouvrir. Un bourdon noir et jaune frappe à la vitre, signe indéniable de printemps. L’air a une teneur inimitable. Même les adjectifs se pressent, sans crainte de s’effaroucher, sans crainte de censure, dans l’atmosphère à la tiédeur retrouvée, parmi les sinuosités curieuses de la brise. Phrases à ramifications. Et soudains coups d’estocs. Estocades ? Pourquoi pas ? Ce soir, c’est un autre que nous irons entendre.

Au loin, derrière d’invisibles filets, la marche du temps prend d’autres allures, vénéneuses, avant que le printemps vraiment nous revienne.

 

(Alban Darche Trio+1, Yolk 2009, 10ème plage) - 4'54"

jeudi, 22 mars 2012

Mingus Minces

Charles Mingus resented being called Charlie. And didn't he just hate being called a giant ? Sure he did. Did hate that. Charles Mingus hated the word jazz. Now he did. Let it also be said that Charles Mingus resented people who could not hold their applause until the end of a song. Mingus hated the Beatles, Eric Dolphy said. Charles Mingus resented all nicknames derived from Charles, more particularly Charlie. And with all his love for skins and views, Charles Mingus hated his stay at Bellevue so much that he composed a tune punning on such hatred (Hellview of Bellevue). True, he did. Did Charles Mingus. And he resented the word jazz even more than he resented the world of jazz.

mercredi, 21 mars 2012

Nuffield (W.M. 36)

A young simpleton from Nuffield

Asked a fair lass when she would yield.

When told "You're a bore !"

He said "I love you more",

At which the girl took to the field.

mardi, 20 mars 2012

Poignarder le colonel

Santa Sanders Colonel Sanders 

 

               "Enfin j'ai brièvement séjourné à deux mètres d'un restaurant fast-food (Poulet Kentucky) et je rêve depuis de poignarder le vieux colonel au sourire de grand-père gâteux."

(Dany Laferrière. Chronique de la dérive douce, Grasset, 2012, p. 44)

Biais

« Si l’on suppose que Brecht a travaillé à partir de cette traduction, cela signifie qu’il a trouvé ses phrases dans la traduction allemande de la traduction anglaise de la pièce japonaise, et ses lecteurs retrouvent Brecht dans la traduction allemande de la traduction finnoise de la pièce allemande. »

(Yoko Tawada. Journal des jours tremblants,

traduit de l’allemand par Bernard Banoun. Verdier, 2012, p. 71)

Entrée du damier

"Avant le concert", iv Mardi 20 mars 2012 ╚→ Avoir le bourdon n’est pas donné à tout le monde, surtout au premier jour du printemps. Lorsque trois ans seront passés. Lorsque trois ans furent passés. Après trois ans, j’ai poussé le grillage et découvert, délavées par les intempéries, pas moins de vingt-quatre photographies – là, dans le jardin. Curieuse exposition, entre les murets affaissés, le portique rouillé, les ronciers brûlés par l’hiver. Même au premier jour du printemps, je voyais tout – une pause dans le périple : des escarpins dont le motif était un damier rouge et noir, de larges flaques de sang, les chevrons du réfectoire, un geste sirupeux du vieux violoniste, une belle phrase au feutre fin dans un livre d’or, les trois jeunes virtuoses debout pour le salut (et un peu compassés, mal à l’aise), un feu rouge flou en gros plan, diverses vues de l’église à moitié ruinée saisies au clair de lune, le piano sans pianiste. Etc. Ils se poursuivent en albums de ténèbres. C’est surtout le damier rouge et noir dont le souvenir me revient, après trois ans, et malgré le délavé de ce début de printemps. Au terme du périple, on ne balancera pas, on poursuivra le périple. Causa ruboris eram. On lancera des piques sans fard, on ne se permettra pas d’avoir le bourdon – même au premier jour du printemps – et on s’interrogera sur la disparition des grandes affiches métalliques du cirque Zavatta qui bordaient l’avenue Maginot. Il sera temps de porter, pour la première fois, ces élégantes chaussures marron à bout pointu, tout en songeant toujours au meilleur moyen de saisir, sans passer par le truchement (la tricherie) de la photographie, le damier rouge et noir des fugaces escarpins. Nouvelles godasses, premier jour du printemps. Causa ruboris eram.

lundi, 19 mars 2012

Maudit [...] ton nom

Popescu lui a fait rencontrer des pays, qui n’avaient jamais été perdus, même en nostalgie, « à cause du danger représenté par les mines de toutes espèces dont les plages étaient parsemées ». Un centon serait aisé. (Pourtant, on a écrit peu de pages pour ce Journal raturé, vous savez bien…) Il ne serait pas difficile d’aligner des lignes. (De laminer des mines ? Pas possible.) En lisant Popescu dans le train, il note, au dos d’une carte postale Libération, les phrases « tu la regardes dans ta mémoire » et « tu feuillettes ta mémoire » (p. 10 et 14 respectivement). Quand même.

Alors, de nouveau, cri primal : Attendez, les minettes !

(Comme ça, et pas autrement, il photographia la gare d’Angoulême, sans descendre du train.)

On a sauté en l’air, Tobrouk pour tout le monde. Nul alibi (ce serait aisé).

 

(Travers Divers, p. 761)

Chronique de la dérive douce

Jeudi soir, dehors sur la terrasse, j’ai lu – tout en surveillant mon cadet, qui jouait au rugby – la première moitié de Chronique de la dérive douce, le dernier Dany Laferrière, et en tentant d’en traduire en anglais au fur et à mesure, in petto, les strophes. C’est un texte pour lequel, au jugé, une traduction de premier jet prendrait, tout au plus, une vingtaine d’heures. (Je ne cesse de blâmer, sans pouvoir l’empêcher, l’invasion de mes phrases par une foule de circonstants.) Ce dernier roman du Haïtien, je l’ai poursuivi au salon samedi – je crois – puis terminé dans le fauteuil, sur le palier à l’étage, dimanche matin, tout en surveillant encore le cadet, et de sorte qu’au fur et à mesure que je lisais ce livre, je m’élevais dans l’espace. Comme j’ai lu en parallèle, et en alternance, l’églogue hivernale de Renaud Camus, j’ai noté la strophe suivante, à la page 175 :

Je lis tout en buvant

du thé chaud,

soir d’hiver,

le poème où Nelligan écrit

avec une ardeur romantique :

« Ma vitre est un jardin

de givre. »

 

→ Montréal. L'hiver. Le givre. la citation.

↓ (Lundi. Rayons. Tout le couloir sent le vinaigre blanc.)

dimanche, 18 mars 2012

Patty Day Rugpoetby

Hier soir, vers six heures, alors qu'il avait plu, je croisai, rue du Commerce, des flots épars d'hommes et de femmes arborant des chapeaux aux couleurs irlandaises, certains le visage semblablement peinturluré, tous se dirigeant vers quelque pub ou bar où ils pourraient, en groupe, assister à la déculottée (que personne encore ne savait telle) de leur équipe, que ce fût leur équipe d'un jour (Saint-Patrick oblige) ou de toujours (mais la communauté irlandaise n'est pas très fournie à Tours).

 Faux (rouge) trio flou "Hé, Michel !" / Café Le Narbey, rue de la Monnaie, Tours. Bernard Pico, Karin Romer. Café Le Narbey, Tours. 

Je me rendais au Narbey, rue de la Monnaie, calme café obscur où je n'avais jamais mis les pieds mais où se clôturait, par des lectures de poésie également suggérées par le Printemps des poètes, le colloque de la Société Française d'Etudes Irlandaises. J'avais apporté, pour le faire éventuellement découvrir, hors Irlande, l'un des sept minces recueils du sublime Tatamkhulu Afrika.

Quoof.jpg

 

En fin de compte, il y eut pléthore de lectures possibles, outre Premier Amour de Beckett par Karin Romer et Bernard Pico, des poèmes qu'avait apportés Martine Pelletier, deux brefs Paul Muldoon que Stephen Romer et moi donnâmes en version bilingue ("Quoof" et "The Frog" - j'ignorais même que Jacques Jouet eût traduit de la poésie irlandaise), quelques tirages au sort dans la grosse anthologie bilingue de Verdier (au titre de quoi je me retrouvai à lire, sans les avoir aucunement découverts au préalable, un long poème de John Montague et une pochade abstruse de Joyce). Après les lectures, je n'ai pu discuter que brièvement (et encore, plus du tournoi que de poésie) avec Matthew Staunton, qui avait lu trois brefs poèmes de sa main, et accepté de lire l'original gaélique d'un beau poème de Nuala Ní Dhomhnaill.

Les deux poètes que Martine avait apportés, sous forme textuelle bien sûr, étaient, de mémoire, Brendan Kennelly et Eavan Boland.

 

Au sortir du café, vers neuf heures moins le quart, la nuit et la bruine avaient obscurci, sans les décolorer, les façades irlandaises des gargotes tourangelles.

samedi, 17 mars 2012

Dilemme classificatoire & buanderie (not) barbadienne

Il y a bien longtemps que je n'ai pas rasé les rares lecteurs quasi spectraux qu'il me reste avec les piles de livres à lire et les piles de livres que j'ai lus et que je me résous pas à ranger. Rassurez-vous : mon silence électronique de ces derniers temps ne signifie aucunement que les projets aient avancé. Le propre des projets, je m'y résigne, est de ne jamais avancer vraiment.

Toutefois, je ne vais pas vous bassiner avec cela aujourd'hui, mais avec un autre dilemme classificatoire. Face à l'invasion du bureau-bibliothèque, et face au véto farouche de mon épouse (qui ne veut pas voir (et elle a raison) poindre d'étagères dans la chambre à coucher, ni dans le salon), j'ai dans l'idée de ranger certains livres au sous-sol, sur les étagères de la buanderie. Il y en a déjà (revues savantes à l'intérêt limité, usuels jamais usués etc.), et je tiens à préciser qu'en dépit de son titre officiel (buanderie), il s'agit d'une pièce très saine, pas humide, puisque s'y trouve également la chaudière. Reste à déterminer quels livres on peut descendre durablement au sous-sol, et par conséquent de quels livres on peut se passer.

Plusieurs hypothèses :

  1. livres lus, peu aimés, dont on sait qu'on ne les relira jamais, ou qui n'appartiennent à aucune "collection" pertinente
  2. livres achetés il y a longtemps, et toujours pas lus
  3. livres d'un certain format (les livres de poche feraient d'idéaux candidats, mais mon épouse s'y reporte souvent)
  4. livres d'un certain genre (théâtre par exemple)

 

Affaire (même pas) à suivre.

mardi, 13 mars 2012

W.M. 35 : Ringo Starr

Que dire encor de Ringo Starr ?

Peut-être qu'il se couche tard

Et se sent souvent flagada ?

Qu'il chanta Obladi-blada

Sans jamais ôter son costard ?

lundi, 12 mars 2012

W.M. 34 : Le phare de Pointe-au-Père

Pour construire, à Pointe-au-Père,

Un phare, ainsi on opère :

On bâtit en béton

Volant de badminton

Et cochonnet. (Je pointe, ô père ?)

 

dimanche, 11 mars 2012

Ten is 10

Vous n'allez pas me dire que ça prendrait un temps fou de jeter quelques mots à la volée, puis de monter au filet smasher la tête d'une phrase.

Si ?

dimanche, 04 mars 2012

Brisées dominicales

Entre Orthez et Bordeaux, achevé la lecture du roman de Libar M. Fofana (L'étrange rêve d'une femme inachevée - un texte courageux, dense, acéré et flaubertien dont j'espère avoir le temps et l'occasion de reparler prochainement dans ces pages), puis de Briar Rose, bref récit éclaté (avec variations) par lequel Robert Coover réécrit le conte de la Belle au Bois dormant (j'avais lu, trois jours plus tôt, Snow White de Donald Barthelme - plus déjanté).

Entre Bordeaux et Challais, après m'être restauré au Mitico, un infâme bar PMU, correction des copies en souffrance, puis, entre Challais et Tours, lecture de la moitié du Secret de Caspar Jacobi, acheté d'occasion je ne sais plus quand et qui traînait à Hagetmau depuis je ne sais plus quand non plus. Il n'y a pas à dire, voyager en train est plus enrichissant (surtout quand la ponctualité est de mise et qu'aucun ratage de correspondance n'est au rendez-vous) que la longue litanie des bandes d'arrêt d'urgence et autres ronds-points.

Il reste à préparer un cours. Tours fait grise mine, sous les nuages bas et une brise glaciale, porteuse pourtant du printemps.

Je rêve assis.

mercredi, 29 février 2012

Ne pas oublier la légende

Scène de genre

mardi, 28 février 2012

L'harmonie injuste, l'inconfort, les bêlements [Bax II]

Whatever the reason might be, for the first time in her life, instead of slipping at once into some curious pleasant cloud of emotion, too familiar to be considered, Rachel listened critically to what was being said. By the time they had swung in an irregular way from prayer to psalm, from psalm to history, from history to poetry, and Mr. Bax was giving out his text, she was in a state of acute discomfort. Such was the discomfort she felt when forced to sit through an unsatisfactory piece of music badly played. Tantalised, enraged by the clumsy insensitiveness of the conductor, who put the stress on the wrong places, and annoyed by the vast flock of the audience tamely praising and acquiescing without knowing or caring, so she was not tantalized and enraged, only here, with eyes half-shut and lips pursed together, the atmosphere of forced solemnity increased her anger. All round her were people pretending to feel what they did not feel, while somewhere above her floated the idea which they could none of them grasp, which they pretended to grasp, always escaping out of reach, a beautiful idea, an idea like a butterfly. One after another, vast and hard and cold, appeared to her the churches all over the world where this blundering effort and misunderstanding were perpetually going on, great buildings, filled with innumerable men and women, not seeing clearly, who finally gave up the effort to see, and relapsed tamely into praise and acquiescence, half-shutting their eyes and pursing up their lips. The thought had the same sort of physical discomfort as is caused by a film of mist always coming between the eyes and the printed page. She did her best to brush away the film and to conceive something to be worshipped as the service went on, but failed, always misled by the voice of Mr. Bax saying things which misrepresented the idea, and by the patter of baaing inexpressive human voices falling round her like damp leaves. The effort was tiring and dispiriting.

Virginia Woolf. The Voyage Out [1915], Hogarth Press, 1971,pp. 277-8.

lundi, 27 février 2012

"Hot Springs of Dax"

Né à Dax, y ayant grandi et y revenant régulièrement (à Dax, ou plus exactement en pays d'Orthe), je ne crois pas avoir jamais rencontré, au cours de mes lectures, et à condition d'exclure certains vers ou textes particulièrement locaux ou obscurs, la moindre référence aux sources thermales de ma ville natale, ni à la Nèhe -- pas même à la Fontaine d'Eau Chaude. Or, ce matin, poursuivant ma lecture de Snow White de Donald Barthelme (réécriture très post-moderne du conte, qui remonte aux années 60), je tombe sur le paragraphe suivant, au début de la deuxième partie :

PERHAPS we should not be sitting here tending the vats and washing the buildings and carrying the money to the vault once a week, like everybody else. Perhaps we should be doing something else entirely, with our lives. God knows what. We do what we do without thinking. One tends the vats and washes the buildings and carries the money to the vault and never stops for a moment to consider that the whole process may be despicable. Someone standing somewhere despising us. In the hot springs of Dax, a gouty thinker thinking, father forgive them. It was worse before. That is something that can safely be said. It was worse before we found Snow White wandering in the forest. Before we found Snow White wandering in the forest we lived lives stuffed with equanimity. There was equanimity for all. We washed the buildings, tended the vats, wended our way to the county cathouse once a week (heigh-ho). Like everybody else. We were simple bourgeois. We knew what to do. When we found Snow White wandering in the forest, hungry and distraught, we said: "Would you like something to eat?" Now we do not know what to do. Snow White has added a dimension of confusion and misery to our lives. Whereas once we were simple bourgeois who knew what to do, now we are complex bourgeois who are at a loss. We do not like this complexity. We circle it wearily, prodding it from time to time with a shopkeepers forefinger: What is it? Is it, perhaps, bad for business? Equanimity has leaked away. There was a moment, however, when equanimity was not the chief consideration. That moment in which we looked at Snow White and understood for the first time that we were fond of her. That was a moment.

dimanche, 26 février 2012

Le temps dominical, à l'anglaise [Bax]

As the greater number of visitors at the hotel were English, there was almost as much difference between Sunday and Wednesday as there is in England, and Sunday appeared here as there, the mute black ghost or penitent spirit of the busy weekday. The English could not pale the sunshine, but they could in some miraculous way slow down the hours, dull the incidents, lengthen the meals, and make even the servants and page-boys wear a look of boredom and propriety. The best clothes which every one put on helped the general effect; it seemed that no lady could sit down without bending a clean starched petticoat, and no gentleman could breathe without a sudden crackle from a stiff shirt-front. As the hands of the clock neared eleven, on this particular Sunday, various people tended to draw together in the hall, clasping little red-leaved books in their hands. The clock marked a few minutes to the hour when a stout black figure passed through the hall with a preoccupied expression, as though he would rather not recognise salutations, although aware of them, and disappeared down the corridor which led from it.

"Mr. Bax," Mrs. Thornbury whispered.

The little group of people then began to move off in the same direction as the stout black figure.

Virginia Woolf. The Voyage Out [1915], Hogarth Press, 1971, p. 274.

samedi, 25 février 2012

W.M. 33 : Berrichon

Je ne peux éviter (riche, on

Le sait) de tricher. Donc, trichons

À tresser louange hypocrite

Aux cavales que Démocrite

Ne sut pas nommer berrichons.

 

jeudi, 23 février 2012

Can’t A Jazz & Simmons/Tusques (Petit Faucheux, 17 février 2012)

Vendredi dernier, au Petit Faucheux, c’était ticket double.

En 1ère partie, le septette Can’t A Jazz autour du guitariste Jean-Noël Galard : musique très appliquée, très écrite, offrant peu d’envolées mais quelques belles harmonies, de bons solos, bref… du jazz français se prêtant hélas à la tapinose. Entre autres menues faiblesses, pourquoi le leader, de toute évidence timide et peinant à parler en public, ne laisse-t-il pas un autre des musiciens annoncer les morceaux, dire ce qu’il y a (aurait) à dire ?

Après un entracte que je passai, exceptionnellement, vissé à mon siège car mon fils préférait rester dans la salle (ce qui nous a permis d’admirer le déménagement des instruments et instrumentistes), c’était le duo formé par deux septuagénaires de choc, que je ne connaissais que de nom mais qui m’ont accompagné depuis, au disque et via divers sites de streaming : le saxophoniste américain Sonny Simmons et le pianiste François Tusques (qui n’a d’entrée WP, et encore bien incomplète, qu’en allemand). Le programme était peu ou prou celui de leur album paru en 2011, Near the Oasis, et que je n’ai acheté qu’après, autant intrigué que subjugué. En effet, Sonny Simmons n’a pu achever le (bref) concert. Après un long duo piano / cor anglais, et plusieurs standards, le saxophoniste s’est excusé en nous disant qu’il devait aller se reposer et reviendrait après un solo du pianiste. François Tusques a enchaîné trois solos, dont un Night in Tunisia pour lequel il s’attendait à voir revenir son comparse, mais le saxophoniste n’est revenu qu’à la fin du troisième, lançant un petit chant puis saluant. De toute évidence, Sonny Simmons est de santé fragile et il fatiguait vite, mais chacune de ses improvisations valait, à elle seule, la totalité de ce qu’avait proposé Can’t A Jazz avant. Par-dessus le marché, François Tusques joue Monk totalement dans l’esprit de Monk, mais sans rien reproduire des modes de jeu ou choix d’improvisation de Monk ; cela aussi, c’était une sacrée découverte.

Bien sûr, l’album est beaucoup plus abouti, plus « parfait », plus rond, et donc plus satisfaisant, en un sens. Mais ce qui s’est joué là, ce vendredi, pendant une petite heure, au Petit Faucheux, c’est l’expérience réelle de la difficile beauté : un duo si magistral, si émouvant, ne s’écrit et ne s’impose qu’après des décennies d’une vie en musique. Et la beauté, même lorsqu’elle semble couler de source, n’est gagnée qu’en un combat sourd mais incessant contre la dureté, et la mort.

 

À écouter :

Simmons/Tusques. Near the Oasis (2011).

François Tusques Trio. Blues Suite (1998)

François Tusques. Octaèdre (2011).

 

mercredi, 22 février 2012

W.M. 32 : Garibaldiste

Parle-t-on, dans les Rombaldi,

De Giuseppe Garibaldi ?

Si je me repasse souvent

Un garibaldien au couvent,

C'est pour la scène du bal dit.

mardi, 21 février 2012

"La prison n'est pas un gruyère"

Après avoir lu le 62ème volet de l'Autobiographie des objets de François Bon, j'ai pris ma voiture (qui n'est pas un coupé), ce sous un soleil dardant et dans un froid tranchant, et, avant de démarrer, j'ai pris en photo le Laguiole repliable qui se trouve en permanence dans ce qui n'est pas la boîte à gants, mais, côté conducteur – faute d'autre appellation – la boîte à canif, ou le vide-poches à laguiole (qu'il faut prononcer la-yole, je le signale à l'attention de tous ceux qui, comme moi, veulent faire les malins à peu de frais).

Ce Laguiole, je l'ai trouvé sous une table de pique-nique, un beau jour de printemps 2010, en face du lavoir, à Sauternes of all places. Il était extrêmement sale, très évidemment rouillé. Dûment nettoyé, le soir, dans le gîte de Saint-Laurent des Combes, il avait l'air quasi neuf. Depuis, il ne quitte pas ce petit creux dans la portière avant gauche dela Prius.

lundi, 20 février 2012

Freegun, ou le sexisme en vers

Voici ce que j'ai découvert ce soir en lisant l'étiquette d'un caleçon acheté pour mon fils. Il s'agit d'un caleçon (donc d'un produit spécifiquement "garçon") de taille 12-14 ans.

 

Etiquette de caleçon taille 12/14 ans Je n'ai jamais beaucoup apprécié le sexisme sous sa forme publicitaire. M'est avis que beaucoup de choses passent la rampe, question humour, du moment que cela ne se double pas d'impératifs économiques ou marchands. Desproges disait qu'on peut rire de tout, mais pas avec tout le monde. L'humour juif à un meeting du FN, non merci...

Pour cette raison, je ne suis pas fou de blagues sexistes, mais en particulier pas avec les marchands de soupe -- ou, en l'espèce, de fringues. Car que dit cette étiquette, sous son allure débonnaire de distique en petits caractères ? Tout d'abord, elle dit au jeune garçon, et même, en l'occurrence, à l'adolescent que :

1) quand on est un enfant, on n'a pas à se préoccuper de tâches domestiques

2) quand on est un garçon, on n'a particulièrement pas à se préoccuper de tâches domestiques

3) que, quand on a un père et une mère, c'est forcément la mère qui s'occupe de tout ce qui est chiffons (et donc ni soi, ni son père)

 

Que cette normativité sexiste se déguise sous un mince maquillage d'humour ne peut la rendre tolérable. En l'occurrence, je désapprouve fortement cette pseudo-plaisanterie, au nom des femmes, au nom des mères... mais aussi en tant que père qui, comme cela se trouve, fait plus des trois quarts des lessives familiales ! Or, non seulement une telle étiquette range mon épouse dans la case bobonne, ce qui ne me fait pas plaisir, mais elle me range de facto dans la case père pantouflard qui exploite sa femme. Il y a beaucoup à dire sur le modèle de l'enfant-roi (du garçon-roi ? trouve-t-on cette même étiquette sur les culottes pour jeunes adolescentes de la marque Freegun ? j'en doute) que véhicule également ce distique.

D'ailleurs, il ne sert à rien de se cacher derrière les prétentions humoristiques, ni derrière la foutue fonction poétique du langage dont on sait que les publicitaires raffolent. Comme je l'ai écrit immédiatement sur Twitter et sur Flickr, on pouvait très bien dire : "File-le à tes parents / Ils sont au courant". Ce n'est ni malin ni très drôle non plus, mais au moins ce n'est pas sexiste. C'est déjà jeuniste, ce qui garantirait à la société Freegun un diplôme de bien-pensance en bonne et due forme.

vendredi, 17 février 2012

La fée talmudique se repose (5’35”)

Pas de perte de contrôle, ni de vitesse, si ce n’est le sombre éclat entre les touches. Tu tergiverses, mais non – jamais tu ne tergiverses, alors : on s’embringue, embardées, d’où d’autres embrassades, sans emberlificoter, tout se résout finalement en un brelan harmonieux. La flèche monte au ciel, c’est comme si le caméraman avait trouvé un truc pour l’y suspendre, l’y arrêter, faire en sorte qu’elle s’attache à rien, à l’air, à la chaleur d’un souffle, au butinement discret d’un insecte imperceptible. Pourtant, la caméra elle aussi fait des embardées, tout le monde s’extasie. Après une pause étonnante, on se croit en plein film d’espionnage, même pas parodique, comme si la sieste nous avait saisis, un assoupissement de fortune, ça tombait bien, on n’allait pas fort, tout d’un coup c’est tout comme si tout prenait le moelleux d’un tapis de mousse, mais tout s’étiole toujours, partout. Alors, après la pause étonnante dont l’on ne garde plus qu’un souvenir diffus, en différé on suit les embardées renouvelées d’une cacugne – pas du tout la Jaguar ou la Porsche des frimeurs, des flambeurs – au volant de laquelle s’exprime tout un imaginaire. Il a fallu que je reprenne, revienne, reprenne tel mot, telle virgule, ça n’allait pas, le lisse et le moelleux qui enflamment, dans les embardées, le souffle chaud, le lisse et le moelleux je n’ai pas su les capter dans mes phrases, quoique j’aie fini par sentir, doucement, l’accalmie, le repos, la sérénité encore – sur un lit de mousse en été, contre une cabane de planches sèches en hiver – s’enfouir dans mes phrases, s’y lover, s’y bercer, embardées encore, et embrassades, et tout un monde partout qui détoure les nuages, les angles vifs, à l’horizon, tout un monde, oui – et pas de perte de contrôle. Ni de vitesse. Effacement (moelleux).

 

Alban Darche 4tet. Brut ou demi-sec ? (Yolk, 2009)

jeudi, 16 février 2012

La France fort(e)

La France sofort.jpg

Projet d'affiche non retenu par l'UMP pour la campagne présidentielle.

(Il paraît que Sarkozy n'était pas réussi dessus.)

Revirement


--- Sonnet inspiré * par l’album du trio Alban Darche

avec un quatuor à cordes hongrois.

 

 

Qu’on dise « En avant, marche ! »

Ou, plus subtilement,

Oyant un feulement,

On se calfeutre sous une arche

 

Afin, du laiton d’Alban Darche,

D’écouter moins paisiblement

Les effets dont l’esseulement

Déplaira à tout patriarche,

 

On s’emporte, une main se torde

À pincer sans férir la corde,

Au point de n’être pas un max

 

Désabusé, mais enthousiaste

De suivre les envols du sax

Métaphysique, inecclésiaste.

 

 

* Il est, entre autres traits pénibles caractéristiques, composé d’une seule phrase, la proposition principale tenant en deux mots trois syllabes.