samedi, 17 décembre 2011
2313 / Utopie
Notre force naît de rien. De n’être rien. De ne pas naître.
Nous ne comptons ni les octanes ni les octaves.
Je suis perdu, dans l’océan des informations, des correspondants, des friends (qui ne sont pas des amis) et des followers (qui ne m’emboîteront jamais le pas).
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vendredi, 16 décembre 2011
2213 / Dystopie
Nous ne marchons pas droit.
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jeudi, 15 décembre 2011
2113 / Au pichet même
Numance ne pense pas comprendre grand-chose à ce que je lui écris. Der Kellner brachte das Verlangte. Autant rompre, c’est mon avis. Mais il ne l’entend pas de cette oreille. The chick that’s in him pecks the shell. Il m’envoie, comme autant de dictons, des encouragements à poursuivre. Era forse l'una pomeridiana. Le dernier en date, un peu imbécile je trouve : « La pluie peut glacer l’épiderme, il n’en faut pas moins y trouver la plus subtile chaleur. »
Comment faire pour que les phrases ne forment pas des flaques ?
O quantum est in rebus inane !
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Nomade ?
Bus 1a. >>> Assis au fond du bus accordéon, j'étais. Bus quasiment vide.
Ollier (Claude). Conversations de samedi dernier sur Gordes. >>> Premières pages du journal 2000-2009. C.O. vit sans doute à Gordes, et samedi dernier nous avons parlé un moment de Cordes et Gordes.
Chantier du tramway. >>> Tranchée en tralala. Pénible.
(Nouvelle rubrique, que j'inaugure ici. Tout ce qui n'a pas été écrit avec le téléphone portable est blanchi.)
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mercredi, 14 décembre 2011
2013 / Perdita
« Tout ici est un puis sans fond. »
Mince, elle est bonne… Que devrais-je dire, moi, de mes journées perdues ? Pourtant, ça vaut le coup, alors je continue. Lui, il perd son temps, c’est vrai, mais peut-être aussi trouvera-t-il bientôt, parmi son fatras d’exégèses et de traductions d’auteurs méconnus, une véritable pépite, qui nous engagera tous, et pour longtemps. Chacun sa mission ; moi, je suis mon sillon. Au point de l’épouser.
« Tout ici est un puis sans fond. »
Je crois me rappeler un autre jour d’automne, il y a longtemps, un mercredi je crois – ainsi comptions-nous… ce jour n’était-il pas dédié à quelque dieu tutélaire propice aux messages ? – un jour où je lus en une seule journée (je vous prie de me pardonner pour la redondance, la lourdeur de l’expression) pas moins de cinq romans de ce même auteur contemporain français. Comment se nommait-il ? ma mémoire n’a pas la force de le nommer… son écriture très puissante s’attachait, dans la plupart des livres que je lus ce jour-là, à des situations qu’on aurait pu qualifier de sociologique. Je m’étais photographié, de quatre façons différentes, avec trois des cinq livres. On faisait n’importe quoi, c’était le bon temps je suppose. Octobre ? est-ce qu’il a existé, à une autre époque, un mois qui se nommait octobre ?
« Tout ici est un puis sans fond. »
Delphine revient, alors qu’on n’attendait plus ses promesses.
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Toast peu mallarméen
Hier midi.
(G.C.) vient de finir les spaghetti a la puttanesca d'hier soir avec un demi-chorizo fort et deux belles tartines de livarot, le tout accompagné de deux verres de Chinon Vieilles Vignes 2002 pour fêter l'annonce de la mutation d'un collègue.
An orange is now compulsory but shan't save me from "French breath".
J. - C'est quiiiiiiiiiii le vilain collègue? Vous ne pouvez pas balancer sans dire de nom, c'est pas drôle. (Je parierais sur ***).
G.C. - You've won your bet.
C.L. - Là faut l'embrasser pour lui souhaiter bonne route ;-)))
V. - Wake Finnegans ? Ça alors !
G.C. - No Ulysses for us, we're Scots.
J. - Oh yeah! (cri de joie d'avoir deviné et de savoir qu'il se barre enfin)
G.C. - Cela dit, nous ça nous débarrasse vraiment (il doit avoir encore 4-5 ans à tirer s'il rabiote jusqu'à 67) --- vous, c'est râpé, vous l'aurez subi, point barre. Mais c'est gentil de penser aux autres ;-))
C.M. - Voilà un toast tannique et tonique !
O. - I must admit I don't give a damn about ***, but what about the Chinon Vieilles Vignes 2002 ? Can you tell us a bit more ?
G.C. - Domaine de l'Abbaye. Classique. Goûteux et tanique, long au palais. Cep et sol puissant, poésie du pinard.
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mardi, 13 décembre 2011
4311 / Déréliction
Aujourd’hui, rien. Je m’excite pour rien, je m’énerve pour rien, et je ne me tiens à rien.
Vaurien.
Fainéant.
Clamse, claque ton beignet.
Tout ici est un puits sans fond.
Je me décourage.
Pourtant, ce ne sont pas même les premiers alpages.
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Jugements de valeur (De la Pacotille)
Comme je suis affalé dans le sofa, comme je suis loin d’avoir fait le tour des textes de David Markson, comme il fait cette après-midi un soleil splendide après une matinée de déluge et de boue, comme je suis fatigué et affalé dans le canapé, comme j’écoute la Symphonie en trois mouvements de Stravinsky, comme je ne sais pas dans quelle « rubrique » je publierai les stupides remarques qui suivent, et comme j’ai, outre le bas du pantalon souillé de boue séchée, des bouloches de tissu vert plein le nombril (c’est un t-shirt quasi neuf), comme je ne sais pas par quel bout commencer, par quel angle attaquer, comme j’ai dû me redresser car affalé dans le sofa est décidément une position trop inconfortable pour écrire (même en écoutant Stravinsky), comme je vais devoir de toute façon m’interrompre pour me lever et aller me servir une énième, non, quatrième, mug d’English Breakfast, comme je suis intrépidement intrigué et désespérément désabusé, je pense que je vais me contenter de dire qu’apparemment (ou du moins, après de rapides recherches), le paragraphe dans lequel se trouve une critique acerbe de Vladimir Nabokov est bien de Markson himself, n’est pas une citation, un fragment ég-logal – non, ce serait de lui, et je ne sais par ailleurs d’où vient cet adjectif, pinchbeck, dont je suppute qu’il s’agit, à l’origine, d’un emprunt au français, et qu’en tout cas je n’hésiterais aucunement à traduire par « bec pincé », d’autant que je sais désormais – tant pour les rapports étroits entre Pale Fire et les Eglogues de Renaud Camus que pour certaines parentés entre l’écriture de Nabokov et celle de Pynchon – que je publierai ce billet dans au moins deux rubriques, affalé toujours sans doute et coincé et bec furieusement pincé (pynché ?) aussi.
The precious, pinchbeck, ultimately often flat prose of Vladimir Nabokov.
The fundamentally uninteresting sum total of his work.
(David Markson. This Is Not A Novel. Counterpoint, 2001, p. 73)
Le côté précieux, clinquant cul pincé, et, en fin de compte, souvent bien plat de la prose de Vladimir Nabokov.
Le fait que son œuvre entière est, au fond, tout à fait inintéressante.
Après vérification, dans l’OED, il s’avère que j’ai tout faux, tant pour l’étymologie que pour le sens. (J’ai donc corrigé ma traduction dans le bon sens, mais en gardant en palimpseste gratté le premier jet, plus rigolo je trouve.)
pinchbeck, n.2 and adj.
Etymology: < the name of Christopher Pinchbeck (c1670–1732), London watchmaker, who developed the alloy.
A. Noun
1. An alloy containing a high proportion of copper and a low proportion of zinc which is used chiefly in making cheap jewellery, on account of its resemblance to gold.
2. fig. A thing that is false, counterfeit, cheap, or worthless; spec. something that appears valuable but is actually cheap or tawdry. Also: the state or condition of being tawdry or worthless.
B. Adj
1. Made or consisting of pinchbeck.
2. fig. False, counterfeit, substitute; cheap, tawdry.
1845 N. P. Willis Dashes at Life 109 She had, beside, a kind of pinchbeck smartness, and these two gifts, and perhaps the name of Corinna, had inspired her with the idea that she was an improvisatrice.
1910 Chambers's Jrnl. Aug. 544/1 The man was a very pinchbeck brigand, or he was telling the truth for once in his desperate straits for money.
1987 J. A. McArdle Sin Embargo 629 The contrast between the glitter of the gilded calves that had been foisted on the masses and the pinchbeck reality.
-------------------- Je me suis contenté de recopier éhontément, ci-dessus, les citations proposées dans l'OED, mais on trouve sur Internet des citations beaucoup plus belles, et captivantes, par Joseph Conrad, H.L. Mencken, Charlotte Brontë, Mark Twain, Montague Summers (le préfacier de l'édition des oeuvres d'Aphra Behn), dans une traduction anglaise des Grenouilles d'Aristophane, mais aussi dans Apollinaire (il y a une Lady Pinchbeck dans Les Trois Don Juan), dans Pierre de Melville, dans les Ballades de Thackeray, et dans une traduction de L'Elixir de longue vie de Balzac, etc. etc. etc. -------------------
Le chantier avance, pfffff...
Certaines fois, il vaut mieux ne pas trop ouvrir les yeux.
Le soleil à quatre heures de l'après-midi vient couronner une belle journée, ciel bleu. Puis c'est un fracas de grue. Le lendemain, à 13 h 13, le soleil finit par poindre timidement, mais c'est après bourrasques, averses, à telle enseigne que le bas du pantalon s'en est retrouvé, le matin, crotté de boue. Et même étalage, mêmes bétonnages, même grue qui se déplace en sifflant et vrombissant. Ce n'est pas dieu possible. Dis-je.
14:17 Publié dans Kleptomanies überurbaines | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 12 décembre 2011
4211 / Trophonius, suite
Parmi les bizarreries que l’on trouve, à ce que m’écrit Juliane, sur les rayonnages de sa librairie – librairie qui compte, à ce qu’elle m’écrit, près de quatorze mille ouvrages – il y a l’intégralité des romans de Vaughan Kester, en anglais et en traduction. Juliane semble craindre beaucoup qu’un jour un acheteur se montre intéressé par cet ensemble qui constitue l’un des fleurons de sa librairie. Pour ma part, je ne comprends pas du tout, ni pourquoi elle ne veut pas les vendre, ni pourquoi, ne désirant pas les vendre, elle ne les garde pas tout simplement par devers elle. Juliane me répond invariablement qu’il faut que l’ensemble de ces livres soit disponible à la vente pour qu’ils soient vraiment l’un des fleurons de sa librairie – c’est son expression – mais qu’elle ne peut pas non plus inscrire un prix prohibitif sur la page de faux titre, car elle craint d’attiser les convoitises de bibliophiles un peu ignorants qui, s’imaginant qu’il s’agit là d’absolues raretés (alors que ce ne sont, à ce qu’elle m’écrit, des raretés que relatives, des raretés en tant que collection complète dans une librairie d’occasion en Europe – les romans de Vaughan Kester n’ont pas une cote très élevée, ni en anglais ni en traduction (et ce alors même, pensé-je dans mon for intérieur, que personne ne sait que Vaughan Kester a été traduit)), se précipiteraient pour les lui acheter tous au comptant, faisant de la sorte la fortune et le malheur de Juliane. On doit toujours tâcher de ne pas se compliquer la vie : c’est ma devise.
Juchée sur la chaise blanche, la chatte joue avec un des lutins de bois du sapin de Noël, puis, toujours boxant, fait tomber une des boules dorées, qu’elle poursuit ensuite sur le carrelage. —— Je ne sais plus qui m’a écrit en ajoutant cette phrase en-dessous de sa signature. Irène, peut-être ? Ou Philippe ?
10:55 Publié dans Une année de 398 jours | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 11 décembre 2011
4111 / « Ergaphilos ressuscite dans Cagliostro »
Il me faut creuser un chronotope, ou plutôt l’écart entre deux chronotopes.
The century was a maze of crosscurrents. Il s’agit de souvenirs, d’une mémoire enfouie – la mienne – qui ne demande qu’à faire des incartades, des embardées. Deux moments distincts, semblables et si différents – d’humeur, de tonalité. Un peu comme ce que l’oreille perçoit en écoutant successivement Pétrouchka et Apollon Musagète.
Un vendredi, à onze heures du matin, en décembre, je conduisais une petite voiture gris métallisé, vieille et sale, et traversai le pont Wilson du sud vers le nord, quand j’aperçus une grande aigrette qui volait, sous un brouillard laiteux plus que poisseux, en descendant la Loire ; la certitude qu’il s’agissait d’une grande aigrette, et non d’une aigrette garzette, me vint immédiatement du fait de la taille et de la noble majesté de l’oiseau, alors que la garzette m’a toujours semblé recéler, dans son vol comme dans son nom, la plus absolue gracilité. En 1911, nous eûmes Pétrouchka, merveille d’entrain et de fraîcheur. Je ralentis, stoppai ma voiture en pleine voie, observai longtemps la grande aigrette s’éloigner lentement de son vol chaloupé – jusqu’à réagir aux klaxons furibards et à reprendre ma course, du sud vers le nord.
Un lundi – était-ce le lundi suivant ? c’est que ma mémoire ne parvient pas à déterminer avec certitude – , à neuf heures quarante, je traversai le pont Mirabeau du sud vers le nord, au volant d’une berline noire presque neuve mais éraflée et cabossée sur tout le flanc droit, et, ne voyant aucun oiseau, sous un ciel aussi bleu que celui du vendredi – du vendredi précédent ? – était cotonneux de brume épaisse, me régalai du spectacle des îlets sur la Loire enfin débarrassés des étalages de boue sèche qui leur avaient servi d’écrin douteux tout au long de l’été, tout au long de l’automne. The century was a maze of crosscurrents.
Ce qui me rend fou, c’est de ne pouvoir croiser vraiment – ou subsumer – les deux moments, un peu comme l’on entendrait, si l’on diffusait en même temps, sur deux chaînes stéréo placées dans la même pièce, un enregistrement de Pétrouchka et un enregistrement d’Apollon Musagète, une épouvantable cacophonie.
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samedi, 10 décembre 2011
Chabal grillé
Mon fils cadet (4 ans), voyant Sébastien Chabal faire son entrée sur le terrain, via la télévision :
Ce barbecue, celui-là !
(A cette occasion, je m'aperçois d'ailleurs qu'Oméga a approximativement le même âge qu'Alpha à l'époque lointaine où je créai cette rubrique. Et je signale aussi que, comme par hasard, les Londoniens marquent deux essais coup sur coup juste après l'entrée de Sa Majesté la Nullité Barbue sur le terrain.)
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4011 / Les Reposoirs
Enfermée dans sa petite échoppe de bouquiniste crasseuse et mal chauffée, Juliane m’écrit sans cesse pour me demander des conseils, sur tout, sur rien. Elle me raconte par le menu ce qu’elle lit au long des journées, soit enfoncée dans le vieux fauteuil orange décoloré soit en déclamant à haute voix dans les allées de sa librairie, quand elle y est seule, mais aussi les achats des clients, leur allure ; ce qui semble l’obséder tout particulièrement, ce sont les livres que les clients consultent et puis reposent. Ce local était plus long et plus ténébreux que l’antre de Trophonius. Je me demande si Juliane ne compte pas publier un jour, sous forme de livre avant-gardiste un peu fou, l’ensemble des lettres qu’elle m’écrit, ou du moins le paragraphe dans lequel elle énumère avec précision les livres pris et puis reposés par tel ou tel client. No one fares so ill in a crowd as the man who is wedged in the middle. Ce paragraphe, tout à fait long et indigeste, par lequel elle termine chacune des missives électroniques qu’elle m’envoie, suit toujours la même structure : à chaque client une seule phrase le décrivant puis décrivant l’ensemble des livres consultés et puis reposés, ce qui, dans les cas, pas si rares, où un seul client a tripoté une vingtaine de couvertures dans des rayons différents avant de n’acheter qu’un livre de poche, voire rien du tout, a dû contraindre la bouquiniste à de savants espionnages, et l’épistolière à des efforts de variation syntaxique assez impressionnants – efforts qui me suggèrent de plus en plus fortement l’hypothèse que Juliane cherche, par là, à faire œuvre, à mes dépens, en quelque sorte. Et je n’ai pas de temps à perdre à jouer les cobayes, en quelque sorte, d’une œuvre aussi avant-gardiste qu’interminable, moi qui ai encore découvert hier que, pour ajouter à la longue liste de mes tâches sisyphéennes, je devais traduire les poèmes de Stanisław Kucžbōrski, dont tout le monde connaît les huiles et les pointes, mais dont j’ignorais – et bien d’autres avec moi l’ignorent, je pense – qu’il eût écrit des poèmes en prose. Enfermé, enchaîné à ma table de travail, dans ce pays de ma naissance, il m’est impossible de différer plus longtemps ce nouveau labeur.
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vendredi, 09 décembre 2011
3911 / Un échange bizarre
Je n'en peux plus, des romans d'amour comme des histoires de cul. Notre soleil tire sur le rouge, dit le Sirien.
L'héritière des sacs Lancel m'écrit pour me demander si je veux relire sa traduction d'un roman de John Buchan dont j'ignorais jusqu'à l'existence, ce qui me laisse sans voix, même au clavier. Elle me jura que si je voulais être ferme, quels que fussent les inconvéniens que nous éprouvassions, nous serions pour toujours l'un à l'autre. Puis, je me suis aperçu que personne n'avait pensé à célébrer le centième anniversaire de Nelson Cavaquinho, ce qui ne m'étonnait pas tout à fait vu que, dans notre monde bizarre, tout le monde confond salsa et samba, moi le premier, mais qui m'a donné une excellente idée de réponse pour l'héritière (qui se prénomme Orlane). Prenant prétexte du fait que le dédicataire du roman qu'elle avait traduit était dédié à Hugh Archibald Wyndham, et arguant que j'avais l'esprit de l'escalier, je lui fis un bref exposé de mes propres difficultés quand j'avais traduit Les Faulx-Saulniers de Nerval – je ne sais toujours pas comment traduire l'archaïsme dol – avant d'évoquer les ombres tutélaires d'Auden, Brassens et Carl Lewis.
Bref, je lui dis non. Brutalement. Qui était Barnabé Brisson?
Orlane me relance, c'est pénible. Douze gendarmes, commandés par le vaillant Bondéduit, l'escortaient, sabre au clair. Je traduis des poèmes pour oublier ses messages harcelants. J'invente des sévices. Détestant la prose stupide de Buchan, j'imagine que je fourre la tête de l'héritière des sacs Lancel au fond d'un gogue. J'hallucine d'autres sévices encore. Pour me calmer, j'écoute une version somptueuse de l'opéra de Julia Smith, Cockcrow. Notre soleil tire sur le rouge, dit le Sirien. Il me tarde de voir poindre l'étoile du berger.
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"Brains in the pot / They're beginning to boil"
Tandis que je prépare le déjeuner, mon fils aîné, qui s'est plongé dans le dernier numéro d'Arkéo Junior, vient me voir pour m'expliquer qu'on a retrouvé dans une grotte en France un squelette d'Homo erectus vieux de 170.000 ans, découverte essentielle car les préhistoriens ne pensaient pas qu'il y avait eu des Homo erectus aussi tardivement sur le territoire français. Mon fils d'ajouter nonchalamment que le fragment de crâne présente des traces de découpe, ce qui tendrait à prouver que les congénères du sympathique hominidé auraient siphonné la cervelle avec une paille pour s'en sustenter. Bon appétit !
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jeudi, 08 décembre 2011
This Is (Not) Iris Clert
(Il faut cliquer sur l'image pour comprendre de quoi il retourne ici.)
Quand on tombe sur les deux lignes constituées de la citation de Rauschenberg en italiques et de l'"explication" proposée par l'auteur (Writer ? David Markson ?) dans This Is Not A Novel, on (le lecteur) succombe encore à l'illusion référentielle, car si on ne connaît pas l'oeuvre de Rauschenberg, on s'imagine aisément qu'il y a une oeuvre que Rauschenberg qualifie de "portrait d'Iris Clert". Rauschenberg aurait dû s'expliquer dans un télégramme et confirmer que le tableau (sans doute peu figuratif, ou peu figuratif d'Iris Clert) était bien ce qu'il était censé être. Mais pas du tout. Le masque tombe, tout en s'épaississant si j'ose ainsi croiser les métaphores, après une recherche sur Internet : l'oeuvre, c'est le télégramme. (Et d'ailleurs, il semble qu'il existe plusieurs télégrammes, donc plusieurs oeuvres, avec des dispositions différentes sur la page.)
L'oeuvre, c'est le télégramme, et le télégramme est un portrait d'Iris Clert par pur acte performatif de l'artiste ("if I say so"). L'oeuvre, c'est le télégramme, un peu comme le père, dans Eraserhead de David Lynch, s'aperçoit, en découpant les langes emmaillottant l'étrange bébé hurleur, que les linges étaient la peau du bébé.
Question qui n'est ni triviale ni secondaire : les olibrius dans mon genre bousillent-ils l'effet-texte du roman-non-roman de Markson ? En effet, on peut considérer qu'en publiant une reproduction du télégramme-portrait sur Flickr et en la légendant avec la citation de Markson, je court-circuite la stratégie déceptive de Markson, qui égrène des anecdotes et des citations en les tirant de leur contexte. Toutefois, j'arguerai volontiers que cette stratégie, par l'énumération, justement, appelle un lecteur qui, intrigué, s'interroge, et va chercher à y regarder de plus près. Les stratégies trompeuses sont faites pour être détournées ; les assassins des romans policiers laissent exprès des traces car ce sont des assassins de fiction.
Deux autres remarques, que je ne sais pas où mettre alors je les mets n'importe où (après tout, l'auteur, ici, c'est moi) : - la présentation du texte dans le télégramme que j'ai choisi pour illustrer les deux phrases de Markson est un hommage évident à e.e. cummings (le double "IS", la dernière lettre qui se trouve en fait avant le début de la phrase, les mots formant le nom de la rue collés les uns aux autres). On pourrait sous-entendre : this is so evidently a pastiche of e.e. cummings I need not say so.
--- L'acte performatif de désignation qui constitue le télégramme en portrait d'Iris Clert est à mettre en rapport avec le titre du roman-non-roman de Markson (le lien est (trop) appuyé à la page suivante).
23:41 Publié dans BoozArtz, Corps, elle absente, Pynchoniana | Lien permanent | Commentaires (0)
3811 / Les Nons-du-Père
Les gens qui me voient passer avec ma hotte et me dévisagent d’un air admiratif ne laissent pas de me surprendre. Ce n’est pas comme si j’avais inventé – mon rêve d’une vie, mon rêve jamais abouti – le procédé qui permet, comme Panoramix dans Le Domaine des dieux, de faire pousser des chênes en un tournemain – en un éclair ? à toute vibure ? Le langage me pèse presque autant que de tels regards. Je voudrais tout envoyer bouler, paroles et regards.
21:59 Publié dans Une année de 398 jours | Lien permanent | Commentaires (0)
Quelques éléments de critique musicologique
Mes fils devant les clips sur W9. Soudain, j'entends l'aîné : "Ah, mais c'est pénible, ce singe hurleur." Puis : "Ta gueule, le ouistiti pygmée !"
Solution de l'énigme : chanson de Zaz. (J'avoue que je ne connaissais pas.)
J – Ahahaha ! N'empêche que ca lui va comme un gant.
Moi - Il va de soi que je ne sais pas du tout qui lui apprend à parler comme ça.
J – Bien entendu.
M – Et il a raison ! C'est une Tourangelle elle aussi...
J – C'est pas la meilleure spécialité tourangelle... je préfère largement les rillettes.
M – On ne pouvait mieux dire !
O – Zaz, c'est bien la fille qui hurle "C'est pas votre argent qui fera mon bonheur / Moi j'veux crever la main sur le cœur" dans une chanson diffusée à mort sur toutes les radios arrosées par Universal Music, c'est ça ?
Moi – Avant 7 h 53 ce matin, j'ignorais tout de cette fille, jusqu'à son nom. Et je ne crois pas l'avoir entendue avant. So don't ask ME !
J – Et jusqu'à ce matin, vous aviez bien de la chance.
13:03 Publié dans ... de mon fils, Autres gammes, Chèvre, aucun risque | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 07 décembre 2011
3711 / Crochet intérieur
Tout cela, bien entendu, ne pouvait pas avoir lieu ailleurs qu’en Touraine. Mon ordinateur portable a vingt-deux ans ; il est normal qu’il fasse un bruit de vuvuzela, un boucan d’avion à réaction. J’entends du remue-ménage dans la rue, je m’interroge, et je vais – lentement, précautionneusement, trop lentement – jusqu’à la fenêtre. Derrière la vitre, je guette, oh pas longtemps, car bientôt je vois passer le camion des éboueurs, puis cet homme étrange qui semble fuir, s’éloigner, baissant les yeux, et trimbale avec lui un gros sac de voyage très voyant (il est de couleur jaune vif, dans une matière proche du plastique), s’enfuit comme s’il avait le diable aux basques. Même s’il ne dit rien, c’est lui qui fait tout ce chambard.
Je n’ai jamais compris.
21:59 Publié dans Une année de 398 jours | Lien permanent | Commentaires (0)
Picasso regarde Stein regarder Blake regarder l'homme drapé regarder le ciel d'âme (Gray)
09:53 Publié dans BoozArtz | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 06 décembre 2011
New vista of troubles
Je dois, sans l’avoir ouvert, rendre Tracks de Robyn Davidson à la bibliothèque. Ouvrant le mince volume au hasard, j’en extrais cette phrase : « The miraculous turn of events opened a whole new vista of troubles for me. » (Vintage, 1995, p. 78)
J’ai aussi griffonné à la va-vite, par le clavier, mes vers préférés de Tiepolo’s Hound, avant de le rendre. Des fleurs se pâment dans un coin. Patrimony, pareil, et qui devra passer au scanner cet après-midi (comble de l’ironie, livre sur le cancer). Ma récente manie, prise avec l’Année de 398 jours, d’insérer, en petites majuscules (Book Antiqua corps 14), des citations sans rapport est bien pénible.
Écrire un éternel fichage décourage la lecture. (Celle là est de moi.) Tes galants mis aux fers. (Pas celle-ci.)
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3611 / (V)ivre
Octave alors a passé le relais à Nicolas, qui ne savait pas comment insérer la microcarte dans l’ordinateur portable. De toute façon, peu lui crucial. Vous avez eu la preuve que même les éditeurs n’arrivaient pas à lire ce pavé répétitif et indigeste. Le new age ne permet pas tout. Pourtant, c’était assez beau, dans la ruelle, de prendre son temps en regardant les ramasseurs de feuilles de platane. D’un vert tendre comme les jeunes mousses. Manuel n’a plus écrit, et, tout en repensant aux beaux jours de cette jeunesse (la ruelle, les feuilles de platane), j’ai perdu ma journée à regarder les matous se pourchasser dans le jardin, et à me demander pourquoi Manuel ne m’écrit plus. Il m’a fallu beaucoup de volonté pour me remettre à mes traductions. Quand je lis un texte traduit, même si je ne connais pas du tout la langue d’origine (la langue-source, comme disent les linguistes), je sens le calque ou la mauvaise traduction à deux mètres. Il eut une séance de sexe intense avec sa petite amie. Aussi m’a-t-il fallu beaucoup de volonté pour honorer la dernière commande ; un petit éditeur, qui a pour seul trait distinctif de changer à chaque nouvelle publication la couleur des couvertures, même avec d’infimes variations, m’a demandé de traduire un florilège de poèmes d’Allen Curnow. De minuscules nuances animaient le texte sans pour autant l’abîmer.
J’aurais préféré poursuivre ma lecture de Václav Čtvrtek, car l’œuvre du Néo-Zélandais – mort à l’âge de quatre-vingt-onze ans sans avoir connu notre époque heureuse, et sans avoir même imaginé qu’un pauvre hère condamné à le traduire écrirait, en marge de son travail besogneux, le récit de son année bizarre – ne me parle pas particulièrement.
Tout en traduisant, un peu à la va-vite, l’avouerai-je, quelques triolets mal fichus, je repensai, non sans lever les yeux à chaque fois que passait un matou, invariablement suivi d’un poursuivant, aux journées de naguère, à l’époque où chaque moment sentait la sueur, la précarité, le goudron sale. Le dimanche, le temps adopte un cours bizarre, le paysage se dénature étrangement. Et, dans mes souvenirs, j’ai revu le visage de Chloé et me suis rappelé combien les sensations de sueur froide, de nervosité, de goudron brûlant et nocif, s’accompagnaient d’un frisson permanent de bonheur. Délaissant dorénavant le roquet, j’ai arrêté de traduire les triolets pesants d’Allen Curnow pour tenter de retrouver, en moi, ce frisson, et, face à l’échec lamentable, ai mis sur la platine le disque du Strada Sextet que je pourrais écouter vingt fois d’affilée sans m’en lasser. The ruins of old cities stand piled against one another in a tangled mass of verdure that is hardly penetrable except where the tracks wind in and out.Le frisson n’est pas venu, mais les visions, c’est déjà ça.
10:49 Publié dans Une année de 398 jours | Lien permanent | Commentaires (0)
« Et son âne qui rouspète »
Clic clac clic, clac clic clac clic.
Le temps d’emmener les garçons à l’école, de rentrer, d’étendre la lessive, de faire le lit, un peu de rangement, de préparer la table de travail pour la matinée (je dois être à l’Université en tout début d’après-midi), puis de lancer l’ordinateur (et, m’objectera-t-on, de perdre deux minutes à tapoter cette phrase), il est déjà neuf heures.
Un jour où j’évoquais ce genre de contraintes, tout à fait banales mais qui impliquent toute une organisation pour les rendez-vous de travail (ce que les collègues spécialistes du décommandage – du décommandement ? le mot n’existe pas, mais le concept (le fait de décommander) est pourtant symptomatique de notre société – ne semblent ni éprouver ni comprendre), un collègue sans enfants m’a lancé sans rire : Ah mais, toi, grâce aux enfants, tu te lèves tôt tous les jours, donc tu gagnes du temps pour ta journée de travail.
Imparable.
Clic clac clic, clac clic clac clic.
09:07 Publié dans Moments de Tours, WAW | Lien permanent | Commentaires (2)
lundi, 05 décembre 2011
3511 / Allons au lit avec notre bougeoir
Octave tombait le lundi, cette fois-ci.
Alors il dut s’aliter.
Ah ah.
David Markson rapporte, à la page 163, un propos de Raymond Chandler distinguant les écrivains qui écrivent des histoires de ceux qui écrivent de l’écriture. Le narrateur de Chet Baker pense à son art a pour projet de réconcilier la sphère Finnegans et la sphère Hire. Barthes déjà a approfondi la question des textes lisibles et des textes scriptibles. Dans Travers, et ailleurs, Renaud Camus insiste beaucoup sur le recoupement d’une forme avant-gardiste et de récits permettant l’identification. David Markson rapporte, à la page 65, une hypothèse de lecture qui fait de wake un verbe et de Finnegans un sujet pluriel.
Seule hypothèse valable.
Ha ha.
23:37 Publié dans Une année de 398 jours | Lien permanent | Commentaires (0)
Odds'n'ends
. . . . . . . . Quatre heures de sommeil, sept heures et demie de cours, une heure dans une officine surchauffée, mais une très belle course jusqu'à la gare en compagnie d'une ancienne camarade pas vue depuis quinze ans, et qui turboprofait de Tours à Poitiers. Il fait enfin frais, et un soleil hivernal de grande joie.
Mon exemplaire du Tabucchi acheté à Poitiers le 12 novembre sent le tabac de pipe, comme l'édition Saint-Simon à couverture bleue. This is for you, David M.
21:32 Publié dans Moments de Tours | Lien permanent | Commentaires (0)
La signature, de sang peint
Aujourd'hui, c'est-à-dire dimanche après-midi (il est minuit passé), j'ai écrit une phrase sur Caracas, et je n'ai pas su continuer. Puis, plus tard, bien plus tard, j'ai dû me replonger dans le Caravage, dans le sang-signature. De proche en proche, ça a donné beaucoup de n'importe quoi (surtout grâce à Goodman).
Spell = spill.
In DM's words.
(Mais ça m'a tout de même ramené à Sandra Belloni.)
00:22 Publié dans BoozArtz, Pynchoniana, Words Words Words | Lien permanent | Commentaires (0)