vendredi, 11 novembre 2011
Exister est un plagiat : 36 et 37
36
En janvier, v’là que je dois déneiger encore les cinquante mètres de trottoir qui entourent la maison. Les nèfles en novembre, la neige gelée en janvier. Ritournelle du temps qui passe. En février, me voici affublé, pour quelques secondes, d’une sorte de bonnet en plastique avec des oreilles de Mickey – jamais on n’a été aussi près de la Folie Couvrechef (sans que je puisse dire quoi que ce soit de Sophronyme Beaujour, décidément, ça me taraude). En avril, le 11, je lis des inscriptions à même les solives ; Montcaret ni Bergerac ne sont loin, et nous nous égarons aussi à Villefranche-de-Lonchat (petite bourgade où, très sincèrement, ne doivent passer que des égarés). En mai, c’est enfin l’Australie, qui m’avait pas mal inspiré mais où je n’étais jamais allé, d’où ces moments de solitude très intense face à une bière, ou face à une sculpture de Bert Flugelman, à Canberra. J’ai failli, à l’instant, rebaptiser le sculpteur Spiegelman, c’est dire si j’ai frôlé la fusion encore plus que la schize. Louis Grosbois est un des élèves « morts pour la France » dont on peut lire le nom sur l’impressionnante plaque commémorative du « collège de Chinon » (c’est-à-dire du lycée). A Saint-Cricq-Chalosse, par un cagnard terrible, les frères Deyris, toujours impériaux et jamais impérieux, parviennent à placer toujours les coursières : ce n’est que la deuxième course landaise que l’on voit cet été-là, pas la meilleure, mais comme c’est l’anniversaire d’Alpha elle a bien sûr une saveur particulière. Par quelques détours mon regard en revient à Canberra, surtout à la route entre Wollongong et Canberra, sur laquelle j’ai vu de nombreux panneaux avertissant l’automobiliste de traversées éventuelles de kangourous et de wombats, mais de wombats ou de kangourous pas la queue d’un. On ne les encorde pas. On n’encorde pas non plus cette grille majestueuse, ni surtout cette magnifique fontaine du château du Fayet, que nous visitons le 11 août 2010 – nous n’étions pas à Hagetmau pour le dernier anniversaire de la grand-mère de C*** –, ni le dolmen de Coste-Rouge, auquel on accède par un chemin sec qui suggère un foisonnement modéré. Il est très adéquat d’achever cette liste incohérente (et immodérément foisonnante (ce pourrait être pire)) avec l’image d’un bus qui s’éloigne (la ligne 1, je la fréquente rarement), me laissant sur le trottoir avec ma serviette et mon exemplaire du Moyen de parvenir de Béroalde de Verville, scène qu’impassible contemple Rabelais sur son socle, flou, de traviole, ne filant pas de vers.
37
Comme, en ce jour de mes trente-sept ans, je dois me trouver ailleurs, sans connexion, et – ironie absolue et en partie involontaire, si l’on songe que j’écris là les derniers fragments du livre – hors Touraine, donc pas en Indre-et-Loire, pas dans le département qui est affecté du numéro 37, me voici, je l’avoue, en train d’écrire ces lignes le 10 novembre, et non, petite irrégularité dans la machine, le 11.11.11, comme il était initialement prévu. Qu’importe, tout ce livre n’est que petits dérèglements, minuscules grains de sable, kyrielles de négations en litanie. Merdouiller, ou tricher légèrement, fait un beau point d’orgue.
L’année qui finit de s’écouler, et qui sert de contrepoint à celle où je fus conçu – dont je ne peux rien savoir, ni directement ni même par de tiers truchements –, je pourrais en détailler les journées, les moments saillants, avec plus de précision et de maestria que pour des années envolées, échappées du sablier. Ce serait tricher un peu, là encore, et je préfère trancher. Ainsi, pour le fragment 36, que j’écrirai après celui-ci, je parlerai du 11ème jour de certains mois, et pour ce fragment-ci, du 1er jour de certains mois, peut-être tous, nous verrons.
— Le 1er décembre, candidat à la direction de l’U.F.R. Lettres et Langues, j’ai échangé des mails avec un collègue, qui a fini par m’écrire les phrases suivantes : « Quant à ma monomanie helléniste, c'est celle de l'opprimé qui ne pense qu'à une seul chose, se libérer ! Une fois notre département de grec libéré, redevenus citoyens libres, nous nous soucierons du reste en bons citoyens de l'UFR ! »
—— Le 1er janvier, nous avons réveillonné, comme la veille, aux bougies – pour le charme de la chose, pas pour coupure d’électricité.
——— Le 1er février, nous avons achevé, avec une petite dizaine de collègues, de mettre au point le planning des réunions de travail de notre « Groupe Afrique ».
———— Le 1er mars, rien, que je sache.
————— Le 1er avril, j’ai empoissonné mes collègues avec le message suivant : « Chers Collègues, je viens d'apprendre que les seuils officiels des groupes de TD passeraient l'année prochaine de 45 à 60 étudiants. Je ne sais pas si la Langue orale est concernée...Heureusement, cette info arrive au moment où je m'apprête à attribuer les cours et faire les EDT. C'est mieux ainsi... » Plusieurs sont tombés dans le panneau.
—————— Le 1er mai, contrairement aux deux années précédentes, je n’ai pas « fait la manif ».
——————— Le 1er juin, nous avons célébré, in memoriam, les 64 ans de mon beau-père, qui est sans doute la personne dont j’aurais le plus souhaité qu’elle puisse lire ce livre. Nous étions à Saint-Denis, puis à Senlis. Le village de Brasseuse est un véritable nid de plaques Michelin.
———————— Le 1er juillet, je me suis ridiculisé – pour faire plaisir à Priscilla, qui m’avait supplié et dont on fêtait le départ en retraite – à chanter Les Cornichons devant tous mes collègues. Collègues qui m’ont offert quatre volumes de la Pléiade pour me remercier de mes trois années à la direction du département, ce qui m’a beaucoup touché.
————————— Le 1er septembre, la barbe que je laissais pousser depuis quelques jours a commencé à faire mieux que s’esquisser.
——————————Le 1er octobre, j’ai archivé dans mon dossier « Sujets éventuels » un article de P. Quinio sur l’affaire de Karachi, intitulé Fin de règne.——————————— À la date du 1er novembre dernier ont été publiés, sur mon blog, les deux fragments 26 et 47, que je n’ai en fait écrit que le lendemain, au retour des Landes – comme quoi la boucle de la tricherie est bouclée (mais je dois avouer qu’à quatre exceptions près, tous les billets publiés l’ont été en direct).
Pourtant, la boucle n’est jamais bouclée. Peut-être l’ouvrirai-je une fois encore, pour revenir à l’année 0, et qui sait, perçant bientôt le secret d’improbables galaxies interminablement éloignées, ce en citant un passage de la lettre de rupture de Nathan Zuckerman à la fin de la Contrevie (The Counterlife) :
Do you remember the Swedish film we watched on television, that microphotography of ejaculation, conception, and all that? It was quite wonderful. First was the whole sexual act leading to conception, from the point of view of the innards of the woman. They had a camera or something up the vas deferens. I still don't know how they did it—does the guy have the camera on his prick? Anyway, you saw the sperm in huge color, coming down, getting ready, and going out into the beyond, and then finding its end up somewhere else—quite beautiful. The pastoral landscape par excellence.
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jeudi, 10 novembre 2011
Exister est un plagiat : 35 et 38
35
Revenir, un été pluvieux, sur les traces d’un des lieux de mon enfance (la rue principale de Chicheboville), ne m’a pas remué autant que j’aurais cru. Et je ne parviendrai jamais à métaphoriser de manière pas trop pesante l’insurrection, non loin de là, d’un immense champ d’éoliennes.
Le globe de papier cerclé « japonais » de Roubaud a rappelé le studio de Talence.
Pour la première fois, à Lyon, et, outre les traboules, que pouvais-je faire dans une laverie automatique ?
Le miel des promesses n’est pas le fiel des « réformes ».
Il y a, à Navarrenx, un excellent bouquiniste.
Au stade Guy-Drut, pour la première fois, nous avons vu jouer, en novembre, l’équipe de handball de Saint-Cyr, qui recevait l’U.S. Saintes. La ville sauvée des eaux met en avant : des lettres, trois zozos. Près de la crèche s’ouvrent des brèches.
Il attaque, il attaque drôlement.
Paronomase encore. Une troisième ? Laquelle ?
J’ai lu, et relu, et repris, et redécouvert des volumes, et des volumes, de V.S. Naipaul.
Tu cours de loin en loin, mais à Courances, ce jour-là, même les statues sont fatiguées.
Baugé coule dans mon bathyscaphe. Orléans redevient Acapulco 72. Et j’ai encore oublié qui était Sophronyme Beaujour.
Ainsi, revenir, un été normand, sur les traces d’une forêt déboisée où je n’étais jamais allé, cela constitue la forme la plus intéressante du retour. Aucun homme n’a la force du crabe, ni sa pugnacité. Toujours on avance, et, le plus souvent, des hypothèses.
38
Je bois, je mange, je dors, que vous dire.
Je voudrais croire que ma dernière année sera aussi paisible. Mais l’insouciance est toujours derrière nous. Sinon, on n’écrirait pas.
Si on me lance « fais risette », je ne suis pas sûr que j’obtempère.
Les images sont mensongères.
Tu te grattes, tu es un wombat.
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mercredi, 09 novembre 2011
Exister est un plagiat : 34 et 39
34
Je ne tiens plus debout, et même assis à mon bureau je ne tiens pas. Mais ça me fait prodigieusement râler de laisser se déliter ce livre. Ainsi, de même, en 2008, je ne voulais pas laisser se faner les roses trémières de Cherbonnières, alors j’ai fui Cherbonnières (bien entendu). Je tiens à résister, vent debout contre moi-même. Un bel imbroglio.
En avril, Eric m’héberge quand viennent les réunions de barème, et je lis Sibylle Lacan.
Sur du papier kraft, une trace retient les progrès difficiles d’un élève en tutification des prosopopées.
———— C’est ça, ton autobiographie ? numérote tes abattis.
39
Le tableau au-dessus de la cheminée de la maison de mes grands-parents que n’occupent pas mes grands-parents représente des fruits et ce que j’ai mis très longtemps à identifier comme un vase. On met les patins, sur le parquet. Dans les salles de classe de l’école, nous jouons, ma sœur et moi, mais l’odeur des toasts vient du logement, l’odeur des jeux printaniers vient du jardinet, et tout ça n’a pas lieu près de la maison de mes grands-parents que n’occupent pas mes grands-parents.
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mardi, 08 novembre 2011
Exister est un plagiat : 33 et 40
33
J’ai repensé, avant d’avoir trente-trois ans, au puzzle préféré de mon enfance. Il représentait la France par départements, soit 95 pièces, plus quelques morceaux périphériques pour les pays limitrophes. Je refaisais maniaquement ce puzzle dix, vingt, trente fois, en variant les « attaques », comme aux échecs en quelque sorte. Mon « attaque » préférée était par l’Espagne, en commençant ensuite par les départements de la côte Atlantique. J’aimais bien aussi commencer par la Bretagne, avec son bec bifide.
Je me rappelle que, dès que j’ai su compter, passionné par les numéros des départements, les préfectures, les sous-préfectures etc., j’ai su faire ce puzzle, et j’ai souvent associé ensuite les âges des différents membres de ma famille à des départements. Ainsi, quand ma mère était la Haute-Garonne, ma sœur était encore les Ardennes, puis l’Ariège après son anniversaire.
Lors de ma trente-troisième année, j’ai surtout vécu en Indre-et-Loire. Je note cela trois jours avant mon 37ème anniversaire. On ne parlera pas du Christ. (Trop tard.)
—— Les deux seules fois où j'ai dû revenir à Bordeaux, en 2007, furent d'une grande tristesse.
40
Dans les Landes, où j’ai passé, comme tous les ans jusqu’au baccalauréat, le plus clair de mon temps, je n’ai connu, apprécié, qu’assez tard les forêts de pins. C’était la petite ville où nous vivions ; c’était le jardin de mes grands-parents, qui me semblait immense ; c’étaient les fumées puantes de la papèterie de Tartas ; c’était aussi le petit train de Marquèze, au milieu des pins, donc mes souvenirs écrivent n’importe quoi.
En classe de petite section, à trois ans, avec Mme Séverin, notre maîtresse, nous avons appris une chanson d’Yves Duteil. Je me rappelle que cette même année je préférais « ricmer » sur Jamais content d’Alain Souchon. Let’s All Chant, mon 45 tours préféré, ce doit être légèrement postérieur.
Eternel retour. Les Landes, pour moi, c’est la Chalosse, c’est-à-dire, en fait, pas la Chalosse, le pays d’Orthe, autant dire presque le Béarn, et donc pas les Landes. Il fallait bien tenter de cerner deux fois, et même des myriades, ce sujet qui ne cesse de s’échapper.
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97 ans ce jour
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lundi, 07 novembre 2011
Exister est un plagiat : 32 et 41
32
Je ne dois pas me mettre martel en tête. Une tête d’halco, autant dire, un singe en décembre avec un duffle-coat. Pourquoi rien en janvier, et après ça une foison, la main de Balzac, le toit tranquille où marchent des flocons, un balai à gazon sur une épaisse couche de glace. Dynamo se met en marche, un tamarin parisien fait signe, un autre singe encore un autre singe, au printemps celui-là. (Au Salon du livre, si j’ai existé, c’est par le sourire et la main, l’attente dans une cabine de photomaton.) Ensuite, j’enfile la série des Virevoltes (sur fond de bassine à linge, sur fond de radiateur en fonte, sur fond de nappe, sur fond de carrelage, sur fond de miroir avec ma gueule, sur fond de matelas moiré, j’en passe), Chambord, le chambard au jardin d’enfants, Landes-le-Gaulois un toponyme de totale prédestination avec notices pancartes fautives vieille 2 CV des années 50, le chambard encore, la guimbarde au retour de Chambord, Saintes avec une couronne jaune, d’autres Virevoltes, Watt, la fée électricité, le chambard, une vie c’est compliqué, Mammouth dans la courette où enfant je jouais aux petites voitures – avec les joints entre les dalles qui faisaient les meilleures routes de toute mon enfance –, la fontaine d’eau chaude, l’aquarium de Biarritz et le mur(et) d’escalade, Lussac Civaux Montmorillon, une nuit à Saint-Savin, tout ça pour finir par un matin au bord de la Mer rouge. Je ne dois pas me mettre martel en tête mais ça continue de plus belle, et depuis belle lurette. Alors ne rien oublier, ni le banc rouge à Ménil, ni le violon de faïence dans une vitrine à Blois (à quoi m’avait servi de lire Champfleury ?), ombres sur le bleu de ciel, keep me covered, un porc-épic, mes parents peignant des planètes, la rue des Fossés-du-Château. D’un château l’autre, donc, ça continue, de plus belle toujours de plus belle, quand s’arrêtera mes aïeux cette effroyable accélération du temps, dire que ce midi encore on parlait de ça, de l’éternelle jeunesse, je confonds toujours un peu Faust et Dorian Gray, pour ne rien dire de ce mois de jouvence, juin pardon, un panda roux au zoo de Doué, des grimaces, un malaise, une fête avec une danse de rubans, une promenade au château du Rivau avec les Québécois d’adoption (Clément venait de naître), quelques jours dans les Landes car C*** faisait passer les examens d’un quelconque BTS dans un quelconque faubourg de Pau (d’Orthez ?) et son père allait très mal, alors à côté de cela Descartes Preuilly La Guerche le Grand-Pressigny ça n’a pas de poids, c’est le jour de l’été, la fête de la musique, en remontant l’avenue en voiture on double ma collègue Fabienne en vélo qui ne nous voit pas. Ça continue, pourtant, le tintamarre de la mémoire ne connaît pas d’interruption, alors j’enchaîne j’enfile je circonflexise à fond, and here we come André Markowicz au prieuré Saint-Cosme, la mosaïque infernale au Musée Labenche, les travaux à Tulle, je me mets toujours plus Martel en tête, d’immenses dinosaures en béton armé menacent de se casser la gueule sur moi, même pas peur, la religion tue le monde, l’illumination à Souillac, le faux derche à Commarque et le vrai François Hollande à Arnac-Pompadour, à la fête de l’âne je n’invente rien. Le mois de juillet s’est-il achevé sur la guimbarde (encore une guimbarde) 110 Cuites 210 Cuites, il fallait que le mois d’août fût modéré, alors on ne retient que la cible rouge d’Arthous, elle suffit à plonger dans le bain d’un mois à la chaleur modérée, aux pluies modérées, aux dernières joies d’une vie comme un feu vif, je pleure en écrivant cela, ce n’est pas bien de l’écrire mais le bien maintenant… Après la mante religieuse pour de vrai, le scorpion pour de faux de Jean-Luc Goupil, donc Tutuola, ergo des orangs-outangs à Beauval, tout cela se tient, on sait se tenir croyez-moi. Je termine ce calendrier cet almanach façon Jean-Louis Murat (je veux dire par là que c’est obscène et dénué de sens), les chrotomis sont très gentils, ma mère boquillonne, octobre est sobre malgré le décor de carton-pâte rouge, un cornichon géant me salue à Montlouis, décidément me dis-je à la fin du mois en lisant Virginia Woolf, le scorpion n’a qu’à bien se tenir. Au moment de fêter mon anniversaire, je suis totalement épuisé (c’en sera de même cette année je le crois) : « jets de pierre interdits » et statue verte de Vigny (sous peine de poursuites).
On poursuit en 41. (Non, j’aurai 67 ans en 2041, hors de question que j’arrive jusque là.)
41
Coquetterie. Dans l’œil. Pan dans les dents.
Nous revoici à Bristol. Le texte fait mosaïque, ou plutôt kaléidoscope (on en ramène un, motifs du Magic Roundabout à l’extérieur, petits cristaux multicolores dans la lunette).
Cette année-là, je ne sais plus pour quelle raison, mon père avait ramené à la maison, et déversé près du portillon du jardin, un tombereau indistinct dans lequel se trouvaient surtout des myriades de petits carreaux de faïence bleues, vertes et jaunes, ébréchés pour la plupart. Souvenir d’avoir joué avec ces petites merveilles, plus ébloui que si la caverne d’Ali Baba s’était ouverte devant mes yeux.
On passe un temps fou avec les aïeux, ceux de Fadesse ou ceux de Normandie. Bientôt ces derniers ne seront plus qu’à Saintes, ville dont je ne dis rien dans ce livre, mais dont le nom ne cesse de revenir, comme un mantra.
Mater. Anagramme ? Ma terre, celle dans laquelle je fouaille avec les doigts, aussi en jouant avec les petits carreaux de faïence ébréchés, c’est l’image de ma mère, il n’y a qu’elle. (Trop d’images pour en choisir une seule.)
― Tout de même, ce sera étrange, quand j’aurai tout réagencé à la suite, cette convergence vers le centre, et puis ces symétries.
― Tu ne veux tout de même pas dire que tu es allé chercher le souvenir du kaléidoscope pour une satanée, une foutue mise en abyme ?
― Hmmm… non, mais du coup, il se trouve…
― Tu es plus irrécupérable que je ne pensais. Je vais t’apprendre à manier la gomme, moi.
― On verra, je te passerai l’ordinateur. Après.
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Call That A Monday Morning
Je viens d'essayer d'ouvrir la porte de mon bureau de l'université avec trois clefs différentes, puis, ayant enfin choisi la bonne ferraille, de m'apercevoir que je venais de la fermer à double tour en tournant dans le mauvais sens.
Saloperiedelundimatindemerde.
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dimanche, 06 novembre 2011
Exister est un plagiat : 31 et 43
31
Pour la deuxième fois, c'est moi qui me chargeai des emplois du temps. J'ai toujours trouvé fascinant le mélange d'abrutissement répétitif et de complexité intellectuelle de cette tâche.
Pour la première fois, j'utilisai un appareil photo numérique de qualité. La première photographie que je me rappelle avoir faite représente mon fils, Alpha, et ma femme en train de lire la notice de l'appareil. Je crois avoir aussi cadré, depuis le jardin de la maison du 14 rue Guillaume Apollinaire, deux melons dans un sac plastique accroché au volet métallique de notre cuisine.
Pour la première aussi, le 6 juin 2005, je débarquai activement dans ce que l'on nomme, de plus en plus ridiculement, la blogosphère. L'été qui suivit, malgré la connexion modem à bas débit, je publiai tous les jours, dans les Landes, plusieurs textes. J'eus l'idée, en octobre, de rassembler les cent premières journées de ce blog sous le titre général Un bel éténébreux, mais la faiblesse globale des textes, ainsi que leur manque de cohérence, me retint.
Le 7 août, nous avons assisté, C*** et moi, à notre première course landaise depuis belle lurette. Alpha a aussitôt mordu à l'hameçon. Depuis, il est devenu très amateur et expert. Et, ce jour-là, c'était, à Pomarez, l'occasion de voir à l'œuvre pour la dernière fois le cordier Jeannot Dussarat. Et pour la première fois le sauteur Dominique Larié, dont le saut pieds joints capturé par moi ce 7 août montre assez tous les progrès qu'il a accomplis depuis…
42
L'été 80 – n'est-ce pas le titre d'un livre de Marguerite Duras ?
L'hiver 80, je ne sais pas. Dernières journées de pluie à Saint-Paul-lès-Dax. Séances de piscine avec la classe de grande section.
S'il y a effectivement eu des élections cantonales à l'automne 1979 ou au printemps 1980 (vérifier serait tricher), alors c'est bien ici que se place mon souvenir d'être allé coller, avec mon père, des affiches pour le candidat écologiste local. Les villages de Gourbera et de Herm (leurs noms, surtout) sont restés liés, pour moi, à cette journée.
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samedi, 05 novembre 2011
Exister est un plagiat : 30 et 43
30
Tu me devances, sur le chemin de l’école, non sans regimber parfois.
Au Jardin botanique, le plus souvent le mercredi, nous ramassons des feuilles de paulownia. (Sept ans plus tard, en CM2, tu étudies les jungleries du douanier Rousseau.)
Et moi, je n’ai pas su me débarrasser de ce foutu rythme ternaire.
Toi, le tout petit enfant
Qui vois dans la maison
Danser les poussières
43
Pour la première fois de ma vie, j’ai pris le train. Bizarrerie, un jour de juin, ma mère nous emmena avec elle, ma sœur et moi, à Saintes, chez nos grands-parents paternels. Mon père nous y rejoignit plus tard, me semble-t-il. Entre Bordeaux et Saintes, la climatisation s’est déréglée ; il faisait une chaleur épouvantable.
Ici s’accrocherait à merveille, comme à une cimaise discrète, les nombreux souvenirs que je conserve des cerises, du cerisier de Saintes, des cueillettes, des dénoyautages, des stérilisations, des dégustations sous l’arbre, des feuilles de cerisier encore attachées aux queues, des cerises des cerises.
Mais le musée a fermé pour la nuit.
Il reste le train du soir.
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Aux vingt-et-un boutons dorés
Henri Rousseau. Le maréchal des logis Frumence Biche (1893).
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# 2424 : cinq par cinq
(Cliquer sur chaque image pour agrandir. 2.424ème billet sur ce blog. Joie des zestes.)
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vendredi, 04 novembre 2011
Exister est un plagiat : 29 et 44
29
Certains souvenirs persistent à me fuir comme un pestiféré.
Je me souviens d'un lundi soir d'hiver, où je mis un temps infini à m'endormir, dans ma chambre du Régina. Et d'un mardi soir d'été, torride, où je me filmai dans cette même habituelle chambre, afin de faire le point, narrativement, sur les différents logements que j'avais visités ce jour, et notamment sur la maison que je n'avais pu filmer mais avais fini, repartant en course arrière, haletant, alourdi, affolé, par accepter de louer séance tenante, damant le pion, de quelques secondes à peine, et encore, aux visiteurs suivants. (Peut-être n'ai-je damé aucun pion ; peut-être n'auraient-ils pas craqué pour cette maison de la rue Guillaume Apollinaire.)
Me revient un nom, celui d'une étudiante que j'interrogeai un soir au lycée Descartes, mais c'était déjà l'automne suivant, juste avant mes 29 ans : Silithone Photirath.
Je me rappelle les trajets entre Tours et Paris, avec l'ordinateur portable, puis entre Paris et Beauvais, ou encore la gare de Beauvais le lundi matin à 5 h 07 (le train partait à 5 h 07). Commuting, un mot que j'avais appris à ne guère aimer au cours des trois années nanterroises, et que j'ai définitivement détesté après quelques mois à peine à jouer les turboprofs.
Je me rappelle, bien sûr, les promenades à la maladrerie, avec Alpha.
44
Elle m'a écrit des lettres et des lettres et des lettres et des lettres et des lettres…
En Angleterre, dans les jardins circumvoisins de la cathédrale d'Ely, j'ai donné des graines à des pigeons en compagnie d'une petite fille habillée comme une princesse de conte de fées. Un polaroïd que nous a donné illico son père a permis de fixer ce moment dans ma mémoire.
Quelques jours plus tôt, dans un camping sis non loin de Crystal Palace, j'avais trouvé, à demi enfouie dans la terre, une cuillère à café dont le manche était orné d'un motif très complexe et très beau. Je sais que j'avais encore cette cuillère quand nous vivions à Beauvais. Où est-elle passée ?
(Cet objet, qui m'a accompagné pendant vingt ans au bas mot, n'est immortalisé, s'il est bel et bien perdu, que dans mon souvenir. Aucun polaroïd, aucun astronef ne s'y attarde.)
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jeudi, 03 novembre 2011
Elbeuf encore
23:30 Publié dans Comme dirait le duc d'Elbeuf | Lien permanent | Commentaires (0)
Exister est un plagiat : 28 et 45
28
Chaussure de Nathalie Quintane, c’était bien avant, en 1998 je dirais. Mais pourquoi Chaussure ? je suis passé du 38 au 44 puis au 49ter, avant de redescendre au 44. Avouez que c’est cocasse. Enfin, cela n’a rien à voir ici.
Pourquoi un tel principe de pointure ?
Pourquoi cette coiffure ? Tronche de ma tante.
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On n’y comprend rien, c’est bien pour ça qu’on écrit.
À plus d’un titre, le très peu (pourtant) d’heures passées dans la salle des professeurs, à Nanterre, a dû avoir une grande importance. Mais l’année 2002 est celle où, la fleur au fusil, le lendemain du jour où le président Chirac fut réélu avec un score de république bananière, je fus auditionné à Bordeaux et Tours. Je n’ai peut-être dû mon classement en première position à Tours qu’au fait que j’ai déclaré forfait pour Paris-X, et que ça s’est su (et que personne ne donne la priorité à la province). En septembre, je prenais vaillamment mon poste. À quoi tient une vie…
Pourquoi cet hôtel, le Régina ? Et pourquoi ce nom ? Dans le bureau que je partage avec cinq autres collègues, il y a une magnifique tenture représentant les rois d’Abomey avec leurs symboles.
45
J’ai beau chercher, me triturer la matière que l’on dit grise, je ne vois rien d’autre, vraiment que Jézeau. Bon, allez, si : Vaison-la-Romaine, la Suisse, trois jours en carafe à Graz pour la énième panne de cette foutue Renault 16 TL, et la pétanque à Chicheboville.
Chicheboville n’est pas un nom inventé.
Quand elle nous écrivait de là-bas, ma grand-mère paternelle (avec qui j’entretenais une correspondance énergique et volumineuse) abrégeait en Chichebo (qui, rétrospectivement, a un petit côté orateur romain mâtiné de légume sec). En 2009, je suis retourné dans le petit village normand, avec sa rue, son église, ses maisons de pierre, le jardin où je jouais et dont toute une moitié a été saccagée en courette de gravier. J’ai revu aussi la tombe, où mon arrière-grand-mère nous conduisait, ma sœur et moi, en pèlerinage, pour pleurer sur son pauvre homme, sur son gars, dont elle essuyait la photo de son mouchoir trempé de larmes. Sûr, je préférais quand même, dans cette même direction, aller promener le chien Titus.
En carafe à Graz : titre à retenir pour un roman, ou pour un poème en prose.
Matière grise. Titre à ne pas retenir.
La Renault 16 TL. Les guimbardes improbables de mon enfance (c’est-à-dire aussi qui m’entouraient – l’époque de la fascination pour les plaques minéralogiques – l’époque où il n’y avait pas de ceinture de sécurité), non, ça, c’est trop tout un roman. Il faudrait raconter la peluche usée de la vieille 304, le trou dans le plancher de la 4L, non franchement, vous voyez ça, vous ?
Ce n’est pas cet été 1983, pourtant, que nous lisions, ma sœur et moi, un gros florilège de L’Os à moelle à Chicheboville. C’est cet été-là, ma mémoire me le remonte pour ma longue honte, que j’ai composé, aussi à Chichebo, une chanson qui s’intitulait Construire un banc de pierre. (Opération tout à fait fictive, au demeurant.)
Qu’est-ce que j’ai pu trafiquer du reste de ma neuvième année ?
22:00 Publié dans Autoportraiture, Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
W.M. 23 : Bugul-noz
Sais-tu ce qu'est un Bugul-noz ?
Pas endormi, même avec Booz,
Ce lutin de Pierre Dubois,
Loup-garou sorti du bois,
Déteste le Magicien d'Oz.......
......... et même (pas vrai ?!) les fest-noz !!!
18:50 Publié dans Wikimericks | Lien permanent | Commentaires (1)
Funky Fun-Key
Ça y est, à peu près toutes les horloges de la cuisine sont à l’heure, à l’heure d’hiver. Une complainte, tu ne vas tout de même pas passer tes journées à bader ce camping-car en laissant infuser ton thé à la bergamote ? Hier soir, le Château de Tiregand 2008 puis la liqueur de poire, ça faisait peut-être un peu solide sur le cassis.
Des jours, des journées comme ça, pluvieuses, grises, monotones, pas assez de jus pour se décourager en regardant les sandales détrempées sur la terrasse, ou les espadrilles en vrac dans le vestibule (notre ami tire sur la corde, je trouve). Dire que tu avais le cran de critiquer l’autre polardeux pour ses phrases nominales en cascade. Tu abuses, tu t’abuses. Avec les feuilles de néflier qui font un rideau jaune, et quand la pièce commencera-t-elle ?
Vous n’avez pas la clé, tout ça c’est juste pour s’amuser. Tu t’amuses.
Notre ami que voici se donne les gants de tout savoir, même la vie clandestine des flamants roses, et ce jusqu’au sens architectural du mot falbala, mais il est incapable de servir un thé qui n’ait pas, plus ou moins, et jusque dans les chaloupements osés de la contrebasse de Heiri Känzig, un goût de lavasse tombée d’une gouttière.
Le félin se marre, vous salue bien.
―――― Juste un rappel de la contrainte de ces textes, qui n’ont pas de rubrique réservée (et je crois qu’on en trouverait dans les deux blogs) : doivent être écrits, sans retouche ultérieure, pendant l’écoute du morceau qui leur donne titre.
15:40 Publié dans Ecrit(o)ures, Jazeur méridional, Un fouillis de vieilles vieilleries | Lien permanent | Commentaires (0)
Qui va amont voit Fromont
Des averses. Ponctuations : bourrasques. Soudaines giboulées.
Entre deux abats d'eau suis allé chercher fougasse et brownie que j'ai ensuite engloutis avec un verre de Riesling au bar P.M.U.
De retour dans la salle d'examen, je constate que la trousse et la montre de Candice sont assorties, à la perfection, au pull (très) vert d'Antoine.
Ma collègue lit Patrimony, que je lui ai prêté.
Chaque étudiant a une table de cinq places pour lui ; certains, tout à leur aise cependant, sont à deux par table. ----- Quatorze dans chaque rangée. Les tricheries sont impossibles, même si je navigue quand même dans l'allée centrale, plus pour noter ici / A C C A L M I E / que Chloé a une vingtaine de bics de couleurs différentes étalés tout autour de ses feuilles, que j'ai reçu un mail de Capucine, et que Frédéric se dope à l'Actimel. Aussi qu'un groupe d'étudiants vient de sortir, sous des hallebardes, du préfabriqué d'en face.
Qui vole un oeuf vole un boeuf. (J'ai oublié le parapluie dans la Clio.)
Au bar P.M.U., ça parlait fermement Sarkozy et dette grecque.
12:54 Publié dans Moments de Tours, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
Ben Okri - Tales of Freedom (2009)
Il ne faut jamais renoncer.
Après avoir été très déçu, et même exaspéré, par Starbook, j'ai décidé de donner encore une (dernière?) chance à Ben Okri. Give it a go, lad.
J'ai acheté, le mois dernier, ses deux derniers livres, un recueil de brefs essais et d'aphorismes, et un recueil de textes de forme et de format assez hétéroclites, intitulé Tales of Freedom (2009, réédité en 2010 par Rider en édition paperback). J'ai lu, en deux soirées, ce mince volume. Il se compose d'une sorte de novella très fragmentée et théâtralisée, "The Comic Destiny", en quatre parties et un épilogue ('Beyond'), et de treize fictions très brèves dont Okri précise qu'elles appartiennent à un nouveau genre, le stoku (amalgame de story et haïku).
Sans renoncer à une forme de mysticisme vaporeux qui s'est avérée, dans Starbook notamment, la source de véritables couacs esthétiques, "The Comic Destiny", récit filé et saccadé, emprunte un certain nombre de traits à l'écriture dramatique d'un Beckett, tout en la transposant dans un non-contexte très localisablement africain. C'est une vraie réussite, et, à rebours de ce qui aurait pu être une série de tics et de tactiques, le texte parvient à surprendre, de bout en bout, et à susciter une vive admiration. Très simple et très énigmatique, "The Comic Destiny" peut être lu comme une parabole, comme un tableau, ou comme une scène d'écriture.
Les stokus sont un peu moins convaincants, globalement. Certains sont très aboutis, d'une densité magistrale - là encore, l'énigme narrative interroge, y compris sur son mystère : y a-t-il véritablement une énigme ? D'autres flanchent très légèrement, ce qui suffit à diluer quelque peu un charme qui repose sur un équilibre formel et stylistique absolument précaire, et beau de cette précarité même. Moins convaincants, globalement, ces stokus (me) rappellent toutefois Walser, Breytenbach, et les Proses apatrides. Ce n'est pas rien ------- Je dois avouer m'être arrêté au seuil d'un de ces treize textes, "The War Healer" : je me suis, à cette occasion, fait la réflexion que je déteste viscéralement le verbe heal, surtout dans sa version au participe présent, healing - n'est-ce pas dans cette détestation qu'il faut trouver l'origine de mon profond désaccord esthétique avec le précédent livre de Ben Okri, Starbook, tout en promesse de guérisons mystiques et d'harmonieuse suture ? Très attaché à mon mal, je ne veux d'aucune cure. Allez-y donc voir par vous-mêmes.
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Bonus : sur mon autre site, la traduction d'un des 13 "stokus".
11:48 Publié dans Affres extatiques | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 02 novembre 2011
Exister est un plagiat : 27 et 46
27
Au printemps, à chaque chapitre écrit de la thèse (soit, à un moment de production particulièrement poussé, un par semaine), je me récompense en nous invitant au restaurant, C*** et moi. Avant de m’atteler d’arrache-clavier à ces chapitres, entre janvier et mars, j’ai traduit – au rez-de-chaussée de la petite maison de Beauvais, dans ce qui allait être la chambre d’Alpha, et sur le vieil ordinateur Macintosh dont je transférais ensuite les fichiers sur le PC quasi neuf, à l’étage – la totalité de Yesterday, Tomorrow.
Je crois que c’est dans ces eaux-là que nous écoutions Défloration 13 de Thiéfaine.
46
À Vincennes, dans la petite chambre mansardée, encombrée autant que décorée de divers petits objets et cadres, je joue au guide de château, ou de musée. Ce jeu, ou cette manie, m’a accompagné quelque temps, et avait sans doute commencé avant cet été 1984, même si c’est dans ce lieu que je me revois le plus distinctement le pratiquer.
Souvenir sans lien avec le précédent, mais beaucoup plus traumatisant, j’ai décidé, de retour à la maison à la veille de la rentrée en sixième, que le coiffeur n’avait pas bien fait son travail et me suis fait un trou dans la tignasse déjà bien ratiboisée par le vieux coiffeur à l’ancienne de la place du Gond. Peur d’attirer l’attention des camarades, au collège, par cette bizarrerie capillaire. Personne, je crois, ne me fait pourtant de remarque.
12:01 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (1)
mardi, 01 novembre 2011
Exister est un plagiat : 26 et 47
26
Je lis Anachronisme de Tarkos, qui m’impressionne, auquel je ne comprends rien. Ce mois de mai-là, bien chaud, j’ai pris l’habitude de m’installer sur le toit en zinc de notre maisonnette. Je grimpe là-haut au moyen de l’échelle, en passant par la courette. Là-haut, bien installé en plein soleil (soleil dont nous ressentons cruellement le manque, habituellement, en Picardie), je lis comme un lézard. Comme un forcené je lis, et pas seulement Tarkos.
À Pâques nous avons fait une escapade en Irlande, quatre jours autour de Dublin.
Tout le monde casse les pieds de tout le monde avec l’an 2000.
Même moi, pieds cassés plus que cassés par tout ce cinéma idiot, je me surprends à retrouver, dans ma mémoire, une chanson assez inepte de Jean-Pierre Mader, en effet l’an 2000 n’est plus ce qu’il était (et, écrivant ces lignes onze ans après l’an 2000, je ne vous dis pas).
D’autres questions me taraudent sur cette vingt-sixième année de mon existence. Entre autres. Très entre autres. Est-ce vraiment Huck Finn que Frédéric lisait impassiblement à l’arrière du louage où nous avons failli trouver la mort, entre Nabeul et Sousse ?
47
Cette ville, qui fut un enchantement si profond, n’est aujourd’hui (blême mémoire) quasiment plus qu’un nom.
Argols : avec Gracq bâtir des châteaux d’encre, qui n’existent pas.
Golias (l’air est pointu comme un ciseau) : des catholiques qui ne reconnaissent pas la papauté, voici qui m’intrigua.
Sol râg : musique musique musique.
Tout de même, où est passée mon Allemagne ?
11:21 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 31 octobre 2011
Télégramme du roitelet
Aucune connexion pendant une huitaine. Le vert qui nous entoure, et les feuilles du lagerstroemia (tantôt rouges tantôt d'un vif orangé), tiennent lieu de toile. Retard insensé dans mon travail.
Reprendre, aussi le fouillis.
Demain retour Touraine.
16:27 Publié dans Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (0)
Exister est un plagiat : 25 et 48
25
The outward trade consists chiefly of coal and lime, in both of which the immediate district abounds.
Tu as souri, moi aussi – au prieuré de Serrabone.
When I turned again, Sherlock Holmes was standing smiling at me across my study table.
48
1986. Mois de juillet parfait, dans le Roussillon, à nous gaver d’abricots par kilos, avant un périple à Font-Romeu, puis un passage en Catalogne.
Peyrepertuse aussi ? Sans doute.
11:27 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 30 octobre 2011
Exister est un plagiat : 23 et 50
23
J'avais passé les trois années précédentes à lire, avec passion, pas tout Dickens, mais presque. Les premiers me tombaient déjà des mains, mais j'en avais dévoré tant et plus. Cette année-là, étudiant de nouveau David Copperfield, pour l'agrégation désormais, j'ignorais que j'allais, ce faisant, lui faire mes adieux. Après, je n'avais plus la tête à ces gigantesques machines.
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50
Nicolas me tape la tronche contre un pilier. J'ai des crises de colite qui m'obligent à aller à l'infirmerie. Un autre énergumène encore, prénommé crois-je me rappeler Christophe, me fout un coup de boule. Ce n'est pas que j'aie la tête ailleurs, mais je ne suis pas vraiment en phase avec mes camarades.
L'année suivante, je lis Le Don paisible.
09:19 Publié dans Exister est un plagiat | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 29 octobre 2011
Exister est un plagiat : 24 et 49
24
Tous les soirs, tous les soirs veux-je dire où tu rentrais du collège, tu rentrais du collège après une première cellule de décompression en salle des professeurs, puis, jusqu’à l’heure du dîner et souvent aussi pendant le dîner, tu avais encore besoin de raconter par le menu, et d’en discuter avec moi, tout ce qui s’était passé d’anormal, c’est-à-dire d’habituel, et nous savons depuis, toi surtout, ce que veut dire « enseigner en banlieue ».
On écoute 2043, Sclavis, Creil City et Bojan Z. (que nous avons vu et entendu en quintette à Creil).
Malgré le brouillard, le ciel bas et lourd comme un couvercle, le soleil peut briller, et ce n’est pas une année facile.
Lors de la grève, le Courrier picard finit par titrer : « Du baume au cœur de Baumont ». (Sur la photo, je ne vois que toi tenir la banderole.)
Ciel bas et lourd. On écoute Ferré, on visite sillonne en tous sens la région.
En tous sens Senlis Amiens Esquennoy Laon Blérancourt Gerberoy.
Mais le sens nous échappe, c’est une très belle année quand même allez comprendre.
49
Pendant les jours de convalescence de la scarlatine, pendant que les charpentiers construisaient le toit au-dessus de la terrasse côté Campot, j’apprenais les verbes forts, et recopiai dans un cahier de brouillon les paroles d’une bonne quinzaine de chansons de Reinhardt Mey (que je ne connais plus, vingt-cinq ans plus tard, que très partiellement).
Quelques années plus tôt, mes grands-parents maternels m’avaient offert un double album Frédérik Mey à Bobino. Longtemps avant Beckett, peut-être sur un mode mineur, la dyade Frédérik/Reinhardt a constitué ma principale initiation au bilinguisme absolu absolument créatif.
Quelques années plus tard, à Varel, j’ai entendu des chansons du versant allemand que je ne connaissais pas. Je crois que son œuvre en français est plus intense, plus réussie. (Ce n’est pas vrai de Beckett, qui vibre avec autant d’intensité des deux côtés.) Il me semble que, de cet auteur-compositeur-interprète germano-français, je pourrais encore chanter de mémoire certaines chansons : Le politicien ? Le Vieil ours ? Deux kangourous devant la véranda ? Le formulaire ? Daddy Blue ?
Le passé simple est forcément parfait, le futur antérieur parfaitement forcené.
Ne cherchez pas : blême mêmoire.
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vendredi, 28 octobre 2011
Exister est un plagiat : 22 et 51
22
Was there a “secret” at Bly—a mystery of Udolpho or an insane, an unmentionable relative kept in unsuspected confinement?
51
It was not that the young man disliked her; on the contrary, he regarded her with a tender admiration, and he had not forgotten how, when his cousin had brought her home on her marriage, he had seemed to feel the upward sweep of the empty bough from which the golden fruit had been plucked, and had then and there accepted the prospect of bachelorhood.
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jeudi, 27 octobre 2011
Exister est un plagiat : 21 et 52
21
Cet été-là, en visitant le château de Castelnau, nous piquons un fou rire à cause du son & lumière.
52
Dans Cabaret Zap, je joue un rôle muet très secondaire, qui consiste à montrer au public des pancartes Applaudissez et Fermez vos gueules.
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