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vendredi, 30 mars 2012

M.Y.C.Y.X.

Que veut dire ce mot, mycyx – ou plutôt : MYCYX –, signifiant formé par les 5 photographies de Mihael Milunovic constituant, pour la pochette de l’album du Bojan Z. Tetraband, Humus, les 5 rabats de verso ? Pourquoi ces textures, froides ou bitumineuses, sang-de-bœuf figé ou peinture semi-effacée sur gravier gris multicolore ?

Pourquoi les textures parlent-elles ? De quoi nous parlent-elles ? De l’informel soudain formé (cf Duns Scot) ? Ou des litanies de questions qui ne cesseront de s’enchaîner, comme autant de souffles de brise, ou d’éclats de verre ?

Le pianiste, plus que jamais, sonne colosse.

Le tromboniste, avec ou sans sourdine, travaille le son jusqu’à l’os.

La basse, avec Ruth Goller, est en ronde-bosse.

Et le batteur a (bonnes peaux) bon dos.

 

Fuzzlija, Bojan Z., l’a aussi joué, depuis, avec son vieux complice Lourau. ═ Et qu’est devenu, texture sonore aussi archipel, The Joker ? Emporté par l’onde-monde. ╚ Texturologies. Texturologies encore. Pyrrhocores ou pas, graviers ou non – texturologies toujours. ╦

 

 

La chèvre chie sur ses petits. Ce n'est pas une allégorie.

La chèvre chie sur les chevreaux. C'est ce qu'on voit sur la photo.

Du long pourrissement de Mohamed Harinordoquy

Tiens, un énième exemple (sans mériter la une du JT de France 2 comme le collègue du lycée Chaptal) de la nécessité de savoir lire, réfléchir et recouper ses sources quand on fait des recherches sur Internet : l'entrée "Thomas Fersen" sur Wikipedia (très mal fichue, ce qui déjà incite à la prudence*)  signale en cours d’article que le chanteur a adopté son nom de scène en 1986, sans jamais donner, toutefois, le « vrai nom » de l’artiste. Intrigué, j’ai fait quelques recherches et découvert que la page WP avait été, à un moment donné, piratée par un plaisantin : pendant quelques jours (quelques semaines ?), on pouvait donc lire dans la WP que Thomas Fersen était de père kurde et de mère basque, et se nommait en fait Mohamed Harinordoquy. Il s’agit évidemment d’un canular total – dont il ne serait d’ailleurs pas surprenant que Fersen ou des amis à lui (le facétieux Pierre Sangra ? le déjanté Alexandre Barcelona ?) l’aient fomenté.

En vertu des processus de vérification constante, il y a belle lurette que l’entrée WP ne mentionne plus ces informations farfelues (erronées). Eh bien ! Essayez de taper « vrai nom de Thomas Fersen » dans Google : vous verrez que cette pseudo-info a été largement reprise et que

  • il n’est pas possible de déterminer si Thomas Fersen est un pseudonyme
  • la référence à « Mohamed Harinordoquy » fleurit de ça de là

 

Il y a donc, sur ce détail sans importance, foule d’informations contradictoires, qui découlent d’un petit canular de trois fois rien, et – par conséquent – absence totale d’informations. « Pourrir le Web », comme dirait l’autre, c’est monnaie courante**, c’est d’une facilité consternante… et c’est totalement indigne, en tant que méthode pédagogique, d’un enseignant, fût-il dépressif, hautain et réactionnaire – ou les trois à la fois, comme Loys de Chaptal.

 

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* Je tiens à préciser/rappeler que, contrairement à ce qu'écrivent un certain nombre d'internautes (dont des enseignants), Wikipedia n'est pas du tout "un nid à conneries". Il y a un certain nombre d'entrées douteuses, ou dont certaines sections n'ont pas été suffisamment vérifiées. Il n'en demeure pas moins, que même la WP francophone (la WP anglophone est encore beaucoup plus documentée et fiable) propose un contenu plus riche que n'importe quelle encyclopédie papier (Universalis et Britannica incluses). Evidemment, dans la masse, beaucoup des "sujets" traités sont dérisoires : par exemple, la WP anglophone consacre un long article (16 sections et 210 notes de bas de page) à la chanson Born This Way. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain ! Quand on sait s'en servir (notamment par le truchement des catégories, des liens internes ou des liens entre les différentes WP (colonne de gauche)), Wikipédia est un irremplaçable outil de connaissance et de langue.

** Concernant le débat autour du pseudo-exploit de Chaptalman, il y a eu de nombreux échanges sur Facebook. Pas le courage de les recopier ici. Sinon, certains commentateurs de Rue89 n'ont pas donné dans le panneau de la démagogie et de la célébration irréfléchie de Loys-le-faussaire.

jeudi, 29 mars 2012

2600 - Trois de Sanguësa

Détails du portail de l'Eglise Santa María la Real, XIIe-XIVe. Sanguësa (Navarre), 18 août 2010.    Dans leur hiératisme de pierre

(L’habit ou le livre les tient

Telle la coiffe genre lierre),

N’ont-elles donc rien d’égyptien ?

mercredi, 28 mars 2012

Pétage de plombs en zone diurne

Chaque poème semble s'échanger contre ce qui le consume ou le mine. On dit ça, on dit ça. Et les perroquets, pourquoi ? Oh, ça va vite. C'est ce qu'on dit, dites.

 Pourquoi les perroquets, ou plutôt la perruche, plutôt que les furets ou les gerbilles ?

On est à Chinon.

On se prend le chignon.

Les crêpes sont recouvertes d'un mouchoir de linon.

Fais passer le message à ton tonton.

 

Ce n'était pas Chinon, mais une loge de concierge, dans le quartier Blanqui, à Tours. (Balivernes.) Alors, là, vraiment, c'est le bouquet, ça dépasse l'entendement, c'est la queue de mickey et tout le tremblement, on peut définitivement dire que chaque poème semble s'échanger contre ce qui le consume ou le mine (et des couleurs je m'en bats l'os).


mardi, 27 mars 2012

Ci-gît Sherlo(c)k Holmes

Ce midi, je dégustais un couscous en excellente compagnie.

 

Je ne pouvais donc pas, contrairement à hier, contempler ma fruste table à la façon de Morandi, ni lire avant d'être servi la page que Jean Frémon consacre, dans Rue du Regard, à Morandi.

Le lundi c'est Morandi.

Et avec ces prétéritions, deux liens photographiques en guise de bout de ficelle, et l'idée que je pourrais/devrais écrire un jour une Rue de l'Oreille, je bricole un billet fissa histoire de ne pas laisser passer un mardi en waste land.

 

╬╬╬ Ci-gît Sherlock Holmes, privé de son C, et massacré dans le bureau, avant le couscous (justement). ╬╬╬

lundi, 26 mars 2012

La marche, Lamarche

(En théorie, c'est un billet jazz qui devait reléguer ce billet-ci, qui figure encore pour quelques minutes au bas de la page d'accueil, dans les pages invisibles.)

 

Levé à la même heure que d'habitude, arrivé une demi-heure plus tard à l'Université -- parce que j'ai pris le bus, tout simplement. 40 minutes de porte à porte, au lieu d'une dizaine à peine, on s'étonnera que peu de gens choisissent encore les transports en commun. Il se trouve que le seul bus "direct" met 40 minutes à couvrir les 6 kilomètres de la Petite Arche aux Tanneurs, et que je préfère prendre une autre ligne, m'arrêter aux Ursulines, et marcher jusqu'à la fac en remontant la rue Blanqui puis la rue Colbert.  Vivement, quand même, le tramway. Vivement, surtout, la fin des travaux du tramway.

Outre la satisfaction de polluer un peu moins, j'aime marcher, et suis convaincu que, si je ne me ressens pas parfaitement tourangeau, c'est que mon mode de locomotion habituel est la voiture, justement.  Il y a bientôt sept ans, lorsque j'ai commencé de tenir ces carnets (dans l'espoir, à l'origine, d'en faire une sorte de Département du Gers version ligérienne), je me sentais presque plus (ou mieux) tourangeau qu'aujourd'hui, sans doute parce que les trajets sont devenus ordinaires, que les émerveillements du début se sont estompés. Surtout, j'avais passé la première année universitaire (2002-2003), ne vivant à Tours encore que deux jours par semaine, à beaucoup marcher, surtout le lundi soir. Puis, les années suivantes, avec un seul enfant (et une seule bagnole), il y avait des moments de déambulation, qui ont fini par s'évaporer, aussi parce que, à partir de 2007, entre la naissance d'Oméga et l'accroissement des responsabilités administratives, mon agenda s'est beaucoup resserré. Dans cette ville où les boulevards sont des avenues, je sais, pour l'avoir vu, que le boulevard Maeterlinck n'est qu'une ruelle -- mais je ne l'ai vu que depuis ma voiture, en passant -- cela n'a aucune espèce de sens.

Toujours est-il que je me sens , finalement, assez peu autochtone. Le mot autochtone devrait tirer son origine de la marche ; que je sache, ce n'est pas le cas.

dimanche, 25 mars 2012

W.M. 38 : Childéric Ier

Un homme d'Ergué-Gabéric

Mélange toujours Childéric

Ier avec l'infime

Autre paronyme,

Ce vieux bâtard de Chilpéric.

samedi, 24 mars 2012

W.M. 37 : Comparaison

Il faut être bonhomme

À toujours dire comme,

Puisque comparaison

N'est pas raison

(En somme).

vendredi, 23 mars 2012

Iy-aa

Iynx était la fille d'Io.


    J'apprends son existence  en lisant Aa.

Arc-de-linotte

 23 mars 2012. — Ab Baars fit ce périple avec nous. Il rentrait de trois semaines affreuses à Astana, et dans cette ville il avait enregistré deux albums, un avec son ami Wolter Wierbos et des musiciens kazakhs, l’autre en duo avec le pianiste Viktor Khomenkov. Tout s’était très mal passé, surtout la bouffe était, disait-il, dégueulasse. Au moins aurait-il aimé ne serait-ce qu’effleurer un peu de ce vaste pays, en dehors de la capitale née de rien, même pas des ruines. Les cuisiniers, là-bas, confondent mardi et vendredi. (Ainsi disait-il – une expression qui nous échappait, mais Ab souvent entassait de telles formules.) Dégoûté, il est. Revient avec des roubles en skaï. Son sax dessine des arcs, il doit tout reprendre à zéro. Il était heureux, disait-il, de nous accompagner un bout de chemin, peut-être pas, tout de même, jusqu’à l’estuaire. It’s now the taming of a shroud. La nature se tape un bol à la santé du rossignol. Au milieu de la rue Vercingétorix,  détail de nature morte. Tours, 11 janvier 2009.En 2009, c’était une autre affaire. Mais ce voyage-ci, ce périple (comme nous avons pris pour habitude de l’appeler), est une autre paire de manches. Ab Baars ne connaît pas Saint-Vaast la Hougue. Et alors, cela vous paraît-il anormal ?

Je craque.

Rien n'est résolu, tout se calme. Le texte se fissure.

Je craque, je craque aux entournures.

Il était une dame Tartine. Ça vous apprendra à écrire un premier jet, puis à ajouter à l’infini des phrases au milieu des phrases, même vous, vous n’y comprenez plus goutte, bien fait.

Ah enfin, on respire, on prend un bol d’air, c’est le printemps (un filet de sang qui se répand sur le plan), et Ab Baars sort son ténor, le monte précautionneusement devant nous, on s’est tous installés sur un talus, une levée au-dessus de la Loire, et tous nous l’écoutons, quel plaisir. Ab respire, s’éponge, quel plaisir de l’écouter. Ab aime le mot tocard. Il le prononce un peu à la maghrébine. Il est heureux de jouer, quel plaisir, ce talus, quel plaisir de l’écouter. Lui dit qu’il veut s’envoyer une pleine fricassée de poissons (il confond, je crois, avec le mot friture). Quel plaisir de l’écouter. Il nous joue des airs traditionnels, improvise des fureurs, et termine en rigolant derrière son bec, en se rengorgeant, par de vieilles chansons françaises. C’était en mars. C’était en mars. Il a rendu les armes, déposé son frac, plié sa jaquette. Ab nous enchante, tous nous nous sommes levés. Christelle entonne la vieille chanson. Il était une dame Tartine. La connaît par cœur.

La couverture craque. Craque aux entournures. N’avez-vous pas boutonné, de travers, votre veste ? Le texte, à peine repris par-dessus l’encre séchée (craquelée), se fissure. (Vous confondez, je crois, Sylvain Beuf et Claude Becq. Je craque, craque aux entournures.) Le texte se fissure déjà. — Vous confondez, je crois, avec le mot friture. Vita brevis. On s’aperçoit, dans un pouffement, que Bernard (encore lui ! encore Bernard ! la chatte me griffe, mécontente de voir revenir ce triste sire ! rôdait-il du côté de la salle 67 ??) confond La Teste et Saint-Vaast !!! Saint-Vaast la Hougue (Manche), dimanche 26 juillet 2009, 139 Comme nous ne sommes pas loin de Saint-Lambert, on pourra le détromper. D’une part, le saxo ; on the other hand, l’aquarelle.

Les indices sont suffisants pour qu'on soit certain que quelque chose se passe. D’un côté, Cortazar ; de l’autre, les églises. Ab Baars entasse divers objets dans son havresac, et vogue la galère, on reprend la route, on n’est pas fatigués, il joue du ténor tout en marchant à vive allure. Il lui tarde de s’empiffrer de fricassée. C’était en mars. Continue le périple (comme nous avons pour habitude de le nommer). Nous allons détromper Bernard. Vous confondez, je crois, percaline et porcelaine. Le texte se fissure, tandis que continue le périple, et vous fêterez, dans les crevasses (les craquèlements ?) du texte, vos noces de froment.

Brouillons d'onze heures

Mon ordinateur fait un boucan de Boeing, et je ne cesse de devoir jeter des vieux documents à la corbeille pour faire un peu de place – naviguant sans cesse entre 400 et 800 mégaoctets de mémoire disponible, ce qui est trop peu, bien sûr – mais, autant par souci de ne pas envoyer au recyclage (et encore, est-il bien sûr qu’il y ait recyclage ?) que par radinerie, je ne peux me résoudre à en acheter un nouveau.

En ce moment, ça pue le kérosène tous les jours. Saloperie d’avions militaires, et de pilotes qui ne servent à rien.

Facebook sert aussi à s’interroger sur des questions épineuses, ainsi de l’hésitation entre indicatif futur et conditionnel présent pour la structure idiomatique qui se dit plus qu’elle ne s’écrit : « je te ferai dire » ou « je te ferais dire ». Je penche pour la première option (plus grand autoritarisme de l’énonciateur), mais pas eu le temps de faire de véritables recherches

Si les touffes de poils sont un signe qui ne trompe pas, la chatte a recommencé à passer ses nuits sur sa chaise favorite, la blanche, au sous-sol, à côté des étagères à chaussures. Pendant l’hiver, elle avait dû prendre ses quartiers à la buanderie, entre deux coussins, dans le vieux meuble hi-fi en mélaminé blanc. Là, m’ayant accompagné sur la terrasse où j’étendais un peu de linge (que je crains de devoir rentrer s’il s’avère que les effluves de kérosène sont pour la journée entière), elle y est restée, et lézarde.

J’écoute The Apple in the Dark, duo du batteur Gerry Hemingway et du pianiste/saxophoniste Ivo Perelman. Disque remisé depuis un bon moment. Et je voudrais écrire quelques phrases sur les deux minces récits traduits du basque que notre ami Cyril nous a envoyés – promotion copinage – avant d’aller faire une course, le plein, puis chercher Alpha à l’école.

Cock & Bull (Will Self)

Lu il y a déjà deux semaines et demie, dans le train, entre Tours et Bordeaux. En fait, je n’ai lu que le premier des deux récits, Cock : A Novelette. Dans le train, c’était l’idéal, puisque la scène du récit (pas l’histoire, mais l’endroit où elle est racontée et se dénoue – tragicomiquement) est un compartiment de train. Dans la mesure où il s’agit évidemment d’un diptyque, je ne devrais pas rendre ce livre à la B.U. (ah, que deviendrais-je sans la B.U. ? quand je pense aux centaines (peut-être va-t-on jusqu’au millier, en comptant les années oxoniennes et nanterroises) de livres que j’ai lus depuis des années sans les acheter et sans en encombrer mes étagères !) sans avoir également lu Bull : A Farce. Mais si jamais je devais manquer de temps, eh bien, je prends au moins quelques minutes pour noter ici, en vrac (après tout, plus personne ne me lit et je peux mettre le oaï dans mes propres carnets), les bribes manuscrites issues du voyage ferroviaire.

 * Le genre de la novelette, inventé par Will Self dans ce qui doit être un geste de titrage parodique, trouve tout son sens dans le sujet de ce récit, l’hermaphrodisme (plus français qu’italien, plus novelette que novella). Autre jeu sur les signifiants : l’épouse de Dan, Carol, est – en tant que narrateur – « the Don ». Outre le côté très « vieille Angleterre » de la dénomination, il y a sans doute un jeu sur le sous-texte mafieux, voire quelque chose à creuser du côté de Cholokhov (dont le pavé a pour titre, en anglais, And Peaceful Flows the Don), ou du boustrophédon Don/Nod (le pays de Nod > refuge et punition de Caïn (l’errance)).

 * Le récit consiste en fait en un viol du narrataire (le narrateur est tout autant pro- qu’anta-goniste, hybride aussi en cela). L’antisémitisme de l’hermaphrodite (complexe, ambivalent).

 * Le pénis de Carol : « Was it just her imagination, or could she, with her probing digit, actually feel some kind of structure to the frond ; some internal viscosities of its own that suggested that it was not simply a raggle-taggle end of gristle, but something sensate ? » (p. 30)

 * Sexualité et quasi-redoublements: «I doubt your ability to endure the trufflings and mufflings beneath the patterned cover. […] He nuzzled and snuffled, little bleatings issued from his lips. » (p. 65)

 * La bière mauritanienne: “Black Mambo” (p. 85). (Il semble que ce soit une pure invention de Will Self.)

  * Couleurs et allitérations : « Carol did her best to blush, but all it really amounted to was a beige tinge at the edges of her foundation. ‘Oh, oh, that.’ Dan was far better at it, he went puce to the roots. » (p. 102)

 * Viol et quasi-redoublement: « Defiled me insofar that as he raped me he screamed and ranted, gibbered and incanted the most awful mish-mash. » (p. 125)

Le triangle du Douboto

Ouverture dans les fleurs. Un arrosage de pluie, une nuit, aura suffi. Les renoncules éclatent, après les jonquilles – et les primevères, éparses dans la petite butte herbeuse. Le soleil les berce, plus qu’il ne les blesse. On se sentirait de bucoliques pulsions, même si la verdure précaire a, depuis longtemps, perdu contre le bitume et le béton.

Des nuées. Le temps n’est plus à ouvrir. Un bourdon noir et jaune frappe à la vitre, signe indéniable de printemps. L’air a une teneur inimitable. Même les adjectifs se pressent, sans crainte de s’effaroucher, sans crainte de censure, dans l’atmosphère à la tiédeur retrouvée, parmi les sinuosités curieuses de la brise. Phrases à ramifications. Et soudains coups d’estocs. Estocades ? Pourquoi pas ? Ce soir, c’est un autre que nous irons entendre.

Au loin, derrière d’invisibles filets, la marche du temps prend d’autres allures, vénéneuses, avant que le printemps vraiment nous revienne.

 

(Alban Darche Trio+1, Yolk 2009, 10ème plage) - 4'54"

jeudi, 22 mars 2012

Mingus Minces

Charles Mingus resented being called Charlie. And didn't he just hate being called a giant ? Sure he did. Did hate that. Charles Mingus hated the word jazz. Now he did. Let it also be said that Charles Mingus resented people who could not hold their applause until the end of a song. Mingus hated the Beatles, Eric Dolphy said. Charles Mingus resented all nicknames derived from Charles, more particularly Charlie. And with all his love for skins and views, Charles Mingus hated his stay at Bellevue so much that he composed a tune punning on such hatred (Hellview of Bellevue). True, he did. Did Charles Mingus. And he resented the word jazz even more than he resented the world of jazz.

mercredi, 21 mars 2012

Nuffield (W.M. 36)

A young simpleton from Nuffield

Asked a fair lass when she would yield.

When told "You're a bore !"

He said "I love you more",

At which the girl took to the field.

mardi, 20 mars 2012

Poignarder le colonel

Santa Sanders Colonel Sanders 

 

               "Enfin j'ai brièvement séjourné à deux mètres d'un restaurant fast-food (Poulet Kentucky) et je rêve depuis de poignarder le vieux colonel au sourire de grand-père gâteux."

(Dany Laferrière. Chronique de la dérive douce, Grasset, 2012, p. 44)

Biais

« Si l’on suppose que Brecht a travaillé à partir de cette traduction, cela signifie qu’il a trouvé ses phrases dans la traduction allemande de la traduction anglaise de la pièce japonaise, et ses lecteurs retrouvent Brecht dans la traduction allemande de la traduction finnoise de la pièce allemande. »

(Yoko Tawada. Journal des jours tremblants,

traduit de l’allemand par Bernard Banoun. Verdier, 2012, p. 71)

Entrée du damier

"Avant le concert", iv Mardi 20 mars 2012 ╚→ Avoir le bourdon n’est pas donné à tout le monde, surtout au premier jour du printemps. Lorsque trois ans seront passés. Lorsque trois ans furent passés. Après trois ans, j’ai poussé le grillage et découvert, délavées par les intempéries, pas moins de vingt-quatre photographies – là, dans le jardin. Curieuse exposition, entre les murets affaissés, le portique rouillé, les ronciers brûlés par l’hiver. Même au premier jour du printemps, je voyais tout – une pause dans le périple : des escarpins dont le motif était un damier rouge et noir, de larges flaques de sang, les chevrons du réfectoire, un geste sirupeux du vieux violoniste, une belle phrase au feutre fin dans un livre d’or, les trois jeunes virtuoses debout pour le salut (et un peu compassés, mal à l’aise), un feu rouge flou en gros plan, diverses vues de l’église à moitié ruinée saisies au clair de lune, le piano sans pianiste. Etc. Ils se poursuivent en albums de ténèbres. C’est surtout le damier rouge et noir dont le souvenir me revient, après trois ans, et malgré le délavé de ce début de printemps. Au terme du périple, on ne balancera pas, on poursuivra le périple. Causa ruboris eram. On lancera des piques sans fard, on ne se permettra pas d’avoir le bourdon – même au premier jour du printemps – et on s’interrogera sur la disparition des grandes affiches métalliques du cirque Zavatta qui bordaient l’avenue Maginot. Il sera temps de porter, pour la première fois, ces élégantes chaussures marron à bout pointu, tout en songeant toujours au meilleur moyen de saisir, sans passer par le truchement (la tricherie) de la photographie, le damier rouge et noir des fugaces escarpins. Nouvelles godasses, premier jour du printemps. Causa ruboris eram.

lundi, 19 mars 2012

Maudit [...] ton nom

Popescu lui a fait rencontrer des pays, qui n’avaient jamais été perdus, même en nostalgie, « à cause du danger représenté par les mines de toutes espèces dont les plages étaient parsemées ». Un centon serait aisé. (Pourtant, on a écrit peu de pages pour ce Journal raturé, vous savez bien…) Il ne serait pas difficile d’aligner des lignes. (De laminer des mines ? Pas possible.) En lisant Popescu dans le train, il note, au dos d’une carte postale Libération, les phrases « tu la regardes dans ta mémoire » et « tu feuillettes ta mémoire » (p. 10 et 14 respectivement). Quand même.

Alors, de nouveau, cri primal : Attendez, les minettes !

(Comme ça, et pas autrement, il photographia la gare d’Angoulême, sans descendre du train.)

On a sauté en l’air, Tobrouk pour tout le monde. Nul alibi (ce serait aisé).

 

(Travers Divers, p. 761)

Chronique de la dérive douce

Jeudi soir, dehors sur la terrasse, j’ai lu – tout en surveillant mon cadet, qui jouait au rugby – la première moitié de Chronique de la dérive douce, le dernier Dany Laferrière, et en tentant d’en traduire en anglais au fur et à mesure, in petto, les strophes. C’est un texte pour lequel, au jugé, une traduction de premier jet prendrait, tout au plus, une vingtaine d’heures. (Je ne cesse de blâmer, sans pouvoir l’empêcher, l’invasion de mes phrases par une foule de circonstants.) Ce dernier roman du Haïtien, je l’ai poursuivi au salon samedi – je crois – puis terminé dans le fauteuil, sur le palier à l’étage, dimanche matin, tout en surveillant encore le cadet, et de sorte qu’au fur et à mesure que je lisais ce livre, je m’élevais dans l’espace. Comme j’ai lu en parallèle, et en alternance, l’églogue hivernale de Renaud Camus, j’ai noté la strophe suivante, à la page 175 :

Je lis tout en buvant

du thé chaud,

soir d’hiver,

le poème où Nelligan écrit

avec une ardeur romantique :

« Ma vitre est un jardin

de givre. »

 

→ Montréal. L'hiver. Le givre. la citation.

↓ (Lundi. Rayons. Tout le couloir sent le vinaigre blanc.)

dimanche, 18 mars 2012

Patty Day Rugpoetby

Hier soir, vers six heures, alors qu'il avait plu, je croisai, rue du Commerce, des flots épars d'hommes et de femmes arborant des chapeaux aux couleurs irlandaises, certains le visage semblablement peinturluré, tous se dirigeant vers quelque pub ou bar où ils pourraient, en groupe, assister à la déculottée (que personne encore ne savait telle) de leur équipe, que ce fût leur équipe d'un jour (Saint-Patrick oblige) ou de toujours (mais la communauté irlandaise n'est pas très fournie à Tours).

 Faux (rouge) trio flou "Hé, Michel !" / Café Le Narbey, rue de la Monnaie, Tours. Bernard Pico, Karin Romer. Café Le Narbey, Tours. 

Je me rendais au Narbey, rue de la Monnaie, calme café obscur où je n'avais jamais mis les pieds mais où se clôturait, par des lectures de poésie également suggérées par le Printemps des poètes, le colloque de la Société Française d'Etudes Irlandaises. J'avais apporté, pour le faire éventuellement découvrir, hors Irlande, l'un des sept minces recueils du sublime Tatamkhulu Afrika.

Quoof.jpg

 

En fin de compte, il y eut pléthore de lectures possibles, outre Premier Amour de Beckett par Karin Romer et Bernard Pico, des poèmes qu'avait apportés Martine Pelletier, deux brefs Paul Muldoon que Stephen Romer et moi donnâmes en version bilingue ("Quoof" et "The Frog" - j'ignorais même que Jacques Jouet eût traduit de la poésie irlandaise), quelques tirages au sort dans la grosse anthologie bilingue de Verdier (au titre de quoi je me retrouvai à lire, sans les avoir aucunement découverts au préalable, un long poème de John Montague et une pochade abstruse de Joyce). Après les lectures, je n'ai pu discuter que brièvement (et encore, plus du tournoi que de poésie) avec Matthew Staunton, qui avait lu trois brefs poèmes de sa main, et accepté de lire l'original gaélique d'un beau poème de Nuala Ní Dhomhnaill.

Les deux poètes que Martine avait apportés, sous forme textuelle bien sûr, étaient, de mémoire, Brendan Kennelly et Eavan Boland.

 

Au sortir du café, vers neuf heures moins le quart, la nuit et la bruine avaient obscurci, sans les décolorer, les façades irlandaises des gargotes tourangelles.

samedi, 17 mars 2012

Dilemme classificatoire & buanderie (not) barbadienne

Il y a bien longtemps que je n'ai pas rasé les rares lecteurs quasi spectraux qu'il me reste avec les piles de livres à lire et les piles de livres que j'ai lus et que je me résous pas à ranger. Rassurez-vous : mon silence électronique de ces derniers temps ne signifie aucunement que les projets aient avancé. Le propre des projets, je m'y résigne, est de ne jamais avancer vraiment.

Toutefois, je ne vais pas vous bassiner avec cela aujourd'hui, mais avec un autre dilemme classificatoire. Face à l'invasion du bureau-bibliothèque, et face au véto farouche de mon épouse (qui ne veut pas voir (et elle a raison) poindre d'étagères dans la chambre à coucher, ni dans le salon), j'ai dans l'idée de ranger certains livres au sous-sol, sur les étagères de la buanderie. Il y en a déjà (revues savantes à l'intérêt limité, usuels jamais usués etc.), et je tiens à préciser qu'en dépit de son titre officiel (buanderie), il s'agit d'une pièce très saine, pas humide, puisque s'y trouve également la chaudière. Reste à déterminer quels livres on peut descendre durablement au sous-sol, et par conséquent de quels livres on peut se passer.

Plusieurs hypothèses :

  1. livres lus, peu aimés, dont on sait qu'on ne les relira jamais, ou qui n'appartiennent à aucune "collection" pertinente
  2. livres achetés il y a longtemps, et toujours pas lus
  3. livres d'un certain format (les livres de poche feraient d'idéaux candidats, mais mon épouse s'y reporte souvent)
  4. livres d'un certain genre (théâtre par exemple)

 

Affaire (même pas) à suivre.

mardi, 13 mars 2012

W.M. 35 : Ringo Starr

Que dire encor de Ringo Starr ?

Peut-être qu'il se couche tard

Et se sent souvent flagada ?

Qu'il chanta Obladi-blada

Sans jamais ôter son costard ?

lundi, 12 mars 2012

W.M. 34 : Le phare de Pointe-au-Père

Pour construire, à Pointe-au-Père,

Un phare, ainsi on opère :

On bâtit en béton

Volant de badminton

Et cochonnet. (Je pointe, ô père ?)

 

dimanche, 11 mars 2012

Ten is 10

Vous n'allez pas me dire que ça prendrait un temps fou de jeter quelques mots à la volée, puis de monter au filet smasher la tête d'une phrase.

Si ?

dimanche, 04 mars 2012

Brisées dominicales

Entre Orthez et Bordeaux, achevé la lecture du roman de Libar M. Fofana (L'étrange rêve d'une femme inachevée - un texte courageux, dense, acéré et flaubertien dont j'espère avoir le temps et l'occasion de reparler prochainement dans ces pages), puis de Briar Rose, bref récit éclaté (avec variations) par lequel Robert Coover réécrit le conte de la Belle au Bois dormant (j'avais lu, trois jours plus tôt, Snow White de Donald Barthelme - plus déjanté).

Entre Bordeaux et Challais, après m'être restauré au Mitico, un infâme bar PMU, correction des copies en souffrance, puis, entre Challais et Tours, lecture de la moitié du Secret de Caspar Jacobi, acheté d'occasion je ne sais plus quand et qui traînait à Hagetmau depuis je ne sais plus quand non plus. Il n'y a pas à dire, voyager en train est plus enrichissant (surtout quand la ponctualité est de mise et qu'aucun ratage de correspondance n'est au rendez-vous) que la longue litanie des bandes d'arrêt d'urgence et autres ronds-points.

Il reste à préparer un cours. Tours fait grise mine, sous les nuages bas et une brise glaciale, porteuse pourtant du printemps.

Je rêve assis.