mercredi, 23 mars 2016
Ce qui m'advient, en 19 tweets.
Le tuba est buté ce midi. [13:24]
Aucun son ne sort de mon oreille ; j'en conclus que ce n'est pas un instrument. Peut-être que je me trompe.
L'altiste sort de la salle De Falla en sifflotant le thème des X-Files.
Le fond de l'air est frais lahiho lahiho
Tous les bancs inoccupés sont pas-au-soleil. Les jardins de l'archevêché me désespèrent.
Ah si, un banc au soleil. Perdu entre des hordes adolescentes appouriquées ou agglutinées.
Au soleil l'écran est quasi invisible. Bonne raison pour admirer le cèdre de Napoléon et prendre un livre.
Des jardiniers taillent les topiaires. J'aurai lu quatre pages à peine du recueil retrouvé de Bruce Beaver. "The Poems".
Le vent tourne les pages du papier bible. Je lis Bergounioux.
Cette grande fille blonde qui s'avance vers la cathédrale peu vêtue et nombril dénudé est américaine.
Qu'allais-je faire aussi au magasin de musique ?
Devant la vitrine de la géniale boutique d'art africain, il y a moins de risques.
Verhaeren et Calvino chez le bouquiniste.
Il est grand temps que je retrouve mon banc au soleil loin des marteaux-piqueurs.
Avec le logiciel de dictée c'est facile de twitter.
Finalement je vais m'installer en face de Michel Colombe. Mon banc du lundi après-midi de l'an dernier est libre et ensoleillé. [14:39]
J'enregistre des vidéos dans la voiture, car il a beau faire beau, je n'ose pas me filmer en public et à l'extérieur.
Pas fait exprès, mais je crois que l'arbre que j'ai cadré dans ma vidéo est un pommier du Japon. Or je traduisais Ryoko Sekiguchi.
Je n'en reviens pas que le logiciel de dictée de l'Android reconnaisse Sekiguchi. [15:38]
21:29 Publié dans Ce qui m'advient, Chèvre, aucun risque, Moments de Tours, Sac en rente | Lien permanent | Commentaires (2)
mardi, 22 mars 2016
Bruxelles
La seule riposte, la seule réponse dont j'aurai été capable, ce matin, fut de me filmer à chaud en train de traduire au débotté un poème de Paul Nougé. Il y a encore quelques mois, mon père était toujours fourré à Bruxelles, et ma mère souvent avec lui, alors que je n'y ai pas mis les pieds, moi, depuis dix-huit ans. Tout cela est curieux, étrange, résonne curieusement.
Aujourd'hui, pas parvenir à tirer tout cela vers autre chose que le journal personnel.
Les traductions au débotté deviennent une sorte de journal filmé. Lors de la séquence consacrée à deux pages de Barrett Watten, j'avais commencé par pérorer un peu au sujet de Roubaud et de son Traduire, journal ; c'était tellement médiocre que j'ai coupé au montage. (Je fais beaucoup ça, désormais, couper au montage, afin que l'exercice soit plus nerveux, moins pénible à suivre... déjà que j'ai quatre téléspectateurs à tout casser...*)
Depuis quelques jours, je lis le dernier volume paru du journal de Bergounioux, qui n'occupe, cette fois-ci, qu'une demi-décennie, une lustre. Quand je me suis aperçu que — alors que j'avais lu les années 1980-1990 et 1990-2000 avec des années de retard, quelque temps après leur parution — ce volume-ci s'achevait le 31 décembre dernier, je me suis précipité, c'est bête, sur les entrées du 7 janvier 2015 et suivantes, ainsi que sur celle du 13 novembre. (Je savais que Bergounioux avait perdu sa mère et que cela constituait le grand point noir final de cette demi-décennie, mais ne savais pas que c'était le 12 novembre.) Sinon, je lis chronologiquement, et j'en suis à l'automne 2011 : les notations continuelles et successives sur l'état de son cœur et de sa tension montrent combien il s'agit d'un homme exceptionnel de continuer à se forger pareille discipline de travail et de vie, et de poursuivre comme il le fait, au gré des innombrables tracas du RER, ses déplacements professionnels ; ces notations sont aussi son fil conducteur, malheureusement pour lui.
* Même les dédicataires ne savent pas, pour la majorité, qu'un film leur est signé.
20:28 Publié dans Questions, parenthèses, omissions | Lien permanent | Commentaires (2)
lundi, 21 mars 2016
Un arbre branle ses nibards (si, si !)
C'est mal parti, cette affaire...
Hier soir, j'ai commencé, en quelques minutes d'un coupable désœuvrement, à traduire les Prose Fancies de Richard Le Gallienne, mais d'une manière un peu neuve (pour moi) : sur Twitter.
Quelques précisions, tout d'abord :
Richard Le Gallienne est un poète et prosateur anglais à peu près contemporain de Joseph Conrad (là s'arrête la comparaison), dont on fête (ou plutôt : dont personne à part moi n'a célébré) le cent-cinquantième anniversaire de la naissance.
J'ai traduit, par phrase courte ou fragment de phrase, en publiant à chaque fois, autant que faire se pouvait, le texte anglais et ma traduction (ce qui contraint à un foisonnement très modéré, pour ne pas dire inexistant).
Pour sauvegarde, j'ai attaché à chacun des tweets le hashtag #RLG16 (que tout un chacun est invité à utiliser pour d'autres traductions de R.L.G.), et publié ensuite les quelques phrases françaises sur mon mur Facebook.
À l'instant, cherchant à reprendre la tâche, je me suis donc attaqué au texte de “A Spring Morning” au point — très peu avancé — auquel j'étais parvenu :
The more complaisant chestnut dandles its sticky knobs.
On comprend tout de suite le sens approximatif de cette phrase : le plus complaisant des châtaigniers balance (dans le vent) ses bourgeons gluants. Toutefois, l'image est curieuse. Et, plus encore, le choix des mots :
- complaisant est un maniérisme, une affectation de francophile. Soit. *
- dandle, que l'Oxford English Dictionary signale comme rare, a comme sens principal “faire sauter un enfant sur ses genoux”, ou, plus généralement to move (anything) up and down playfully in the hand (je pense qu'on me voit venir)
- knob n'a rien de spécifique ou de technique ici. Il n'a pas explicitement le sens de bourgeon ou de châton. Donc, on ne comprend pas bie ce que cette image vient fabriquer dans cette phrase déjà bizarre. En revanche, comme le confirment plusieurs dictionnaires bilingues, le substantif knob a plusieurs acceptions argotiques : 1. zob, bite 2. (insulte) tête de nœud 3. (américain) knobs : nibards ——— Malheureusement, l'OED ne propose, comme occurrence la plus ancienne du sens obscène 1., qu'une citation de 1961. Toutefois, l'article date de 1901 et n'a été révisé que partiellement. Prose Fancies date de 1891, et, sans recherche plus poussée, il m'est difficile d'affirmer avec certitude que Richard Le Gallienne pouvait connaître ce sens. → → → →
→ → → → Toutefois, le lecteur de 2016 qui a “tiqué” sur pareille accumulation de termes insolites (sans parler de chest/nut), rien ne pourra l'empêcher de lire cette phrase simultanément comme suit :
Le plus complaisant des châtaigniers balance dans le vent ses bourgeons poisseux.
Le plus indolent des châtaigniers branle ses zobs gluants / ses nibards collants.
Décidément, après ma vidéo d'avant-hier qui se terminait par "se tripoter le zgègue", le printemps est là.
* Soit, mais un francophile comme Le Gallienne pouvait-il totalement ignorer des blasons tels que celui attribué en 1543 à Bochetel (« Ce con plaisant, ce con tant digne chose ») ?
16:50 Publié dans Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (0)
Jonquilles
8 h 16 — 8 h 29
Dans le tramway en
Quittant Tours Nord
Je lis Harare North
L'esprit intermittent
En passant le long du
Beffroi le tramway glisse
À perte de vue
Béton et jaunisse
Loin de ce tramway
Je préfère, c'est vrai,
Les jeunes jonquilles
La marelle en vacille
Pneus à petits prix
En face de Christ-Roi
“Je les prends tous les soucis”
“Et toi tu as badgé toi ? ”
Un tag au-dessus
De la boulangerie
Tramway sangsue
Mare en bitume meurtri
Sous le soleil
J'ai dénombré trois aigrettes
Journée prête
À tout pareil
.
12:29 Publié dans Quatramways | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 20 mars 2016
Quatramways de vendredi
18 mars 2016, 14 h 42 - 14 h 48
(sauf le dernier, 16 h 04)
Dans le tramway
J'écris un petit poème
Mon voisin on dirait
Roubaud c'est sûrement la casquette
Dans le tramway
Je lis Fourcade
Le soleil paraît
Passez muscade
Du tramway
Je regarde les immeubles
Un corbillard sur la Tranchée
Et un vieux clochard qui gueule
À l'arrêt Trois Rivières
Fourcade hésite ligne et vers
J'ai mal à la soupière
C'est le printempshiver
Dans le tramway
Je n'y suis plus
Lecteurs distraits
Je vous ai bien eus
21:13 Publié dans Quatramways | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 19 mars 2016
4+2+2 distiques
Mec qu'il est fait claquette et tronche de pochtron
Sur un air de daube Bouglione Sampion.
Plus péniblos on a qu'un discours de Merkel
Le numéro de dressage avec six teckel.
Préfèru-je un gros doberman dans le tramway
Que les teckel qui sont faits la course de haies.
Valls aurait devoir plus que Dieudonné quenelle
Censurir très surtout la dompteuse teckelle.
*****************
J'ai le dessin animé qu'il a malotrus
Les portes des Cités d'Or ç'a un utérus.
On a dur de s'exclame Hosanna Hosanna
Si qu'un cochon dansut sur Work de Rihanna.
*****************
Je suis oubli que je serve du camembert
Pour qu'on se souviendut de la rue d'Alembert.
Content-je très moyen de l'alcool de goyave
Si que ç'a trop sucré et que ç'a très suave.
23:01 Publié dans Distiques ribéryens | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 18 mars 2016
Trois distiques pour Molenbeek
Tandis comme avec l'enfant on regardut Slam
Molenbeek qu'est arrêté Salah Abdeslam.
Endroit que l'islamiste est subi un écheek
Je n'ai pas été en vacance à Molenbeek.
S'il s'a enfui l'endroit où qu'il était tapis
Ça un terroriste, pas le manneken pis.
18:05 Publié dans Distiques ribéryens | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 17 mars 2016
▓ shrouded ▓
He woke up hours later, his head shrouded in bandaged pain. (Close Sesame [1983], Graywolf Press, 1992, p. 67)
Il, c'est Deeriye — le “he” le plus marquant, peut-être, de toute l'œuvre de Farah — avec, toutefois (car il faut toujours modaliser), son envers maléfique, autocratique, majuscule, le He du général — et le je/tu/il d'Askar, dans Maps.
Deeriye, le grand-père, vient d'être caillassé par Yassin, le petit vaurien de voisin. D'où cette tête (head), ici décrite au moyen d'un adjectif et d'un syntagme prépositionnel où se lit toute la maestria de Nuruddin Farah. Sa tête, mot à mot, est enlinceulée en douleur pansée. On aimerait pouvoir traduire ainsi, comme si la langue de Farah n'avait pas une dette, au fond, envers les possibilités syntaxiques de l'anglais, et comme si la prose de Nuruddin redevenait mère des Language Poets de la Renaissance : Scève, ici, résonne comme une évidence.
Il s'éveilla, heures après,
la tête enlinceulée
en douleur pansée
Pourquoi pas, après tout ?
(Je donne libre cours à ma fantaisie de lecture. Ma façon de rendre hommage aux phrases.)
21:20 Publié dans Seventy-One NonFlowers by/for Nuruddin Farah | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 16 mars 2016
la plomberie du tintamarre
18:08 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 15 mars 2016
Sonnet écrit dans le bus 2.
Sonnet écrit dans le bus 2.
C'est le premier vers du poème
Dont voici déjà le troisième.
Vraiment je fais ce que je veux.
On passe devant Vaucanson.
Je n'aime pas le café crème
Ni le canard faisant carême
Ni la ferraille canasson.
Ce matin je me suis pelé
Le jonc pas exclusivement.
Voilà l'arrêt Aérogare !
Ce sonnet ne ressemble à rien ?
Le bus dans le petit matin
Est le descendant des gabares !
08:31 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 14 mars 2016
Sonnet en PI — pour le jour de PI
12:11 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 13 mars 2016
Par les lettres, 7 : Merikanto, Mielck, Madetoja, Merilaïnen
Histoire de tricher un peu (mais mieux vaut tricher que se taire (aphorisme à retenir)), je vous propose ce matin un parcours par la lettre M, avec quatre compositeurs finnois, par ordre chronologique, du plus ancien au plus récent.
Oskar Merikanto. — Son fils, Aarre, est plus connu que lui. (Je meurs de rire en écrivant ceci.) — Quoique légèrement languissante, sa Romance pour piano op. 12 ferait une très bonne musique d'accompagnement d'une de mes vidéos (sur Zola, peut-être).
Ernst Mielck. — Mort à vingt-et-un ans de la tuberculose, en 1899, il a notamment composé une très belle Romance pour violoncelle et piano, que j'écoute en écrivant ces lignes.
Leevi Madetoja. — C'est le seul des 4 que je connaissais avant aujourd'hui. Le point de départ de ce billet est d'ailleurs une notation du 12 mars 2015 retrouvée aujourd'hui, et claire par sa brièveté : « Leevi Madetoja, oui. Erkki Melartin, non. » — Il peut, et doit, être compositeur du vingtième siècle à part entière, notamment pour sa Suite lyrique (ma pièce favorite de ce que je connais de son œuvre, aussi pour piano et violoncelle).
Usko Aatos Merilaïnen. — Pour ne pas rester confiné au cadre de la musique post-romantique, il “me fallait” un moderne, et même un des représentants les plus éminents de l'avant-garde finnoise, dont voici Eros & Psykhe, une œuvre pour électronique de 1961, qui me paraît valoir très largement les débordements ultérieurs, et devenus si datés, d'un Pierre Henry. (On ne trouve pas, hélas, en écoute sur le Web, ses symphonies ou ses quatuors.)
10:04 Publié dans Autres gammes, Par les lettres | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 12 mars 2016
Grand vingtième & terne système
Demain, cela fera un an que je commençais le projet Prison des tempos, un peu moins de deux ans après une autre série de textes visant à subvertir l'idée même de Printemps de poètes, Prime Time of Poesy. — Cette année, la manifestation officielle du Printemps des poètes célèbre « le grand XXe siècle, d'Apollinaire à Bonnefoy ». Tout dans ce titre est à côté de la plaque : l'idée de grandeur poétique ; l'idée que le vingtième siècle seul aurait agrandi l'univers poétique (que serait Apollinaire sans Baudelaire et Rimbaud ?) ; surtout, la primauté du lyrisme et de la poésie versifiée.
Qu'on ne se méprenne pas : j'admire beaucoup Apollinaire et Bonnefoy, que je lis assidument. Le problème n'est pas là, mais dans leur capture — leur embrigadement — leur embastillement par ces forcenés de la mignardise que sont, année après année, les organisateurs du Printemps des poètes.
Dès demain, je proposerai, sur l'autre blog, une série de sizains à métrique variable, antilyriques, dont le titre général sera Le terne XXIe (pour me moquer).
J'essaierai d'en écrire par jour jusqu'au 21 juin.
07:05 Publié dans Ecrit(o)ures, Flèche inversée vers les carnétoiles, Ping-pong, Questions, parenthèses, omissions | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 11 mars 2016
paspappaq
pastaga
d'abord
riche
jour
demi-
deuil
papillon
d'accord
pour
passe
saisi
au vol
pâquerette
d'essor
en effort
mon poème
débor
-de du cadre
.
10:16 Publié dans Sac en rente | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 10 mars 2016
La bise passe...
La brise passe sous les mots
Comme le temps d'une évidence
Allez vous entrez dans la danse
Il danse le joli chameau
Finies la vie et ses carences
Cette pâte avec ses grumeaux
Ce sortilège du tombeau
La folie de remplir sa panse
Étiez-vous sous les giboulées
Ce mercredi de vent glacial ?
Perdre le nord et les raclées
Pour un sphinx au nez de gavial
C'est trouver des chaleurs sarclées
Par le froid septentrional
22:06 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 09 mars 2016
Une nouvelle forme de sonnet ?
Après les sonnets en émoticônes, à peine explorés (le dernier en date est à lire/voir/déchiffrer ici), je me lance dans les sonnets vidéo.
Bien entendu, les images sont pourries ; le montage est pourri ; je veux simplement espérer que les vers ne sont pas trop pourris, et surtout que cette façon d'écrire (directement avec le logiciel de montage — pas de texte préétabli, aucun mot particulièrement à l'esprit au moment où je filme) permet de déstructurer le sonnet d'une manière (un peu) neuve.
Ainsi, dans celui composé ce jour (Sonnet de Loire 9 mars 2016), deux vers appartenant théoriquement à des strophes différentes se trouvent réunis dans un même plan. La syntaxe joue aussi de cela. Dans celui-ci, je me suis aussi amusé avec l'alignement des légendes.
De même, j'ai rapetissé les légendes. Dans le premier (du tramway vide filmer), les vers étaient hétérométriques ; dans celui d'aujourd'hui, j'ai travaillé sur des pentasyllabes.
(Par ailleurs, c'est la saison des sonnets : j'en ai composé un ce midi, devant le collège Ronsard, avec le dictaphone du smartphone. On peut le retrouver sur Facebook, pour ceux qui sont “sur” Facebook.)
17:32 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
Un tateu ! un tateu !
Je suggérais avant-hier, à propos des amalgames, qu'il n'est pas toujours aussi difficile qu'on le pense de traduire les jeux de mots, ou, plus généralement, les jeux sur la langue. Au contraire, avançais-je, la primauté à accorder au procédé libère le traducteur dans ses choix. — Egghead de Bo Burnham, le recueil de poèmes farfelus dont j'ai traduit hier un poème en freestyle bégayant, peut me permettre d'illustrer cela avec de nouveaux exemples.
Par exemple, le quatrain intitulé Armadilla a pour principe d'allier deux rimes riches à des noms d'animaux dont la voyelle finale est modifiée :
Armadilla! Armadilla!
On a pilla! On a pilla!
And a giant chinchillo!
And a bigger gorillo!
Face à cela, un traducteur n'a quasiment pas de questions à se poser, si ce n'est pour hésiter sur le choix de la terminaison fausse, ou sur le lexème dissimulé derrière pilla : est-ce pillar ou pillow ? j'ai choisi, pour ma part, de suivre le dessin de Chance Bone, qui figure un tatou sur un oreiller.
Et donc :
Un tateu ! Un tateu !
Allongé sur un oreilleu !
Et un immense chinchillo !
Et un énorme gorillo !
***************************
Autre exemple, le distique Advice.
If the poem you're writing is silly and dumb,
make sure that it rhymes at the end. Bum.
Ce qui compte, c'est de conserver l'idée autoréférentielle absurde (ce poème est idiot, mais il rime) et le côté gratuit (enfantin) du dernier mot. J'ai aussi noté que dumb et bum riment, mais avec une différence orthographique. Ce qui peut donner :
Petit conseil
Si ton poème est bête ou franchement taré,
assure-toi au moins qu'il rime. Jus de raie.
Le caractère primordial d'une métrique classique (d'où ici l'alexandrin) et d'une rime suffisante mais partiellement fausse (les sons é et aie ne riment pas absolument en français, ce qui renforce, je trouve, l'ironie) donne plus de liberté au traducteur. On peut préférer une version moins personnelle :
Si ton poème est idiot, stupide, caduc,
assure-toi de le faire rimer. Trouduc.
06:32 Publié dans Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 08 mars 2016
Sonnet en émoticônes, IV — avec une anacoluthe
09:16 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
Sans parlote
pour dégoiser en volapük
& pour causer en largonji
de la langue extraire le suc
au cimetière comme on gît
peut-être un jour à La Mongie
faire la sieste un petit cluc
(sur des skis je crois que Ponge y
s'exprimerait sur le grand-duc)
en haut des pistes le zéphyr
glacial nous parle son sabir
faut-il un aggiornamento
pour le silence de Ménine
sa fièvre guérie par quinine
& traduite en espéranto
.
06:40 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 07 mars 2016
▓ undotted ▓
Nasser reluctantly took his seat. He felt a question surge to his throat, a question about Samater, about the maid, about Idil and, naturally, about Medina, too. Undotted in its unutterability, the question stayed in his throat and tickled the nerves of his larynx like a two-day-old stubble of a beard. (Sardines [1981], Grawolf Press, 1992, p. 106)
Dans ce chapitre 5 — qui s'ouvre par une scène extraordinaire de volupté et de bonheur formel, le frère massant la sœur — Nasser se trouve face au conflit voulu par Medina, conflit ouvert contre le régime dictatorial de Siyad Barre, rupture avec la famille de son mari, rupture avec les codes, rupture avec ce que même son statut d'“intellectuelle” lui permettrait d'endosser. Dans ces trois phrases, Nuruddin Farah se concentre sur ce sentiment grandissant de mal-être éprouvé par Nasser, en faisant alterner les notations abstraites (reluctantly, unutterability) et les précisions physiques (surge, tickled).
La réticence est ici prédominante au point d'inverser les données de la biologie : l'homme (le frère) sent sa barbe pousser à rebours et lui chatouiller le larynx. La magnifique formule duelle et allitérative, undotted in its unutterability, prend alors toute sa valeur en restituant l'accent sur le premier mot : undotted. s'agit-il-il des brins de barbe, des points sur les i d'une question virtuelle imprononçable (ou du point sur le i de sardines, sur le double i de colin-maillard), ou des points de suspension qui ne servent jamais qu'à manifester le plein du vide, entre questions insistantes et omissions ?
[De Sardines, aussi, il faudrait tout citer. J'ai perdu une heure à chercher une phrase.]
Amalgames
Tout d'abord, avant de me livrer à d'oiseuses considérations linguistiques, j'invite tout lecteur ou visiteur qui ne connaîtrait pas Madam & Eve à se rencarder fissa, de préférence avec le site officiel.
Cette planche, la plus récente, m'incite à évoquer le sujet des mots-valises, ou, selon la terminologie que préfèrent généralement les lexicographes, des amalgames. J'ai souvent fait remarquer à mes étudiants, à l'époque où j'enseignais la lexicologie, que le plus difficile, face à un amalgame qu'on ne connaît pas au préalable, est de le comprendre, c'est-à-dire, principalement, de quels mots il se compose.
Traduire n'est souvent qu'une difficulté de second ordre, ne serait-ce qu'en raison du côté souvent ludique, voire délirant, du mot-valise, et d'autant moins si les deux éléments de l'amalgame en langue source sont identiques ou voisins en langue source : ici, aucune raison de ne pas garder, dans toute langue qui emploie le mot “zombie”, Zombiebabwe.
L'amalgame le plus difficile à identifier, dans cette planche, est probablement pravincible.
Qui voit de quoi il s'agit ?
Personne ?
Tout le monde garde les yeux rivés sur son cahier laptop ?
C'est normal. Thandi, la petite fille, fait un jeu de mots sur le nom du Ministre des Finances sud-africain, Pravin Ghordan (d'où, également, le jeu de mots sur Flash Gordon), qui ne fait pas la une de la presse européenne tous les quatre matins. Du coup, comment traduire ? aucune hésitation. Il se prénomme Pravin ; “invincible” existe en français. D'où He's pravincible → il est pravincible !
14:23 Publié dans Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (0)
SCT-Pontault
Oméga, grippé, relisant des bandes dessinées, a retrouvé hier ce ticket dans un Astérix.
J'ai, de ce match que j'étais allé voir avec Alpha (alors âgé de 7 ans et 8 mois), un souvenir très vif, car c'était l'époque où nous commencions à aller voir les matches du Saint-Cyr Touraine Handball ; c'était toujours très vivant, avec pas mal d'action, ça coûtait 5 euros pour moi et rien pour son entrée, la salle était chauffée... bref, par rapport aux trois ou quatre matches de foot hyper onéreux et pas toujours folichons du Tours FC à la Vallée du Cher, il n'y avait pas photo.
Ce soir-là, Tours avait gagné, d'un point je crois, sur le fil, face à Pontault-Combault. Surtout, le plus mémorable, c'était le “groupe” de supporters de l'équipe visiteuse : ils étaient DEUX, énormes, et avaient une grosse caisse avec laquelle ils foutaient un barouf d'enfer. Je me rappelle notamment qu'à chaque but marqué par leur équipe, ils tapaient de plus belle sur leur grosse caisse en chantant
Quand XXXXX [nom du joueur qui avait marqué] se met à marquer
C'est toute l'équipe qui doit se motiver
Allez Pontault, allez Pontault !
09:51 Publié dans Blême mêmoire | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 06 mars 2016
▓ adult-like ▓
Close Sesame est peut-être, finalement, mon roman préféré de Nuruddin Farah. Je ne l'ai sans doute pas relu de puis quinze ans ; je ne l'ai jamais enseigné ; je n'ai jamais écrit d'article exclusivement sur lui. Pourtant, c'est un livre à très forte résonance.
Tout à l'heure, je cherchais un passage, que je n'ai jamais trouvé, mais dont je ne sais plus bien s'il s'agit d'une devinette posée par Medina à sa fille (dans Sardines, donc) ou par Deeriye à son petit-fils — preuve qu'il faudrait que je relise tout Farah, avant tout Zola peut-être même —, et suis retombé sur le moment, dans le chapitre 9, où le jeune Samawade, douze ans, doit servir d'interprète entre sa mère et son grand-père. La scène, comme presque tout le roman, est vue par le grand-père :
And Deeriye was impressed to see Samawade up, awake, and adult-like in his reactions, asking no questions other than to elucidate what his mother wanted him to interpret; he behaved like a professional. (Close Sesame (1983), Graywolf Press, 1992, p. 183)
Comme tout ce qui se rapporte à la traduction ne peut jamais être simple, en particulier dans l'œuvre de Nuruddin (dont il faut rappeler que l'anglais est sa cinquième langue), toute la scène dans laquelle un enfant sert d'interprète entre l'italien de sa mère et le somali de son grand-père est narrée... en anglais.
18:30 Publié dans Seventy-One NonFlowers by/for Nuruddin Farah | Lien permanent | Commentaires (1)
samedi, 05 mars 2016
Retraversée des Rougon-Macquart
Beaucoup de travail encore cette semaine (je viens de passer mon samedi à la Journée Portes Ouvertes de l'université), mais lancé tout de même le projet de vlog autour de ma relecture des Rougon-Macquart.
Le troisième épisode est échafaudé. Il faut juste que je le filme, sans parler du montage. ——— Or, demain, dimanche, enfant malade & cours à préparer.
18:58 Publié dans Une retraversée des Rougon-Macquart | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 04 mars 2016
Rugissements
le triomphe des trublions
qui se regardant dans la glace
exigeaient que nous fissions place
nette) Rugissements de lions
au fond de profondes crevasses
Toi, ça te fout des ganglions
— Voudrais-tu que nous sanglions
ta monture quand tu rêvasses ?
Le cheval va l'amble et fait peau
neuve sur notre itinéraire
le voilà qui reprend l'araire
Dans sa mémoire ce dépôt
seul encourageait notre fuite
(déjà vous connaissez la suite :
08:16 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 03 mars 2016
Retour à Chenonceau
Dimanche dernier, nous sommes retournés, pour la quatrième fois (je crois) depuis que nous vivons en Touraine, à Chenonceaux — pour y visiter le château de Chenonceau.
(Oméga ne l'avait vu que fort jeune, à trois ans, donc aucun souvenir.)
La bizarrerie qui fait que le nom du château ne prend pas de x final alors que le village en a un est très largement contredite par plusieurs cartes postales ou documents d'archives qui mentionnent le “château de Chenonceaux”.
Notre première visite date d'il y a dix ans :
18:27 Publié dans Sites et lieux d'Indre-et-Loire, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (4)