vendredi, 19 février 2016
Le vol du pigeon voyageur
Tu te laisses porter par les événements plus que tu n'agis sur eux.
(Mariana, à Eugenio — p. 115)
C'est un faux roman policier, dont le récit finit par épouser la forme du fleuve ou du jardin tels qu'ils caractérisent, selon Zhang, la civilisation chinoise (“le jardin piqué, taillé, le trompe-l'œil”, p. 161). Son protagoniste/enquêteur, Eugenio Tramonti, on le sait quand on a lu auparavant les romans ultérieurs de Garcin, qu'il disparaît à son tour, comme Anne-Laure en Chine. Dans les chapitres XIV et XV, Eugenio visite une partie du chantier de fouilles de l'armée des guerriers de Qi Shin Huangdi, “gigantesque puzzle […] en miettes” (p. 103) sur lequel Garcin revient dans son Itinéraire chinois.
Grâce à ce bref roman, j'ai découvert Yosano Akiko.
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jeudi, 18 février 2016
Hors tout
11 février
6 h 55
Le vent souffle fort. Dans l'âtre crépite de temps à autre, timidement, la bûche calcinée d'hier soir. Le café passe. Sur la route, aussi camions et voitures, à toute allure.
9 h
Le jour a fini par se lever. Gris mêlé de bleu très clair au fond, route de Poudenx.
Je n'ai pas faire suivre assez de lecture, sans doute dupé par les quelques livres de C.G. Déjà lus et que j'ai apportés pour ajouter quelques textes aux Larcins.
Ce n'est pas grave : il y a plusieurs livres, ici, dont je ne cesse de différer la lecture.
Tout à l'heure, écrit trois textes pour Artois, à moi, assis dans le canapé, jambes allongées sur la table basse, le coussin bleu entre mes cuisses et le laptop. Cela m'est plus facile, ici, que de chercher à poursuivre 16 en 16, tâche déjà assez compliquée. En revanche, j'ai échangé, sur FB, autour de la forme de la marelle. Si je prends, ces jours-ci, quelques notes pour cette affaire de marelle, ce ne sera déjà pas mal.
14 février, 6 h 40
Levé depuis 4 h du matin, j'en ai glissé deux mots sur FB, mais pas de spectre, je suis plus fort que ça. Hier, pas écrit une ligne pour les blogs, mais, à l'aube, une retroensa pour les 71 ans de mon père.
16 février, 8 h 45
Hier matin, dans le laps d'insomnie entre la fin de nuit et l'aurore, j'ai écrit 3 sonnets et 1 rotrouenge. Ce matin, rien. Lu la presse, divers billets de blogs. Hier, rien écrit non plus dans ces carnets. Aujourd'hui, nous allons “rendre” à la médiathèque les livres empruntés, dont Barroco tropical, fini de lire hier à quasi minuit. Ce matin, Burgaudeau étant en congés pour une semaine, j'ai acheté les croissants et les chocolatines – après avoir dû me préparer à dire “chocolatines”, comme je suis aliéné – chez un autre boulanger. Il fait -1° dehors, et 2° dans le garage. Nous allons passer une partie de la journée à Pau. Grand ciel bleu écorné par le volet arraché, au premier étage du taudis d'en face, sur le carrefour.
17 février, 8 h 25
Le buste de Néfertiti demeurera, ainsi sans doute que cette bille tombée par terre, ou les cadres photos au mur, mais bien d'autres objets ici sont plus fragiles : les chaises de la salle à manger qui se déglinguent les unes après les autres, le petit fauteuil en mousse dans lequel O*** ne s'assoit plus depuis déjà plusieurs années mais dans lequel la chatte a décidé de faire, cette semaine-ci, ses siestes et ses nuits, les sandales défoncées que je laisse traîner dehors pour les fois où je dois faire quelques pas, jusqu'au bûcher ou jusqu'à la boîte à lettres, la chemise rouge pâle même que je porte et que je tiens de mon beau-père et que je portais déjà le 27 février 2008 à Sauveterre.
22:40 Publié dans Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 17 février 2016
Poétique de Christian Garcin (Esquisse pour une)
Loin du monde le langage se heurte à sa matière propre et se révèle à lui-même, avant de s’oublier. J’écris. Je longe la forêt, parfois pendant très longtemps. Puis j’y entre à petits pas, armé de phrases brèves.
Ce que me dit la fuite éperdue du Cerf courant sous bois peine à franchir mes lèvres.
Il me semble que le moment de cette révélation du langage à lui-même est ce que je cherche dans l’écriture. Lorsque j’écris je cherche l’autre monde.
(L’autre monde, p. 16)
La déclinaison la plus évidente de cette affirmation d’une poétique serait dans l’exploration géographique (tout ce qui, dans l’œuvre de Christian Garcin, est exploration des ailleurs, asiatiques notamment), mais le plus profond est justement dans la langue. Garcin écrit ceci au sujet d’une forêt française, telle que saisie par la pâte du très français Gustave Courbet, dont les initiales viennent inverser celles de Christian Garcin, et le véritable autre monde cherché est celui de la langue, celui qui voit s’inverser les sons pour que de brèves naisse lèvres.
10:01 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 16 février 2016
“ragoût de potamochère”
mes amis faisaient bonne chère
un donna son dernier cauri
pour de la chair de pécari
un ragoût de potamochère
qui sait de quoi ils bambochèrent
était-ce quelque fol pari
pour assaisonner de gari
nos estomacs mis en jachère
ainsi je festoyais avec
mes amis et pan sur le bec
du bec-en-sabot de l'outarde
pour se gaver de chair poivrée
je narre cette agape vraie
rêve piqué à la moutarde
22:05 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 15 février 2016
3 phrases
Le jour jette ses derniers feux.
La promenade sous le vent glacial, par Saourine, a vu rouler la discussion sur l'Islande et l'Angleterre.
Le feu, par la grâce de l'âtre gigantesque, suffit à chauffer la maison, grande pourtant.
18:15 Publié dans Chèvre, aucun risque, Hors Touraine | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 14 février 2016
3 + 2 distiques
5 février
On a über-dégueu j'a gerbu mes bretzels
À l'apéro la photo d'un Xoloitzcuintle.
4 février
Golri-j'on ôtut le trait d'union millepattes
Le jour qu'il démission Benjamin Millepattes.
3 février
On a gerbivor plus qu'un tube d'Alizée
La roulette pour furète paralysée.
Golri-je très beaucoup comme que la furète
Avecque son bobsleigh elle a rasta roquète.
2 février
On a péniblos dans les couloirs les reunois
Sono de Maître Gims à fond les nettes-ma.
12:31 Publié dans Distiques ribéryens | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 13 février 2016
Rising Stages of Anger
13:35 Publié dans Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 12 février 2016
Calme brun (sur la toile)
Je crie et pense à ces vieux solitaires empreints de calme brun.
(L’autre monde, p. 8)
Christian Garcin fait parler – en italiques – le cerf du tableau de Courbet.
L’autre monde est un livre capital, qui fait dialoguer l’imaginaire de l’écrivain avec les ombres portées et diffractées, dans la mémoire fallacieuse, d’un tableau où se signe l’Autre.
Il y a dix ans, je crois, quand j’avais déliré, en colloque, sur l’autre part et l’Autre-part (à propos de The Good Soldier), je n’en étais qu’à l’ébauche. On n’a pas vraiment réfléchi (bien que les jeux de langage autour de la capitalisation de l’autre/Autre aient été un des tics les plus productifs de l’ère post-lacanienne) à cette question de la partie et de la partialité dans le rapport à l’autre.
09:54 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 11 février 2016
Le linge (non, pas de tergal)
Voici qu'un vers des Perles rouges de Robert de Montesquiou m'a dirigé vers la page 340 du tome III du Robert culturel, où j'ai certes pu trouver la définition de manuterge, mais pas de citation, et donc j'en reviens au premier vers du sizain des Perles rouges, II :
Voile qu'un dieu défunt a pris pour manuterge
16:56 Publié dans Mots sans lacune | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 10 février 2016
Glasfuß u. Gestrüpp
En lisant le dernier livre traduit de Herta Müller (Dépressions. Gallimard, 2015), je me fais honte de ne jamais avoir essayé de lire ses œuvres en allemand. Et surtout, plus que la honte, ce sont les questions qui ne manquent pas de fourmiller.
Ainsi, quand, dans le passage ci-après, le travail sur les sons vocaliques, le rythme, les rimes à l'intérieur des phrases de prose, est aussi colossal, je ne peux m'empêcher de me demander à quoi ça ressemble en allemand, si toutes ces concordances ont été reprises par la traductrice, Nicole Bary*, ou si certaines font l'objet, de sa part, d'une compensation... bref, comme il est idiot de ne pas avoir des semaines de 373 heures et de ne pas lire Herta Müller dans l'original.
Les yeux profonds du père regardent le pied de verre noir de la mère avec la déchirure blanche. Les souliers noirs de la mère enjambent les taupinières entre des tombes étrangères.
Nous passons sous le porche du cimetière. Le village s'enfonce en lui-même et sent le sapin et la fougère, les chrysanthèmes et les coulures de cire. **
(“Tango appuyé”, in Dépressions, p. 121)
* Quoi qu'il en soit, le livre est si beau, si singulier, la langue si lancinante et belle, que c'est forcément une bonne traduction.
** Finalement, grâce à une édition pirate en ligne de Drückender Tango, j'ai pu accéder à l'original. Je laisse chacun juge :
Vaters tiefe Augen schaun auf Mutters schwarzen Glasfuß mit dem weißen Riß. Mutters schwarze Schuhe gehen über Maulwurfshügel zwischen fremden Gräbern.
Wir gehen durch das Friedhofstor. Das Dorf sinkt in sich ein und riecht nach Tannengrün und Farn, nach Chrysanthemen und nach wächsernem Gestrüpp.
10:10 Publié dans Translatology Snippets | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 09 février 2016
Quatrains bifides (Gorongoza)
23 janvier 2016.
Qui vivra lira
Son avenir dans le marc.
Carlos Lopes Pereira
Veut redonner vie au parc.
********
Un plat cuit au curcuma
Ne plaît pas aux enfants.
La guerre civile a trauma-
Tisé les éléphants.
********
Si je souffle du mufle
Très franchement ça coince.
Sur 14.000 buffles
Il n'en restait que quinze.
********
Le lyrisme et tout le tintouin,
C'est pour les poètes — les vieux !
Phacochères et babouins
Ont repris possession des lieux.
********
À peine a-t-il dit bonjour
Qu'il fume une clope.
C'est la saison des amours
Chez les antilopes.
********
Il aimait faire des dames
De beaux portraits au Kodak.
L'excrément des hippopotames
Apporte des nutriments au lac.
********
Jamais je n'irais chercher
De prétexte à être malade.
Le crocodile asséché
A une perruque en salade.
********
Quoi, après notre idylle,
Tu me cherches querelle ?
Le bébé crocodile
Becte une sauterelle.
********
En mangeant de la mort-aux-rats
On risque une grosse gastro.
Carlos Lopes Pereira
A pour sosie Fidel Castro.
.
14:41 Publié dans Quatrains conversationnels | Lien permanent | Commentaires (0)
Ruptures
Comme hier, à Paris, un vent à décorner les markhors m'a tiré du lit, à Tours, vent plus fort encore à 7 h 20 qu'il y a deux heures.
L'avantage des fins de nuit un peu précoces, c'est de pouvoir régler, par mail, des questions importantes avec les partenaires australiens, malais et coréens — et japonais — alors que, pour eux, c'est l'après-midi.
1 h 20, donc, à traiter les mails professionnels... Dire que je me levais en pensant avancer dans les textes personnels pour le blog anthracite...
07:23 Publié dans Chèvre, aucun risque, Moments de Tours, WAW | Lien permanent | Commentaires (0)
lundi, 08 février 2016
... du grain à mudre
passez par la calamistoufle
ô hérauts du matin de brou
on vous réchauffe peu ou prou
qui du bonnet qui de la moufle
à retomber dans votre trou
reprenez doucement le souffle
& engoncés dans votre doufle
passez par le chavirécrou
vous abhorrez la frangisudre
& le si élégant tonkin
à vous plumer le maroquin
ça va donner du grain à mudre
aux fanas d'homéotéleutes
& aux salopiots herméneutes
15:36 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 07 février 2016
Loris grêles
2 janvier
Sous l'averse et la grêle,
Je connus des revers.
Des jumeaux loris grêles
Naquirent à Anvers.
20:30 Publié dans Quatrains conversationnels | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 05 février 2016
Fin de stage
18:26 Publié dans WAW, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 04 février 2016
Dissidence dans le classement
Quel plaisir de perdre cinq minutes, parfois plus, à chercher un livre sur mes étagères “africaines”, parce que le classement est totalement anarchique, ni alphabétique ni par pays ni même par auteur, pas vraiment par format... Je m'y retrouve à peu près, et quand je ne m'y retrouve pas, c'est l'occasion de s'arrêter sur un titre, d'ouvrir un ouvrage qui avait été un peu délaissé...
mercredi, 03 février 2016
Versura
Au bout du sillon, la charrue fait demi-tour. Le mot latin qui désigne l’endroit et le moment où la charrue fait demi-tour est versura, qui a donné vers en français. Le vers du beau langage est lié au monde de la parcelle utilitaire, du champ cultivé, de la raison humaine qui soumet la nature à ses besoins et ses codes. Le monde de la forêt est celui du langage superfétatoire, absent.
(C. Garcin. L’autre monde, p. 12)
La schize charrue / forêt, plus que le souvenir du titre d’un des carnets de Pinget (la métaphore du harnais restera toujours, pour moi, plus sourdement et lourdement opérante), me suggère des pistes du côté de Tutuola (quand la langue cesse d’épouser la norme régulière, là est la rencontre avec la forêt déréglante) ou de Nii Ayikwei Parkes (l’inassignable notre quelque part, entre le monde des codes mis en parcelles et le monde par nous).
09:56 Publié dans Affres extatiques, Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)
mardi, 02 février 2016
2013-2016
2 février 2013.
Je vais mettre un crêpe noir pour relire Raymond Chandeleur.
2 février, jour du calembour pourri.
Aujourd'hui (même jour, en 2016)
En mangeant une crêpe accompagnée d'un gobelet de thé aromatisé à je ne sais déjà plus quoi au stand de l'association des étudiants anglicistes, j'ai eu une discussion tout à fait passionnante avec deux anciens étudiants, actuellement en M2, et avec une étudiante de L1 que je n'ai pas dans mes cours, notamment sur l'évaluation des enseignements.
(Moins pourri.)
(Lointain écho d'“Exister est un plagiat”, sous une autre forme, et du Temps immobile.)
22:06 Publié dans Célébrations improbables, Exister est un plagiat, La Marquise marquée | Lien permanent | Commentaires (1)
lundi, 01 février 2016
Traîne-buisson
Le Lexique n’est pas mon livre préféré de Christian Garcin. De manière générale, je comprends que les écrivains s’adonnent à l’exercice de l’abécédaire, du répertoire, mais même ceux qui y excellent produisent, au moins selon moi, des ouvrages mineurs. (Pourquoi pas, hein. On ne peut ni ne doit toujours viser ou lire que l’opus magnum).
Je ne compte pas généraliser, de toute façon.
L’objet de cette notule est de signaler une erreur, à l’article traîne-buissons. En effet, Garcin écrit qu’il s’agit de « l’autre nom d’un oiseau extrêmement discret, l’accenteur moucheté » (L’Escampette, 2002, p. 84). Coquille, sans doute : le nom de l’oiseau est bien l’accenteur mouchet. D’autre part, c’est à Buffon que l’on doit le nom plus imagé de traîne-buisson, mais au singulier.
Ça tombe bien – pour lancer enfin peut-être l’Atlas – pour signaler surtout un attachement ancien à ce joli passereau souvent confondu avec la femelle du moineau domestique, quoiqu’il soit plus replet, nerveux – et solitaire.
10:19 Publié dans Larcins | Lien permanent | Commentaires (0)
dimanche, 31 janvier 2016
Nous remémorer
Nous écrivons et peignons pour nous remémorer ce que nous n’avons pas vécu.
(L’autre monde, p. 38)
Et j’ajouterais : pour identifier ce qui peut échapper à la réalité (inassignable) grâce au souvenir (toujours fixable).
Pour identifier : établir une équivalence.
Tout cela reste diffus et pâle.
(Ce que je nomme la mêmoire.)
09:49 Publié dans Blême mêmoire, Larcins | Lien permanent | Commentaires (2)
Dernier jour du mois, mise au moindre
Heureusement que je tiens ces carnets pour moi-même — il y aurait, ces temps-ci, de quoi se décourager.
D'une part, je peux être satisfait d'avoir encore, ce mois de janvier, tenu le rythme de publication quotidien dans les deux blogs, d'avoir embrayé plusieurs nouveaux projets, et ce malgré des semaines de boulot absolument démentes. D'autre part, je vois que février s'annonce plus retors, comme souvent, avec les “vacances” (en partie déconnectées (à chaque fois que j'écris des textes en vue d'une publication ultérieure, ça m'ennuie de les publier une fois que je suis revenu à Tours, avec une connexion, et que je les relis)) et le risque de l'enlisement. En effet, les nouveaux projets exigent tous une certaine régularité, doublée d'un peu de pugnacité.
Il y a toutes les formes singulières, mais je crois que, pour cela, je n'arriverai jamais à me contraindre à écrire un ou deux poèmes par jour en alternant les formes fixes. Plus sérieusement, il y a le projet Nuruddin, le projet Christian Garcin, le chantier 16 en 16, Par les lettres, le centenaire Ferré, sans compter la remise sur le métier d'Artois, à moi, des textes croisés Ping-pong-Pong-ping, et de l'inflexion apportée à Aujourd'automne. Quand je suis en “vacances” hors connexion, il faudrait que j'écrive pour ces projets-là, justement, sans quoi ce sont ces phases d'intermittence qui font patiner l'ensemble.
De toute façon, j'ai toujours avancé en me dispersant. Déjà, là, alors que je n'ai pas fini la lecture de Dépressions, ni de Centurie (qu'il faut lire par bribes, donc pas grave), que j'amorce à peine la découverte du continent Garcin, je me lance dans la lecture de Männer Phantasien de Klaus Theweleit. (Au moins, je lis en allemand...)
Pffffffff, pfff.
07:51 Publié dans Questions, parenthèses, omissions | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 30 janvier 2016
3737
Pour le 3.737e (répétition du nombre associé au département de l'Indre-et-Loire) billet de ce site, en attendant, dans cinq semaines environ si je continue de maintenir le rythme d'un billet par jour au moins, le palindrome ligéro-savoyard 3.773, il y avait l'embarras du choix.
Aussi suis-je allé repêcher, dans mes archives, une image du 16 mai dernier, lors d'une promenade sur les bords de l'Étang du Val joyeux, à Château-la-Vallière.
Ce lac, pour moi, offre un contrepoint (géographique autant que structurel) à l'étang du Louroux et mérite de figurer dans les Sites & lieux d'Indre-et-Loire. Mon fils aîné avançant sa main pour ne pas être photographié rappelle qu'une des rubriques du site avait quelques prétentions photographiques. Le vert de la forêt qui sert de cadre est, depuis le principe, la couleur de ce site. Enfin, comme j'ai à peu près raté l'anniversaire décennal de Touraine sereine, c'est l'occasion d'ajouter une pierre commémorative, même mal taillée et branlante.
D'autre part, je n'oublie pas les Mots sans lacune, ancien projet qui, comme tant d'autres, s'enrichit de temps à autre d'un nouveau billet. Je lui offre ici deux citations, l'une pour le second sens de “lavallière” selon le Robert culturel, et l'autre pour le nom propre.
Le maroquin Lavallière, avec sa nuance effacée et ses tons gris-poussière, apparaît à son tour, précurseur des reliures en veau-écaille à la mode aux approches de la Révolution. (Raymond Bordeaux. Quelques mots sur l’histoire de la reliure des livres, 1858.)
La Vallière est boiteuse : elle a de doux écarts.
Elle sert d’exercice à Jupin qui prélude ;
Il l’entraîne en l’Olympe — et la rupture est rude :
Il la laisse tomber du haut de ses regards.
(premier quatrain du 35e des Sonnets historiques de Robert de Montesquiou, 1899)
09:50 Publié dans ... de mon fils, 10 ans, Mots sans lacune, Sites et lieux d'Indre-et-Loire, Zestes photographiques | Lien permanent | Commentaires (0)
vendredi, 29 janvier 2016
Un vendredi.
Journée de travail très réussie, aujourd'hui. Globalement, j'aime mon métier et mes journées ne sont pas atroces, mais il est rare que tout s'arrange, non pas merveilleusement, mais simplement bien.
Le premier cours (thème L3) est vraiment en petit groupe. Dix présents seulement sur les 14 de la fois précédente. On ne va pas se plaindre, avec les 50 étudiants par TD de L1 et de toute la filière L.E.A.. Cela fait plusieurs années que je n'ai pas enseigné le thème, à l'exception des trois années de traduction audio-vidéo entre 2012 et 2014 et le thème économique de L.E.A. (qui compte un peu pour du beurre), et j'ai décidé d'innover un peu : outre les textes à préparer chaque semaine (6 textes alternant prose littéraire et textes de presse, distribués dès le début du semestre), je propose à chaque cours une “fenêtre” de 15-20 minutes consacrée à une traduction improvisée, y compris pour moi. Nous n'y travaillerons pas les questions de syntaxe, ni les procédés les plus complexes, mais c'est une manière de travailler sur les automatismes et aussi sur d'autres supports. Ainsi, hier, à la stupéfaction (navrée) de mes étudiants, je leur ai diffusé le refrain de Notre amour sent l'ail. Cela nous a permis de réfléchir à la manière de traduire convenablement les deux sens de blanc (“le plus blanc” vs “chevalier blanc”), mais aussi de réfléchir à la traduction des insultes, dont certaines qu'ils ne comprenaient pas dans le texte source français (“banane”* et “lajoie”). — En tout cas cette fenêtre donne un double aspect au cours, avec un côté ludique ou un peu déconnant...
Le deuxième cours était Aide à la réussite L1, dans le lugubre amphi C ; le T.D. s'articule autour d'un exposé fait par un groupe d'étudiants en première heure puis d'un extrait du livre présenté en exposé et sur lequel tous les étudiants ont travaillé au préalable. Les dix livres qui donnent lieu à exposé ont été annoncés dès novembre, avec ordre identique dans les cinq groupes de T.D. de la promotion. Tous les exposés doivent épouser la même structure (l'auteur, la structure du livre, les principaux thèmes, les difficultés rencontrées, la phrase préférée de chaque étudiant du groupe). Hier, c'était le deuxième cours, avec le premier exposé, sur Common Sense de Thomas Paine. Les quatre étudiantes avaient très bien travaillé, fouillé le texte, relevé les éléments les plus importants. Elles ont distribué leur plan au début de l'exposé, avec le glossaire obligatoire de 30-50 mots, puis ont présenté leur travail en faisant parler chacune, à tour de rôle, Thomas Paine à la première personne. Deux d'entre elles avaient appris leur texte, mais sans réciter (elles ne risquaient pas d'être sanctionnées pour cause de notes trop rédigées), et les deux autres avaient des aide-mémoire discrets. Une d'entre elles est très évidemment bilingue, mais parlait trop bas, avec peu de présence ; deux avaient un anglais moyen de première année (et donc, fautes de grammaire, intonation française et fautes d'accentuation) ; la dernière, enfin, s'appuyant probablement sur une expérience théâtrale, occupait la scène et jouait vraiment Thomas Paine ressuscité et venu lever les malentendus sur son livre, ce qui, avec un anglais globalement bon, compensait ses quelques déplacements accentuels sur les polysyllabiques (je pense que j'en faisais largement autant à son âge). Au bilan, un exposé original et très vivant. La deuxième heure s'est bien déroulée ; j'ai donné quelques conseils ; nous avons travaillé sur les deux extraits de Common Sense, avec un peu de participation (intelligente) et pas de bavardage. De mon point de vue, le cours de L1 parfait.
Après la pause sandwich vraiment minimale (il y a une demi-heure de battement, ce qui en fait signifie vingt minutes à tout casser), le cours de traductologie de L3, qui s'appuyait sur un extrait d'A Tale of Two Cities vraiment bourré de tournures verbales exigeant le chassé-croisé et sur une série de 20 titres de chansons françaises à traduire, s'est avéré vivant et riche, surtout, une fois encore, car presque tous les étudiants avaient vraiment fait leur travail et proposaient leurs contributions ou faisaient part de leurs doutes ou interrogations. Au sujet de la traduction de "darted into their houses", j'ai même donné raison à un étudiant après avoir comparé une traduction proposée, avec chassé-croisé (entrèrent chez eux en trombe), et la sienne (se précipitèrent chez eux). J'avais en effet commencé par soutenir que la sienne impliquait une modulation avec effacement de l'image (dart), tandis que l'autre procédait à un changement d'image (en flèche → en trombe). Il m'a fait remarquer, en invoquant la parenté avec précipice, que, selon lui, se précipiter était aussi une image ; sans que j'aie le temps de vérifier dans un dictionnaire de langue française (il y a, comme dans beaucoup de salles, un ordinateur avec vidéoprojection, mais on ne peut pas s'interrompre toutes les trente secondes), j'ai en effet constaté que l'étymologie lui donnait certainement raison (prae-caput). De retour à la maison, j'ai pu vérifier que c'était le cas. Le Robert culturel indique même, comme citation illustrant le sens 1, ce vers de Cinna : « Puis soudain, dans le Tibre, il s'est précipité. »
La journée de travail s'est poursuivie avec plusieurs rendez-vous : signature du contrat pédagogique d'une de “mes” étudiantes australiennes (de Deakin), rendez-vous avec deux des trois étudiantes de L.E.A. qui partent prochainement pour leur séjour d'études obligatoire d'un semestre en Malaisie (nouvel échange pour lequel elles essuient les plâtres — avec un nombre tel d'embûches que je me demande si je ne vais pas suspendre l'envoi d'étudiants pour une année, le temps de faire le point), rendez-vous avec une étudiante angliciste qui est extrêmement motivée pour valider sa L3 par un séjour d'études dans une autre université partenaire dont je suis responsable (UKZN, à Durban et Pietermaritzburg), et enfin entretien avec un collègue de l'équipe pédagogique de L.E.A. suite à un problème survenu cette semaine. Journée qui s'est donc clôturée, pour la partie in situ, vers quatre heures de l'après-midi, mais avec un véritable sentiment de satisfaction. Journée très complète, aussi, dans ses “activités”... j'espère que la stagiaire de troisième que j'accueille la semaine prochaine pourra observer ce genre de journée...
* Une seule étudiante connaissait et a confirmé que c'était une insulte plutôt affectueuse, ou en tout cas ambivalente, car, quand l'étudiante était plus jeune, sa mère lui disait ça gentiment. Bizarrement, j'ai évoqué ça ce soir en famille, et Oméga (qui est en CE2) était étonné, car "on n'arrête pas de dire ça dans la cour"... En cherchant un peu sur le Web — où il est difficile de filtrer les articles qui parlent de l'affaire des enfants catholiques qui avaient jeté des bananes à Taubira — je suis tombé sur un répertoire d'“insultes pas trop vulgaires” plutôt insolite... je vous laisse juger...
22:02 Publié dans WAW | Lien permanent | Commentaires (2)
jeudi, 28 janvier 2016
“tenir le flambeau”
23.12.2015.
cours après la vieille étreinte
un pied sur l'escabeau
neurones au tombeau
sans faux souffle ni vraie crainte
cours les pas dans ton empreinte
à jouer pour de beau
de bon tenir le flambeau
que le futur t'éreinte
ce n'est pas assez courir
c'en est trop d'une syllabe
l'albatros s'enfuira
& se noircira en labbe
cours après il t'en cuira
ce n'est pas trop mourir
21:43 Publié dans Sonnets de janvier et d'après | Lien permanent | Commentaires (0)
mercredi, 27 janvier 2016
L'étrange sérénité des fonds marins
Ce texte de Christian Garcin, publié fin 2014, se présente sous la forme d'un petit format carré glissé dans une pochette en plastique et qui, quand on commence à le lire, se déplie soit comme un livre classique soit en accordéon aboutissant à un octogone, les pages formant un rempart autour du vide. L'éditeur se nomme circa 1924, et à n'en pas douter il y a un véritable choix de proposer autre chose qu'un texte en ligne (ici : un texte crénelé).
Objet sobre et marquant, ce mince volume est porteur d'un texte qui est loin d'être anecdotique. Je l'ai lu une première fois il y a une semaine, et la Mina du texte m'a d'abord évoqué la M'dina de Sardines, puis, une fois ma comprenette désalentie, je me suis rappelé avoir déjà rencontré le nom de Mina Loy, déjà associé à celui d'Arthur Cravan.
Le texte raconte un moment dans la vie de ce bizarre couple, juste avant la disparition de Cravan, en 1918. Garcin s'est inspiré d'une série de photographies faussement anciennes (le rabat les nomme “pictorialistes” et les attribue à un certain Hugo Brehme [j'apprends donc à cette occasion que ce n'est pas par un effet de fausse ancienneté mais bien parce que ces images sont peu ou prou les contemporaines de l'idylle imaginée entre Cravan, ici “Colossus”, et Mina Loy qu'elles semblent anciennes, tant pis, je laisse mon erreur puisque ce crochetage l'affirme : elles ne sont pas faussement anciennes !]) pour raconter comment, au Mexique, Cravan et Mina Loy cherchent une cathédrale rose : d'une part, les photos sont sépia ; d'autre part, comme l'écrit Garcin, au Mexique « de nombreuses cathédrales sont roses : comment trouver la bonne ? ».
De Mina Loy — que, moi aussi, en fin d'adolescence, j'avais provisoirement confondue avec Myrna Loy —, retenons, pour le moment, un poème, Lunar Baedeker qui n'est pas sans échos avec le texte de Garcin.
L'expression citée entre guillemets, « au torse immature de bébés géants », provient d'un poème de Mina Loy, “Property of Pigeons” (dans le texte : the immature torsos / Of their giant infants). Je ne le mets pas en lien, car Google Books est un répertoire particulièrement bordélique et difficile à consulter, mais cela se retrouve facilement — un très beau poème, aux pages 120-1 du recueil posthume The Lost Lunar Baedeker (repris en 2015).
De Cravan, je mets en lien le texte singulier (détestable ? Cravan voulait-il se dépeindre de manière à ce qu'on le trouvât détestable ?) sur André Gide. Je pense que Breton, devenu un poil dogmatique à partir de la fin des années 20, ne devait pas se retrouver totalement dans cette ambivalence opaque.
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mardi, 26 janvier 2016
Ping-pong, 10 : habiter & tuer
Aujourd'hui, à la faveur du jour de grève, j'ai enfin pu prendre une journée pour ce qui traînait depuis deux mois, à savoir l'achat de nouvelles étagères pour la bibliothèque (ou le bureau, c'est selon). Après un aller-retour maison/Ikea qui a battu un nouveau record, je pense (cinquante minutes, déchargement compris), j'ai donc monté ces merveilleuses planches avec leurs surmeubles et autres fariboles, pour passer ensuite deux bonnes heures, en milieu d'après-midi, à ranger les livres qui avaient dû gésir en piles pitoyables depuis la mi-novembre et le remploi de la bibliothèque située à ma droite quand je suis à mon bureau (comme en ce moment) comme séparation entre le bureau et un minuscule coin lecture.
(Je crois que le bureau est, dans cette maison, la pièce à avoir connu le plus de modifications, infimes ou plus significatives. Assez logique, en un sens.)
Du coup, j'ai réorganisé totalement le classement des ouvrages de poésie et profite donc de cela pour saisir, sur l'étagère quasiment la plus à portée de main (sur la droite), deux livres que je n'ai pas ouverts depuis longtemps, voisins d'alphabet et de rayonnage (ce qui n'est pas souvent le cas — le classement alphabétique m'intéresse peu, pour nos livres), Peintures de Segalen et L'écolier sultan suivi de Rodogune Sinne de Schehadé.
J'en extrais deux phrases, (presque) au hasard.
L'auberge habitait un cheval carmin. (“Rodogune Sinne”, ch. II / p. 66)
Avant tout, avez-vous tué en vous le regret innombrable comme les poissons vibrants ? (“Cortèges et Trophées...”, p. 111)
Vienne à présent la chaleur noire du mercure.
22:22 Publié dans Par les lettres, Ping-pong, Pynchoniana | Lien permanent | Commentaires (0)