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mardi, 19 janvier 2016

Goonawarra

Conduire dans la neige

Est une paire de manches.

Goonawarra le belge

A claboté dimanche.

 

lundi, 18 janvier 2016

De neige urbaine

) ça commence à tenir

sur les voitures froides

métaphores des ouates

& ancien souvenir

 

va donc voir chez Jawad

s'il vente ou s'il neigeote

arrête ta parlote

cornemuse et bagad

 

magnolias et menhir

ça commence à tenir

& ça prend la tangente

 

autos sur les Tanneurs

glissent (va voir s'il vente

aux joues des dépanneurs

 

dimanche, 17 janvier 2016

Mettre en mue

Attaquant demain avec mes étudiants de première année la scène de l’acte 1 de Richard III dans laquelle, après avoir brièvement discuté avec Hastings de sa récente disgrâce, Gloucester poursuit son monologue en y exposant ses projets (I, i, 122-162), j’ai rompu des lances avec le beau distique du chambellan (132-3) :

More pity that the eagles should be mew'd
    While kites and buzzards prey at liberty.

Il va de soi que, pour les étudiants, je veux surtout insister sur les métaphores et sur l’antithèse (exprimée d’une manière dissymétrique, d’ailleurs : “more pity that.. while…”), mais, à titre personnel, j’ai un peu creusé ce ‘mew’d’, ici au sens 3 du verbe mew dans l’Oxford English Dictionary, terme de fauconnerie désignant une cage et, par extension, le fait de confiner un oiseau pendant la période de mue.

Je n’ai, sous la main, « que » trois traductions, celle de François-Victor Hugo (1866, reprise en GF), celle de Jean-Michel Déprats (Gallimard 1995) et celle d’André Markowicz (Les Solitaires intempestifs, 2010).

François-Victor Hugo – on trouve d’ailleurs le texte en ligne sur Wikisource – traduit en prose : « Tant pis que l’aigle soit en cage, — quand les milans et les buses pillent en liberté. »

Déprats :

« C’est grand dommage que les aigles soient mis en cage,

Quand milans et buses chassent leur proie en toute liberté. »

Markowicz, seul à tenter de rendre les pentamètres iambiques par des décasyllabes “classiques” (4/6), conserve, audacieusement, un terme de vénerie à peu près inconnu du fait de son archaïsme (on le retrouve dans le Littré) :

« Quelle pitié de mettre en mue les aigles

Quand les busards et les gerfauts sont libres. »

La restitution d’une métrique et d’un rythme proprement shakespeariens se fait au prix d’un effacement, le prey de la proie, qui n’est pas insignifiant, bien sûr. Ce qui me paraît le plus délicat, c’est la perception – et donc la compréhension – par un spectateur contemporain de ce terme de mue. J’ai vérifié la traduction du jeu d’échos entre cette occurrence et celle du monologue d’ouverture. En effet, Gloucester, dès le vers 38 : This day should Clarence closely be mew’d up

Markowicz, sans surprise, a été attentif à cet écho : « Ce jour verra Clarence mis en mue » — Déprats, nada : « Aujourd’hui même Clarence sera bouclé » — F.-V. Hugo non plus : « Clarence sera enfermé étroitement aujourd’hui même ».

 

 

(Dans une pièce très contemporaine de Richard III, Roméo & Juliette, Lady Capulet dit de sa fille : To-night she's mew'd up to her heaviness. (III, iv). Ce que F.-V. Hugo traduit par cloîtrée dans sa douleur.

À suivre...)

samedi, 16 janvier 2016

“ton temps de brume sur l'estran”

ton temps de brume sur l'estran

à l'aval des barricades

la fuite de nous par saccades

un vieux programme en systran

 

ce ne sont plus que cagades

à n'en plus finir impétrant

un passé veuf je comprends

que ton rimmel coule en cascades

 

nos aventures sont finies

cauchemar de décennies

maintenant tu règles l'ardoise

 

Tombouctou ventre de mort

& le nautonier qui dégoise

rame au cul putain de sort

D'autres 16 janvier

Hier, c'était un vrai vendredi de cohue, non pas avant la reprise des cours aux Tanneurs, mais encore et toujours au Parc des Expositions de Rochepinard, par vagues. On a dû se faire mettre des bracelets verts inamovibles, dérisoire mesure de sécurité, et même, comme j'y retourne aujourd'hui, prendre la douche et dormir avec. Il y a un an, je tournais autour du mot cohue ; à l'instant, je viens de citer, sur MuMM, en la tronquant, une phrase de Cros sur la chambre-cornue.

Les Dizains en assonance, donc, sont une forme déjà ancienne, plus de trois ans, et chantier à l'arrêt (dommage). Je ne fais pas assez souvent de ces promenades.

Le triple A, j'avais déliré sur les possibilités textuelles ailleurs, sur FB, aussi avec des détournements d'images, je crois (et une parodie de La Chute ?*).

Huit ans, déjà, Chalamov.

Du neuf pour les oreilles, mais pas pour le duc d'Elbeuf (ou de cette ville visitée fin juin, le nom déjà m'en échappe, allons, l'inventeur de l'alexandrin en est originaire, Alexandre de ??? Alexandre de quoi ???).

Si ma femme avait Facebook, elle me verrait plus souvent ?

 

 

* Oui, je vérifie : vidéo vue 491 fois, sans aucun like et avec quatre “dislikes” ! :-)

vendredi, 15 janvier 2016

Sexer les hyènes...

Comme mon esprit rebelle

Vogue en détours aberrants ! —

— Chez l'hyène la femelle

A un pénis apparent.

jeudi, 14 janvier 2016

Trois nouveaux quatrains animaliers

J'aime à 41 balais

Les rimes affriolantes.

Tengah le tapir malais

Débarque au Jardin des Plantes.

 

§

Moi, les pieds de cochons grillés,

Franchement je n'en suis pas fan. —

— Personne ne souhaite empiéter

Sur les privilèges d'Aïndjan.

 

§

De ce vin quelques cruchons

Pourraient bien me rassasier.

L'ourse de La-Chaux-de-Fonds

A dû être euthanasiée.

mercredi, 13 janvier 2016

L’Opéra du ciel

Vendredi dernier, inaugurant cette série de textes consacrée à commémorer le centenaire de la naissance de Léo Ferré, mais, surtout, pour moi, à creuser plus avant tout ce que j’ignore de lui, je m’interrogeais sur l’absence (peut-être) de commémorations.

Il y a dix-huit ans, quand j’ai vraiment découvert Ferré, à l’occasion d’un achat presque aléatoire, chez Gibert (il s’agissait du grand disque Baudelaire, celui de 1967), le Web n’en était qu’à ses balbutiements, et ni Wikipedia ni youTube n’existaient. Je ne pouvais donc me référer à celle-ci pour constater que, dans la liste des titres enregistrés par Ferré, il y en a d’innombrables dès 1946, ni à celui-là pour découvrir la plupart des titres en question. J’y reviendrai.

Vraiment découvert, oui, car j’avais certes entendu “Jolie môme” ou “Avec le temps”, ou, sans doute, “C’est extra”, mais pas plus… Je n’ai probablement même pas su quand il était mort.

 

Un jour de 1998, je crois, j’ai donc ramené de Paris le CD du disque Baudelaire de 1967, et là, à Beauvais, dans le salon de notre appartement, ce fut un vrai choc. J’avais passé quelques années sans me replonger dans Baudelaire, et ce disque a été aussi l’occasion de reprendre en profondeur les Fleurs du mal, et de faire un certain nombre de découvertes, grâce à Ferré, sur la prosodie, le travail de la forme sonnet, ou sur le placement si particulier des adjectifs.

Si j’évoque ceci, c’est que, dans la Wikipedia, justement, je découvre que le premier disque Baudelaire de Ferré est paru en 1957, à l’occasion du centenaire de la parution des Fleurs du Mal… donc commémorations et centenaires, d’une certaine manière, n’horripilaient pas forcément Ferré.

Quelques méandres ici, donc, mais c’est normal —— je n’ai aucune idée de la direction.

 

Tout ça pour en venir à la méthode de croisement Wikipedia + youTube, qui m’a permis de retrouver un des plus anciens enregistrements disponibles de Ferré, “L’Opéra du ciel”. D’après la WP, ce titre (qui se trouve désormais sur un double CD La Vie d’artiste) a été chanté dès 1941 sous le pseudonyme de Forlane.

Préhistoire de Ferré, sans doute, mais étonnante : tout est déjà là, en quelque sorte, dans l’écriture et la composition, et pourtant on reconnaît à peine la voix, grêle et comme mal assurée, roulant les r à la mode des chanteurs réalistes (ce que l’on appelait pousser une goualante, je crois, et dont Ferré a fait un trait de son chant, mais d’une façon très adaptée). Que l’on s’intéresse à un seul mot du refrain, crèverais (entre 1’13” et 1’17” dans la captation donnée en lien), et on trouve l’allongement du mot avec forte de l’accompagnement pianistique, l’accent porté sur le mot fort (crève), mais aussi cette sorte d’incertitude mi-rêveuse mi-gouailleuse qui sera là, toujours, après, mais en sourdine, à nourrir l’imaginaire mais non sa traduction en chant (interprétation).

 

Pschiiit & albatros

Il y a, sur l’autre site, une rubrique Unissons, par laquelle j’essayais (essayai (elle est plus ou moins inactive)) de croiser les formes esthétiques, de faire se croiser des auteurs dissemblables. J’écris ceci en préambule, car, après avoir publié hier deux brefs billets, l’un pour les Larcins, l’autre pour le projet Ferré, celui-ci va, brièvement aussi, juxtaposer les deux.

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Ce matin, en m’éveillant, le rêve très complexe que je venais de faire s’est aussitôt évanoui, pschiiiiit, un génie de conte oriental qui fait pschiiiiiiit en ne laissant même pas de fumée dans le ciel bleu jaune. Or, hier soir, avant de dormir, j’ai poursuivi ma lecture de La Piste mongole, avec ce Chen rêveur qui commente ses propres rêves et se trouve à se voir dicter ses rêves, à se rendre en rêve dans des lieux qu’il n’a pas choisis (mais que le lecteur a déjà rencontrés dans les deux premières parties du roman et identifie progressivement), de sorte qu’il (Chen-le-maigre, pas le lecteur) pense que quelqu’un d’autre lui dicte son rêve, avec des comparaisons étranges, qui viennent d’un autre, avant que (c’est le chapitre auquel j’ai arrêté ma lecture hier soir, donc autres développements métanarratifs à suivre peut-être) ce même Chen Wanglin avoue être le narrateur qui parle de plusieurs voix, prétend épouser tel ou tel point de vue, chaotiquement, sans logique, « sans se soucier de la cohérence narrative du résultat » (p. 77). La complexité des strates oniriques dans ces chapitres de La Piste mongole sont responsables, je l’écris ici sans me soucier de la congruité de mes propos, de l’évanouissement pschiiiitesque de mon rêve complexe de fin de nuit.

 

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Sans transition, Ferré. Lundi après-midi, en route pour la leçon de hautbois de mon fils cadet, nous avons écouté, en voiture, Les Albatros, sorte de chaînon puissant entre la version chantée du célèbre poème de Baudelaire et le Syndrome albatros de Thiéfaine. Nous n’arrivions pas à déterminer si l’instrument qui accompagne les deuxième et quatrième couplets est le cor anglais ou le sax soprano. Ce n’est pas évident à éclaircir à l’oreille, et les informations que l’on peut glaner sur le Web au sujet du groupe Zoo (qui accompagnait ici Ferré) sont maigres. Toutefois, deux éléments me font de plus en plus pencher – j’ai réécouté Les Albatros ce matin au retour du collège – vers le sax soprano : le bouquet final, très cuivré tout de même, et le fait que, dans les autres titres avec le groupe Zoo, il y a plusieurs saxophones, mais jamais de hautbois ou de cor anglais. Incertitude à lever, appel aux plus doués que moi.

mardi, 12 janvier 2016

Qui de nous deux inventa l’autre ?

Pour une fois, je ne serai pas volubile ou disert. Mais ça va être coton.

Il m’a fallu découvrir, en 2011 je crois, le live de Thiéfaine à Bercy – album par lequel, d'ailleurs, mes fils sont ‘entrés dans Thiéfaine’ – pour que l’héritage assumé (with a pinch of salt) par Thiéfaine me saute à la gueule : oui, depuis vingt ans j’écoutais Thiéfaine, et depuis onze ans j’écoutais les disques de Ferré, ceux des années 60 puis ceux des années 70, et ça ne m’avait jamais sauté à la gueule.

Alors, quand on est aussi à la ramasse, on s’écrase. À la rigueur, on lance un chantier pour tenter de s’éclairer soi-même.

Et on met en ligne un billet bref à seule fin de donner le lien de “Je vous attends” (extrait de L’Opéra du pauvre) et d’une version live d’“Alligators 427”. Seulement, voilà, la chanson de Thiéfaine est de 1978, et celle de Ferré de 1983. Qui de nous deux inventa l’autre ?

Autant de larcins

Il n’y a pas de très nette ou très bonne raison au choix du titre de cette série de textes, Larcins : paronymie du patronyme de Garcin, idée que mes petits textes sont comme des chourades à la dérobée, en lisant un écrivain à peine découvert, glissement vers une homophonie avec mon propre nom (Garcin → cin/Gar → CingaL < lar-cin).

 

Allons... c'est un beau mot... je ne peux m'y soustraire :

Allez donc ! Ce qu’ici vous perdez de moments

Sont autant de larcins à vos contentements ;

Et ce soir, destiné pour la cérémonie,

Fera voir pleinement si ma haine est finie.

(Cléopâtre, dans Rodogune, acte IV, scène III)

lundi, 11 janvier 2016

▓ wattle ▓

Voulant éviter le très beau (et bref) paragraphe de trois phrases qui ouvre l'œuvre, l'incipit de From A Crooked Rib — pour y venir ultérieurement, pas d'inquiétude —, je cherchais quelle “série de trois” piocher dans les premiers chapitres du premier roman de Nuruddin Farah. J'ai bien failli choisir le début du deuxième § de ce Prologue si bref et si beau, puis me ressaisis.

 

In the dark, the huts looked more or less like ant-hills, maybe of an exaggerated size. The huts were made of wattle, weaved into a mat-like thing with a cover on top. They were supported by sticks, acting as pillars.

(From A Crooked Rib, 1970. Ch. I. Penguin, 2006, 6)

 

On trouve plusieurs traits caractéristiques de l'écriture de Nuruddin, traits qu'il aura soin de gommer ou de dissimuler sous des variations plus baroques au fur et à mesure des trois trilogies : rythme ternaire avec variations autant métriques que syntaxiques (cf analyse ci-dessous) ; emprunt des doubles paires allitérantes à la poésie pastorale somalie (made/mat // wattle/weaved) ; progression de la description par reprises (the huts → The huts → They were)

 

[1] In the dark, [2] the huts looked more or less like ant-hills, [3] maybe of an exaggerated size.

[1] The huts were made of wattle, [2] weaved into a mat-like thing [3] with a cover on top.

[1] They were supported [2] by sticks, [3] acting as pillars.

En bleu : syntagmes prépositionnels incidents. En orange : noyaux des propositions. En pourpre : structures verbales (ou non) incidentes servant à préciser la description. Dans la première phrase, les trois temps sont marqués par trois virgules ; dans la deuxième, la seule virgule ouvre de [1] sur [2] ; dans la troisième, elle ouvre de [2] sur [3]. 

D'un point de vue métrique, les fragments courts privilégient l'anapeste (with a 'co /ver on 'top), tandis que les segments plus longs (noyaux) sont plutôt iambiques, avec un effet d'accélération (the 'huts were 'made of 'wattle), puis, avec le dernier segment cité ici, un effacement porté par la combinaison dactyle/trochée ('acting as / 'pillars).

L'ensemble de ce dispositif a pour effet d'insister sur le caractère imprécis des éléments descriptifs (more or less like, thing, acting as), sans doute dû à l'obscurité : “in the dark”.

 

S'il fallait un exemple de ce qui différencie une bonne traduction d'une mauvaise, les choix respectifs de Geneviève Jackson (Hatier, 1987) et de Jacqueline Bardolph (Le Serpent à plumes, 2000) pour ces trois phrases sont un cas d'école :

Dans l'obscurité, les cases moutonnent. On dirait de grosses fourmilières. Faites de claies tressées, grossièrement chapeautées, elles émergent, portées par leurs grêles pilotis. [Jackson, p. 13]

Dans le noir, les huttes ressemblaient plus ou moins à des fourmilières, peut-être d'une taille excessive. Ces huttes étaient faites de claies, tissées pour former un objet comme une sorte de natte avec un couvercle dessus. Ces nattes d'osier étaient posées sur des bâtons qui servaient de piliers. [Bardolph, p. 23]

Bien entendu, la traduction de Geneviève Jackson est exécrable ne serait-ce que parce qu'elle ne respecte ni le temps du récit (que vient faire là ce présent ?) ni le point de vue (d'où sort ce “On” ?) ni le lexique descriptif (“moutonnent” ???), et, même dans un contexte scolaire, elle aurait une mauvaise note. Toutefois, ce qui est le plus faux, c'est la manière dont la prosodie de la description est totalement évacuée, effacée, remplacée par autre chose. Jacqueline Bardolph traduit véritablement Farah car, en suivant rigoureusement la structure syntaxique et métrique des phrases, elle donne à entendre un texte de même teneur. Quand plusieurs solutions sont possibles, elle choisit en fonction du rythme (in the dark → dans le noir, par exemple).

 

 (Je n'ai rien dit de weaved, car il m'embarrasse. — J'avais d'abord songé que la forme faible pouvait être un américanisme, mais, à en croire l'OED, ce serait plutôt un archaïsme : on trouve cette alternative à la forme forte woven, désormais seule courante, jusqu'au début du 19e siècle.)

 

Odeurs

Le bref et très beau récit que Christian Garcin a publié dans la collection Les Flohic, Une odeur de sexe et de jasmin mêlés, met l’accent sur un sens tout à fait prédominant dans son œuvre. Je reparlerai ultérieurement de ce récit, mais l’initiation du jeune homme obsédé par une odeur de femme à tout ce qui constitue fondamentalement cette odeur montre combien le texte cherche aussi à faire glisser les formes visuelles (encres et peintures chinoises des pages de gauche) dans l’univers plus complexe où les sens se combinent.

Itinéraire chinois s’ouvre sur une belle évocation des multiples odeurs des maisons d’alpages (page 10), manière d’ouvrir le bal avant les étapes chinoises : « C’est entendu, partout en Chine, le premier sens convoqué, investi, assiégé, c’est l’odorat. » (L’Escampette, 2001, p. 30, italiques ajoutés). Dans le chapitre consacré à l’Inde et à l’absence d’espace privé, Garcin établit un lien entre « le flou des frontières » et « la sensation d’un amas irrespirable » (p. 86).

Aussi n’est-il pas surprenant de lire, en ouverture du dernier chapitre, juste après une évocation de l’odeur mêlée de beurre rance, de viande fumée et de merde : « Je fermai les yeux. Ça sentait plutôt bon. » (p. 101) — Peut-être faut-il fermer les yeux, parfois au moins, pour mieux apprécier une musique, voire pour distinguer la provenance d’un son… Pour les odeurs, c’est évident. (Mes fils se moquent de moi quand je goûte le vin au restaurant : je ferme toujours les yeux pour le humer, pas pour le goûter. Il m’aura fallu mes fils pour que je prenne conscience que j’étais ridicule (mais je n’ai pas changé mon habitude) et ce texte superbe pour comprendre qu’un bouquet d’odeurs ne s’apprécie que yeux fermés.)

Il n’est pas surprenant non plus, de trouver à la même page du deuxième lexique publié par Garcin, Pris aux mots (L’Escampette, 2006), page 65 donc, œuvre encadrée par odeur et oignon. Je reproduis deux citations données par Garcin pour ces deux entrées :

« Un tas de fumier a parfois de loin l’odeur du musc, et un chien crevé celle des fleurs de sureau. » (Coleridge)

« Isaac Babel disait de son existence qu’elle sentait “l’oignon et la destinée juive”. »

 

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De la première, je n’ai pas trouvé trace directement chez Coleridge, mais la citation lui est effectivement abondamment prêtée, notamment par A.P. Russell en 1882, dans ses Library Notes : A dung-hill at a distance, said Coleridge, sometimes smells like musk, and a dead dog like elder-flowers.

Pour la seconde, n’ayant pas beaucoup pratiqué Babel et n’ayant pas la moindre notion de russe, il m’est difficile de trouver mon chemin, mais j’ai tout de même glané ceci sur le Web :

Reading The Complete Works of Isaac Babel is an experience at once horrifying and exhilarating. This large volume is a history of the Russian Revolution and its aftermath, and a monument to the dead and the living. It is full of energy and poetry and slaughter. It smells of war and horses, of onions and herrings, of hunger and blood. It is also a testimony to the stubborn survival of literature. (Margaret Drabble, en 2002 dans le Guardian) 

Et mieux encore, ceci, à propos d’une nouvelle inachevée, ‘La Juive’, sous la plume de Carol J. Avins, dans le recueil d’articles rassemblés par Gregory Freydin The Enigma of Isaac Babel (2009) :

garlic.jpg

(capture d’écran de la page 96 à partir de Google Books)

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dimanche, 10 janvier 2016

Cokaïne

IMG_20160110_135219.jpgJe viens de passer un noir week-end pluvieux à écluser des centaines et des centaines de copies de 1ère année. Outre la petite centaine qui restera à corriger (L3 principalement), je dois recevoir, lundi et jeudi, presque tous les étudiants australiens et coréens dont je supervise les études ici, avant de faire le guignol, comme chaque année, vendredi et même samedi matin, au Salon des Lycéens (qui ne s’appelle plus comme ça, dont le nom change tous les ans… de sorte que métonymiquement tout le monde finit par dire “à Rochepinard”, ce qui, avouez-le, est d’une classe absolue).

Il faut donc, tout de même, que je tente d’écrire un texte un peu plus élaboré, qui enfonce un coin dans le retard accumulé et permette de sortir du week-end la tête un peu rafraîchie — certes, il y eut Coggle, rugby, trois épisodes de Rome et diverses fariboles… mais les monceaux de TP à corriger resteront la note dominante, comme la houille de Hard Times.

samedi, 09 janvier 2016

[ sur le trottoir mouillé ]

passe sur le trottoir mouillé

la bombasse du samedi

& dans mon crâne ce taudis

pousse en douceur un clou rouillé

 

la statuette mumuye

pour narguer ce salmigondis

offre ses angles arrondis

de quels mots suis-je barbouillé

 

le mouvement souple et gracieux

de ses oreilles&cheveux

libère en écho à la lampe

 

la senteur âpre du regard

comme le pavé que détrempe

en vain mon matage ringard

.

 

vendredi, 08 janvier 2016

“je pue du Waterman”

Comme pour 16 en 16, j’ai plusieurs fois failli commencer.

(Où ai-je lu cette phrase sur ceux qui croient être écrivains parce qu’ils ne cessent de dire qu’ils pourraient écrire, alors que les vrais écrivains sont simplement ceux qui s’y mettent ?)

 

Avec les bonnes résolutions, et avec la nouvelle année, vient le temps de nouveaux chantiers. 2016, année Ferré bien qu’on ne puisse pas dire que la présence du diable ait beaucoup occupé les médias*, est donc l’occasion, pour moi, de nouvelles élucubrations.

Après avoir songé à commencer, samedi dernier ou lundi, autrement, je vais donc partir de Poète, vos papiers ! En écoutant une énième fois la chanson ce matin, sur la route du turbin, je me suis aperçu que ce qui la rend totalement singulière (et qu’il faudrait creuser plus généralement pour la diction de Ferré), c’est que les couplets sont écrits en alexandrins parfaits dont la perfection est systématiquement déstructurée et reconfigurée (disloquée) par le chant, et que l’avant-refrain, en revanche, impose des octosyllabes sans césure ni pause (les seules variations étant sur le ton ou la hauteur de certaines syllabes). Dans le chant même, Ferré profère un texte qui n’est plus du tout celui qu’il avait écrit ; peut-être est-ce cette tension que viennent commenter, ironiquement, les répons des cuivres aux longs aplats des cordes accompagnées des bois.

Pas le temps de peaufiner ici, mais l’art poétique que développe Ferré dans le texte repose, comme toujours, sur le triple héritage Baudelaire-Verlaine-Rimbaud, avec une torsion contemporaine qui vient de l’argot et de Dada (faire rimer le bifteck avec les engelures). La performance orale permet d’ajouter un élément d’ambiguïté phonique : seins/saints, rock/rauque, “cons dits modernes” / “qu’on dit modernes”.

 

 

* Est-ce le désir de ne pas commémorer l’“anarchiste” ? À moins qu’il n’ait, lui, donné d’explicites instructions en ce sens, je ne sache pas que la peur de commémorer ait jamais saisi la presse, les maisons de disques ou les institutions culturelles. Moi, mes raisons sont autres : 2016 est une année qui en vaut d’autres pour essayer de préciser, pour moi, ce que me représente Ferré. Par ailleurs, ma fixette sur les nombres n’a pu manquer de me faire remarquer que Ferré est né le 24 août et que 24 x 8 = 192 (24 octosyllabes, mais tout aussi bien 16 alexandrins) = 2016 divisé par 10 et demi. (Si ç’avait été 8 ½ j’aurais pu croiser ça même avec Fellini.)

jeudi, 07 janvier 2016

De plusieurs oraisons funèbres en distiques

BOULEZ (6 janvier)

Musique que des joints avec vous vous roulez
A mouru -- mais qui donc ?? dit Fleur... -- Pierre Boulez.

Moins mieux à l'esgourde qu'un claquage à la cuisse
Hugo m'est forcé d'écoute "Messagesquisse".

Hugo m'est mandé pourquoi que je l'envoie paître
Remplacir Loiret-Cher par le Marteau sans maître.

 

WOLINSKY (5 janvier — mort le 7 janvier 2015, on n'oublie pas)

Golri-je Luc Alphant m'est dit il vole un sky
Si qu'Hidalgo gourée est écrit Wolinsky.

 

GALABRU (4 janvier)

On a rasoir l'an mil au lac de Paladru
Mais bien übergavé la mort de Galabru.

Question que Saint-Tropez Lefèvre et Galabru
J'a demandé “daughter-in-law”. Hugo : « La bru. »

Golri-je Galabru que Hugo s'entêtait
Homme que pas des glaçons souvent il tétait.

On a dur, ç'a bien vrai, mais aussi on a dru
Le froid hivernal qui la mort de Galabru.

Bicoze golri-je, Hugo ne me pas cru
Je Franck qui l'annonce la mort de Galabru.

Hors du charnier natal comme qu'un vol de gru
Au paradis que s'a envolé Galabru.

Deux mil sept qu'étudiants luttont la LRU ;
Deux mil seize Michel a mort, et Galabru.

Rhywun sydd yn cymryd : ç'a Wiki de Cymru.
Et j'a inconsolable trépas Galabru.

Hors du natal charognier qu'un vol jabirus
Tel qu'avoir uniques les décès galabrus.

 

DELPECH (3 janvier)

Nécro que j'aime bien rimir avec varech
J'ai très embarrassé s'il est mouru Delpech.

* * * * * * * * * *

Pénible-je demandé rime avec Delpech
Si Hugo lui golri m'est dit “dans ton daech”.

Tout comme que Haddock s'énervut de Tryphon
Ma chanson préférée ç'a le sirop typhon.

 
LEMMY MACHINTRUK (29 décembre)

On a rigor mortis le bassiste tout raide
Si qu'il a mouru le chanteur de Mötörhead.

 

mercredi, 06 janvier 2016

Vie & mort.

Tu chopes le tétanos,

On te charcute au scalpel.

Un bébé rhinocéros

Est né à Planckendael.

 

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Très souvent, sous la lune,

Je laissais aller mes pensées.

Gilberte l'ourse brune

Vient de mourir d'un AVC.

 

Du tout filaire (12.09.2014)

Voici l'occasion idéale de publier ici un distique du 12 septembre 2014 resté inédit dans les limbes facebookiens, et qu'il faudrait, pour expliquer pleinement, annoter abondamment. Qu'il suffise de dire que, tout comme Renaud Camus affirmait que la vérité de Xenakis résidait dans la vulgarité de sa femme, de même l'ineptie et l'impéritie du frère et de la belle-sœur de Boulez m'ont quelque peu gâché sa musique (et surtout ses écrits)...

 

On a über dégueu la bibliothèque erre

Où la mère Boulez se faisit en filaire.

 

Tramway filant dans la bourbe du ciel

Décidément, ça ne va jamais où je veux. Depuis plusieurs jours, je songe à (prépare) trois nouveaux projets d’écriture, l’Atlas, 16 en 16, et une série de textes autour du centenaire de Léo Ferré : j’ai déjà quelques idées, diffuses voire confuses, mais n’ai pas encore écrit la moindre ligne.

Et au bilan me voici ferré (requis) par autre chose, le projet Larcins.

Ce matin, dans le tramway, entre Marne et Mi-Côte, je poursuivais la lecture de L’autre monde de Christian Garcin. Ce n’est pas que le livre soit impossible à résumer, moins encore à recenser — seulement, là n’est pas le projet, voilà tout. Entre Christ-Roi et Tranchée, mon attention a dérivé vers l’écran du smartphone de ma voisine, une adolescente noire aux beaux cheveux tressés, qui passait à toute vitesse sur des quantités de photos sur Instagram : Kardashian, Nabilla, ce genre-là. Tout aussi vite qu’elle les faisait défiler, elle ornait certaines de ces photographies d’un cœur (l’équivalent, je crois comprendre, du “like” sur Facebook). Outre que tout ce que j’entrevis était d’une laideur désolante, cela m’a poussé à regarder plus en détail autour de moi : presque toutes et tous sur leur smartphone, comme cela m’arrive très souvent, à moi aussi, dans le tramway. Plus loin, à l’arrêt Place Choiseul, pareil : devantures mortes sous leurs néons… et pianoteurs isolés, voire en groupes… Étais-je différent, plongé dans mon mince Verdier ?

En ville, il m’a paru, tandis que je contemplais, du tramway filant sur le pont Wilson, la Loire (je fais toujours ça – m’interdis de faire autre chose que de contempler la Loire, le ciel au-dessus de la Loire, les piétons et les cyclistes sur le pont), qu’en ville l’autre monde était celui des citadins qui continuent de regarder autour d’eux, c’est-à-dire aussi de regarder les autres citadins. Je veux dire, les regarder vraiment – pas pour mater ou médire. Prêter attention. Cet autre monde est de plus en plus enfoncé dans la part ténébreuse des existences, dans l’ensauvagement, alors qu’il est seul porteur de lumière ou de civilité. Chamois prêt à s’ensanglanter dans la brume noire. L’eau de la Loire semblait, elle-même, brune, à son actuel étiage bas. Eau brune ou de boue, et non noire ; il faut résister aussi, parfois, à la rime.

Place Anatole-France, j’ai croisé, après être descendu du tram, une jeune fille plus grande que moi. Ce n’est pas souvent : pour que quelqu’un me paraisse évidemment plus grand que moi, il faut qu’il fasse un bon mètre quatre-vingt-dix. Ce matin, rebroussant chemin vers la rue Nationale pour aller acheter mon Charlie Hebdo, j’ai pu vérifier une règle presque intangible : les filles plus grandes que moi sont très souvent en mini-jupe, et elles pourraient passer, à l’aise, leurs deux jambes dans un seul fuseau de mon futal. Cette jeune fille ne pianotait pas sur son smartphone et semblait pressée ; malgré la brièveté de la “rencontre” (trois secondes ?), j’ai eu le temps de trouver à son visage un air à la fois dur et mélancolique. Je doute que ce soit une projection personnelle : ce mélange me semble très insolite.

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mardi, 05 janvier 2016

La boucloucle va boucler

Un moment comme tant d'autres.

Ce matin, dans le tramway, je lis la très belle nouvelle de Christian Garcin, “Les muets” (dans La neige gelée ne permettait que de tout petits pas). J'ai décidé de découvrir Christian Garcin suite à une vidéo enthousiaste de François Bon. Presque simultanément, notre ami lillois — à qui nous avons rendu visite début mai — nous envoie ses vœux électroniques. Or, la nouvelle se passe à Lille, se nourrit de la ville.

Plus tard, je lis, sur Facebook, la belle chronique d'André Markowicz sur la neige tombée dans la nuit du 3 janvier à  Petersbourg. Comme cela me fait penser au célèbre “Souvenir de la nuit du 4”, je cherche, comme ça, au hasard, une traduction anglaise.

Après avoir trouvé une paraphrase d'une étonnante platitude, je trouve, sur Wikisource, une magnifique traduction. Elle est de Toru Dutt... Toru Dutt, je la connais, sous un autre versant, grâce au travail de Chandani Lokugé, autre écrivaine que j'ai pu côtoyer — comme André Markowicz et François Bon — lors de son séjour de travail à l'université de Tours.

 

lundi, 04 janvier 2016

Quatrain pour Galabru

sur le principe des quatrains conversationnels

 

D'un tsar ou d'un czar on n'a lu

Très souvent qu'un modeste oukase.

Je me souviens d'avoir vu

Galabru dans Kamikaze.

 

coup de fil du sale con

Premier madrigal métonique vénéral *

tanneurs                       pris

par la

glace du soleil              l’un

dira                              rien

pour                             tout

comment arpenter        la

foule intense                par

trois degrés et de          mi

coup de fil                    du

sale con                        sur

le trottoir de                 vant

(salut beatnik ! je         me

fends la nèfle !)           ma

vitre où s’extasie          un

soupçon poussiéreux      brume

toile d’araignée            lune

en demi-teinte               arc

de triomphe du           sale

con lippe haineuse      arque

 

 

ma vitre où tape en arc l’un salut comme arpent fend la mine conte un triomphe

 

* Forme adaptée le 18.12.2015 en amphi 5. Premier madrigal écrit ce matin lundi 4 janvier 2015 bureau 38.

dimanche, 03 janvier 2016

Vers ribéryens des 3 premiers jours de 2016

Golri-je très beaucoup l'année 2016

Bisexuelle rimut très beaucoup avec baise

— Même qu'Hugo m'est dit rimut avec ascèse.

Tristiques ribéryens

(Oui, ça s'appelle des triolets ou des tercets, mais Ribergal appelle ça des tristiques.)

 

 

On a bien sirupeux Bardot et la Madrague

Plage qui n'a pas infestu de pastenagues.

 

▓▒░▓▓▒░▓▓▒░▓

 

Nécro que j'aime bien rimir avec varech

J'ai très embarrassé s'il est mouru Delpech.

* * * * * * * * * *

Pénible-je demandé rime avec Delpech

Si Hugo lui golri m'est dit “dans ton daech”.

* * * * * * * * * *

Tout comme que Haddock s'énervut de Tryphon

Ma chanson préférée ç'a le sirop typhon.

 

samedi, 02 janvier 2016

::: ni raison ni rime ::::

vous n'avez rime ni raison

propos montés en fatrasie

en neige comme en poésie

vous n'avez rime ni raison

 

le goulot n'est pas la trémie

vous en compterez le poison

grain qui grouille & tombe à foison

de l'appétit à l'anémie

le goulot n'est pas la trémie

 

voici donc la lobotomie

entre la raison et la rime

 

de l'assassinat à son crime

la frime au point de la cuisson

n'est pas le trot du hérisson

 

vendredi, 01 janvier 2016

“tu mettrais le monde”

tu mettrais le monde sous braise

& l'univers tu le mettrais

dans la ruelle des attraits

à se figer en catachrèse

 

tu caches ce que tu voudrais

trahir par nulle autre foutaise

ce qu'on sait faut-il qu'on le taise

garde-moi de la cendre au frais

 

déjà le feu trace d'un geste

l'amertume fixée au zeste

et au zénith il semblerait

 

tu plongerais dans le nadir

un monde de foudre et de craie

& sous la trompe du tapir

 

une année bis vient ramener sa fraise